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Éléments de la matière et principe d'intelligence dans le Système de la natureSystème de la nature

Le modèle monadologique chez Maupertuis

II. Éléments de la matière et principe d'intelligence dans le Système de la natureSystème de la nature

Quoiqu'elle se caractérise avant tout par une démarche critique, la Vénus physique n'en permet pas moins de dégager, en creux, les éléments positifs qui doivent constituer une théorie acceptable de la génération. Car ce sont ceux à l'aune desquels sont évaluées les différentes alternatives. Maupertuis dispose donc de certains acquis : sera par exemple privilégié un modèle capable d'expliquer la génération selon le schéma d'une juxtaposition de

64 O, II, VP, p.132.

points vivants ; un modèle qui rendra compte de l'ordonnancement du corps ; enfin, cet ordonnancement devra être pensé selon les différentes propriétés des particules en jeu dans la formation du fœtus. Le Système de la nature satisfait l'ensemble de ces réquisits en adoptant un modèle, toujours conjectural, mais qui n'est plus présenté sur le mode interrogatif. Or, la théorie défendue par le Système a pu être présentée comme une « monadologie organiciste. »65 La première explication du recours à la philosophie leibnizienne est ainsi d'ordre conceptuel : c'est que cette dernière fournit un modèle plus à même de remplir les conditions supposées par une théorie épigénétique. Mais on doit ajouter à ceci des considérations relatives au contexte institutionnel. Nommé président de l'Académie royale des sciences de Berlin en 1746,66 Maupertuis entreprend, sur la demande de Frédéric II, la réforme de l'institution. Dans l'exercice de sa charge, il côtoie des wolffiens, au premier rang desquels König, avec qui il s'engagera quelques années plus tard dans une controverse à propos du principe de moindre action, et Formey, secrétaire perpétuel de l’Académie à partir de 1748. Plus significatif encore, il préside l'Académie lorsque celle-ci propose son fameux concours sur les monades, en 1747.67 Sa position à la présidence l'empêche certes de prendre part au débat, mais il a pu, à cette occasion, non seulement lire les dissertations des participants au concours, mais encore s'informer de la querelle extra-institutionnelle engagée par les wolffiens et leurs adversaires, via, par exemple, le texte anonyme publié par Euler avant même l'ouverture du concours, la riposte de Formey, ainsi que les multiples réponses éparpillées dans les différents journaux de l'époque.68 On ajoutera qu'en 1749 paraît le Traité des systèmes de Condillac, où celui-ci propose une exposition critique du système des monades, dont la littérature secondaire a montré l'importance aux yeux de Maupertuis.69 La période qui sépare la Vénus physique du Système de la nature passe donc pour être une période d'intense familiarisation, aussi bien avec la doctrine monadologique qu'avec la conception wolffienne de la matière.70

65 F. Duchesneau, La physiologie des Lumières, ouvrage cité, p.252.

66 Pour les éléments biographiques et les enjeux intellectuels de la vie de Maupertuis au sein de l'Académie berlinoise, voir M. Tyrall, ouvrage cité, 231-269 (huitième chapitre).

67 Le concours est ouvert à la fin de l'année 1746, et le verdict est rendu l'année suivante. La question posée est la suivante : « On demande, qu'en commençant par exposer d'une manière exacte et nette la doctrine des Monades, on examine si d'un côté elles peuvent être solidement réfutées et détruites par des arguments sans répliques ; ou si de l'autre on est en état, après avoir prouvé les Monades, d'en déduire une explication intelligible des principaux phénomènes de l'Univers et, en particulier, de l'origine et du mouvement des corps ». Les contributions font l'objet d'une publication de l'Académie : Dissertation qui a remporté le prix proposé par l'académie des sciences et belles lettres sur le système des monades avec les pièces qui ont concouru, Berlin, 1748.

68 Pour une information complète sur la question, on consultera par exemple T. Broman, « Metaphysics for an enlightened public. The controversy over monads in Germany », Isis, 103:1/23, 2012.

