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Ce cadre théorique permet de comprendre la manière dont une tâche est abordée et explique en partie l'engagement et la persévérance Le but de maîtrise-approche, parce qu'il établit un lien

I. 3 Le contexte académique

La théorie de l'autodétermination considère le contexte académique comme le terreau plus ou moins fertile de la tendance naturelle au développement des individus. Comme évoqué précédemment, ceci donne au climat perçu par les étudiants un rôle de premier plan. Parce qu'ils favorisent la perception de tel ou tel climat, les styles déployés par les enseignants vont tendre à satisfaire ou à empêcher la satisfaction des besoins d'autonomie, de compétence et de relation avec autrui. Toutefois, l'entrée à l'université est un changement de contexte parfois radical où l'ensemble des rapports sociaux peuvent se trouver chamboulés. Il apparaît important de prêter une attention particulière à l'intégration des étudiants dans ce nouvel univers, notamment au premier semestre. Ce chamboulement, plus large que le climat de l'enseignement, fait l'objet de beaucoup d'intérêt, notamment comme facteur explicatif de l'abandon précoce des étudiants. Bien que l'abandon des étudiants ne soit pas l'objet de la présente étude, si un manque d'intégration peut expliquer l'abandon, il est probable que cela puisse influencer la motivation et donc les résultats académiques (Robbins et al., 2004). Ce manque d'intégration peut également se lire comme un indice d'un contexte qui ne permet pas la satisfaction du besoin de relations avec autrui.

I.3.a - L'intégration sociale et académique : motifs de l'intention de

persévérer

L'abandon précoce des étudiants est un objet de recherche récurrent depuis plus de 40 ans. Bon nombre d'études, d'articles, de recherches ont permis d'expliciter l'influence et les relations des différents facteurs liés à cette perte « de matière grise ». Certaines racines de cette réflexion sont à chercher dans les années 1970 avec, notamment, le modèle de Tinto (Bean, 1980; Pascarella & Terenzini, 1983; Tinto, 1975, 1982).

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constat d'un double défaut : le manque d'attention donnée aux questions de définition de l'abandon et le développement de modèles théoriques qui décrivent au lieu d'expliquer le processus d'abandon. Si, par exemple, la définition de l'abandon ne distingue pas l'abandon définitif d'une simple réorientation, alors l'étendue de ce dernier sera substantiellement surestimée. Parmi toutes les manières qu'il y a de quitter une institution de l'enseignement supérieur, il existe tout un continuum, depuis une réorientation réussie vers une formation plus adéquate jusqu'à l'abandon complet de l'idée même d'obtenir une qualification. Ceci distingue une situation aux conséquences positives, aboutissement d'un processus d'orientation débuté plus en amont, d'une situation d'échec de l'étudiant et de l'institution concrétisée par le rejet de son modèle méritocratique. Tinto a développé un modèle théorique longitudinal liant le processus d'abandon aux caractéristiques individuelles et institutionnelles. Il explique comment le processus d'interaction entre ces caractéristiques débouche sur différentes formes de comportements d'abandon. Ce modèle a largement été révisé par son auteur (Tinto, 1982, 1998) et a récemment été revisité dans un contexte francophone dans l'ouvrage « Persévérer et réussir à l'université » dirigé par Neuville, Frenay, Noël et Wertz (2013)

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Ce modèle éducationnel postule que l'insuffisance d'intégration morale du point de vue des valeurs et l'insuffisance d'affiliation collective se traduiraient par un manque d'intégration dans le système social de l'institution. Un bon niveau d'intégration se traduirait par exemple par plus d'engagement, les échanges avec les pairs et avec les enseignants indiquant un engagement comportemental, seraient l'indice d'une bonne intégration. Un manque d'intégration augmenterait la probabilité pour un individu de se désengager et de quitter l'institution pour poursuivre des activités alternatives. L'université n'est pas uniquement un système social, elle est également constituée d'un système académique qui amène à définir deux types d'intégration. La distinction entre intégration sociale et intégration académique est notamment nécessaire pour que l'abandon puisse résulter d'une décision personnelle tout aussi bien que d'une sanction imposée pour des raisons académiques. Cette distinction suggère que des personnes peuvent être capables de s'intégrer socialement sans être capables de s'intégrer académiquement et inversement. Ainsi ces deux intégrations interagissent-elles : trop de temps consacré aux activités sociales aux dépens des tâches académiques est un des exemples de relation possible. Les caractéristiques individuelles, les caractéristiques associées à l'interaction des individus à l'intérieur de l'université et les caractéristiques de l'institution de l'enseignement supérieur sont les trois causes proximales de l'intégration sociale et académique. Les niveaux de ces deux types d'intégration seront alors les prédicteurs de l'intention de persévérer ou d'abandonner. Un faible niveau d'intégration sociale pourrait, jusqu'à un certain point, être compensé par une forte intégration académique. Une forte intégration sociale freinerait l'abandon volontaire, l'abandon serait plus sûrement le résultat d'une sanction de type académique.

