• Aucun résultat trouvé

Criblage des ligands dans un capillaire de 150µm ID

Energie interfaciale (mJ.m -2 )

Chapitre 2. Co-cristallisation avec des ligands

2.2. Criblage des ligands dans un capillaire de 150µm ID

Le couplage d’une jonction en croix et d’une jonction en té, développé pour optimiser les conditions de cristallisation, peut également être appliqué au criblage des ligands d’une protéine-cible. Dans ce cas, le flux de solution ajouté dans les gouttes grâce à la jonction en té serait un (ou plusieurs) ligand(s).

2.2.1. Remplissage d’un capillaire avec des solutions différentes

Afin de limiter la quantité de solution nécessaire pour générer les gouttes, au lieu de remplir directement une seringue avec ladite solution, il est possible de remplir une seringue et un capillaire d’huile, puis d’aspirer dans ce capillaire la solution d’intérêt (§ B.1.1.3). Ce système peut être appliqué au criblage de ligands. Il suffit en effet d’aspirer successivement des solutions différentes dans un même capillaire, les solutions étant séparées les unes des autres par une longueur d’huile pour éviter qu’elles ne se mélangent (Figure 123) puis de les injecter successivement dans les gouttes avec la jonction en té. Pour cela nous nous sommes inspirés des travaux effectués dans l’équipe de R.F. Ismagilov (Li et al., 2006).

Figure 123 : (a) Remplissage d’un capillaire avec des solutions différentes. Le capillaire est d’abord rempli d’huile (vert), puis la première solution (rouge) est aspirée dans le capillaire.

De l’huile est ensuite aspirée de façon à séparer les solutions, puis la seconde solution est aspirée, puis de nouveau de l’huile et ainsi de suite. (b) Photographie d’un capillaire (FEP, 1,59mm OD, 150µm ID) contenant successivement un colorant rouge, jaune, puis de nouveau rouge, séparés par de l’huile FC-70.

2.2.2. Ajout de différentes solutions aqueuses dans les gouttes

Dans un premier temps, les différentes solutions aspirées dans le capillaire sont des colorants, de façon à faciliter l’observation des gouttes pour valider le concept. Des colorants rouge, jaune et de nouveau rouge sont donc aspirés successivement dans un

138

capillaire et séparés les uns des autres par une longueur d’huile (Figure 123b). Puis des gouttes d’eau sont générées dans une jonction croix. Le capillaire contenant les différentes solutions à ajouter dans les gouttes d’eau est connecté à une jonction en té, branchée après la jonction en croix, comme illustré sur la Figure 124.

Figure 124 : Montage utilisé pour ajouter successivement des solutions différentes dans les gouttes à l’aide d’une jonction en té.

En sortie de croix, les gouttes ne contiennent que de l’eau et sont donc transparentes. Des photographies des gouttes obtenues en sortie de té sont présentées dans la Figure 125. Les gouttes sont successivement transparentes (Figure 125a), rouges (Figure 125b), transparentes (Figure 125c), jaunes (Figure 125d), de nouveau transparentes (Figure 125e) et enfin rouges (Figure 125f). Ainsi, les différentes solutions et l’huile contenues dans le capillaire sont injectées successivement dans les gouttes générées dans la croix sans se mélanger les unes aux autres.

Figure 125 : Gouttes obtenues en sortie de té, d’après le montage de la Figure 124. Les débits utilisés sont : 130µL/h pour le FC-70, 60µL/h pour l’eau (2 fois 30µL/h), et 20µL/h pour la troisième phase aqueuse.

La taille des gouttes obtenues pour chaque palier (Figure 125a à f) est ensuite mesurée et représentée sur la Figure 126. Les gouttes qui ne contiennent pas de colorant, c’est-à-dire celles qui sont passées dans le té au moment où de l’huile était injectée, ont des tailles très irrégulières, avec un écart type très important. Les gouttes semblent donc déstabilisées lors de l’ajout d’huile et peuvent coalescer. En revanche, les gouttes dans lesquels du colorant a été ajouté sont assez régulières en taille, elles mesurent environ 400μm, soit un volume d’environ 6nL (pour des goutte initiales d’environ 3nL en sortie de croix). De plus, dans le cas d’ajout de solutions non colorées, le changement de fréquence

139

des gouttes liées à l’ajout d’huile facilite l’identification des différents paliers dans le capillaire de sortie. Il est donc possible d’ajouter différentes solutions aqueuses successivement dans les gouttes après leur génération à l’aide d’une jonction en té.

Figure 126 : Taille moyenne des gouttes obtenues en sortie de té pour chaque zone de remplissage du capillaire. La lettre entre parenthèses renvoie à la photographie correspondante sur la Figure 125. La barre noire en pointillés représente la taille moyenne des gouttes dans lesquelles un colorant a été ajouté (environ 400µm), la barre pleine noire représente la taille moyenne des gouttes primaires en sortie de croix (environ 200µm). La barre d’erreur correspond à l’écart type de la mesure.

