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La correspondance et le problème irrésolu de la conception de la matièrematière

Du Châtelet : une articulation du monadisme et de l'atomisme

I. La correspondance et le problème irrésolu de la conception de la matièrematière

L'Avant-Propos des Institutions de physique défend vigoureusement le recours à la métaphysique, en vertu de ce que, si « plusieurs vérités de Physique, de Métaphysique, et de Géométrie sont évidemment liées entre elles », c'est bien la deuxième qui constitue « le faîte de l'édifice. »15 Mouvante, la métaphore architecturale fait tantôt de la métaphysique le sommet du bâtiment de la connaissance, tantôt la base. En effet, si la métaphysique intervient dans les Institutions, c'est au titre qu'elle permet de fonder la physique. Typiquement, il s'agira par exemple de traiter l'attraction telle qu'elle est décrite par Newton, non comme une propriété essentielle de la matière, mais comme le résultat d'un jeu mécanique d'impulsions.16 L'attraction se trouve donc fondée au sens où elle devient un phénomène explicable par des causes mécaniques relevant d’une physique de l’impulsion, et non plus le résultat d'une action

14 Institutions de physique, Chez Prault fils, 1740. [dans la suite : IP, page] p.12-13. À noter qu’une deuxième édition des Institutions est parue en 1742, dont le texte est parfois modifié. Cf Institutions physiques, Nouvelle édition, corrigée et augmentée, considérablement par l’Auteur, deux tomes, Amsterdam, Aux dépens de la compagnie, 1742. Nous citons la première édition, d’une part parce qu’elle permet de statuer sur les évolutions de la pensée de Du Châtelet entre 1738 et 1740 et, d’autre part, parce que c’est suite à la parution de cette première édition qu’éclate la polémique avec Dortous de Mairan à propos de l’estimation des forces vives.

15 Ibid, p.14

16 Voir le chapitre XVI, « De l'attraction newtonienne ».

à distance des corps les uns sur les autres, que Du Châtelet assimile à une causalité occulte.

Certes, Du Châtelet annonce dès les premières pages que le principe de raison suffisante permet cette fondation. Il semble donc que le recours à la métaphysique leibnizienne soit avant tout motivé par l'ambition d'appliquer systématiquement ledit principe. Cependant, il faut bien avouer qu'en l'état, la raison même de l'adoption du principe de raison n'est pas explicitée. On pourrait toujours demander ce qui justifie de recourir aux métaphysiques de Leibniz et de Wolff. Tout se passe en effet comme si Leibniz et Wolff passaient pour les seuls représentants légitimes de toute démarche métaphysique, sans que soit mis au clair par Du Châtelet ce qui fait de la demande de raison suffisante le principe central de cette science. La correspondance contemporaine à la parution des Institutions de physique n'est pas plus claire sur ce point :

« [parlant de son fils, à qui est adressé le texte des Institutions] (…) voulant lui apprendre les éléments de la physique, j'ai été obligée d'en composer une, n'y ayant point en français de physique complète, ni qui soit à la portée de son âge. Mais comme je suis persuadée que la physique ne peut se passer de la métaphysique, sur laquelle elle est fondée, j'ai voulu lui donner une idée de la métaphysique de M. de Leibniz, que j'avoue être la seule qui m'ait satisfaite, quoi qu'il me reste encore bien des doutes. »17

On retrouve ici l'idée d'une fondation de la physique sur la métaphysique, et la nécessité d'un recours à la métaphysique leibnizienne, mais non l'explication de ce qui satisfait Du Châtelet dans celle-ci. En l'état, reste donc en suspens le motif principal de l'adoption du principe de raison suffisante. Le propos est semble-t-il allusif lorsqu'il s'agit de justifier l'usage de Wolff et de Leibniz pour réaliser l'ambition d'une fondation de la physique.

Les commentateur.ices ont en conséquence parfois préféré faire l'histoire de la familiarisation de Du Châtelet avec les textes leibniziens et wolffiens, en s’interrogeant moins sur la raison que sur le moment de l'adoption d’une métaphysique issue de la tradition leibnizienne.18 Or, une telle démarche est incapable de rendre compte d'un point de vue philosophique de l'intérêt porté par Du Châtelet à ce type précis de métaphysique. Il s'agirait donc de savoir pourquoi Leibniz, via Wolff, et pas un autre, représente dans les Institutions de physique le meilleur moyen d'opérer la fondation de la physique moderne. L'étude de la correspondance des années qui précèdent la parution des Institutions permet alors d'identifier précisément la différence produite par l'adoption d'une métaphysique des êtres simples.

