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Le contexte national

I. LE BRÉSIL : DONNÉES INSTRUCTIVES

I.2. Contexte linguistique

Parce que la/les langue(s) représentent une composante fondamentale des situations d’enseignement-apprentissage, il paraît inconcevable d’aborder un contexte d'enseignement-apprentissage sans se préoccuper du cadre linguistique.

I.2.1. La langue portugaise

Le portugais est la langue officielle du Brésil depuis la Constitution de 1988 (article

13) et est parlé par la quasi-totalité de la population. De ce point de vue, le Brésil a mis en place, à l’instar de la France, une politique d’imposition de la langue portugaise à des peuples linguistiquement hétérogènes de la même manière que le français a envahi un pays longtemps mosaïque d'idiomes (WALTER, 1988 ; VERMES & BOUTET, 1987). Seul pays de langue portugaise des Amériques, le Brésil possède ainsi une identité culturelle distincte des autres pays du continent. Langue parlée et écrite officielle unique, le « portugais du Brésil » présente, entre les différentes régions et états du pays, des petites variations dans la langue vernaculaire. Il est la langue utilisée dans l’enseignement, les moyens de communication et le commerce.

La langue parlée au Brésil est différente de celle parlée au Portugal. Elle s’en différencie par son lexique, sa morphologie (existence des 3e et 6e personnes « você » et

« vocês » absentes en portugais du Portugal), sa prosodie et sa phonétique. Le « portugais du Brésil » se distingue notamment de son homologue portugais par la prononciation en [i] de tous les « e », même finaux. Cette voyelle s’accompagne d’un [?] (« j ») après la consonne [d] et d’un [ ] (« ch ») après la consonne [t] (MELO, 1981). Les différences dans les mots et les expressions, les prosodies, les prononciations, sont liées au métissage culturel, africain notamment, et aux particularités sud-américaines (climat, végétation, alimentation) du pays (LEWIS, 2009). Suite à plusieurs réformes, l'orthographe s'est différencié, notamment avec la suppression de consonnes non prononcées : par exemple, electricidade (Portugal) s’écrit eletricidade au Brésil. Les différences entre le portugais européen et le portugais américain sont sensiblement les mêmes que celles séparant d'autres langues européennes (français, espagnol, anglais) de leurs correspondantes américaines. Pour un auditeur externe, la différence entre les phonèmes est telle qu'on peut croire entendre deux langues complètement différentes et des locuteurs des deux pays peuvent avoir de sérieuses difficultés à se comprendre.

Dans le cadre scolaire, il me semble qu’il faut prendre en compte les apprentissages réalisés en langue maternelle. Un projet de recherche franco-brésilien a ainsi été mené sur la « Bivalence » : il s’est intéressé aux « formes possibles de rapprochement de l’enseignement-apprentissage du Portugais Langue Maternelle (P.L.M.) et du F.L.E. dans le système scolaire » (CHISS, 2001 : 10). Il s’agit d’une recherche sur les possibilités de

« coordination des contenus à enseigner et, surtout, sur des transferts de pratiques pédagogiques, voire de toute une méthodologie, entraînant les élèves à opérer eux-mêmes des transferts de savoirs et de savoir-faire acquis dans l’apprentissage simultané du PLM et du FLE. Il s’agit en clair d’un enseignement-apprentissage à double sens basé sur le rapprochement et l’interaction des deux langues ». (CHISS, 2001 : 10).

Ces recherches n'ont malheureusement pas été approfondies.

I.2.2. Le glottocide brésilien

Depuis sa fondation l'état brésilien n'a eu de cesse de tenter d'imposer le monolinguisme à une population plurilingue.

