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Université Paris 1 École nationale d’administration

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Academic year: 2021

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Université Paris 1

École nationale d’administration

Master Études européennes et relations internationales Spécialité Relations internationales et

Actions à l’Étranger

La médiation pour la paix : une composante essentielle de la diplomatie publique finlandaise ?

Sous la direction de Laurence Badel

Professeur des universités à l'Université Paris 1 Institut Pierre Renouvin/UMR SIRICE

Soutenu par Anna Esko

CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)

JUIN 2018

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AVERTISSEMENT

Les propos contenus dans le présent mémoire ne représentent que l’opinion personnelle de son auteure et n’engagent aucunement les organisations auxquelles elle participe ou auxquelles elle peut ou a pu être associée ou employée.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier en premier lieu ma tutrice académique, Madame Laurence Badel, Professeur des universités, Université Paris 1. Sa grande disponibilité, ses conseils et ses remarques constructives ont été indispensables.

Ma reconnaissance va également à l’École nationale d’administration dont le personnel, surtout le Directeur adjoint de la formation en charge des formations diplômantes et de la recherche, Monsieur Fabrice Larat, nous a guidés.

Je remercie également tous ceux qui m’ont accordé du temps pour un entretien téléphonique.

J’en suis très reconnaissante.

Enfin, j’exprime toute ma gratitude aussi à ma famille et à mes proches, qui m’ont soutenue à toutes les étapes de ce projet.

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LISTE DES ABREVIATIONS

CMI Crisis Management Initiative

CSCE Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe FCA Finn Church Aid

FELM Finnish Evangelical Lutheran Mission

MINUBH Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine ONU Organisation des Nations Unies

OSCE Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe TAPRI Tampere Peace Research Institute

UE Union européenne

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RESUME

Ce mémoire professionnel a pour but d’étudier la pratique diplomatique de la médiation pour la paix dans le contexte finlandais. Ce mémoire pose la question de savoir si la médiation est, depuis toujours, ou est devenue une composante essentielle de la diplomatie publique finlandaise. Pour répondre à la question un aperçu historique est proposé pour mieux comprendre les évolutions ultérieures. D’abord, l’identité internationale de la Finlande au XXe siècle est étudiée en deux chapitres de la I Partie : la construction de la politique extérieure finlandaise de décembre 1917 à 1939 et la Finlande pendant la guerre froide.

L’aperçu historique nous permet d’établir que la neutralité est devenue surtout après la seconde guerre mondiale la pierre angulaire de la politique étrangère et de la diplomatie publique de la Finlande. À partir des années 1960, la politique finlandaise et européenne de neutralité se manifeste sous des formes de plus en plus actives ; la neutralité n'est plus considérée comme un isolement mais comme un positionnement constructif. Le point culminant de la politique de neutralité de la Finlande consiste en la signature de l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe à Helsinki en septembre 1975.

La II Partie est divisé en trois chapitres. Elle présente la Finlande comme un médiateur pour la paix et constate que la médiation fait partie du continuum politique finlandais, qui s’inscrit dans le cadre la neutralité antérieure : Pendant la guerre froide, les pays neutres jouaient souvent le rôle de médiateurs dans les conflits internationaux et fonctionnaient en tant qu'hôtes de sommets et de négociations des superpuissances. Le fait de quitter cette neutralité après la chute du mur de Berlin ne signifiait néanmoins pas la volonté de quitter le rôle du constructeur de ponts. Le chapitre 3. présente les particularités de la médiation en tant qu’une pratique de règlement diplomatique des conflits et le chapitre 4. étudie l’intérêt croissant de la Finlande dans le domaine de la médiation depuis les années 1990. Le chapitre 5. introduit l’usage actuel que la Finlande fait de cette tradition.

La conclusion principale de ce mémoire professionnel est que la médiation pour la paix occupe aujourd’hui partiellement la place qu’occupait avant la neutralité dans la politique étrangère de la Finlande. En ce qui concerne la diplomatie publique, il est évident que la Finlande veut plus de visibilité, mais beaucoup de travail reste encore à faire.

Mots-clés : la médiation, la neutralité, la Finlande

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INTRODUCTION

La médiation pour la paix a connu un essor après la guerre froide1, bien qu’il s’agisse d’une pratique connue de longue date. En général, le terme médiation comprend les pratiques où les services d'un tiers sont utilisés pour réduire les différences ou chercher une solution dans les différentes phases d’un cycle de vie d’un conflit. La médiation diffère des bons offices dans la mesure où le médiateur prend généralement plus d'initiative pour proposer des termes de règlement. Elle diffère de l'arbitrage dans la mesure où les parties adverses ne sont pas tenues par un accord préalable d'accepter les suggestions faites.2 Historiquement, ce sont surtout les pays limitrophes ou les grandes puissances qui ont été les acteurs les plus actifs pour offrir des services de médiation aux États en situation de conflit.3 Or, aujourd’hui un nombre croissant d’États de toutes tailles ainsi que des acteurs privés sont entrés dans le domaine de la médiation. De plus, il semble que la médiation pour la paix soit devenue une composante courante de la diplomatie publique.

La Finlande se trouve parmi les pays pour lesquels la médiation est un élément important de la politique étrangère et de sécurité. Il en va de même pour ses voisins nordiques. Un exemple récent impliquant la Finlande aussi bien que la Suède s’inscrit dans le cadre des tensions dans la péninsule coréenne : les consultations entre les représentants de Corée du Nord et de Suède ont eu lieu à la mi-mars 2018 à Stockholm.4 La Suède étant le pays représentant les intérêts des États-Unis en Corée du Nord, les discussions se sont déroulées sans que les Américains soient présents. Après ces consultations au niveau ministériel, menées dans la capitale suédoise, des tables rondes ont été organisées en Finlande apparemment sans autre rapport avec les discussions à Stockholm que le lien temporel.5

1 Voir par exemple Tenenbaum 2009, p. 101-102.

2 Il existe beaucoup de recherche sur ces questions. Par exemple Tenenbaum constate que la médiation est une méthode de résolution des conflits qui « offre un processus éminemment politique, non juridictionnel et peu contraignant, au cours duquel les parties s’en remettent à l’intervention d’un tiers. » Tenenbaum 2009, p. 102.

3 Zartman 2002, p. 281-282. D'un autre côté, il convient de noter que d'autres acteurs, tels les acteurs religieux, sont impliqués depuis longtemps dans la médiation de paix. Voir par exemple Maïla 2014.

4 Le communiqué de presse du ministère suédois des Affaires étrangères le 15 mars 2018 : http://www.regeringen.se/pressmeddelanden/2018/03/nordkoreas-utrikesminister-ri-yong-ho-besoker-sverige- 15-16-mars/

5 La durée exacte des tables rondes, de deux ou trois jours, n'a pas été rapportée. Le représentant du ministère finlandais des Affaires étrangères a toutefois lu le 21 mars, à la fin des discussions, le bulletin d’information des participants destiné aux médias, mais il n’avait pas la permission de répondre aux questions. Selon le bulletin il y avait aussi des observateurs des Nations Unies et des observateurs européens. Il s'agit d'un processus qui a duré quelques années et qui vise à atténuer les tensions dans la péninsule coréenne. Selon les négociateurs, l'atmosphère était bonne. https://yle.fi/uutiset/3-10126305

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Selon les déclarations transmises par les médias, il n’existait pas de lien entre les réunions dans les deux pays nordiques, les discussions en Finlande étant d’un caractère « track 1.5 »6 – c’est-à-dire une voie intermédiaire entre celles connues comme les Track 1 et Track 2.7 La radiodiffusion nationale finlandaise YLE cite dans sa nouvelle l’organisateur sud-coréen des discussions, le professeur Kim Jun-Hyung de l'Université de Handong. Selon Kim, les discussions en Finlande étaient les premières d’une série de rencontres entre une vingtaine d’acteurs universitaires et politiques représentant trois États, notamment la Corée du Sud, la Corée du Nord et les Etats-Unis, ces réunions trilatérales étant une initiative américaine. Le rôle de la Finlande a été de faciliter l’organisation des discussions. Également cité par YLE, le président de la république finlandaise, Sauli Niinistö, a souligné que le rôle de la Finlande dans les négociations était petit : la Finlande avait offert de bons offices dans le processus visant par exemple á préparer un sommet intercoréen et un sommet Etats-Unis-Corée du Nord, les deux sommets devant avoir lieu au printemps ou au début de l’été. Selon M.

