Conquête du monde

Les élèves jouent maintenant des rôles au niveau de la direction de l’entreprise fictive et ils doivent à la fois optimiser les performances (en chef de projet élaborant un plan de progrès) et gagner des parts de marchés (en chef d’entreprise fixant une stratégie et des investissements). C’est la phase la plus ludique dans laquelle les quatre équipes s’affrontent. Le but ici est d’obtenir un maximum de marchés sur la place mondiale. Toutefois, ils vont devoir autofinancer leurs investissements commerciaux en diminuant leurs valeurs d’exploitation. Chaque entreprise a des points forts que chaque groupe devra exploiter au mieux pour gagner.

Le jeu se joue sur trois années et l’équipe gagnante est celle qui aura le maximum de part de marchés. Illustration au niveau méso social d’une démarche de progrès permanent dans une optique de croissance économique.

104

La première année l’animateur vient généralement en aide aux élèves car cette partie implique d’utiliser tous les savoirs appris précédemment. Ces derniers établissent une stratégie et font ensuite des simulations en essayant plusieurs scénarios. On constate toujours en année 2 et 3 une rapide montée en compétence dans la maîtrise des processus de mise en place du plan de progrès et ceux permettant d’acquérir des parts de marché. Tous les groupes témoignent généralement à ce stade d’un fort sentiment efficacité collectif.

© Cipe

Synthèse :

Cet aperçu a permis de voir un petit échantillonnage de différentes opportunités d’apprentissage avec ce jeu pédagogique d’entreprise. Il faut y rajouter les nombreux apprentissages coopératifs entre les élèves et ceux induits par l’animateur. Ce dernier est à la fois animateur et médiateur. Il doit posséder un minimum de connaissances sur le sujet du progrès permanent (plus que les joueurs) et amener chaque groupe à intégrer de nouveaux savoirs. Une pédagogie de découverte est ici privilégiée à chaque fois que c’est possible. Si l’animateur possède une expertise en organisation et gestion industrielle et face à un public d’élèves ingénieur, il peut également en profiter pour donner une vision globale de la démarche Kaizen (amélioration continue à petits pas à partir des dysfonctionnements d’une entreprise) avec un tour d’horizon des méthodologies en vigueur dans l’industrie. Une démarche réflexive est également demandée aux élèves tout au long et à la fin de chaque grande phase du jeu. Notamment le débriefing final demandera à

105

chaque groupe d’expliquer sa stratégie et sa manière de mettre en place le progrès et la « conquête du monde ».

Limites du système d’amélioration continue

A ce stade, il peut être opportun maintenant d’amener les élèves aux limites du système d’amélioration continue à petits pas (chaque année ils ont supprimé des pastilles rouges qui représentent de la non-valeur ajoutée).

© Cipe

Regardons les deux boucles de réactivité (commandes et livraisons) verte (produits standards) et rouge (produits de luxes à la commande). Si nous comptons les pastilles (chaque pastille sur ces boucles vaut 1 jour), nous trouvons :

- 8 pastilles sur la boucle verte (3 vertes et 5 rouges) donc une réactivité de 8 jours, - 24 pastilles sur la boucle rouge (6 vertes et 18 rouges) donc une réactivité de 24 jours Au mieux, le cycle de commande et de livraison des produits standards pourraient se faire en 3 jours (uniquement les pastilles vertes) et celui des produits de luxes en 6 jours. Ces temps sont incompressibles avec l’organisation en place. Si la concurrence fait mieux ou si pour une autre raison la direction fixe des objectifs en délais inférieurs, il faudra faire une rupture avec l’ancienne manière de travailler et « casser » la structure, la repenser et trouver de nouveaux paradigmes de travail. Les nouvelles technologies auront souvent la part belle dans les solutions permettant de faire les choses différemment et avec plus de performances en temps et en coûts.

X _X

X

X

X

106

L’entreprise entrera dans une phase de restructuration avec beaucoup de conséquences pour les anciens services.

Réflexions éthiques sur le changement

Nous constatons que certains postes n’ont que des pastilles rouges (ex : les postes de contrôles). Ils sont donc sans valeurs ajoutées. Ces derniers ont un véritable effet d’attracteurs cognitifs, car systématiquement tous les groupes les suppriment en priorité. Ces postes représentent en quelque sorte une usine fantôme dans laquelle les gens travaillent pour n’amener aucune valeur ajouté au produits/services. Une des systématiques du progrès permanent est d’éliminer la non-valeur ajoutée. A la fin du jeu, il suffit alors à l’animateur de faire remarquer (comme tous les groupes ont « supprimé » ces pastilles et donc les postes qui vont avec) qu’ils ont certainement licencié des dizaines de personnes ! Ensuite, s’installe souvent automatiquement un échange sur les finalités des entreprises industrielles au niveau sociétal, la responsabilité d’une direction, l’éthique … .

© Cipe

Il faut ici que l’animateur soit totalement transparent vis-à-vis des valeurs associées aux principes qu’apprennent les élèves/apprenants. Ainsi, dans une logique de croissance économique stricte, la seule solution de survie pour une entreprise consiste à toujours faire mieux, à améliorer sans cesse ses performances, sinon elle se fait éliminer par la concurrence (la partie « conquête du monde » illustre bien cela). Sans progrès permanent point de salut ! Il n’y a pas de fin envisageable à ce processus d’amélioration. Sauf, la protection du patrimoine

107

immatériel de l’entreprise par des brevets et des marques qui permet de ralentir un peu (et pour un temps seulement) cette course en avant en interdisant aux autres de faire. Au final, invariablement, l’organisation devra cependant « casser » la structure de son organisation et donc disparaître de sa forme initiale.

Il est donc important de sensibiliser ces futurs cadres à toutes les conséquences de leurs décisions. Ils ont directement pu voir les conséquences de ces dernières lors de la conquête du monde. A la fois en interne (toutes les boucles sont reliées) et en externe (vis-à-vis de la concurrence) de leur entreprise fictive. Elargir encore plus la réflexion sur les conséquences sociales et environnementales permet alors de conclure sur une vision globale de la problématique du progrès permanent dans une entreprise. L’animateur peut utilement introduire ensuite le développement durable, les différentes notions de croissances (verte, …), la

décroissance et qui proposent au niveau méso social d’autres logiques de fonctionnement que

celle de la croissance économique stricte. Il n’aura naturellement pas une solution unique à proposer. Les nombreux cas de figures qui pourront être évoqués lors des échanges avec les élèves/apprenants permettront cependant de souligner la complexité d’une décision managériale au niveau méso sociale.

108