Il se parle aujourd'hui au Brésil environ 215 langues dont 180 langues autochtones, une trentaine de langues issues de l'immigration, les langues de signes et quelques

langues afro-brésiliennes (MÜLLER DE OLIVEIRA, 2009 : 20). Lors d’un recensement en 2000 approximativement trois millions de Brésiliens déclarèrent avoir pour langue maternelle une langue autre que le portugais : l’allemand pour 1,5 million, l’italien pour 50 000, le japonais pour 380 000 (LEWIS, 2009). Les locuteurs de ces langues sont en très grandes majorité bilingue. Avec la rapide assimilation, le nombre de diglosses descendants d’immigrants est en déclin.

Selon certaines estimations (RODRIGUES, 1993: 23), il se parlait il y a 500 ans plus de 1000 langues indigènes au Brésil.

Du XVIe au XVIIIe siècle on y parlait surtout la « língua geral » issue du mélange du portugais avec les différentes langues indigènes (MELLO, 2006 : 114). Cette langue était utilisée par les jésuites dans leur travail de catéchèse comme moyen d'attirer plus facilement les Indiens (idem). Au XVIIIe siècle, le Marquis de Pombal chasse les jésuites et interdit aux gens de parler la « langue générale » (MELLO, 2006 : 114). L'unité linguistique est mise en place par la force des armes, sous peine de mort pour ceux qui osent ne pas parler et écrire en portugais (idem).

L'État portugais, puis après l'indépendance, l'état brésilien, ont eu durant presque toute leur histoire, une politique d'imposition du portugais comme unique langue légitime (MÜLLER DE OLIVEIRA, 2009 : 20). Dans un processus glottocidaire visant à remplacer les autres langues par le portugais, l'état a mis en place un dogme et une politique répressive posant la langue portugaise comme constitutive de l'identité brésilienne dont elle exclut les populations d'autres langues maternelles (idem).

Ainsi dans la première moitié du 20e siècle, 67 langues indigènes disparurent (RODRIGUES, 1993 : 23 cité dans MÜLLER DE OLIVEIRA). L'Estado Novo, période du régime dictatorial de Gétulio Vargas, a marqué le sommet de la répression aux langues allochtones (MÜLLER DE OLIVEIRA, 2009 : 22 ; MELLO, 2006 : 115). Gétulio Vargas a exigé que le portugais soit enseigné dans toutes les écoles du pays (idem). Entre 1941 et 1945, le gouvernement a occupé les écoles communautaires des Brésiliens d'origine allemande et se les est appropriées (idem). Il a fermé les rédactions des journaux en allemand et en italien et persécuté et emprisonné un grand nombre de personnes pour le simple fait de parler leur langue maternelle en public et même dans l'espace privé (ibidem). Cette politique de violente répression a empêché la reproduction de ces langues qui étaient pourtant aussi répandues à cette époque que les langues indigènes : 644.458 personnes, en très grande majorité citoyens brésiliens nés au Brésil, parlaient allemand

quotidiennement dans leur foyer et 458.054 l'italien sur une population nationale totale estimée à 50 millions d'habitants (MORTARA, 1950 cité dans MÜLLER DE OLIVEIRA). Ses langues perdirent leur forme écrite et leur place dans la ville , elles ne furent plus parlées que sous forme orale, de plus en plus à la campagne et dans des cadres communicationnels de plus en plus restreints (MÜLLER DE OLIVEIRA, 2009 : 22).

Dans l'État de Santa Catarina où se concentre la population d'origine allemande, les citoyens qui persistaient à parler leur langue ont été enfermés dans des « camps de confinement » (idem).

Les intellectuels brésiliens sont restés assez silencieux à ce sujet et n'ont pas dénoncé ces actes (MÜLLER DE OLIVEIRA, 2009 : 23). Aujourd'hui une politique du plurilinguisme n'existe toujours pas. Seule une évolution en direction des Indiens est à constater dans la Constitution de 1988 ; on leur reconnaît le droit à une formation scolaire dans leur langue maternelle, droit mis en œuvre par une loi en 1996 (MÜLLER DE OLIVEIRA, 2009 : 24).