Niinistö, le gouvernement finlandais avait reçu une demande "à travers quelques intermédiaires". Quant au ministère des affaires étrangères, celui-ci a déclaré qu'il s'agissait d'une réunion universitaire de routine.

Ce simple exemple laisse entendre qu’une vaste diversité d’acteurs, modes de fonctionnement et d’enjeux est présent dans la médiation pour la paix. Il est aussi évident que la brièveté des rapports finlandais et des suédois8 témoigne du fait que la confidentialité est une qualité essentielle de la médiation internationale et des phénomènes voisins. La question qui se pose est celle de la gestion de la tension entre d’une part la confidentialité9 et la discrétion nécessaires et, d'autre part, le désir de publicité qui est la raison d’être de la diplomatie publique. La question se pose d’autant plus compte tenu du fait que la diplomatie tranquille est souvent utilisée pour régler des différends.10

6 Voir par exemple https://yle.fi/uutiset/3-10123271.

7 Voir Mapendere pour des résumés des définitions plutôt bien établies de la diplomatie des voies 1 et 2 (« Track 1 » et « Track 2 ») ainsi que pour sa formulation de la diplomatie de la voie 1.5. Il est en général accepté de faire la séparation entre les efforts menés sous la diplomatie officielle (Track I) et sous la diplomatie non officielle ou parallèle (Track II). Mapendere constate : « the main feature that distinguishes Track One and a Half from Track One is that the third party is not a representative of a political institution. » Mapendere 2005, p. 70.

8 Le communiqué de presse du ministère suédois des Affaires étrangères le 17 mars 2018 : http://www.regeringen.se/artiklar/2018/03/overlaggningarna-mellan-sveriges-och-nordkoreas-utrikesministrar- har-avslutats/

9 Alvaro de Soto écrit dans sa préface : « le travail d’un médiateur, par sa nature, doit rester confidentiel. « Dieckhoff 2012, p. 9.

10 Un cas très intéressant au sein de l’OSCE est le poste de Haut Commissaire pour les minorités nationales. Le poste a été créé par les États participants lors du sommet de Helsinki en juillet 1992 de la CSCE. Le Haut Commissaire est selon son mandat un instrument de prévention des conflits au stade le plus précoce possible. Il ou elle travaille par la diplomatie tranquille. Voir https://www.osce.org/fr/mc/39531?download=true, Annexe, p.

4.

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Ce mémoire professionnel pose, en effet, la question de savoir si la médiation est, depuis toujours, ou est devenue une composante essentielle de la diplomatie publique finlandaise. La diplomatie publique comprend, selon la définition de l’Encyclopædia Britannica, de nombreux efforts soutenus par le gouvernement visant à communiquer directement avec des publics étrangers. La diplomatie publique comprend tous les efforts officiels pour convaincre les secteurs ciblés de l'opinion étrangère de soutenir ou de tolérer les objectifs stratégiques du gouvernement.11 La notion de diplomatie publique, normalement considérée comme une fonction de soutien aux grandes initiatives politiques qui ont généralement des composantes politiques ou économiques, s’est imposée dans le débat dans son sens moderne depuis les années 1960. Or, Henrikson note que le terme diplomatie publique est de plus en plus utilisé non seulement en référence aux gouvernements agissant envers d'autres gouvernements, mais aussi aux gouvernements qui tentent d'influencer les autres sociétés de façon plus générale.12 Pour parvenir à une conclusion, il faudra s’interroger sur questions telles que pourquoi la médiation est-elle perçue comme importante ? Comment fonctionne-t-elle ? Pourquoi les Finlandais ont-ils un intérêt ? Ce mémoire tente de répondre aux questions en mettant l’accent sur l’expérience de la Finlande en la matière et en examinant la dimension de la diplomatie publique liée á la médiation. L’étude sera organisée en deux parties : après l’introduction, l’identité internationale de la Finlande au XXe siècle sera étudiée sous l’angle historique afin de comprendre les évolutions ultérieures. La première partie sera suivie par une deuxième partie où l’analyse portera sur la médiation et ses particularités et sur la Finlande en tant que médiateur pour la paix.

Dans une perspective d’étude comparée, ce mémoire traite également des comportements des voisins nordiques de la Finlande, notamment la Suède et la Norvège, en tant que médiateurs de la paix. Ces pays ont été choisis comme points de référence et pistes de comparaison parce

11 Traduction personnelle. Voir https://www.britannica.com/topic/public-diplomacy. Il est encore précisé qu’il existe deux types de diplomatie publique : Premièrement la communication culturelle, dans laquelle le gouvernement tente d'améliorer son image sans chercher à soutenir un objectif politique immédiat. L’image positive d’un État crée une bonne volonté générale et facilite la coopération à travers une variété de questions.

Cette diplomatie publique est censée affecter les perceptions à long terme. Le deuxième type de diplomatie publique comprend diverses stratégies conçues pour faciliter des résultats plus rapides afin de créer un soutien étranger aux objectifs politiques immédiats. Les méthodes peuvent comprendre des déclarations de décideurs, des campagnes ciblées menées par des organisations gouvernementales dédiées à la diplomatie publique et des efforts pour persuader les médias internationaux de présenter les politiques officielles de manière favorable.

12 Henrikson 2006, p. 8-9.

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que la coopération nordique13 s'étend également à ce secteur ainsi que pour la disponibilité du matériel. Nous montrerons qu’il existe un « écosystème » nordique dans le domaine de la recherche sur la paix et les conflits ainsi que sur le champ de la médiation pour la paix.14 En ce qui concerne les sources, je me suis appuyée sur les écrits du chercheur Juhani Suomi sur l'histoire de la politique étrangère finlandaise, qui a été au service du ministère des Affaires étrangères et connaît bien la thématique. Il est surtout connu pour sa biographie du président Urho Kekkonen. Le livre du professeur Matti Klinge, La Finlande, Terre d'Europe, a constitué une source importante pour un contexte plus large et, de plus, était disponible en français. Les articles de Louis Clerc ont également été très utiles dans le cadre de la diplomatie publique finlandaise. Dans le domaine de la médiation pour la paix, les travaux de Charles Tenenbaum et William Zartman ont été essentiels pour que je me familiarise avec le sujet. L'aperçu général de Guillaume-Hofnung, La médiation, était également utile, ainsi que l’ouvrage sur le médiateur finlandais, Martti Ahtisaari, publié en français par Milena Dieckhoff. Pour avoir une bonne idée de l'histoire de la médiation pour la paix finlandaise et de l'état actuel, je me suis appuyée également sur des entretiens. Je suis particulièrement reconnaissante aux six personnes interrogées, dont quatre officient au ministère des Affaires étrangères. Également, les représentants des organisations Crisis Management Initiative et SaferGlobe m’ont beaucoup aidée.