2.2.3. Ajout de solvants dans les gouttes d’eau

Les ligands des protéines sont le plus souvent insolubles dans l’eau. Dans ce cas, ce ne sont donc pas des solutions aqueuses qui doivent être ajoutées dans la jonction en té, mais des solvants organiques. Pour cette étude, les solvants organiques les plus couramment utilisés pour solubiliser les ligands étudiés sont, soit l’éthanol, le méthanol, le DMSO (Diméthylsulfoxyde) et le DMF (N,N-Diméthylformamide). Ces solvants organiques sont tous miscibles avec des solutions aqueuses. Afin de faciliter l’observation du mélange dans les gouttes, un colorant rouge est ajouté dans les solvants organiques (1%). Chaque solvant est ajouté sans ligand dans la jonction en té, comme illustré dans la Figure 127.

Figure 127 : Montage utilisé pour ajouter un solvant organique dans des gouttes d’eau.

140

A la sortie du té, les gouttes contenant de l’eau et du solvant organique sont régulières, ces solvants sont donc ajoutés de façon homogène dans les gouttes. Cependant, dès que les gouttes ont parcouru quelques centimètres dans le capillaire de sortie, elles coalescent très vite, et ce quels que soient les débits utilisés et la fréquence des gouttes formées dans la croix.

Cette perturbation des gouttes est probablement liée à l’énergie interfaciale. En effet, l’énergie interfaciale de l’eau dans l’huile FC-70 est beaucoup plus élevée que celle des solvants organiques étudiés dans cette même huile (Tableau 5).

Eau DMSO DMF Méthanol Ethanol

Energie interfaciale dans le FC-70

(mJ.m-2)

48,40 ± 0,51 18,14 ± 0,06 14,46 ± 0,05 9,81 ± 0,10 7,83 ± 0,02

Tableau 5 : Energie interfaciale des différents solvants utilisés dans le FC-70.

L’ajout du solvant dans les gouttes crée dans un premier temps un gradient d’énergie interfaciale entre les zones riches en solvant et les zones riches en eau (avant que la goutte ne soit homogène). Cette variation de l’énergie interfaciale peut conduire à un écoulement de Marangoni, induisant une perturbation du mouvement des gouttes, comme cela a été montré dans le cas de l’ajout d’un tensioactif (Baroud et al., 2010). Cela peut provoquer la coalescence des gouttes. D’autre part, une fois que la goutte est homogène (après le mélange), son énergie interfaciale est plus faible qu’avant l’ajout du solvant. Les gouttes ont alors tendance à mouiller la paroi du capillaire, ce favorise leur coalescence. Il est donc difficile d’ajouter l’un de ces solvants organiques à l’état pur dans les gouttes d’eau précédemment formées, sans perturber l’écoulement des gouttes.

Il faudrait alors réduire les effets liés au changement d’énergie interfaciale lors du mélange afin de stabiliser les gouttes et d’éviter leur coalescence. Pour cela, au lieu d’ajouter un solvant pur, c’est un mélange solvant/eau qui est injecté dans la jonction en té.

Pour chaque solvant, différentes proportions d’eau ont été testées. L’énergie interfaciale avec l’huile FC-70 est mesurée pour chaque mélange à l’aide de la méthode de la goutte pendante (§ B.3.1). La stabilité des gouttes dans le capillaire en sortie de la jonction en té est ensuite étudiée. Les résultats sont rassemblés dans la Figure 128.

141

Figure 128 : Energie interfaciale entre les mélanges eau/solvant et huile FC-70, en fonction du pourcentage d’eau dans les solvants organiques. Les solvants testés sont l’éthanol (ronds violets), le méthanol (triangles verts), le DMF (carrés rouges) et le DMSO (losanges bleus). Les symboles vides correspondent aux conditions pour lesquelles les gouttes coalescent rapidement dans le capillaire, et les symboles pleins aux conditions pour lesquelles les gouttes formées sont stables dans le capillaire.

Pour les quatre solvants testés, l’ajout d’eau dans la solution injectée dans le té permet de générer des gouttes stables dans le capillaire. Cependant, la proportion d’eau nécessaire à cette stabilisation est différente en fonction de la nature du solvant. Pour le DMSO et le DMF, seuls 10% d’eau sont nécessaires à la stabilisation des gouttes, contre 30%

d’eau pour le méthanol et 50% d’eau pour l’éthanol.

Pour tous les solvants, la valeur de l’énergie interfaciale à partir de laquelle les gouttes sont stables dans le capillaire est dans la gamme de 15-20mJ.m-2. Cette valeur semble correspondre à une énergie interfaciale limite, en dessous de laquelle les gouttes ne sont pas stables dans le capillaire. Cette valeur d’énergie interfaciale est proche de l’énergie de surface critique du Téflon, 18mJ.m-2 (Sharma and Hanumantha Rao, 2002), mesurée par la méthode de Zisman (Shafrin and Zisman, 1964). Cette énergie de surface critique d’une surface solide donne la valeur d’énergie interfaciale maximale que doit avoir un liquide pour mouiller la surface. Comme la surface du FEP ressemble à celle du Téflon, ceci confirme que les gouttes deviennent instables et ont tendance à coalescer lorsqu’elles mouillent la paroi du capillaire en FEP.

Par conséquent, dans ce montage microfluidique en FEP, la phase dispersée doit présenter une énergie interfaciale avec la phase continue de 15-20mJ.m-2, par exemple par ajout d’eau, pour éviter que les gouttes ne coalescent.

142