Celle-17 Lettre du 25 avril Celle-1740, p.576-577.

18 Cette démarche historiciste est typique du travail de W. H. Barber, « Mme Du Châtelet and Leibnizianism : the genesis of the Institutions de physique », dans Émilie Du Châtelet: rewriting Entlithenment philosophy and science [SVEC 2006: 01], 5-23.

ci permet de résoudre la contradiction, posée dans la correspondance, entre l'adoption d'une physique des forces, d'un côté, et une conception de la matière qui repose sur un postulat atomiste, de l'autre. Ainsi, si les Institutions de physique recourent au corpus wolffien, c'est parce que la familiarisation avec la dynamique, dans les années 1737-1739, entraîne la nécessité de s'interroger sur le concept même de matière. C'est à l'émergence et à la reconstruction de ce problème que nous nous consacrerons désormais.

Familiarisation avec la dynamique leibnizienne

Comme remarqué dans la littérature secondaire, Du Châtelet adopte la formule leibnizienne pour l'estimation de la force vive avant toute considération métaphysique.19 La question consiste alors à demander si l'adoption de la mesure de la force par mv² et des principaux concepts de la dynamique leibnizienne (principalement les distinctions entre force primitive et dérivative, morte et vive) conduisent, ou non, Du Châtelet à recourir à la métaphysique correspondante. La réponse à cette question nécessite cependant d'en passer préalablement par le relevé des textes grâce auxquels Du Châtelet se familiarise avec la dynamique de Leibniz.

C'est dans la correspondance avec Maupertuis que Du Châtelet cherche à préciser sa propre position dans le débat qui oppose cartésiens et leibniziens quant à l'estimation de la force :

« Permettez-moi de vous faire une question ; j'ai lu beaucoup de choses depuis peu sur les forces vives, je voudrais savoir si vous êtes pour M. de Mairan, ou pour M. de Bernoulli.

Je n'ai pas l'indiscrétion de vous demander sur cela tout ce que je voudrais savoir, mais seulement lequel des deux sentiments est le vôtre, le mien est de vous désirer et de vous aimer beaucoup. »20

En février 1738, Du Châtelet s'est donc déjà intéressée à la controverse.21 L'intérêt principal de ce passage consiste dans la mention explicite des textes qui servent à son information. La référence va d'abord à Dortous de Mairan, dont la Dissertation sur l'estimation et la mesure des forces motrices des corps (1728) défend la mesure cartésienne en proposant une méthode

19 Voir par exemple A-L Rey, qui cherche à « montrer comment Du Châtelet construit une philosophie naturelle originale en interrogeant et en discutant les conséquences métaphysiques de l’adhésion au principe de conservation », cf « La Minerve vient de faire sa physique. » dans Les nouveaux horizons du féminisme dans la philosophie francophone, 44, no.2, 2017, p. 237.

20 Lettre du 2 février 1738, p.329.

21 W. H. Barber fait l'hypothèse selon laquelle Voltaire familiarise Du Châtelet avec cette question dès 1736, en l'introduisant au mémoire de Mairan. Cf art. cité, p.10-11.

innovante, à savoir la réduction de tout mouvement retardé à un mouvement uniforme, et l’estimation de la force motrice d'un corps par les espaces non parcourus par celui-ci, mettant ainsi au centre, cette fois de manière plus classique, la notion de temps.22 Pour l’estimation leibnizienne, Du Châtelet s'informe via Johann Bernoulli, dont le Discours sur les lois de la communication du mouvement a été présenté par deux fois au concours organisé par l'Académie royale des sciences de Paris, en 1724 et 1726, avant de faire l'objet d'une édition indépendante en 1727.23 On peut donc dire que les premiers contacts de Du Châtelet avec la dynamique leibnizienne se font d'abord par la médiation des textes issus du débat porté par les concours de l'Académie royale des sciences de Paris, dans le milieu des années 1720. C'est avant tout une question de physique contemporaine qui pousse Du Châtelet à interroger Maupertuis sur sa propre position à l'intérieur d'une controverse balisée.