13 La coopération nordique couvre un large éventail de questions allant de la défense nationale à la culture. Dans le cadre des Nations Unies, les pays nordiques présentent souvent des discours communs et proposent des candidatures communes selon une rotation nordique. La coopération est étroite.

14 Un parallèle intéressant, la médiation sous une forme ou une autre a une longue histoire dans les systèmes nordiques de règlement des différends. Les pays partagent également des traditions juridiques et autres. De plus, avec l'émergence des pratiques de médiation modernes, la recherche en médiation a également gagné en volume.

Nylund et al. 2018, p. 1-3.

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PARTIE I. L’identité internationale de la Finlande

au XX

e

siècle

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Chapitre 1. La construction de la politique extérieure finlandaise de décembre 1917 à 1939

La Finlande entra sur la scène internationale en tant qu’État souverain après avoir déclaré son indépendance en décembre 191715, saisissant l’occasion historique produite par la révolution russe (la Finlande constituait une région autonome de Russie, le grand-duché de Finlande, durant les années 1809–1917). Cependant, les relations avec ce pays voisin restèrent souvent laborieuses et les tensions qui en sont issues ont nettement marqué la formation de la politique extérieure finlandaise. De plus, le début de l’indépendance fut malaisé puisqu’une guerre civile éclata en janvier 1918 en Finlande, opposant les Rouges16, qui représentaient principalement les travailleurs, et les Blancs, composés des bourgeois et des paysans.

La guerre de 1918 fut caractérisée par la violence politique, commune à la terreur rouge et terreur blanche. Cette guerre sanglante s’acheva en mai 1918 par la défaite des Rouges. Après le conflit, près de 80 000 prisonniers rouges furent placés dans des camps de prisonniers.

Environ 13 000 personnes moururent de faim, de maladie ou furent exécutées. Au total, près de 37 000 Finlandais, soit plus d'un pour cent des Finlandais, perdirent la vie durant la guerre civile ou de ses suites.17 La nation finlandaise en resta divisée. Il aurait été difficile alors d’imaginer qu’un tel pays puisse assumer un rôle de médiateur.

Suivant la formulation de l’historien Juhani Suomi, la nation finlandaise se cherchait après l’indépendance.18 L’affirmation de la politique extérieure finlandaise était bien évidemment liée à la lutte de pouvoir interne. De plus, ce nouvel État indépendant devait naviguer dans des situations internationales complexes sans expérience diplomatique antérieure pour gérer ces relations. Ainsi, l’orientation vers l’Allemagne marqua la politique étrangère finlandaise en

15 Le gouvernement proposa une déclaration d’Indépendance au parlement le 4 décembre 1917, qui l’accepta deux jours plus tard. Le 6 décembre est célébré comme le jour de l’Indépendance de la Finlande. La Russie soviétique a approuvé la déclaration d’Indépendance de la Finlande le 4 janvier 1918 et cette reconnaissance a été suivie le même jour par la Suède, la France et l’Allemagne. Suomi 2001, p.10. Klinge 2004, p. 105.

16 Les Rouges étaient aussi bien des socio-démocrates que des communistes, des ouvriers et des indigents ruraux sans propriété foncière, soutenant la révolution russe. Ils désiraient une forme de gouvernement semblable à celui la Russie, et les communistes envisageaient même de faire partie intégrante de la Russie socialiste.

17 Une base de données (service des Archives nationales) est accessible aussi en anglais, communique les chiffres : http://vesta.narc.fi/cgi-bin/db2www/sotasurmaetusivu/stat2. Le projet sur les morts de la guerre finlandais de 1914 à 1922 était un projet de recherche du Bureau du gouvernement en 1998-2003. Le but était aussi de renverser le traumatisme national de la guerre civile de 1918.

18 Suomi 2001, p. 10.

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1918 avant qu’elle ne tourne vers les États vainqueurs de la première guerre mondiale, puis vers les voisins européens de l'Union soviétique afin de chercher un soutien réciproque.19 Le ministère des Affaires étrangères joua naturellement un rôle clé dans la formation d'une politique étrangère indépendante. Or, pendant la guerre civile, la Finlande était dans le chaos et gérer les affaires étrangères ne faisait aucune exception. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que le nouveau Sénat, établi le 27 mai 1918, reçut son premier sénateur, équivalent contemporain du poste de ministre des affaires étrangères, le juriste et banquier Otto Stenroth.

Pour organiser les activités, un décret publia le 28 juin 1918, la date officielle de la naissance du Service diplomatique finlandais. Utilisant comme modèle la pratique administrative suédoise, le décret établit un bureau des affaires étrangères.20

L'administration étrangère constituait une véritable nouvelle aire pour les Finlandais : d'autres expériences administratives avaient été acquises pendant l'autonomie, mais il existait très peu d’expérience de la gestion de la politique extérieure.21 Il faut de surcroît noter que le départ était vraiment modeste : le nouveau bureau des affaires étrangères ne comptait que trois directions générales22 et une quinzaine de fonctionnaires.23 Suomi attire l'attention sur la jeunesse relative des fonctionnaires de ce groupe, composé d’un grand nombre de suédophones entretenant des liens étroits avec l'université.24 Le corps des fonctionnaires comptait également des gens du commerce, de l'industrie et des arts qui avaient l'expérience de travailler à l'étranger. À la fin de 1918, la Finlande comptait 12 missions à l'étranger et 13 consuls honoraires.25

19 Suomi 2001, p. 10-12.

20 Suomi 2003, p. 24-25. Suomi note également que ce n’est qu’en novembre 1918 qu’il a eté décidé d’appeler le Sénat dans la continuation du Conseil d'État et les sénateurs ministres. En ce qui concerne le modèle suédois, il a été habituel de suivre les solutions suédoises : même pendant son autonomie sous la Russie, la Finlande avait gardé le suédois comme langue administrative et les formes et les traditions de gouvernement de l’ancienne patrie, la Suède.

21 Un exemple d'une personne dotée d’expérimence est Carl Enckell, qui fut le dernier Ministre d'État finlandais représentant la Finlande à Saint-Pétersbourg en 1917. Enckell a joué un rôle très important pour la politique extérieure finlandaise pendant des décennies, par exemple en tant que ministre des affaires étrangères à plusieurs reprises. Voir Forselles-Riska 2003, p. 38-57.

22 Les directions générales étaient la DG politique, la DG de politique commerciale et celle des archives. Leurs chefs respectifs étaient Stefan Söderhjelm, juriste, Henrik Ramsay, homme d’affaires et docteur en philosophie, et Harri Holma, docteur en philosophie et éditeur. Suomi 2003, p. 28.

