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6 Autonomisation économique et empowerment des femmes dans les CAFE de Toubacoro et Dioïla

6.3 Les contraintes des femmes des CAFE de Toubacoro et de Dioïla et les solutions possibles

Les difficultés que les femmes rencontrent au niveau des CAFE et de leurs organisation de base, et celles auxquelles les partenaires font face sont d’autres aspects importants qui ont retenu notre attention puisque ce sont ces contraintes qui bloquent le processus et empêchent une bonne évolution des pouvoirs des femmes. Dans cette dernière section du chapitre 6, nous allons décrire les difficultés que les femmes rencontrent selon les données obtenues auprès de celles-ci et de leurs partenaires. Les solutions possibles à ces contraintes sont également abordées dans une perspective de mise en œuvre. Nous avons obtenu quatre listes de problèmes identifiés dans les deux localités et autant pour les solutions (le tableau 15 rapporte les propos des femmes et des partenaires).

Tableau 15 : les contraintes à l’empowerment des femmes au niveau des CAFE de Toubacoro et de Dioïla et les solutions possibles identifiées par les femmes et par les partenaires

Les femmes des centres d’autopromotion Les partenaires d’appuis actifs et potentiellement actifs Contraintes :

– La pauvreté ;

– Le manque de fonds de roulement (financement) ; – L’analphabétisme ;

– La lourdeur des tâches ménagères ; – Les charges familiales ;

– La réticence de certains hommes ;

– L’absence de marché d’écoulement rapide des produits ; – La rareté des partenaires techniques et financiers.

Contraintes :

– Le poids de la tradition ; – L’analphabétisme ; – Les charges familiales ;

– L’absence de coordination des actions de développement ; – La faiblesse des financements que les partenaires arrivent à réunir ;

– L’insuffisance d’agents-es compétents-es.

Solutions :

– Obtenir des partenaires pour le financement des activités ; – Obtenir de bons marchés d’écoulement des produits ; – Conscientisation des hommes et des femmes.

Solutions :

– Conscientisation des femmes et des hommes – Appui à la formation des femmes ;

– Appui à la dynamisation de l’association et de l’union ; – Coordination des actions à travers un cadre de concertation ; – Appui à la formation des agents pour un meilleur suivi de proximité.

Source : Yattara, M.A (2017), données de l’enquête terrain.

Pour les contraintes, en observant le tableau 15, nous remarquons que certaines difficultés sont partagées par les deux groupes : les charges familiales, l’analphabétisme et l’insuffisance des financements. Les charges familiales font allusion aux dépenses familiales qui constituent des sources de dépenses importantes qui conduisent souvent les femmes dans des difficultés financières et dans la pauvreté. Pour les partenaires, tant que les femmes n’investissent pas dans leurs activités, elles ne pourront pas quitter le cercle de la pauvreté et leurs charges familiales ne leur facilitent pas la tâche. Pour l’analphabétisme, les femmes pensent qu’il ne leur permet pas de bien capitaliser les connaissances et il les bloque également dans l’écriture de leurs transactions. Selon DRI2E1 (la cinquantaine) :

Quand j’ai tenté d’écrire mes mouvements d’argent à la suite des conseils d’un agent, chaque fois que je paye des semences maraîchères ou quand je vends des légumes, je suis obligée de chercher quelqu’un pour le faire. Souvent je trouve facilement quelqu’un et d’autres fois c’est impossible, les gens n’ont pas le temps et j’ai finalement abandonné.

L’analphabétisme aggrave donc les obstacles, car il bloque l’analyse et la décision (Affaires étrangères, commerce et développement Canada, 2013), et les femmes et les partenaires partagent toutes et tous cet avis. La situation financière des femmes des deux CAFE menacée par les dépenses familiales et la pauvreté empêche l’autofinancement et celui des partenaires est devenu la denrée rare au Mali surtout avec la crise que vit le pays depuis 2012 et qui ne cesse de réduire le nombre des partenaires au développement. Par ailleurs, le remboursement du crédit est difficile pour certaines d’entre elles selon certains partenaires.