Toujours en février 1738, Du Châtelet lève le voile sur sa propre position, en précisant que, dès avant d'interroger Maupertuis, son opinion était forgée : « J'ai toujours pensé que la force d'un corps devait s'estimer par les obstacles qu'il dérangeait et non par le temps qu'il y employait. »24 En outre, Du Châtelet a déjà développé ses arguments critiques contre Dortous de Mairan.25 La nouveauté capitale de cette lettre, du point de vue de l'établissement des textes dont dispose Du Châtelet, réside dans la mention de Clarke :

« Le docteur Clarke, dont M. de Mairan a rapporté toutes les raisons dans son Mémoire, traite M. de Leibnitz avec autant de mépris sur la force des corps, que sur le plein et les monades. Mais il a grand tort, à mon gré, car un homme peut être dans l'erreur sur plusieurs chefs, et avoir raison dans le reste. M. de Leibniz, à la vérité, n'avait guère

22 Selon Costabel, cette double manière de traiter le problème (réduction du mouvement retardé à un mouvement uniforme et prise en compte du temps) procède d'une « confusion mentale ». art. cit. p.39.

23 Johann Bernoulli, Discours sur les lois de la communication du mouvement, qui a mérité les éloges de l'Académie royale des sciences aux années 1724 et 1726 et qui a concouru à l'occasion des prix distribués lesdites années, Chez Claude Jombert, Paris, 1727. Il est possible, quoiqu’on n’en dispose pas de preuve certaine, que Du Châtelet se soit procuré un exemplaire des commentaires produit par la classe de mathématique de l’Académie Impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg en 1726. Elle aurait pu s’intéresser tout particulièrement aux textes suivant : J. Hermanni, De mensura virium corporum ; G.

B. Bilfinger, De viribus moto insitis et illarum mensura ; N. Bernoulli, De motu corporum ex percussione ; D. Bernoulli, Examen principiorum mechanicae ; C. Wolff, De principia dynamica. Voir Commentarii Academiae Scientiarum Imperialis Petropolitanae, T. I, ad annum 1726, Petropoli, Typis academiae, 1728.

24 La dernière édition de la correspondance indique « vers le 1er mars 1738 », p.336-337.

25 « (…) la seconde [raison qui pousse à considérer la force d'un corps par les obstacles qu'il dérange], est la raison même que M. de Mairan apporte pour changer l'estimation de la force des corps, qui est le temps employé à la consumer ; car, s'il reste à un corps, qui a reçu 2 de vitesse, 3 de force à consumer, lorsque celui qui lui est égal en masse et qui n'a reçu que 1 de vitesse, a consumé toute la sienne, il est, ce me semble, démontré, par cela même qu'il lui reste 3 de force à consumer au bout du temps pendant lequel l'autre corps a consumé toute la sienne, qu'il avait trois fois plus de force que l'autre. » Idem.

raison que sur les forces vives, mais enfin, il les a découvertes, et c'est avoir deviné un des secrets du créateur. »26

La référence semble ici renvoyer à la correspondance entre Leibniz et Clarke, dans laquelle Clarke dénonce le postulat leibnizien d'une conservation de la force active, qu'il juge être une pétition de principe infondée.27 On voit donc que, si Du Châtelet se familiarise entre 1737 et 1738 avec la dynamique leibnizienne, elle n'accepte pas pour autant sa métaphysique.

Cependant, malgré la non adoption des thèses du plein et du monadisme, elle semble bien en connaître les grandes lignes à cette époque. Et pour cause : la correspondance avec Clarke s'engage sur le sens à donner au principe de raison suffisante et discute, d'un point de vue métaphysique, notamment les concepts d'espace et de temps. Ce n'est qu'à l'occasion de cette discussion qu'intervient, marginalement, la question de l’estimation des forces vives. Nous pouvons tirer deux conclusions à partir de cette remarque : 1/ en 1738, Du Châtelet connaît la correspondance entre Leibniz et Clarke.28 Il semblerait donc caricatural d'affirmer que la seule voie d'accès à la métaphysique leibnizienne soit, pour elle, l'œuvre de Christian Wolff.

