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La perspective compréhensive est adoptée par souci de scientificité, dans une volonté d'expliciter le plus grand

III. CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE

III.2. Le contexte individuel

III.2.3. Éléments d'analyse

Il me semble intéressant de souligner l'aspect pluriel de ce parcours. De par mon statut d'étudiant-voyageur-salarié, mon itinéraire universitaire sinueux, mes nombreux voyages et emplois, les diverses langues apprises, transversalité, pluralité et hétérogénéité se conjuguent dans un cheminement atypique.

En tant qu'étudiant et voyageur j'ai été amené à effectuer un nombre important de « petits boulots », à assumer des emplois sans qualification. J'ai travaillé dans presque tous les secteurs d'activités accessibles à une main d'œuvre non qualifiée : bâtiment-travaux publics, nettoyage, restauration, ménage (employé de maison), manutention, travail intérimaire, emplois saisonniers en agriculture... Ces expériences ont été nombreuses et variées. Tôt, je considérai ces travaux comme des expériences ethnologiques qui m'apportaient un regard, une compréhension sociologique « de l'intérieur » de notre société. Lorsque j'allais à l'usine ou au chantier j'essayais de regarder les choses avec l'œil de l'ethnologue, plein de curiosité et cherchant à comprendre le pourquoi des choses, m'interrogeant sur le fonctionnement du système global dans lequel cette entreprise où je travaillais s'inscrivait. Ces emplois subalternes m'ont permis de me confronter avec une réalité sociale fort différente de la sphère universitaire par rapport à

laquelle elles offrirent un contrepoint.

D'autre part il est intéressant de constater comment mes études m'ont amené à emprunter des approches des langues et de l'enseignement différentes voire opposées (pour certains car je les considère pour ma part comme complémentaires) : la linguistique interne, formelle (« technolinguistique » pour Didier de ROBILLARD (2007 : 88)) et la sociolinguistique, les sciences du langage d'orientation clinique ; la didactique comme linguistique appliquée et la socio-didactique.

L'un des autres aspects prévalent de ce parcours est son caractère interculturel. Les nombreux voyages réalisés (trois ans et demi en itinérance sur les routes des cinq continents, trente-deux pays traversés) et le séjour brésilien m'ont apporté une confrontation avec l'altérité dans sa variété et une expérience interculturelle approfondie au Brésil (dix-huit mois).

La rencontre interculturelle est vécue comme une passion, un besoin. L'un des premiers objectifs des voyages entrepris étant de rencontrer les peuples des pays traversés et de découvrir leur culture plus que les paysages ou d'autres aspects.

D'autre part le voyage au long cours en solitaire amène normalement le routard à des rencontres plus nombreuses que s'il était accompagné. L'échange avec les autochtones est un besoin plus fort pour le bourlingueur isolé des autres voyageurs avec qui il pourrait échanger. Ce besoin s'est traduit par un apprentissage engagé des langues étrangères.

La pluralité et l'interculturalité de mon parcours de vie m'ont amené à construire une transversalité fondamentalement constitutive de mon existence sociale. Celle-ci me permet d'être à l'aise dans les espaces interlopes et d'échanger facilement avec des personnes de milieux sociaux diamétralement opposés, du clochard au haut responsable, de l'universitaire au punk.

Je pris conscience, lors de mon premier voyage en solitaire au Brésil, de l'importance de la connaissance linguistique pour le voyage, pour que la découverte, la compréhension et l'échange aient lieu. Je constatai directement les bénéfices d'une maîtrise même élémentaire de la langue étrangère dans mon quotidien de voyageur ce qui m'a amené à toujours considérer les langues comme des moyens de communiquer et plus

largement « d'être » avec autrui. L'essentiel de mes apprentissages linguistiques a été réalisé lors de voyages, par des immersions conjuguées avec l'emploi de manuels.

J'acquis la connaissance de la langue anglaise à l'école mais c'est sur les routes du monde que j'appris à l'utiliser, en compagnie des voyageurs. J'ai obtenu le Certificate of

Proficiency in English de l'Université de Cambridge.

J'appris plus de la langue allemande en un mois en Allemagne qu'en neuf années sur les bancs de l'école.

Je ne savais rien du portugais en arrivant au Brésil mais mes leçons quotidiennes me firent rapidement progresser. À la suite de mes différents séjours j'ai obtenu le niveau « Avançado » (équivalent à C1) lors de l'examen du CELPE-Bras.

Mes voyages en Colombie et en Espagne ont été l'occasion d'apprendre le castillan.

Lors de mon dernier voyage au long cours je fis quotidiennement pendant six mois une leçon de mandarin.

J'ai également, au cours de mes études, étudié ces différentes langues en présentiel ce qui m'a permis d'expérimenter la situation d'apprenant de langue. Ces expériences m'ont permis de me confronter à l'(auto-)apprentissage des langues et j'en tirai de nombreuses conclusions comme la prévalence de la voie communicative pour l'acquisition des langues par exemple. Au-delà des jugements de valeur, je saisis ainsi toute opportunité qui se présente -même quand mon interlocuteur parle très bien français- de pratiquer une de mes langues étrangères. L'occasion est saisie non comme un faire-valoir mais comme la possibilité d'améliorer mes connaissances, d'apprendre. Ainsi je choisis souvent, si nous avons plusieurs langues en commun, de parler d'abord avec mon interlocuteur la langue que je maitrise le moins.

Mon rapport aux langues étrangères se définit également comme un échange interculturel, une manière de pénétrer une culture donnée. Ainsi j'ai un goût prononcé pour les parlers de rue, argots, que je trouve particulièrement expressifs et poétiques.

CONCLUSION

Ce travail d' « ethnographie de/du soi » qui situe le chercheur dans son temps, son milieu et son travail (RAZAFIMANDIMBIMANANA, 2008 : 39) traduit son « implication active consciente » comportant deux directions complémentaires (BLANCHET, 2000 : 91) :

« Vers l’amont, dans une analyse de la relativité subjective de ses présupposés et points de vue scientifique, de citoyen, d’individu, etc. Vers l’aval, dans une orientation réfléchie de ses travaux et de son action sur le terrain, directe ou indirecte, volontaire ou involontaire, dans un retour vers les informateurs qui, tout en offrant leur savoir, ont souvent exprimé leurs difficultés et parfois appelé à l’aide. »

L'introspection réalisée demeure cependant limitée,

« La mise en transparence des propriétés situées du chercheur ne peut cependant être parfaite au sens de « complète » ; elle se heurte non seulement aux limites de perception, de compréhension et d’ouverture du chercheur mais aussi au souci d’adaptabilité face aux attentes de l’Autre. » (RAZAFIMANDIMBIMANANA, 2008 : 73-74)

La réflexivité critique pourrait approfondir ce travail narrativo-historique et aborder le chercheur dans ses dimensions politique, économique, psychologique, psychanalytique...Néanmoins ce travail conséquent n'est pas l'un des buts premiers de la recherche réalisée. Il vise à présenter celle-ci globalement, sous l'ensemble de ses aspects afin de porter sur celle-ci un regard distancié pour la considérer dans toute sa complexité et contribuer ainsi à une « science avec conscience » (MORIN, 1990).

CHAPITRE V

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