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2 Cadre théorique

2.4 Le concept d’empowerment des femmes

2.4.1 Bref historique et définitions

La documentation concernant l’empowerment est très abondante et de nombreuses études sont réalisées dans le domaine. Presque toutes les sources que nous avons consultées indiquent que le concept d’empowerment n’est pas nouveau et qu’il prend ses origines et sources dans divers domaines aussi variés

que le féminisme, le freudisme, la théologie, le mouvement black Power ou le gandhisme (Simon, 1994 ; Cornwall, Brock, 2005 cités par Calvès, 2009). L’utilisation de l’empowerment s’est popularisée avec les interventions auprès des communautés noires américaines marginalisées afin de permettre à celles-ci d’acquérir du pouvoir et de s’exprimer dans le but de combattre les oppressions dont elles font l’objet (Calvès, 2009). Ces propos de Calvès se retrouvent chez Falquet (2003 cité par Charlier, 2006a, p. 2) pour qui « on peut trouver les premières références à l’empowerment dans le radicalisme noir nord-américain des années 1960 et dans le travail communautaire de “conscientisation” inspiré notamment par Paulo Freire au Brésil puis dans de nombreux pays du Sud ».

Dans le domaine du développement, le concept d’empowerment apparait à la suite des échecs du modèle dominant d’intervention, le top Down « […] où le flux d’information et les décisions suivent un mouvement du haut vers le bas […] » dénoncé par des chercheurs et des organisations non gouvernementales (ONG) (Calvès, 2009, p. 737). Des approches bottom up, qui privilégient les « initiatives par le bas » et pour qui « les destinataires des projets d’aide au développement doivent être considérés comme des acteurs plutôt que des récipiendaires passifs » (Calvès, 2009, p. 737), voient le jour donnant une place aux populations à la base dans le processus de décision.

Dans les pays du Sud, le concept est adopté avec les luttes des féministes du DAWN (Development Alternatives with Women for a New Era) pour lesquelles les besoins des femmes, autant que ceux des personnes en situation de pauvreté sont insuffisamment pris en compte par les interventions de l’approche projet initiée dans le but de développer ces pays (Calvès, 2009 ; Labrecque, 2010 ; Verschuur, 2009). Après la Conférence de Beijing en 1995, le concept d’empowerment sera adopté par les institutions internationales et les ONG. La Déclaration de Pékin en son paragraphe 13 présente l’empowerment des femmes comme une stratégie clé du développement : « L’empowerment des femmes et leur pleine participation dans des conditions d’égalité dans toutes les sphères de la société, incluant la participation aux processus de décision et l’accès au pouvoir, sont fondamentales pour l’obtention de l’égalité, du développement et de la paix » (Charlier, 2006a, p. 3). Le développement passe par une participation de toutes les femmes et de tous les hommes de la communauté concernée. Celui-ci n’est durable que lorsque toutes les composantes de la population trouvent leur part et s’épanouissent de façon convenable dans le processus.

L’empowerment est le processus par lequel les individus acquièrent du pouvoir qui leur permet de renforcer leur agencéité qui se définit comme leur capacité à définir des buts et à agir de manière cohérente pour les

atteindre16 ; ce qui leur permettra de devenir plus autonomes. Cette autonomie étant essentielle pour la prise

en charge de leur destinée et celle de leur communauté. La définition proposée par Calvès (2009) met l’accent sur la capacité de créativité et la confiance en soi que confère le processus d’empowerment aux individus. Pour l’auteur :

[…], L’empowerment se distingue du pouvoir de domination, qui s’exerce sur quelqu’un (« power over ») et se définit plutôt comme un pouvoir créateur qui rend apte à accomplir des choses [« power to »], un pouvoir collectif et politique mobilisé notamment au sein des organisations de base (« power with ») et un pouvoir intérieur (« power from within ») qui renvoie à la confiance en soi et à la capacité de se défaire des effets de l’oppression intériorisée (Calvès, 2009, p. 739).

À travers cette définition, l’empowerment décrit la capacité des individus à prendre les décisions qui s’avèrent importantes pour eux et participer à celles qui engagent les collectivités au sein desquelles ils vivent. C’est aussi un processus qui permet aux individus d’améliorer « leur estime en soi » et faire face aux situations oppressives. Le concept d’empowerment tel que défini par (Jouglard, 2010) peut constituer une alternative pour renforcer les capacités des femmes et rehausser leur niveau de participation dans le processus de développement au Mali à travers une amélioration de leur accès et de leur contrôle des ressources jusque-là sous le contrôle des hommes. Selon l’auteure, « […] par empowerment, on entend le processus d’accroissement du pouvoir individuel et collectif des actrices et acteurs sociaux, ce qui signifie une augmentation des capacités de faire des choix, d’influencer la direction de sa propre vie, mais aussi d’acquérir un contrôle sur les ressources matérielles et non matérielles » (Jouglard, 2010, p. 11). L’empowerment individuel et l’empowerment collectif, sont d’autres dimensions du concept très importantes pour cette étude. Leur analyse nous a permis de saisir l’influence des stratégies d’autonomisation économique des femmes sur l’exercice des pouvoirs de l’empowerment non seulement au niveau des femmes individuellement, mais aussi au niveau des groupes au sein desquels elles concrétisent leurs initiatives.

Pour Kabeer (2005, p. 13), « to be disempowered means to be denied choice, while empowerment refers to the processes by which those who have been denied the ability to make choices acquire such an ability ». L’empowerment doit donc être mis en rapport avec le disempowerment ou l’incapacité des personnes à répondre aux besoins de base et donc leur vulnérabilité. Pour l’auteure, les inégalités affectent différemment les hommes et les femmes dans une communauté et l’empowerment constitue le processus par lequel les individus acquièrent les habiletés à faire des choix, ce qui en d’autres termes implique un changement. Et c’est l’acquisition de ces habiletés qui permettra aux femmes dépourvues d’arriver à amorcer le changement et faire des choix qui peuvent orienter de manière positive leur vie et celle de leurs communautés. Le concept d’empowerment lorsqu’il concerne les femmes touche divers aspects importants de la vie de celles-ci (Kabeer

16 « GLOSSAIRE “LES MOTS DE SEN… ET AU DELA” », Revue Tiers Monde 2/2009 (n ° 198), p373-381. URL : http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-2-page-373.htm. DOI : 103 917/rtm.198.0373

(2008) cité par Kabeer, 2012). Pour l’auteure, ce concept fait appel à l’estime des femmes, à leur volonté et leur capacité à remettre en question leur statut et leur position de subordination face aux hommes afin de contribuer à la mise en place d’une société juste et équitable au sein de laquelle elles participent au pouvoir au même pied d’égalité que les hommes. Ces définitions comme plusieurs que nous avons eu à lire dans la documentation nous permettent de saisir les différents types de pouvoirs véhiculés par le concept d’empowerment à savoir : le « pouvoir sur » le « pouvoir de », le « pouvoir avec » et le « pouvoir intérieur » (Charlier & Caubergs, 2007).

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