Un travail de recomposition du corpus disponible pour Du Châtelet doit donc prendre en compte la diversité des voies par lesquelles celle-ci s'informe. 2/ C'est donc en connaissance de cause, c'est-à-dire en disposant d'une conception, même minimale, des grandes thèses de la philosophie de Leibniz, que sont affirmés à la fois l'adoption de l’estimation de la force par mv² et le refus de sa métaphysique. Le schéma d'un assentiment au monadisme immédiatement consécutif à la lecture des textes de Leibniz et de Wolff ne tient donc pas : il s'agit de s'interroger sur la raison pour laquelle des thèses métaphysiques déjà connues et rejetées sont ensuite reconsidérées et intégrées à la philosophie des Institutions de physique, c'est-à-dire qu'il s'agit de reconstruire le problème qui motive leur acceptation.

26 Lettre écrite vers le 1er Mars 1738, p.337.

27 « This is a bare assertion, without proof. Two bodies, void of elasticity, meeting together with equal contrary forces, both lose their motion. » GP, VII, 387. Bien sûr, si Du Châtelet peut juger la remarque de Clarke quelque peu facile, c'est que lui-même part du postulat, qu'il ne prend pas la peine de justifier, de la non-élasticité des deux corps. Nous verrons pourtant dans les pages qui suivent que l'expérience de pensée proposée par Clarke sera reprise dans les mêmes termes par Du Châtelet, pour discuter les implications du principe de conservation de la force.

28 La littérature secondaire ne s'accorde pas sur la date à laquelle Du Châtelet lit pour la première fois la correspondance. Selon, S. Hutton, elle en commande un exemplaire à son libraire en 1738 (« Between Newton and Leibniz : Émilie Du Châtelet and Samuel Clarke » , Émilie Du Châtelet between Leibniz and Newton, éd. R. Hagengruber, Springler, 2012, p.79.) Mais, R. Hagengruber affirme que Voltaire comme Du Châtelet sont familiers avec la correspondance dès 1734 (« Émilie Du Châtelet between Leibniz and Newton : The transformation of metaphysics » , Ibid., p.28.) Sur ce point, nous nous contenterons d'affirmer 1/ qu'elle possède un exemplaire du recueil publié par Des Maizeaux, où figure la correspondance entre Clarke et Leibniz, comme mentionné dans une lettre du 16 février 1739, et 2/

qu'elle a déjà lu et travaillé cette correspondance un an plus tôt, en février 1738.

Cependant, continuons pour lors de relever les références au corpus disponible pour Du Châtelet dans les années qui précèdent la parution des Institutions de physique. À la fin avril 1738, Du Châtelet affirme s'être renseignée, non plus sur la façon dont Johann Bernoulli défend la mesure de la force par la formule mv², mais sur l'origine de la distinction entre force et mouvement chez Leibniz :

« J'ai lu, depuis que je vous ai écrit, ce que M. de Leibnitz a donné dans les Acta eruditorum sur les forces vives, et j'y ai vu qu'il distinguait entre la quantité du mouvement et la quantité des forces, et alors j'ai trouvé mon compte, et j'ai vu que je n'étais qu'une bête, et que j'aurais bien dû ne point confondre deux choses très distinctes, en faisant les forces le produit de la masse par le carré des vitesses. »29

Du Châtelet remonte donc à la source du débat en se procurant et en travaillant les textes dans lesquels s'élabore la dynamique leibnizienne. La simple mention des Acta eruditorum ne nous donne pas d'indication sur les textes précis qu’elle a pu lire. Cependant, la distinction de la quantité de mouvement et de la quantité de force est opérée par Leibniz dans la Brevis demonstratio errori memorabilis cartesii, parue en 1686. Les Institutions de physique confirment que Du Châtelet connaît ce texte en citant explicitement, en note, les « Acta erud.

Année 1686 et suiv. »30 Reste que, dans la Brevis demonstratio, Leibniz démontre bien la nécessité d'amender la formule cartésienne en distinguant la quantité de mouvement et la quantité de force, mais ne recourt pas encore à la distinction entre force vive et force morte.