69 F. Duchesneau, article cité.

70 M. Storni affirme à cet égard que « l'analyse des travaux des années 1745-1759, révèle un intérêt

Nous souhaiterions nous interroger désormais sur les conséquences de cette assimilation progressive sur l'énoncé d'une théorie de la génération dans le Système de la nature. Quels sont les éléments de leibnizianisme retenus par Maupertuis afin de formuler un modèle d'interprétation de la formation du vivant ? Nous nous arrêterons sur trois points.

D'une part, Maupertuis adopte une théorie des éléments de la matière et réinterprète le rapport entre substances simples et corps composés comme un rapport méréologique de constitution matérielle. D'autre part, il dote ces éléments de l'attribut principal des monades leibniziennes, à savoir la perception. Enfin, ces reprises mènent Maupertuis à construire l'autonomie relative de la nature, puisque ce qui s'y passe se résout ultimement, non par référence à l'intervention divine, mais aux propriétés des êtres élémentaires.

L'argument par la raison suffisante : propriétés du tout, propriétés des éléments

Le Système de la nature développe l'idée qu'un principe d'intelligence doit être attribué aux parties organiques qui se combinent lors de la formation du fœtus. Cette thèse est exposée nettement au chapitre XIV, au moment où Maupertuis revient sur la critique de l'attraction newtonienne :

« Une attraction uniforme et aveugle, répandue dans toutes les parties de la matière, ne saurait servir à expliquer comment ces parties s'arrangent pour former le corps dont l'organisation est la plus simple. Si toutes ont la même tendance, la même force pour s'unir les uns aux autres, pourquoi celles-ci vont-elles former l'œil, pourquoi celles-là l'oreille ? Pourquoi ce merveilleux arrangement ? Et pourquoi ne s'unissent-elles pas toutes pêle-mêle ? Si l'on veut dire sur cela quelque chose qu'on conçoive, quoiqu'encore on ne le conçoive que sur quelque analogie, il faut avoir recours à quelque principe d'intelligence, à quelque chose de semblable à ce que nous appelons désir, aversion, mémoire. »71

Afin d'obtenir le principe d'organisation du corps, le Système pose que chaque partie se combinant tend d'elle-même à occuper sa place dans le futur organisme, en vertu de la triple action d'une recherche de cette place, d'une fuite des éléments non apparentés, le tout guidé par un souvenir de la place occupée précédemment, par les mêmes particules organiques, dans d'autres corps. On retrouve ici l'instinct de la Vénus physique, mais spécifié comme forme d'intelligence : l'ontogenèse n'est pas guidée par un processus aveugle, mais par la supposition d'une perception minimale de la manière dont la génération doit se dérouler, diffusée dans

profond pour la question des monades » et va jusqu'à parler de « phénomène de contamination ou d'hybridation ». Cf M. Storni, Maupertuis. Textes et controverses, [thèse de doctorat], 2018, p.271.

71 O, II, SN, p.146-147.

chacune des parties. En outre, ce modèle, qui recourt à la mémoire, suppose la transmission héréditaire de matières organiques tout au long des lignées d'individus. Il semble donc que le double impératif d'adopter une théorie épigénétique prenant pour schéma directeur la juxtaposition de points vivants, ainsi que de rendre compte des phénomènes de bi-hérédité, puisse être satisfait. Néanmoins, Maupertuis admet qu'il s'agit là d'une simple analogie,72 qui consiste à doter les parties moindres de l'organisme de propriétés semblables à celles du tout qu'elles intègrent.

L'un des objectifs principaux du Système de la nature est alors de légitimer l'inclusion de l'intelligence comme propriété de la matière organique, aux côtés de l'étendue ou de l'impénétrabilité. Dans ce cadre, Maupertuis se confronte à la doctrine cartésienne des attributs substantiels principaux, selon laquelle une substance est déterminée par un unique attribut essentiel. Inaugurée par Descartes,73 celle-ci justifie la distinction de la res extensa et de la res cogitans par l'attribution respective des propriétés d'étendue et de pensée. Une chose pensante ne peut être étendue, de même qu'inversement, une chose étendue ne peut être pensante. C'est là signifier l'incompatibilité des deux propriétés dans un même sujet.