Les caractéristiques individuelles vont avoir une influence sur l'engagement de l'individu vis-à-vis de l'institution et vis-à-vis de ses buts académiques. Ces engagements sont donc envisagés comme une première résultante des caractéristiques individuelles. L'avantage d'une position sociale élevée, par exemple, amènerait les enfants à attendre plus d'eux-mêmes. À travers ces engagements, les étudiants

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vont vivre un ensemble d'expériences sociales et académiques. L'arrière-plan personnel et l'engagement initial vont servir de trame interprétative des expériences vécues au sein du système social et au sein du système académique. La qualité perçue des interactions avec l'ensemble des acteurs du système social et académique débouchera sur une évaluation du niveau de l'intégration académique et de l'intégration sociale. Ces niveaux d'intégration vont conduire à réévaluer, à la baisse ou à la hausse, les engagements institutionnel et académique et vont influencer ainsi la persistance, voire les performances académiques. Les engagements institutionnel et éducationnel se retrouvent à la fois au début et à la fin du modèle pour pouvoir attester de la dynamique de la progression individuelle sous forme d'un mouvement circulaire entre l'expérience vécue à travers le système éducatif, son interprétation et les ajustements qui en découlent.

L'intégration académique possède deux composantes : la réussite académique – notamment incarnée par l'obtention du diplôme – et le développement personnel et intellectuel. Ces deux formes de récompenses seraient la face extrinsèque et intrinsèque de cette intégration. La théorie des buts d'accomplissement, postérieure à l'article de Tinto, offre une autre lecture de cette dichotomie. Le développement personnel et intellectuel renvoie assez nettement à la notion de but de maîtrise. Selon Tinto, une intégration académique insuffisante proviendrait tout autant d'un développement intellectuel trop faible que d'une insuffisance de congruence entre le développement intellectuel de l'individu et le climat normatif du système académique. Cependant, postuler l'insuffisance de congruence présuppose que l'individu a pour but son développement intellectuel et son épanouissement personnel. Autrement dit, il est nécessaire de poursuivre des buts de maîtrise pour qu'il puisse y avoir une dissonance académique entre l'individu et l'institution. Si l'on peut admettre que la plupart des étudiants aient pour but initial d'obtenir leur diplôme (récompense extrinsèque), il peut être moins évident de soutenir que tous les étudiants visent leur développement personnel et intellectuel dans leur apprentissage au jour le jour (récompense intrinsèque). Ceci affaiblit considérablement la pertinence de cette notion d'intégration académique. Le modèle proposé par Frenay et Schmitz (2013) ne garde d'ailleurs du modèle de Tinto que la dimension sociale de l'intégration pour expliquer l'intention de persévérer.

I.3.b - Les sources de l'intégration sociale

Les caractéristiques individuelles sont formalisées en quatre dimensions : l'arrière-plan familial, les caractéristiques psychologiques, les expériences académiques passées et l'engagement dans son but académique. Initialement, le manque de flexibilité face à des changements, l'impulsivité et le manque d'engagement profond vis-à-vis de l'éducation sont présentés comme des traits psychologiques liés à l'abandon. Frenay et Schmitz (2013) préfèrent à ces traits de caractère l'ajustement émotionnel présenté comme « le degré de santé psychologique de l'étudiant, incluant la manière de répondre au stress et à toute manifestation de pression académique ou sociale » (cité de Hurtado p.87 par Frenay et Schmitz Ibid.). La classe constitue le lieu de rencontre par excellence des étudiants, surtout dans les premières semaines de leur entrée à l'université. C'est donc dans les échanges entre pairs lors de

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travaux en classe qu'une grande part de l'intégration sociale va pouvoir ou pas se construire ; « […] social integration […] can be understood as emerging from student involvement with faculty and student peers in the communities of the classrooms. » (Tinto, 1997, p. 617). Les sources de l'intégration sociale sont donc à chercher autour de l'expérience vécue par les étudiants en classe. Permettre aux étudiants de travailler ensemble et d'avoir le sentiment d'être soutenus par leurs pairs viendra renforcer l'intégration sociale. Dans le cadre de la théorie de l'autodétermination, cela revient à dire que le contexte de la classe permet la satisfaction du besoin de relations sociales. Plus qu'une congruence large vis-à-vis de l'institution, c'est le climat de la classe et l'interaction avec les pairs qui apparaissent comme déterminants dans l'explication du sentiment d'intégration sociale.

Parmi les

caractéristiques plus personnelles, le sentiment d'efficacité personnelle

est un prédicteur de l'intégration sociale et de l'intention de persévérer

(Boudrenghien, Frenay, & Bourgeois, 2013;

Schmitz et al., 2011)

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De ce fait, il paraît pertinent, dans une démarche exploratoire large, de considérer l'intégration sociale comme un facteur important lié au contexte. Il faut noter que l'intégration sociale semble effectivement prédire l'intention de persévérer mais que le passage de cette intention à une action n'a rien de mécanique : « [...]l'intégration sociale a un impact très important sur l'intention de persévérer. […] Nous n'avons pas pu constater un impact direct significatif de l'intégration sociale sur les efforts académiques. » (Frenay & Schmitz, 2013, p. 103). Ceci ramène donc au centre des facteurs explicatifs la persévérance qui est une des manifestations de la motivation.