23 Selon Suomi, les ressources confiées par le Sénat ont permis le recrutement de 16 fonctionnaires, mais qu’en réalité on aurait commencé avec moins de personnel. Suomi 2003, p. 26-27. Le site internet du ministère parle de 17 fonctionnaires, voir :

http://www.formin.fi/public/default.aspx?contentid=50535&nodeid=15179&contentlan=2&culture=en-US

24 Suomi 2003, p. 29-30.

25 http://www.formin.fi/public/default.aspx?contentid=50535&nodeid=15179&contentlan=2&culture=en-US

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L'une des premières initiatives de la Finlande fut de solliciter la reconnaissance de l'indépendance finlandaise pour qu’elle puisse fonctionner comme État souverain parmi les autres et entrer par exemple dans les organisations internationales. Dans ce but, des délégations furent envoyées à travers l'Europe et certains membres des délégations restèrent même à l'étranger pour poursuivre leur mission en tant que chargés d'affaires finlandais. Il était essentiel pour la jeune nation de relancer le commerce extérieur et faciliter le transport maritime. Les questions fondamentales couvraient de enjeux tels que la consolidation de la position politique de l’État finlandais et la consolidation de ses frontières. Les défis étaient nombreux. Pour les surmonter, le ministère des Affaires étrangères doubla les effectifs de son personnel entre 1919 à 1922. Un service trésorier fut ouvert en 1920 puis, un peu plus tard, en 1922, un département juridique fut créé, scindant la DG politique ou étatique en deux.26 Mais il fallut attendre jusqu’en 1988 avant que le centre de presse et de la culture ne forme une véritable DG.27

C’est néanmoins dans ces circonstances que la Finlande accomplit ses premiers pas pour promouvoir son image à l’étranger. Cela fut même un devoir fondamental, puisque l’image publique d’un pays compte parmi ses moyens de réussite.28 Il n’est guère surprenant que le petit Bureau de Presse, qui avait commencé son office en 1919 au sein du ministère des Affaires étrangères, ait été perçu au départ comme un agent maladroit tant, en effet, les efforts finlandais restèrent très amateurs jusqu’à la moitié des années 1930.29 Ne jouissant pas d’une longue tradition diplomatique, le ministère des Affaires étrangères et son Bureau de Presse ne maîtrisaient pas les distinctions entre les différents genres et les auditoires visés.

Quoi qu’il en soit, le tout petit Bureau de Presse a tenté, en coopération avec des opérateurs privés, de promouvoir l'exportation de l'industrie forestière et papetière, ainsi que la diplomatie culturelle, et de présenter la Finlande sous le meilleur jour possible, malheureusement sans faire de distinction « entre propagande, communication officielle, diplomatie culturelle et soutien aux exportations : acteurs publics et privés travaillent dans une grande improvisation ». 30

Il convient de noter que peu après les premières années de l’indépendance, la grande ligne de la politique étrangère de la Finlande s’est progressivement cristallisée autour de la recherche

26 Suomi 2003, p. 3.

27 http://www.formin.fi/public/default.aspx?contentid=50535&nodeid=15179&contentlan=2&culture=en-US

28 Louis Clerc constate que leur image à l’étranger est également pour les petits États un enjeu géopolitique et commercial essentiel, qui appelle de la part de leurs autorités un travail de communication. Clerc 2017, p. 87.

29 Clerc 2017, p. 89, et Pekkarinen et Tuomipuu 2001, p. 75.

30 Clerc 2017, p. 88-89.

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de neutralité et, en même temps, autour du désir de maintenir de bonnes relations avec son voisin de l'Est – l’Union soviétique. La coopération au sein de la Société des Nations est également devenue une partie intégrale de la politique étrangère finlandaise. Il est possible d’estimer que, dès cette époque, l’engagement finlandais envers un système international fondé sur des règles ainsi que la confiance dans les institutions internationales voient le jour.

La Finlande établit aussi une mission diplomatique à Genève en 1926 pour s'occuper à la fois des relations entre la Finlande et la Suisse et de la représentation de la Finlande à la Société des Nations. En raison de la perturbation de la Société des Nations et du début de la Seconde Guerre mondiale, cette mission fut toutefois transformée en légation en 1940 et transférée à Berne. La Finlande réouvrit une mission permanente à Genève en 1949.31

Dans ce contexte, il convient de mettre l’accent sur l’affaire des îles d'Åland, réglée par la Société des Nations au début des années 1920. L’affaire est un exemple rare de solution pacifique de différend territorial : Les îles d'Åland, situées entre la Finlande et la Suède, ont toujours été d'une importance stratégique considérable dans la région de la mer Baltique.32 Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les îles - habitées par une population suédophone mais appartenant à la Finlande - devinrent l'objet d'un différend territorial entre la Finlande et la Suède. A l’indépendance de la Finlande en 1917, les habitants des îles revendiquèrent leur droit à l'autodétermination et optèrent pour la réunification avec la Suède, à laquelle la Finlande avait appartenu pendant plusieurs siècles avant la période russe de 1809-1917. Ce mouvement séparatiste était soutenu par la Suède mais contré par la Finlande qui revendiquait sa souveraineté sur l'archipel et souhaitait lui offrir un statut autonome. La guerre civile de 1918 en Finlande effraya les habitants d’Åland encore davantage et une alliance avec la Suède fut considérée comme offrant plus de sécurité.33

Afin de faciliter un règlement pacifique du statut des îles et d'empêcher la déstabilisation de la région, l'affaire fut renvoyée en juin 1920 devant la Société des Nations, nouvellement fondée. Fait intéressant, la Finlande ne soutint alors pas l'idée d'un règlement par la médiation, option connue par la Charte de la Société des Nations. Le Conseil de l’organisation fut pourtant saisi par une initiative conjointe suédo-britannique et une commission de juristes fut

31 Voir le site Internet de la mission permanente de la Finlande :

http://www.finlandmission.ch/public/default.aspx?contentid=81618&nodeid=35476&contentlan=2&culture=en- US 32 Par exemple, pendant la guerre de Crimée, en 1854, la France et le Royaume-Uni ont attaqué la forteresse de Bomarsund pour les raisons stratégiques. Plus tard, la forteresse fut complètement détruite car il était dans l'intérêt britannique d'empêcher l'action militaire russe sur les îles. Le traité de paix de Paris a stipulé en 1856 que les îles d’Åland ne devraient pas être fortifiées. Voir, par exemple, Klinge 2004, p. 80-81.

33 Spiliopoulou Åkermark 2009, p. 198-199.

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nommée par le Conseil pour décider de la compétence du Conseil, contestée par la Finlande.

Une fois déclaré compétent pour trancher le différend, le Conseil de la Société des Nations nomma une deuxième commission, celle des rapporteurs, chargée de mener une enquête approfondie sur le problème et de formuler des recommandations en vue de sa solution.34 Cette fois-ci également la Finlande s’était pliée à la juridiction de la Société des Nations.

Suite au travail de la commission des rapporteurs, le Conseil de la Société des Nations adopta en juin 1921 une résolution35 selon laquelle la Finlande disposait de la souveraineté sur les îles d’Åland. En même temps, la résolution recommandait par exemple des mesures linguistiques et foncières pour garantir la préservation de l’autonomie d’Åland. La démilitarisation (la neutralisation et la non-fortification de l'archipel) était également une partie intégrale de la résolution. En fait, un accord entre la Finlande et la Suède permit de résoudre le différend au niveau international. Cet accord fut incorporé et, de ce fait, confirmé dans la résolution de la Société des Nations en juin 1921. Au niveau national, la Finlande avait déjà rédigé un projet de loi sur l'autonomie d'Åland en 1919 et ce projet avait été accepté en mai 1920, c’est-à-dire avant que la Société des Nations ne se soit prononcée sur la question.36 On peut dès lors conclure que la saisine de l’affaire par la Société des Nations joua un rôle sur les comportements des États impliqués. La législation finlandaise fut développée au cours des années 1921-1924, renforçant l'autonomie d'Åland, et une convention décidée à Genève en octobre 1921 confirmant la démilitarisation de l’archipel fut ratifiée par la Finlande au début de 1922.37

Outre la conciliation des problèmes interétatiques, on pensait en Finlande que la Société des Nations pourrait renforcer la sécurité des petits pays. La confiance de la Finlande dans cette organisation et sa volonté d'y investir se reflètent dans le fait que la Finlande en fut membre du Conseil entre 1927 et 1930.38 Jugeant le profil international de la Finlande à cette époque, on se trouvait face à un pays jeune, relativement instable, un pays confiant en les institutions internationales mais incapable d’assumer des charges de médiation. Pourtant, il est possible de situer les racines de la politique étrangère ultérieure de la Finlande dans sa recherche de la neutralité et dans sa confiance dans la Société des Nations, les deux manifestées dans les

34 Ibid., p. 201. Spiliopoulou Åkermark précise aussi que les trois membres étaient trois professeurs de droit formant la commission des juristes : Larnaude (de France), Struycken (des Pays-Bas) et Huber (de Suisse) ainsi qu’une secrétaire.