Maupertuis suit alors une stratégie argumentative semblable à celle qu'il adoptait une vingtaine d'années plus tôt, lorsqu'il s'agissait de prouver la possibilité de considérer l'attraction comme une propriété universelle de la matière. Ainsi, à ceux qui « veulent qu'il soit impossible que la pensée appartienne à la matière »,74 il répond :

« Tout ceci pourtant n'est qu'un jugement précipité, et porté sur des choses dont on ne connaît point assez la nature. S'il était vrai que l'essence de l'âme ne fût que la pensée, et que l'essence du corps ne fût que l'étendue, le raisonnement de ces Philosophes serait juste : car il n'y a rien qu'on voie plus clairement que la différence de l'étendue et de la pensée. Mais si l'une et l'autre ne sont que des propriétés, elles peuvent appartenir toutes deux à un sujet dont l'essence propre nous est inconnue ; tout le raisonnement de ces philosophes tombe, et ne prouve pas plus l'impossibilité de la coexistence de la pensée avec l'étendue, qu'il ne prouverait qu'il fût impossible que l'étendue se trouvât jointe à la mobilité (…) »75

Maupertuis inscrit ici sa réflexion dans la tradition lockéenne, en affirmant que, puisque nous ne possédons pas d'idée complète de l’essence des choses, on ne peut déterminer métaphysiquement si l'étendue et la pensée constituent des attributs contradictoires dans un

72 Sur l’usage de l’analogie chez Maupertuis, par rapport aux usages qu’en font Leibniz et Diderot, voir C. Leduc, « L’analogie leibnizienne dans le débat entre Diderot et Maupertuis » , Leibniz et Diderot, ouvrage cité, 153-171.

73 Voir par exemple Principia philosophiae, §51. Œuvres de Descartes, [C. Adam et P. Tanery], VIII, p.24.

74 O, II, SN, p.150.

75 Ibid., p.151.

même sujet. On le voit, comme lorsque, face aux cartésiens, il arguait l'impossibilité de démontrer la contradiction des propriétés d'étendue et de force attractive, Maupertuis argumente, non en établissant une thèse, mais sa possibilité. Le point capital est alors que la propriété dont l'adjonction à la matière est évaluée, n'est plus la force attractive, comme vingt ans plus tôt, mais bien la pensée. On pourrait lire dans cette substitution le signe d'une transformation du modèle mobilisé par Maupertuis : l'attraction newtonienne, sous ses différentes formes, n'est plus considérée comme le levier principal permettant l'explication du réel. Pour le cas des théories de la génération, c'est en tout cas moins l'attention portée aux types de forces mécaniques appliquées aux matières organiques que l'interrogation sur les propriétés psychiques de celles-ci qui fournit la clef d'interprétation des phénomènes. Il s'agit là, in fine, de rendre possible l'importation d'un modèle de type leibnizien.

Mais, que la pensée puisse être considérée comme une propriété de la matière organique n'implique pas qu'elle le soit. La démarche empiriste maupertuisienne interdit par ailleurs d’affirmer une telle inclusion. C'est alors qu'interviennent des réflexions sur l'efficacité épistémologique des modèles concurrents. Maupertuis reconnaît qu'un critère capital de sélection des hypothèses est la simplicité des principes mobilisés.76 Il admet du même coup l'intérêt d'un mécanisme de type cartésien qui tente d'élucider les phénomènes corporels par l'étendue et les seules lois du mouvement. Mais, reprenant une critique désormais familière, il ajoute aussitôt que les principes réglant les mouvements de l'étendue ne sont pas suffisants pour rendre compte des phénomènes en question :

« Mais, dira-t-on peut-être, est-ce employer des principes simples, que d'admettre de la pensée dans la matière ? Si l'on pouvait expliquer les phénomènes sans cette propriété, on aurait tort de l'admettre : si en ne supposant que l'étendue et le mouvement dans la matière, on pouvait donner des explications suffisantes, Descartes serait le plus grand de tous les Philosophes : si en ajoutant les propriétés que les autres ont été obligés d'admettre, on pouvait se satisfaire, on ne devrait point encore recourir à des propriétés nouvelles : mais si, avec toutes ces propriétés, la Nature reste inexplicable, ce n'est point déroger à la règle que nous avons établie, que d'admettre de nouvelles propriétés. (…) »77 Dans le cas du mécanisme cartésien, la simplicité des principes se paye de la diminution des phénomènes explicables. C'est pourquoi Maupertuis fait la proposition d'inclure dans la matière « de nouvelles propriétés » qui seraient capables de rendre compte de son comportement lors des processus de génération. À la simplicité, Maupertuis ajoute donc le

76 « Dans l'explication de ces phénomènes, nous n'avons plus qu'une règle à observer : c'est que nous y employions le moins de principes et les principes les plus simples qu'il soit possible ». Ibid., p.152.