De deux choses l'une : soit Du Châtelet évoque le lexique de la force vive en raison de sa lecture du mémoire de Johann Bernoulli, qui, pour sa part, recourt au concept ; soit il faut interpréter le renvoi aux Acta eruditorum de l'année 1686 « et suiv. » comme une référence au Specimen dynamicum de 1695, qui distingue soigneusement—et pour la première fois publiquement—la force morte de la force vive. Or, nous avons vu précédemment, avec Wolff, à quel point ce texte, entre dynamique proprement dite et philosophie du mouvement, permettait d'opérer le passage entre des considérations strictement physiques afférentes à la manière de considérer la force, et des considérations métaphysiques portant sur la théorie de la substance. Si Du Châtelet a effectivement consulté le Specimen dynamicum, il est raisonnable de penser qu'elle y ait vu un point de passage entre la reconnaissance du principe de conservation de la force et la nécessité d'une interrogation sur les conséquences métaphysiques d'une telle acceptation. Cependant, nous ne tranchons pas et laissons à l'hypothèse son caractère conjectural. On se contentera de remarquer que Du Châtelet se

29 30 avril 1738, p.342.

30 IP, p.419-420.

familiarise d'abord avec la dynamique leibnizienne et que, même lorsqu'elle dispose de textes où sont élaborées plus en profondeur les thèses philosophiques de Leibniz, comme dans la correspondance avec Clarke, elle n'en retient que les rares extraits qui portent sur la notion de force vive, et sur la question de l'estimation de la force. Les problèmes concernant les lois du mouvement fonctionnent originellement comme une interrogation indépendante, dont l'acceptation ne nécessite pas, à première vue, l'ouverture du propos aux thèses monadiques de Leibniz. Reste donc à montrer comment les métaphysiques de Leibniz et de Wolff peuvent se faire une place dans les Institutions de physique, après l'acceptation d’un modèle physique dynamique.

Difficulté du détail et postulat atomiste

Dès le 30 avril 1738, Du Châtelet s'intéresse aux conséquences de l'acceptation des forces vives et de leur estimation par mv². En effet, cette dernière présuppose une conservation de la quantité de force dans l'univers, malgré une variation de la quantité de mouvement. Elle y voit dès lors une remise en cause de la liberté des agents capables d'impulser à partir d'eux-mêmes un mouvement dans le monde, car, « commencer le mouvement, n'est-ce pas produire dans la nature une force qui n'existait pas ? »31 La science physique ne constitue pas un domaine indépendant dont les propositions demeureraient sans conséquence sur d'autres types d'interrogations fondamentales. Du Châtelet traite en effet le principe de conservation de la force comme l'une des propositions d'un système à l'intérieur duquel doit aussi être prise en compte la liberté humaine. C'est pourquoi une conséquence de type métaphysique (l'impossibilité de penser la liberté) peut à ses yeux fournir une forte objection à l’estimation de la force par mv2, lorsqu'on montre leur incompatibilité.32

Cependant, dans l'ordre des conséquences métaphysiques, la correspondance avec Maupertuis s'intéresse par la suite de plus en plus à un autre problème, qui concerne, pour sa part, la manière dont la matière doit être conçue, une fois acquis le modèle dynamique. Or, plus Du Châtelet travaille, plus elle trouve de la difficulté dans le détail :

31 Citation complète : « Mais la seule chose qui m'embarrasse à présent, c'est la liberté ; car enfin je me crois libre, et je ne sais si cette quantité de forces toujours la même fans l'univers ne détruit point la liberté. Commencer le mouvement, n'est-ce pas produire dans la nature une force qui n'existait pas ? Or, si nous n'avons pas le pouvoir de commencer le mouvement, nous ne sommes point libres. » 30 avril

31 Citation complète : « Mais la seule chose qui m'embarrasse à présent, c'est la liberté ; car enfin je me crois libre, et je ne sais si cette quantité de forces toujours la même fans l'univers ne détruit point la liberté. Commencer le mouvement, n'est-ce pas produire dans la nature une force qui n'existait pas ? Or, si nous n'avons pas le pouvoir de commencer le mouvement, nous ne sommes point libres. » 30 avril