35 Le texte peut être consulté en ligne : http://mjp.univ-perp.fr/constit/aland1921.htm

36 Spiliopoulou Åkermark 2009, p. 198.

37 Ibid., p. 202-203.

38 Suomi 2001, p. 14.

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années 1920. La recherche d’une politique étrangère durable s’est également poursuivie pendant les années 1930 et a mené, comme nous allons voir, à une neutralité caractérisée comme nordique.39

La diplomatie publique finlandaise en était encore à ses balbutiements lorsque les années 1929-1932 offrirent quelques défis réels. Un mouvement de droite radicale, dit « le mouvement de Lapua », secoua la Finlande pendant près de trois ans. Ce mouvement anticommuniste, même fasciste, avait comme cadre les sentiments autoritaires et antiparlementaires présents dans l’Europe.40 Très rapidement, certains des supporteurs eurent recours à la violence et au vandalisme. Des socialistes furent aussi capturés et transportés symboliquement à la frontière de l’est. Les opérations du mouvement de Lapua s’effondrèrent après la rébellion de Mäntsälä en 1932, quand un coup d’état échoua et le mouvement fut enfin aboli par la loi.

Le ministère des Affaires étrangères était à juste titre préoccupé par l'image publique de la Finlande. Les activités d'information du ministère furent lentes et ne purent pas pu suivre le rythme des journaux. Des sombres nouvelles, certaines étaient vraies et d'autres exagérées, se répandirent dans la presse internationale et la rébellion de Mäntsälä fut un désastre direct pour l'image publique du pays.41 Une certaine professionnalisation et intensification des activités d’information eut lieu en 1936, en raison également du fait que les Jeux Olympiques de 1940 venaient d’être attribués à Helsinki.42 Or, la communication des acteurs privés espérant soutenir les activités étatiques fut souvent de caractère propagandiste.43

A cette même époque environ, la Finlande changea d’orientation sur le plan politique et s’identifia en 1935 en tant qu’un pays neutre, faisant véritablement partie de la communauté nordique. Les causes sous-jacentes étaient la faiblesse de la Société des Nations et le désir de renforcer la sécurité finlandaise au sein du Nord neutre. Le premier ministre finlandais de l’époque, M. Kivimäki, fit une déclaration au parlement le 5 décembre 1935, soulignant que l’orientation naturelle de la Finlande est vers la Scandinavie et que la Finlande, dans sa

39 Ståhlberg résume que, dans les années 1920 et 1930, la Finlande a éprouvé plusieurs solutions à ses problèmes de sécurité. D’abord une alliance des États frontaliers de l’Union soviétique, puis orientation scandinave de la sécurité, sécurité collective par la Société des Nations, pacte de non-agression avec l'Union soviétique et enfin une politique nordique commune de neutralité. Ståhlberg 1989, p. 242-243.

40 Klinge 2004, p. 114.

41 Pekkarinen et Tuomipuu 2001, p. 73-75.

42 Ibid., p. 75. Il convient de noter que les Jeux Olympiques n'eurent lieu en Finlande qu'à l’été 1952, du fait que la Seconde Guerre mondiale en a empêcha l'organisation durant les années précédentes.

43 Clerc 2017, p. 89.

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politique étrangère, devrait promouvoir sa coopération avec les pays scandinaves afin de préserver la neutralité commune des pays nordiques.44

La neutralité finlandaise fut animée par le vœu de rester en dehors des tensions européennes, surtout hors de celles qui opposaient l’Allemagne et l’Union soviétique, ces États étant en concurrence pour l'influence dans les pays nordiques. La relation de la Finlande avec sa voisine de l'Est - la Russie ou l'Union soviétique - fut une question de destin pour la Finlande dans différentes phases de l'histoire. L’historien Suomi, connu en particulier pour sa biographie de l’ancien président de la République Urho Kekkonen, a constaté que la ligne de neutralité des années 1930 a conduit la Finlande à une impasse car Finlande fut incapable d’obtenir la confiance soviétique pour cette ligne. L'Union soviétique interpréta la ligne de neutralité comme un rapprochement significatif avec l'Allemagne et ne croyait pas en la capacité de la Finlande à maintenir son impartialité vis-à-vis de l'Allemagne, à même d’utiliser le territoire finlandais dans une éventuelle attaque contre l'Union soviétique.45

Pour ces raisons, l'Union soviétique lança des discussions secrètes avec les Finlandais en 1938 afin d'obtenir des garanties telles qu'un accord de sécurité. Cependant, la Finlande n'était pas disposée à accepter les propositions soviétiques.46 Enfin, l’Accord Molotov- Ribbentrop ou le Pacte germano-soviétique, signé le 23 août 1939 à Moscou, scella le sort de la Finlande. Le pacte comportait un protocole secret, dont l’objet était de partager entre l'Union soviétique et l’Allemagne certains pays pour que ces puissances soient en mesure d'élargir leurs territoires sans la menace de l'autre. Les pays ciblés étaient la Finlande, les pays baltes, la Pologne et la Roumanie.

La Finlande, qui ignorait le protocole additionnel définissant les sphères d’influence, refusait toujours les exigences de l'Union soviétique concernant des révisions des frontières.

L’optimisme régnait parmi les politiciens et comme le constate Klinge, la Finlande aussi bien que la communauté internationale furent surprises lorsque l'Union soviétique attaqua la Finlande le 30 novembre 1939.47 La politique étrangère de la Finlande avait été construite à petits pas depuis 1917, et le déclenchement de la guerre d'Hiver en 1939 fut naturellement un désastre. La politique étrangère en temps de guerre est une politique d'état d'urgence. La continuité est rompue et toute l'énergie se dirige vers la défense de l'existence. Puisque les

44 Suomi 2001, p. 17.

45 Ibid., p. 22-23.

46 Klinge note que « La Finlande était prête à un échange de territoires dans l’Isthme de Carélie, mais refusait de céder une base à Hanko, péninsule à l’entrée du Golfe de Finlande. » Klinge 2004, p. 119.

47 Ibid.

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événements de la Seconde Guerre mondiale en Finlande ont eu un impact profond sur la construction d'une nouvelle politique étrangère après la guerre, les paragraphes suivants donnent un bref aperçu des années de guerre.

La Société des Nations condamna l'attaque de l’Union soviétique et la petite nation luttant contre un ennemi écrasant pour sa propre existence suscita la sympathie internationale.