77 Ibid., p.152-153.

critère de la suffisance des principes : celle-ci est atteinte lorsque le nombre de principes postulés se trouve en adéquation avec la variété des phénomènes à expliquer. L'erreur cartésienne consiste précisément dans la mauvaise évaluation de la portée des principes mécaniques. On peut donc, a contratio, multiplier les outils conceptuels, c'est-à-dire, en l'occurrence, traiter la pensée comme une propriété de la matière, sans pourtant obscurcir ni compliquer l'explication.

Il n'est pas anodin que Maupertuis recoure ici au lexique de la suffisance. On pourrait en effet parler, à cet égard, d'un usage implicite du principe de raison suffisante. Il ne s'agit pas simplement d'affirmer que les phénomènes de génération, comme les autres, doivent avoir leur raison, mais plutôt de supposer une raison adéquate aux phénomènes à expliquer.

Maupertuis est à la recherche d'un explanans dont la nature corresponde à celle de l'explanandum. Or, puisque le cas en question est la formation d'un corps organisé, il faut supposer une intelligence organisatrice. L'originalité consiste alors à s'abstenir de considérer une intelligence externe aux corps—comme l'impliquerait leur création par Dieu—pour la supposer interne :

« Si l'Univers entier est une si forte preuve qu'une suprême intelligence l'a ordonné et y préside, on peut dire que chaque corps organisé nous présente une preuve proportionnée d'une intelligence nécessaire pour le produire. »78

L'extrait ci-dessus reprend un argument téléologique traditionnel, qui voit dans chaque individu la marque d'un dessein divin, mais il en détourne l'intention. Il fait en effet de l'organisation du corps l'expression d'une téléologie immanente aux parties elles-mêmes, c'est-à-dire qu'il situe l'intelligence organisatrice dans les matières organiques. La pensée des éléments corporels fonctionne dès lors bien comme la raison de l'ontogenèse. Si donc la pensée doit être supposée incluse dans toute matière comme l'une de ses propriétés, c'est au titre qu'une telle inclusion est dotée d'une efficacité épistémologique bien plus grande que toute autre alternative. Cette efficacité épistémologique est confirmée par le fait qu'on obtient, sous cette hypothèse, une raison suffisante de l'organisation des corps vivants.

Cependant, ni le vocabulaire de la « suffisance », ni l'adjonction à la matière d'une intelligence organisatrice, n'autorisent à identifier la reprise d'un modèle monadologique. Le point capital est en fait que les différentes propriétés supposées par Maupertuis appartiennent à ce que le Système nomme des « éléments ». Pour les contemporains, ce terme fait écho à la

78 Ibid., p.156.

Cosmologia de Wolff, dans laquelle les « substances simples » sont réinterprétées comme

« éléments des corps. »79 Maupertuis a probablement en tête des textes encore plus récents, comme la Recherche sur les éléments de la matière, publié en 1747 par Formey en réponse aux attaques de Euler contre le monadisme. Quoiqu'il en soit, l'usage d'un tel lexique ne peut être anodin : il inscrit la réflexion du Système de la nature dans un dialogue avec la tradition leibniziano-wolffienne. Non sans s'en démarquer : comme nous l'avons montré, chez les wolffiens, les éléments désignent des êtres simples, c'est-à-dire immatériels, à la base de la composition des corps. Ce sont des monades moins l'attribut de perception. Or, les éléments maupertuisiens, auxquels sont attribuées les propriétés de désir, d'aversion et de mémoire, doivent être considérés comme matériels. Cet écart semble suffisamment important aux yeux de l'auteur pour qu'il lui consacre l'une des deux seules notes du texte :

« J'appelle ici éléments les plus petites parties de la matière dans lesquelles la division est possible, sans entrer dans la question si la matière est divisible à l'infini, ou si elle ne l'est pas. »80