La lourdeur des tâches ménagères citée par les femmes rencontrées est l’une des conséquences de la tradition citée par les partenaires puisque c’est elle qui répartit les rôles entre les hommes et les femmes, nous l’avons signalé dans la problématique. La tradition est également à l’origine de la réticence des hommes qui restent trop conservateurs comme c’est décrit dans la monographie de Toubacoro. Pour les partenaires la faible participation des femmes aux décisions et leurs emplois du temps chargés limitent leur participation dans les activités de formation et d’identification des besoins des CAFE et des organisations. Les femmes déclarent que l’absence de marché d’écoulement rapide des produits freine l’accumulation des ressources financières et augmente la perte de matières premières et des produits en stockage. Pour Le CAFE de Dioïla, à cause de la lenteur des ventes, les stocks de produits finis se retrouvent au fil de l’année au niveau de

Kalojé, et ce, malgré les multiples participations aux foires financées par le projet karité. À Toubacoro, la

situation est pareille avec le CSCOM causant souvent la perte des stocks de mil et de sorgho qui sont détruits par les insectes. Enfin, deux difficultés relatives aux partenaires et intimement liées sont présentées dans le tableau 15 : il s’agit de l’absence de coordination des actions des partenaires et l’insuffisance d’agents-es compétents-es pour une bonne prise en charge des questions des femmes et du genre. Les partenaires déplorent alors l’exécution de leurs activités sur les mêmes terrains en rangs dispersés avec des agents-es multiples qui collaborent peu ou pas. Par ailleurs, pour les partenaires, la formation professionnelle de la majorité des agents-es de développement accessible sur le marché de l’emploi est peu adaptée aux réalités rurales maliennes et aux conditions d’évolution des femmes des deux CAFE ce qui explique leur inefficacité très souvent constatée sur le terrain.

Pour les solutions, les femmes résument leurs souhaits en trois points : l’obtention de partenaires d’appui pour le financement des activités, l’identification de marchés favorables pour la vente rapide des produits et des activités de sensibilisations des hommes et des femmes pour une meilleure compréhension des enjeux de l’empowerment des femmes. Cette sensibilisation doit aussi porter pour elles, sur l’importance des structures collectives et des CAFE pour l’épanouissement des femmes en général et le développement des localités en particulier. Ce dernier point recoupe la première solution des partenaires et avec les mêmes préoccupations exprimées. Pour les partenaires, les femmes doivent être mises au premier plan dans toutes les actions puisqu’elles sont les véritables actrices de leur empowerment. Ils préconisent alors une formation continue des femmes au niveau des CAFE et des organisations de base de même que la dynamisation de l’association, de l’union et de toutes les organisations de base. Pour cela, l’obtention de bons partenariats, la mise en place d’un cadre de concertation par tous les partenaires des deux CAFE et une bonne formation des agents-es de suivi est de mise.

6.4 Conclusions

Avec les résultats présentés dans cette section, les CAFE sont reconnus par les femmes et par les partenaires comme des moyens favorables à l’autonomisation économique des membres. Une évolution des pouvoirs de l’empowerment a été également constatée bien qu’il y a encore beaucoup d’efforts à fournir pour le « pouvoir intérieur » sur lequel repose la consolidation des acquis pour ce qui concerne le « pouvoir » de et le « pouvoir avec ». Avec les résultats ci-dessus, il faut retenir que l’ignorance de tous les enjeux des CAFE fait que les femmes ne visent qu’une amélioration de leurs revenus afin d’améliorer leurs conditions de vie. Elles perçoivent très peu la complexité du concept d’empowerment ce qui permet de comprendre en partie la faiblesse des efforts des femmes dans le domaine de la transformation des rapports homme-femme. Leurs représentations de la domination masculine ne montrent pas pour elles des voies de sortie de leur subordination puisqu’elles la considèrent comme une situation irréversible et au fond normale. Ce point constitue une difficulté de taille à garder à l’esprit lorsqu’il s’agit de l’empowerment des femmes rurales au Mali. D’autres difficultés de taille signalées par les résultats ci-dessus sont : la pauvreté des populations rurales, la complexité des postes de dépenses des femmes qui engloutissent leurs revenus et leurs économies, l’analphabétisme et le manque de formation de celles-ci, leur faible accès aux marchés intéressants et l’insuffisance de partenariats intéressants. Les solutions majeures exprimées restent la formation des femmes, la sensibilisation des hommes et des femmes et le développement de partenariats féconds avec des agents et agentes capables de favoriser un bon déroulement du processus.

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