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Le contexte historique récent

PARTIE II. La Finlande, un médiateur pour la paix

Chapitre 4. L’intérêt croissant de la Finlande dans le domaine de la médiation depuis les

4.1. Le contexte historique récent

L'année folle européenne de 1989 et ses conséquences ont également entraîné des changements majeurs pour la Finlande et sa politique extérieure. L'adhésion de la Finlande au Conseil de l'Europe en tant que membre à part entière en mai 1989 en a donné un avant-goût ; bien que la Finlande ait coopéré avec le Conseil de l'Europe au cours des précédentes décennies, elle avait été prudente et était restée jusque-là en dehors de cette organisation internationale. À la fin d'octobre 1989, Mikhaïl Gorbatchev fit une visite à Helsinki pendant laquelle il reconnut, sans réserve, la Finlande comme un État neutre. La Finlande parvint également à offrir de bons offices aux deux superpuissances lors du premier sommet de Mikhaïl Gorbatchev et George Bush à Helsinki, le 9 septembre 1990. C’est ainsi que le président finlandais Mauno Koivisto108 et la Finlande réussirent à renforcer l'image de la Finlande en tant que médiateur.109

Le 21 septembre 1990, le gouvernement a adopté des interprétations unilatérales concernant le Traité de paix de Paris et le Traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle entre l’Union soviétique et la Finlande. Certaines dispositions limitant les forces de défense finlandaises étaient ainsi considérées comme obsolètes. L'initiative était celle du président Koivisto, qui a également déclaré que le traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle était dépassé dans la mesure où il se référait à l’Allemagne en tant que pays offensif.110 Ici, la Finlande a démontré le courage d'être proactif, mais globalement les dirigeants de la Finlande sont restés plutôt prudents vis-à-vis les bouleversements de

108 Mauno Koivisto, issu des rangs des sociaux-démocrates, a été président de la Finlande pendant une période de transition importante. Il a succédé Kekkonen, président à la longévité considérable, et l’a remplacé dès l'automne 1981 à cause de la maladie de Kekkonen (jusque-là, Koivisto avait été le premier ministre). Les deux présidences de Koivisto ont duré du 27 janvier 1982 au 1er mars 1994. Voir par exemple Suomi 2001, p. 50.

109 Suomi 2001, p. 52-54.

l’Europe, dans l’objectif de veiller à la neutralité et de garder les relations stables avec l’Union soviétique, qui pourtant était en train de s’effondrer.111

Sous la direction du vice-président Gennadi Ianaïev, les communistes et les soldats conservateurs qui s'opposaient à la désintégration de l'Union soviétique tentèrent en août 1991 de prendre le pouvoir et de renverser le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Le coup d’État ne dura que trois jours, du 19 jusqu’au 21 août, avant d’échouer avec la défaite complète de Ianaïev. Toutefois, le coup eut de grandes conséquences : il devint alors clair que l’homme fort de la Russie était le président Boris Eltsine. Gorbatchev dut s'écarter et à Noël 1991, l'Union soviétique passa à l'histoire et la Russie devint son État successeur. Immédiatement après l'échec du coup d'État, les États baltes se déclarèrent indépendants et, le 25 août, la Finlande rétablit des relations diplomatiques avec l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie. La Russie reconnut également l'indépendance des pays baltes.112 Outre ces événements dans les environs proches de la Finlande, il y eut de la tourmente dans les autres coins de l’Europe. Les événements les plus tragiques se produisirent dans les Balkans avec l’extension des guerres de dissolution de la Yougoslavie. La Finlande chercha également à promouvoir les aspirations à la paix dans les Balkans à différentes étapes, comme nous le verrons plus tard.