Pendant un certain temps, la guerre d'Hiver fut même l'un des principaux sujets d'actualité au monde puisqu’il n'y avait pas de batailles entre l'Allemagne et les États de l'Europe occidentale malgré l'état de guerre.48 La Guerre d’Hiver a par exemple fait connaître le terme sisu, c’est-à-dire la persévérance finlandaise qui se manifestait dans les combats. L'Union soviétique avait cru en une victoire rapide, mais la Finlande parvint à résister à l’ennemi pendant trois mois, partiellement en raison des conditions météorologiques. L’unité nationale a aussi joué un rôle important : par exemple les travailleurs finlandais ont loyalement pris leur place dans le front commun contrairement à ce qu’avaient supposé les dirigeants de l'Union Soviétique.49

La guerre d’Hiver est connue pour ses conditions hivernales particulièrement difficiles, l'hiver 1939-1940 ayant été l’un des plus froids du XXe siècle. A l’arrivée du printemps la situation de l’armée finlandaise était en tout cas devenue si pénible que la signature d’un armistice fut jugée nécessaire. Après 105 jours, les combats prirent fin le 13 mars 1940. Basé sur l'accord de paix de Moscou, la Finlande perdit environ 11% de son territoire. Par conséquent, plus de 400 000 habitants, soit 11% de la population, durent quitter leurs domiciles et s’installer ailleurs en Finlande. Parmi ces personnes comptait le petit Martti Ahtisaari, qui quitta avec sa famille la ville de Viipuri (Vyborg), la deuxième plus grande ville finlandaise avant la guerre.

Comme nous le verrons plus tard, cet éminent médiateur finlandais a souvent mentionné que l’expérience de sa propre famille, en tant que personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, l’a marqué et sensibilisé pour la tâche qu’il accomplira plus tard.50

Au cours des années 1941-1944, la Finlande fut de nouveau en guerre contre l'Union soviétique, la Guerre de Continuation. Ce conflit fut précédé d'un rapprochement avec l'Allemagne : à l’automne 1940, la Finlande accorda à l’Allemagne la permission de transférer des troupes dans le nord de la Norvège à travers son propre territoire. En juin 1941, la Finlande rejoignit l'Allemagne pour lancer une attaque contre l'Union soviétique, estimant

48 Jokisipilä 2010, p. 263.

49 Jokisipilä 2010, p. 264.

50 Voir par exemple Dieckhoff 2012, p. 135.

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qu'il serait possible de récupérer les zones perdues pendant la Guerre d'Hiver. La Finlande fit valoir que la guerre en cours était une guerre distincte et que la Finlande n'avait pas d'alliance militaire avec l'Allemagne. Les alliés ne considéraient pas cet argument comme crédible51 et, à l'exception des États-Unis, ils déclarèrent la guerre à la Finlande alors que les batailles se poursuivaient.52

La Finlande réussit à sortir de la guerre à l'automne 1944 et conclut un accord de paix avec l'Union soviétique le 19 septembre 1944, confirmé en 1947 à Paris. Les conditions de paix étaient dures, incluant la perte de territoires et de lourdes indemnités de guerre. Les quelque 200 000 soldats allemands présents dans le nord de la Finlande durent être expulsés. La guerre de Laponie dura jusqu'à fin d’avril 1945 et durant cette guerre, les Allemands, qui s'étaient retirés en Norvège, détruisirent systématiquement la Laponie, brûlant entre autres la plus grande ville de la région, Rovaniemi. Cependant, la Finlande conserva sa souveraineté et Helsinki ne fut jamais occupée.53

Comme cela est bien connu, la situation en Europe demeura instable après la Seconde Guerre mondiale. Le contexte politique finlandais était également difficile et le pays dut quasiment reprendre à zéro la construction de sa nouvelle ligne de politique étrangère. Suomi caractérise la période de la fin de la guerre à 1948 comme le moment venu de postuler pour une nouvelle position internationale. La nouvelle ligne de la Finlande fut élaborée sur l'idée que la politique extérieure est le fondement de tout et que les relations avec l'Union soviétique sont primordiales.54

Pourtant, à juste titre, on peut affirmer que c’est la seconde guerre mondiale qui a véritablement uni les Finlandais contre l’ennemi extérieur. La nation finlandaise avait été profondément divisée par la guerre civile, et il est souvent souligné est que les années de guerre ont changé la mentalité des Finlandais. Après la guerre, pendant la période de reconstruction, l'économie était accablée par le paiement des indemnités de guerre à l’Union soviétique. Il fallut aussi reloger plus de 420 000 Finlandais, soient les 11 % de la population

51 Klinge pour sa part souligne que la guerre d’Hiver permet de comprendre pourquoi la Finlande devint cobelligérante de l’Allemagne…Elle devait choisir l’un ou l’autre camp pour des raisons de ravitaillement et échapper au sort de la Norvège et du Danemark occupés. Klinge 2004, p. 128.

52 Klinge 2004, p. 124 et Suomi 2001, p. 24.

53 Suomi 2001, p. 24.

54 Ibid., p. 27. Plus tard, la nouvelle ligne fut appelée la ligne Paasikivi, d’après le président de la République.

J.K. Paasikivi (président 1946-1956).

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qui avaient dû évacuer leurs domiciles pour se réinstaller ailleurs dans le pays, du fait que la Finlande était contrainte de céder une partie de ses territoires.55

Malgré ces difficultés, la sécurité sociale se renouvela petit à petit après la guerre. Les réformes de la sécurité sociale furent vues comme renforçant l'unité nationale et une nouvelle approche de la solidarité, de la justice et de la sécurité sociale fut mise en œuvre.56 Ce développement intérieur positif peut également être considéré comme une graine pour l'orientation ultérieure de la Finlande, dans le but de promouvoir également dans la politique extérieure des thèmes tels que la solidarité, la paix et la stabilité internationales. Il est clair que sans unité nationale, il est difficile de mettre en œuvre une politique étrangère cohérente et de fixer des objectifs ambitieux.

55 Voir par exemple Klinge 2004, p. 131, sur les défis après la guerre.

56 Un exemple d’une innovation sociale est le trousseau de maternité : les premiers trousseaux furent distribués par l’état dès 1938, mais c’est à partir de 1949 que la prestation fut accordée à toutes les femmes enceintes, quel que soit le niveau de revenu de la famille. (https://maternitypackage.kela.fi/the-baby-box-turns-80) Les trousseaux de maternité sont également utilisés dans le cadre de la diplomatie publique finlandaise. (Voir aussi Le Monde 30.3.2018 : La « Baby Box » finlandaise fait des petits.)

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Chapitre 2. La Finlande pendant la guerre froide

La situation instable en Europe aboutit au déclenchement de la guerre froide en 1947-1948.

En ce qui concerne la Finlande, on ne saurait évoquer sa situation sans mentionner le traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle, signé en avril 1948 entre l’Union soviétique et la Finlande. Ce traité, initié par Staline, définissait les objectifs de la politique de sécurité soviétique par rapport à la Finlande, notamment que le territoire finlandais ne soit pas utilisé pour les actes qui pourraient menacer l’Union soviétique, ce souci étant motivé surtout par la proximité de Leningrad-Saint-Pétersbourg de la Finlande. Du point de vue finlandais, il était particulièrement important que le préambule du traité ait reconnu l'aspiration de la Finlande à rester en dehors des conflits de pouvoir entre les grandes puissances.57 Certes, l’éventualité des consultations avec les Soviétiques inquiétait les Finlandais, mais parallèlement le traité a apporté de la stabilité et se distinguait de ceux conclus entre l'URSS et un certain nombre de pays d'Europe de l'Est en 1947.58

À ce stade, la neutralité émergente de la Finlande se marquait encore de prudence. Il était entendu en Finlande que la présence des soldats soviétiques dans la base navale de Porkkala, louée á l’Union soviétique, signifiait inévitablement que la Finlande ne pouvait invoquer la neutralité au même titre que la Suède par exemple. Selon l’historien Suomi, le président Paasikivi considéra qu’une « politique d'invisibilité » était la meilleure option et s'inquiéta même de l'intention de son pays de devenir membre de l'ONU. Il craignait que, en tant que membre des Nations Unies, la Finlande ne soit au cœur des différends entre les États-Unis et l'Union soviétique.59

Vers la fin des années 1940, les diplomates et les politiciens finlandais commencèrent à réaliser que le pays avait absolument besoin de communiquer de façon convaincante sur sa position internationale. Alors que Moscou devait être rassuré sur la loyauté de la Finlande,

57 Suomi 2001, p. 28. Klinge 2004, p. 133. : Il n’a jamais été nécessaire d’appliquer l’article prévoyant l’ouverture de consultations en cas de menace d’agression par le territoire finlandais. Le traité prit donc l’allure d’une sorte de déclaration de principe.

