• Aucun résultat trouvé

3. Contrôle neurophysiologique de la marche

3.4 Contrôle du système somatosensoriel

Bien que le rythme de base du patron locomoteur puisse être généré au niveau de la moelle épinière, le retour sensoriel provenant du système somatosensoriel est important afin de fournir les stimuli adéquat pour se déplacer et s’ajuster dans l’environnement de manière fluide et fonctionnelle. Ce retour sensoriel va interagir à la fois au niveau de la moelle épinière, et ainsi moduler le contrôle automatique, et au niveau des structures supraspinales afin de moduler le contrôle descendant de la marche.

Le système somatosensoriel est composé de récepteurs localisés au niveau des muscles, des tendons, des articulations et de la peau. Le retour sensoriel provenant de ces récepteurs nous renseigne sur les conditions internes et externes du corps. En accord avec la littérature, plusieurs rôles lui sont attribués. Il permet d’ajuster la rythmicité du cycle locomoteur en contrôlant la durée des phases du cycle; de moduler le patron d’activation musculaire; de moduler le niveau d’excitabilité du motoneurone et enfin, de contribuer à l’adaptation à long terme de la locomotion (MacKay-Lyons, 2002; Nielsen, 2003). En accord avec la littérature, il est possible de distinguer 2 principaux types d’afférences, soit les afférences musculo-tendineuses et les afférences cutanées.

3.4.1 Afférences musculo-tendineuses

Les afférences musculo-tendineuses regroupent deux principaux types de récepteurs qui sont les fuseaux neuro-musculaires et les organes tendineux de Golgi. Les fuseaux neuromusculaires vont transmettre les informations via les fibres Ia et II et renseignent sur la longueur et la vitesse d’étirement du muscle. Les organes tendineux de Golgi transmettent l’information via les fibres Ib et renseignent sur la tension musculaire.

Ces afférences ont un rôle important dans le contrôle de la marche au niveau du timing des phases du cycle locomoteur. En effet, il a été montré qu’une extension de la hanche permettait d’engager la transition entre la phase d’appui et la phase de balancement chez le chat (Grillner & Rossignol, 1978; McVea et al., 2005; Pearson, 2008). Des résultats semblables ont par la suite été obtenus chez l’enfant et chez l’homme avec une LM (Calancie et al., 1994; Pang & Yang, 2000; Nadeau

et al., 2010). Au niveau des extenseurs de la cheville, il a aussi été rapporté que ceux-ci pouvaient

modifier la durée de la phase d’appui en fonction de la charge (loading) imposée sur la jambe/patte. En effet, lorsqu’une décharge (unloading) se produit au niveau de la cheville est appliquée lors de la phase d’appui, la phase de balancement est initiée chez le chat (Pearson et

al., 1998). Au contraire, il a été montré que le maintien de l’étirement des muscles extenseurs

entrainant une charge au niveau de ces muscles, provoquait une inhibition de l’activité des fléchisseurs, retardant ainsi le début de la phase de balancement (Duysens & Pearson, 1980). Il semble donc que les extenseurs de la cheville permettent aussi de moduler l’activité EMG en fonction de la charge chez le chat. Chez l’homme, il a été rapporté que l’application mécanique d’une flexion plantaire (résultant en un unload) lors de la phase d’appui permettait de diminuer l’activité du soléaire d’environ 50%. Toute comme chez l’animal, ces études ont donc permis de préciser le rôle du retour sensoriel provenant des extenseurs de cheville sur l’activation de ces mêmes muscles lors de la phase d’appui pendant la marche (Sinkjaer et al., 2000; Grey et al., 2004; Grey et al., 2007).

3.4.2 Les afférences cutanées

Les informations cutanées permettent la perception du mouvement des membres ainsi que de l’environnement extérieur et son impact sur le corps grâce à des mécanorécepteurs situés sur la peau. Il en existe différents types qui vont transmettre l’information allant de la simple pression à des stimuli douloureux.

Il a été montré que les afférences cutanées permettaient principalement de réagir aux contraintes liées à l’environnement (Bouyer & Rossignol, 2003b). En effet, les récepteurs localisés sur la partie dorsale du pied ont un rôle important lors de la phase de balancement afin, par exemple, d’éviter un obstacle. Il a été rapporté que, lors de cette phase, si le pied/patte touche un obstacle avec la face dorsale, cela va engendrer une réponse de type réflexe qui va provoquer une augmentation de l’activation des fléchisseurs afin d’éviter l’objet (Schillings et al., 2000; Quevedo

et al., 2005). Les mêmes résultats ont été observés lors d’une stimulation du nerf cutané au niveau

de la partie dorsale (Duysens et al., 1990; Nielsen & Sinkjaer, 2002). Cependant, il a été montré chez l’humain que ces réponses évoquées proviendraient sûrement d’un réflexe utilisant la boucle transcorticale et non uniquement la boucle spinale, soulignant bien la modulation du retour sensoriel sur le contrôle volontaire lors de la marche (Christensen et al., 1999).

Au niveau des afférences cutanées localisées au niveau de la face plantaire, elles permettent le positionnement plantigrade lors de la marche. Par conséquent, ces informations sont d’autant plus importantes lors d’une tâche de marche plus complexe, où une position précise du pied est nécessaire par exemple marcher sur une échelle (Bouyer & Rossignol, 2003a). Ces informations permettent aussi de renforcer l’activité des extenseurs lorsque le support de poids (mise en charge) est nécessaire (Duysens & Pearson, 1976). Chez l’humain, il a aussi été montré que si les informations cutanées consistaient en un stimulus douloureux, une augmentation de l’activation des fléchisseurs était observée menant ainsi à un réflexe de retrait (Spaich et al., 2004).

Le retour sensoriel provenant du système somatosensoriel est aussi important dans l’adaptation à long terme de la locomotion. En effet, les résultats obtenus suite à une dénervation du nerf du gastrocnémien latéral et du soléaire chez le chat indiquent qu’il existe une compensation des muscles synergiques (gastrocnémien médial) non affectés au niveau de l’activité EMG, et qu’ils peuvent s’hypertrophier afin de maintenir un patron locomoteur adéquat à long terme (Dambreville et al., 2016). Concernant les afférences musculo-tendineuses, il a été montré qu’elles étaient nécessaires pour s’adapter à une marche partitionnée chez l’homme (Prokop et al., 1995; Jensen et al., 1998). Au niveau des afférences cutanées, une étude a rapporté qu’une anesthésie des afférences cutanées du pied permettait de diminuer l’adaptation lors de la marche en présence d’un champ de force (Choi et al., 2016b).

Nous venons de voir dans cette section les différents systèmes, ainsi que les différentes voies et structures du SNC impliqués dans le contrôle neural de la marche. Nous allons voir à présent comment le SNC s’adapte à la suite d’une LMi afin de permettre un retour de la fonction sensorimotrice.

4. Plasticité adaptative du système nerveux central à la suite d’une lésion