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4. Plasticité adaptative du système nerveux central à la suite d’une lésion médullaire

4.3 Autres interventions afin d’induire de la plasticité adaptative

4.3.1 Neurostimulation

L’efficacité des entrainements locomoteurs à favoriser la neuroplasticité et ainsi, le retour de la locomotion est basé sur l’activation des circuits neuronaux du SNC. Ainsi, la question concernant l’efficacité de la neurostimulation dans un but semblable a été soulevée ces dernières années.

Différents types de stimulation ont été utilisés à la suite d’une LM. Parmi eux, on retrouve la stimulation corticale qui peut être effectuée via la TMS à répétition (rTMS) ou via la stimulation transcrânienne à courant directe (TDCS). Ces techniques ont pour but de moduler l’excitabilité des voies descendantes. Plusieurs études utilisant uniquement la TDCS anodale ou la rTMS au niveau du M1 lors de protocoles sur plusieurs jours ont montré une amélioration de la fonction motrice lors de tâches réalisées au niveau du bras et de la main (Belci et al., 2004; Kuppuswamy

et al., 2011; Alexeeva & Calancie, 2016), ainsi qu’une amélioration de la fonction locomotrice

(Benito et al., 2012; Alexeeva & Calancie, 2016) à la suite du protocole de stimulation. Aucun bénéfice n’était observé pour les participants ayant reçu la condition sham.

Une autre façon d’induire de la plasticité au niveau des circuits du SNC est d’utiliser la stimulation de la moelle épinière. Plusieurs techniques comme la stimulation épidurale, transcutanée ou intraspinale peuvent être utilisées (Levin et al., 2015; Hofer & Schwab, 2019). La stimulation épidurale est souvent utilisée en combinaison avec un entrainement locomoteur et son efficacité a été montré lors de rapports de cas. En effet, plusieurs auteurs ont observé qu’un retour de la marche sur tapis roulant ou sur le sol était possible chez certains patients avec une lésion complète (Angeli et al., 2018; Gill et al., 2018; Wagner et al., 2018; Calvert et al., 2019). De façon similaire, la stimulation électrique transcutanée appliquée au niveau des vertèbres thoracique permet d’améliorer le retour de la marche et semble aussi diminuer la spasticité à la suite d’une lésion complète (Minassian et al., 2016) et incomplète (Hofstoetter et al., 2014; Hofstoetter et al., 2015). Concernant la stimulation intraspinale, étant donné qu’il s’agit d’une technique plus invasive, les évidences concernant son efficacité chez l’homme sont plus limitées. Toutefois, de

nombreuses études chez l’animal avec LM ont montré des résultats encourageants concernant le retour de la locomotion (Mushahwar et al., 2002; Saigal et al., 2004; Holinski et al., 2016). Enfin, une autre façon d’induire de la plasticité est l’utilisation de la stimulation électrique fonctionnelle qui permet de stimuler les nerfs ou les muscles via un système d’électrodes en combinaison d’entrainements à la marche, ou à vélo par exemple (Martin et al., 2012; Ho et al., 2014). Ses bénéfices sur le retour de la marche à la suite d’une lésion incomplète ont été montrés lors de rapports de cas. En effet, une augmentation de la distance parcourue ainsi que de la vitesse de marche ont été observé à la suite de multiples sessions avec la stimulation électrique effectuée lors de la marche chez plusieurs participants. Les électrodes étaient placées de façon bilatérale ou unilatérale et ciblaient principalement les fléchisseurs et extenseurs de hanches, les extenseurs de genou et les fléchisseurs dorsaux de la cheville (Hardin et al., 2007; Donnellan & Caldwell, 2009; Bailey et al., 2010).

Nous venons de voir qu’il existe plusieurs manières de favoriser la récupération locomotrice grâce à différents systèmes de stimulation. En revanche, d’autres études sur un plus grand nombre de participants sont nécessaires afin de définir les paramètres de stimulation optimaux et afin de mesurer à long terme les effets d’une stimulation électrique et ses conséquences sur l’organisme.

4.3.2 Traitements pharmacologiques

De nombreuses études animales concernant l’utilisation d’agents pharmacologiques à la suite d’une LM ont émergées ces dernières années (Onifer et al., 2011). La plupart de ces thérapies visent à atténuer les dommages cellulaires post-lésion et à maximiser la repousse neuronale, et sont donc administrées tôt après la lésion (Kwon et al., 2011). Étant donné le large spectre de thérapies étudiées, nous nous intéresserons dans cette partie aux traitements avec un potentiel de transfert chez l’humain, étant donné que certains sont déjà utilisés dans des études cliniques, ou que leur forme d’administration est applicable à l’humain.