58 Aunesluoma et Rainio-Niemi 2016, p. 53-54. Le traité ne s'appliquait qu'au territoire finlandais et il ne contenait aucune automaticité pour l'assistance militaire soviétique, même s'il mentionnait une telle possibilité.

59 Suomi 2001, p. 28. Törnudd constate que Paasikivi n'a jamais été particulièrement enthousiasmé par l'adhésion de la Finlande à l'ONU. Törnudd 2003, p. 352.

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l'Occident devait être convaincu de sa neutralité.60 Les faits géopolitiques étaient les mêmes qu'avant : la Finlande d'après-guerre restait un petit pays de performance et d'influence, dont la situation géographique était vulnérable et la position dépendait de l'équilibre entre les grandes puissances.61

Le traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle permit une confiance accrue entre la Finlande et l'Union soviétique. L'accord commercial signé avec l'Union soviétique en 1950 constitue un signe de progrès. Progressivement, la Finlande a gagné plus de liberté d'action.

L'année 1955 marque une étape décisive dans la politique étrangère finlandaise. La péninsule de Porkkala, louée par l'Union soviétique comme base militaire, retourna sous la souveraineté finlandaise, ce qui leva quelques obstacles à la politique de neutralité de la Finlande : une fois le retrait des troupes étrangères effectué, Finlande put, de façon crédible, prétendre suivre une politique impartiale et neutre visant à maintenir le pays à l'extérieur des conflits armés.62 L'adhésion au Conseil nordique en novembre 1955 et à l'Organisation des Nations Unies un mois plus tard ont également constitué des événements cruciaux. La Finlande était désormais en mesure de défendre son intérêt national en tant qu'État neutre dans la communauté internationale. Grâce à l'adhésion aux Nations Unies, la politique étrangère de la Finlande entra dans la phase où les problèmes de la communauté internationale commencèrent à affecter la Finlande d'une toute nouvelle manière. Précédemment, l'expérience de la Finlande en matière de politique étrangère avait été principalement limitée aux relations bilatérales.

Au sein des Nations Unies la Finlande rejoignit la diplomatie multilatérale, dont la portée des affaires était très large. Cela signifiait nécessairement des changements pour la politique étrangère finlandaise : un certain nombre de nouvelles questions furent soulevées pour l'agenda de la politique étrangère et la Finlande dut apprendre de nouvelles façons de travailler. Pendant cette période, un nouveau président de la République a également été élu en Finlande. Juho Kusti Paasikivi fut remplacé par son collaborateur de longue date Urho Kekkonen en 1956.63

La doctrine Paasikivi-Kekkonen fait référence à une doctrine de politique étrangère établie par le président Paasikivi et poursuivie par son successeur Kekkonen, visant à assurer la

60 Clerc 2015, p. 150.

61 Voir par exemple la description de la Finlande avant la seconde guerre mondiale que donne Jokisipilä.

Jokisipilä 2010, p. 254-253.

62 Suomi 2001, p. 30.

63 Ibid., p. 30-33.

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survie de la Finlande en tant que pays indépendant souverain, démocratique et capitaliste à proximité immédiate de l'Union soviétique.64 L’Organisation des Nations Unies était devenue un lieu où la Finlande pouvait concrétiser le contenu de sa politique de neutralité et, en particulier, sa dimension occidentale. La démonstration de la neutralité vers l’Ouest était très importante étant donné l’image publique de la Finlande et le débat sur la finlandisation depuis les années 1950.65 Le concept de finlandisation fait référence à l'influence considérable que joua l’Union soviétique sur la politique extérieure de son pays voisin, menant même à une autocensure dans la presse finlandaise. Ståhlberg décrit les conditions politiques qui ont conduit à cette autocensure : les dirigeants du pays, en particulier le président Kekkonen, soutenirent fortement que les opinions susceptibles de compromettre la politique de neutralité officielle et la confiance en Finlande ne devraient pas être exprimées dans l'intérêt de l'État.66 Malgré leurs doutes sur la neutralité de la Finlande, les superpuissances en vinrent à accepter la neutralité de la Finlande et d'autres États neutres en Europe. La Finlande, la Suède et l’Autriche prirent à leur tour une part active dans les organisations internationales, en particulier aux Nations Unies. Pour chacun de ces pays, l'ONU devint un forum central pour leurs politiques. À partir des années 1960, la politique européenne de neutralité se manifesta sous des formes de plus en plus actives ; la neutralité n'était plus considérée comme un isolement mais comme un positionnement constructif. Beaucoup de chercheurs mettent l’accent sur le rôle joué par les pays neutres en tant que médiateurs dans les conflits internationaux et en tant qu'hôtes de sommets et de négociations des superpuissances.67

La caractérisation de la politique de neutralité de la Finlande, présentée par le président Kekkonen dans son discours aux Nations Unies en 1961, est bien connue : « Rather than as judges we see ourselves here as physicians ; it is not for us to pass judgment or to condemn, it is rather to diagnose and to try to cure. »68 Cette expression décrivait le rôle international de la Finlande et devint, pour plusieurs décennies, la devise pour la politique de neutralité de la Finlande. Les principales caractéristiques de la politique finlandaise de l'ONU étaient, entre autres, l'impartialité dans les conflits des grandes puissances, la défense des principes de la

64 Comme le note Klinge, Paasikivi a pourtant été plus prudent que Kekkonen. En effet, c’était Kekkonen dans son rôle de Premier ministre qui fit entrer la Finlande au Conseil nordique en 1955 et il a joué un rôle clé à la tête de la politique étrangère active de la Finlande. Klinge 2004, p. 143.

65 Une introduction générale La Finlande aux yeux de l'Occident (traduction personnelle) est proposée par Vares, p. 318-350 dans « La Finlande dans un monde changeant » (ma traduction), 2010.

66 Ståhlberg 1989, p. 247-249.

67 Voir par exemple Aunesluoma et Rainio-Niemi 2016, p. 56.

68 Le discours se trouve en Annexe.

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Charte des Nations Unies et la promotion de la capacité de fonctionnement de l'ONU.