Maupertuis postule donc ici une résolution de facto de la matière en parties primitives, quoi qu'il ne se prononce pas sur la possibilité de jure de poursuivre à l'infini la division. Les éléments désignent ainsi les parties simples de la matière ; simples, c'est-à-dire, non pas sans parties, mais sans dissolution naturelle du lien entre les parties. Il s'agit là d'une contravention importante aux principes fondamentaux de la physique leibnizienne mais qui, rappelons-le, est déjà opérée par Du Châtelet. Or, nous avons vu comment la marquise tente à plusieurs reprises, dans la correspondance avec Maupertuis, la conciliation entre la physique leibnizienne et le postulat de corps durs primitifs, et comment cette tentative produit finalement, dans les Institutions de physique, l'articulation du monadisme et de l'atomisme.

Maupertuis a pu se rappeler d'un tel projet au moment de considérer les éléments comme des parties matérielles primitives.81 Le point d'importance est dès lors que le Système de la nature fait un pas de plus que les Institutions de physique, puisque le premier ne mentionne jamais les êtres simples de la tradition wolffienne. Autrement dit, les éléments des corps, au sens maupertuisien, ne sont ni des substances simples immatérielles, ni les équivalents matériels de ceux-ci, mais ils s'y substituent. Car, les parties corporelles primitives sont dotées des mêmes fonctions que les éléments wolffiens : elles sont à la base de la composition des corps et leurs

79 Voir le premier chapitre de cette étude.

80 O, II, SN, p.157.

81 C'est en tout cas notamment la thèse de R. Hagengruber. Cf Between Newton and Leibniz, article cité, p.42.

propriétés constituent la raison suffisante des phénomènes. Cependant, la composition ne peut plus, dans ces conditions, recevoir le même sens que chez Leibniz et Wolff. Elle signifie en effet ici la constitution matérielle des corps composés par les éléments de la matière.

Maupertuis interprète donc le rapport entre monades et corps composés selon une logique méréologique, qui fait des éléments des parties matérielles de corps matériels. C'est pourquoi l'on assiste à une inversion de l'argument des trois premiers paragraphes de la Monadologie : les éléments composent les corps au sens où ils les constituent.

« Il est vrai qu'on peine à assigner des corps d'une grandeur considérable entièrement massifs, à cause du mélange et de la combinaison des éléments dans les corps de l'Univers : mais il faut cependant en venir à des parties d'une parfaite solidité qui les composent, à ces parties qui n'admettant aucun pore, sont d'une dureté parfaite. C'est dans ces corps élémentaires qu'il faut chercher les propriétés générales de la matière ; les corps composés nous les déguisent. »82

Maupertuis reprend ici—consciemment ou non—l'argument par réquisit : s'il y a des corps composés, il doit y en avoir qui se composent. Cependant, l'entité requise ici n'est pas la substance simple, comme chez Leibniz, mais les « parties d'une parfaite solidité ». Simples et composés sont traités comme des êtres de même nature, au sens où ils se situent sur un même plan matériel. Si monadisme maupertuisien il y a, celui-ci pose l'homogénéité de l'élément et du corps. L'argument prend dès lors la forme suivante : puisqu'il y a des corps dont les parties se combinent, il faut par conséquent supposer à la base de leur composition des parties matérielles insécables. Les éléments sont ainsi des « corps élémentaires » et non plus des substances immatérielles. Pour autant, ils ont le même rôle explicatif, puisqu'ils constituent

Maupertuis reprend ici—consciemment ou non—l'argument par réquisit : s'il y a des corps composés, il doit y en avoir qui se composent. Cependant, l'entité requise ici n'est pas la substance simple, comme chez Leibniz, mais les « parties d'une parfaite solidité ». Simples et composés sont traités comme des êtres de même nature, au sens où ils se situent sur un même plan matériel. Si monadisme maupertuisien il y a, celui-ci pose l'homogénéité de l'élément et du corps. L'argument prend dès lors la forme suivante : puisqu'il y a des corps dont les parties se combinent, il faut par conséquent supposer à la base de leur composition des parties matérielles insécables. Les éléments sont ainsi des « corps élémentaires » et non plus des substances immatérielles. Pour autant, ils ont le même rôle explicatif, puisqu'ils constituent