Du point de vue de la politique étrangère et de sécurité de la Finlande, un point décisif fut le fait que la Suède présenta sa demande d'adhésion à la Communauté européenne (CE) en juillet 1991. La position officielle finlandaise avait été de revoir la situation en ce qui concerne la CE seulement après la conclusion du traité sur l’espace économique européen (EEE) qui était en cours de négociation. Or, le processus fut prolongé et la décision de la Suède eut un effet profond sur les débats menés en Finlande.113 Le gouvernement finlandais, pour sa part, annonça en septembre 1991 que l'éventuelle adhésion de la Finlande à la CE ferait l'objet d'une enquête. Martti Ahtisaari, qui venait de commencer à son poste de secrétaire d'État au ministère des Affaires étrangères, fut chargé de cette mission.114 Finalement, en février 1992 le président Koivisto prit la position selon laquelle la Finlande devrait, elle aussi, poser une demande d’adhésion. En mars, le gouvernement approuva

111 Aunesluoma et Rainio-Niemi constatent que la réinterprétation unilatérale du Traité de paix de Paris de 1947 et la révision du Traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle après la réunification de l'Allemagne ont constitué l’étape la plus significative vers la redéfinition de la politique étrangère finlandaise. Aunesluoma et Rainio-Niemi 2016, p. 72.

112 Suomi 2001, p. 55.

113 Klinge 2004, p. 159. Suomi 2001, p. 57.

également la demande d'adhésion à la CE et le président Koivisto la signa le 18 mars 1992.115 Un référendum se tint en octobre 1994 en Finlande, où 56,9% des voix allèrent en faveur de l'adhésion de la Finlande à l'Union. La Finlande devint membre en janvier 1995.

L'intégration à l'Union européenne signifiait que la Finlande abandonnait sa neutralité traditionnelle. Cependant, la Finlande resta en dehors des alliances militaires. Aunesluoma et Rainio-Niemi soulignent que ce changement de politique est le résultat de l'action d'un petit groupe de décideurs au début de 1992. Ils indiquent également que la nouvelle politique n'était pas aussi largement soutenue par l'opinion populaire que la neutralité précédente.116 Selon eux, la politique de neutralité finlandaise fut affectée pendant la période 1989-1992 en particulier par trois développements qui ouvrirent la voie au changement: tout d'abord la fin de la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique ainsi que les bouleversements politiques en Europe, puis la dissolution de l'Union soviétique 1991 et enfin la conclusion que la Finlande demanderait effectivement à devenir membre de l'UE.117

Comme l’observent par exemple par Bazin et Tenenbaum, les guerres de dissolution de la Yougoslavie ont profondément choqué les Européens et ont démontré l’incapacité européenne de prévenir de tels conflits. Ils mentionnent en particulier les guerres en Bosnie (1991-1995) et au Kosovo (1998-1999).118 Les atrocités, y compris le génocide de Srebrenica119 en juillet 1995 et les camps de concentration, ont donné à l'UE une impulsion pour développer la résolution des conflits, en particulier depuis le début des années 2000. La médiation pour la paix fait partie intégrante de cet ensemble. Bazin et Tenenbaum affirment qu’il s’agit d’une évolution plus répandue que nous pouvons observer aussi au sein de l’ONU et plusieurs organisations internationales.120 En outre, il y a une activité croissante de nombreux pays et d'autres acteurs. Nous allons maintenant examiner quelques cas de participation finlandaise à la médiation pour la paix.

115 Klinge 2004, p. 159. Suomi 2001, p. 57.

116 Aunesluoma et Rainio-Niemi 2016, p. 69.

117 Ibid., p. 71.

118 Bazin et Tenenbaum 2017, p. 9.

119 Au sein du Conseil de sécurité, la Russie refuse d'accepter de qualifier les événements de Srebrenica comme un génocide. Selon la Russie, l’utilisation de ce terme serait une solution politique qui ne ferait que marquer les Serbes et causerait ainsi plus de tensions aux Balkans. Voir par exemple l’article du Monde le 8 juillet 2015 : http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/07/08/la-russie-bloque-la-qualification-du-massacre-de-srebrenica-de-genocide_4675833_3214.html