Défendre l'ordre social finlandais et éviter la condamnation des États individuels étaient aussi des aspects fondamentaux.69

Les années 1960 et le contexte onusien virent le point de départ des activités modernes de la Finlande dans le domaine de la médiation pour la paix : Le politicien et diplomate finlandais Sakari Tuomioja servit de médiateur dans la crise chypriote en 1964. Il fut nommé en mars 1964 par le secrétaire général de l'ONU, U Thant, après avoir servi auparavant en tant que Secrétaire général de la Commission Économique des Nations Unies pour l'Europe en 1957- 1960 et présidé la Commission économique du Laos en 1959-1960, ainsi que brièvement en 1961.70 U Thant choisit Sakari Tuomioja pour cette mission précisément en raison de la politique de neutralité de la Finlande.71 Dans les conditions où les populations grecque et turque de Chypre étaient dans les hostilités, le Conseil de sécurité de l’ONU décida aussi en mars 1964 d’envoyer une force de maintien de la paix à Chypre.72 La Finlande envoya également des troupes. Dans son travail difficile, Tuomioja reçut la confiance des parties dans le conflit et en août 1964 présenta enfin sa proposition de conciliation, mais gravement malade, il succomba à une hémorragie cérébrale le mois suivant à Helsinki. Ce décès tragique n’entache en rien au fait que Tuomioja demeura longtemps la personnalité finlandaise ayant occupé le poste le plus élevé au sein des Nations Unies. Il fut parmi les pionniers qui menèrent la Finlande à des tâches exigeantes.73

À la fin des années 1960, l’influence de la Finlande sur les décisions des organes de l'ONU se fit plus active et le pays devint membre de plusieurs organes différents. La contribution de la Finlande peut être considérée comme importante par exemple dans les questions relatives aux nouveaux États et au maintien de la paix. La tâche la plus exigeante fut l’adhésion de la Finlande au Conseil de sécurité de l'ONU en 1969-1970, les membres non permanents étant élus pour deux ans par l’Assemblée générale de l'ONU. Cependant, selon les estimations, la Finlande s’en sortit bien, sachant démontrer qu'un petit pays neutre pouvait effectivement contribuer à la résolution des problèmes internationaux. L'action plus étendue de la Finlande

69 Törnudd 2003, p. 353. Törnudd mentionne aussi que le discours de Kekkonen était pour la plupart écrit par Ralph Enckell, un diplomate finlandais légendaire et le représentant permanent de la Finlande auprès l’ONU à l’époque. Ralph Enckell était le fils de Carl Enckell, voir la note de bas de page numéro 20 sur Carl Enckell.

70 Tuomioja 2003, p. 460-464. (L’auteur de l’article, Erkki Tuomioja, un homme politique, ancien ministre des Affaires étrangères ainsi qu’un scientifique reconnu, docteur en sciences politiques, fils de Sakari Tuomioja.)

71 L’interview téléphonique avec Antti Turunen le 8 mai 2018.

72 S/RES/186 (1964) du 4 mars 1964 sur la question de Chypre prévoit le création d’une Force des Nations Unies et la désignation d’un médiateur.

73 Tuomioja 2003, p. 464-466.

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dans le cadre de l'ONU signifiait en même temps que la politique étrangère de la Finlande commençait de plus en plus à se concentrer sur les problèmes mondiaux. La Finlande cherchait naturellement, par le biais du Conseil de sécurité, à renforcer son statut international et son image en tant qu’État neutre.74

Les priorités finlandaises comprenaient également le désarmement depuis la fin des années 1960, ce qui permit au pays de jouer un rôle d’intermédiaire en même temps, promouvoir sa propre sécurité. Sur le plan symbolique et pour la diplomatie publique, il était par exemple important que les négociations sur la limitation des armes stratégiques, menées de 1969 à 1979 entre les États-Unis et l'URSS, soient entamées à Helsinki en novembre 1969.75 La Finlande joua également un rôle actif dans la réalisation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), conclu en 1968 au sein de l’ONU et entré en vigueur en 1970. La Finlande coordonna les négociations pour une résolution approuvant le traité et fut le premier pays à signer le traité lorsqu'il fut ouvert à la signature.76

Le point culminant de la politique de neutralité de la Finlande consista toutefois en la signature de l’Acte final d’Helsinki en septembre 1975, après les trois phases de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe.77 L'initiative finlandaise du printemps 1969 proposait l'organisation d'une conférence européenne sur la sécurité et la coopération. La Finlande soumit sa proposition à tous les États européens, ainsi qu’aux États-Unis et au Canada, tout en proposant qu’elle puisse accueillir une telle conférence. Le débat international sur la sécurité européenne eut lieu plus d'une décennie avant la proposition finlandaise, de sorte que l'initiative ne fut pas effectuée dans le vide. En même temps, l'initiative constituait aussi un test pour la politique de neutralité de la Finlande. On peut considérer qu'il s'agissait d'une valorisation : la confiance ou non en la Finlande en tant que potentiel hôte de la réunion et l'appréciation de la politique étrangère et de la diplomatie finlandaises. Que la conférence se soit tenue à Helsinki fut interprété comme une reconnaissance de la politique de neutralité de la Finlande.78

74 Suomi 2001, p. 42.

75 Suomi 2001, p. 39.

76 Suomi 2001, p. 44, et l'information par le ministère des Affaires étrangères au Parlement en connexion avec le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (la note du 13.11.2017).

Voir: https://www.eduskunta.fi/FI/vaski/Liiteasiakirja/Documents/EDK-2017-AK-155994.pdf

77 Cette vue est généralement admise. Lors une conversation téléphonique que j’ai eue avec l'ambassadeur Antti Turunen le 8 mai 2018, il a constaté que l'organisation de la CSCE a été une grande école pour la Finlande.

78 Suomi 2001, p. 37-39.

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Les arrangements de la CSCE étaient très étendus. Les partenaires les plus importants de la Finlande dans les différentes phases furent les autres pays neutres, la Suède, l'Autriche et la Suisse, mais il ne faut pas non plus oublier le rôle important des pays non-alignés, Chypre, Malte et la Yougoslavie (le Liechtenstein et Saint-Marin étaient aussi impliqués).79 La préparation de la CSCE permit donc à la Finlande d’établir une coopération active au sein de ces États, ce qui contribua sans doute à la perception d’un groupe communément appelé un groupe des États neutres et non-alignés. L’organisation de la conférence, avec toutes les préparations, étendit également le réseau de contacts finlandais, ce qui n’est pas sans importance pour les efforts de médiation ultérieurs. Suomi attire l'attention aussi sur l'importance de la phase de suivi du processus. La CSCE dans son ensemble renforça la crédibilité de la diplomatie finlandaise, permit une activité accrue et créa des contacts élargis.80

Bref, nous pouvons affirmer que la politique étrangère finlandaise a partagé – et partage encore – de nombreuses caractéristiques avec un certain nombre de petites démocraties. Avec Törnudd, nous pensons qu’il s'agit notamment du désir de renforcer l'ONU et l'ensemble du cadre multilatéral, d'être un partenaire actif contribuant à la gestion des crises internationales et au règlement des différends et de promouvoir le désarmement et la réglementation des armements.81 La neutralité est devenue surtout après la seconde guerre mondiale la pierre angulaire de la politique étrangère et de la diplomatie publique de la Finlande, mais comme nous allons voir, la nouvelle donne amenée par la chute du mur de Berlin a signifié l’abandon de la neutralité, même si la Finlande est restée militairement non-alliée. Cela a impliqué une nécessité de redéfinir le rôle de la Finlande. Je soutiens personnellement que la médiation pour la paix est une corollaire naturelle de la neutralité et que le rôle du médiateur a partiellement repris, suivant les bouleversements en Europe liés à la chute du mur, la place qu’il occupait avant la neutralité dans la politique étrangère de la Finlande.

79 Ce groupe de pays a travaillé en étroite collaboration pour préparer les documents. L’entretien téléphonique avec Antti Turunen le 8 mai 2018.

80 Suomi 2001, p. 39. Voir aussi Badalassi 2013 sur l’influence française sur la rédaction de l’Acte final d’Helsinki.

81 Törnudd 2005, p. 49.

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PARTIE II. La Finlande, un médiateur pour la paix

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