À la suite d’une LM, l’absence de régénération axonale au niveau du SNC peut être due à l’incapacité intrinsèque des neurones à se régénérer, à la formation de cicatrice gliale, à une

insuffisance des facteurs neutrophiques qui aident la repousse, et à l’inhibition par la myéline (Geoffroy, 2011).

Une des cibles pharmacologiques principales concerne donc les voies de signalisation qui inhibent la régénération et la repousse axonale. Au niveau du SNC, un facteur important dans cette inhibition est la protéine de la myéline Nogo (Filbin, 2003). En revanche, lorsque l’action de cette protéine est entravée à l’aide d’anticorps, des études ont montré une capacité de régénération et une repousse axonale augmentée chez des rats avec une LM (Thallmair et al., 1998). De plus, cette plasticité induite était corrélée avec une récupération fonctionnelle de la locomotion (Merkler et al., 2001; Zorner & Schwab, 2010). Une étude clinique chez l’humain avec LM complètes et incomplètes est actuellement en cours afin de mesurer l’impact de cette protéine sur la récupération motrice fonctionnelle (EU-research-results, 2016).

Un autre facteur inhibiteur important est la protéine MAG qui se lie au récepteur NgR. Une fois activé, ce récepteur implique une cascade de signalisation via les Rho kinases. Un moyen de diminuer l’action de MAG est donc d’inhiber l’activation des Rho kinases. Des études ont montré que le blocage des Rho kinases permettait d’empêcher l’inhibition de la croissance axonale au niveau corticospinal et permettait d’améliorer le retour de la fonction locomotrice à la suite d’une LM chez la souris et le rat (Dergham et al., 2002; Lord-Fontaine et al., 2008). Un essai clinique testant l’efficacité d’un traitement inhibiteur de Rho est actuellement en cours au Canada et aux États-Unis chez des patients en phase aiguë (Fehlings et al., 2018).

Comme mentionné précédemment, à la suite de la lésion, de la cicatrice gliale se forme et empêche ainsi la régénération axonale. Des auteurs se sont donc intéressés à l’administration d’enzymes capable de détruire les protéines formant cette cicatrice. Il a été rapporté que ces enzymes, appelées chondroitidinases ABC faciliteraient la régénération nerveuse au niveau des neurones corticospinaux à la suite d’une LM chez le rat, et améliorait la fonction locomotrice (Bradbury et al., 2002; Huang et al., 2006; Iseda et al., 2008). Une étude récente a aussi mesuré leur efficacité chez le chien, et recommande le commencement d’un essai clinique avec l’utilisation de ces enzymes (Hu et al., 2018; Mahajan, 2018).

De nombreuses possibilités au niveau pharmacologique permettent de cibler la plasticité neuronale afin de favoriser la régénération. Avant l’utilisation chez l’humain, des études animales

sont nécessaires afin de déterminer précisément les mécanismes d’action des différents traitements, leur fenêtre d’application, leur dosage et leur localisation afin que la thérapie soit la plus optimale possible. Certains traitements encourageants chez les animaux sont actuellement en phase d’essai clinique chez l’homme.

Nous venons de voir qu’actuellement le moyen utilisé afin de favoriser la plasticité adaptative implique principalement les entrainements locomoteurs. Bien que ceux-ci démontrent des bénéfices sur la récupération locomotrice, cette récupération demeure incomplète. D’autres stratégies impliquant la pharmacologie ou la neurostimulation sont aussi utilisées pour compléter l’action de ces entrainements. En revanche, les études pharmacologiques impliquent de longues phases d’essai pré-cliniques et cliniques et actuellement les résultats ne sont pas encore concluants. D’autre part, la neurostimulation implique des techniques qui sont difficiles à mettre en place pour une large population, complexes à implanter en clinique et la récupération à long terme reste à prouver. D’autres stratégies sont donc nécessaires afin de maximiser la plasticité adaptative pour optimiser la récupération fonctionnelle.

En conclusion, le retour de la fonction locomotrice à la suite d’une LM est basé sur la capacité du SNC à induire la plasticité adaptative à différents niveaux. Cette neuroplasticité peut survenir spontanément et peut être favorisée par différentes interventions. Toutefois, en parallèle, une autre forme de plasticité dite « maladaptative » peut aussi apparaitre à la suite d’une LMi, et dans ce cas-ci, mener à l’apparition et à la persistance de la douleur (Moxon et al., 2014).

5. Plasticité maladaptative du SNC à la suite d’une lésion médullaire