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Y- a-t-il des valeurs communes et prioritaires à partager ?

III) Efficience d’un jeu pédagogique d’entreprise

III.1 Apprendre et jouer

A - Jouer

Qu’est-ce que jouer ?

Le jeu a été étudié dans plusieurs disciplines : philosophie, biologie, anthropologie, psychanalyse, sociologie, les sciences de l’éducation, … .

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Il en ressort qu’il n’y a pas un savoir unique, ni même de consensus sur ce que l’on appelle « jeu ».

Par exemple, Platon et Aristote considèrent le jeu comme une activité de détente nécessaire à la vie. Il est synonyme de plaisir et de loisir. Pour certains biologistes, le jeu est nécessaire à la préservation de l’espèce (imitation des adultes, de la chasse, …). L’historien Huizinga (1951) et l’anthropologue Caillois (1958) font une approche socioculturelle du jeu. Le dernier proposant une typologie des jeux à partir des attitudes du joueur : « agôn » (compétition), « mimicry » (imitation), « aléas » (hasard) et « ilink ». Le psychanalyste Winnicott (1971) considère que le jeu favorise le développement de la personnalité de l’enfant. Il distingue le jeu (game) et jouer (playing) et propose ainsi une typologie simple des jeux : les « jeux libres » (où tout est possible) et les « jeux organisés » (avec des règles). Dans une perspective constructiviste, Piaget (1974) propose une typologie liée à l’évolution de l’enfant au travers de processus d’accommodation et d’assimilation : les « jeux d’exercices » (au niveau des premiers stades sensori-moteurs de découverte du corps ou d’objets), les « jeux symboliques » (jeux d’imitation, dessins), les « jeux à règles » (avec des stratégies, des coopérations …, jeux de société ou d’équipe). Enfin, plus récemment, Gilles Brougère (2005), après un travail de synthèse sur le sujet, propose une définition du jeu qui sera retenue dans le cadre de cette thèse.

Un jeu peut être défini comme une :

“Activité du second degré constituée d’une suite de décisions, dotées de règles, incertaine quant à sa fin et frivole car limitée dans ses conséquences » (Gilles Brougère, 2005, P. 39-63)

Cet auteur demande alors pourquoi un individu s’impliquerait totalement dans une activité futile, incertaine et se soumettrait à des règles (?) … Si ce n’est pour le plaisir !

De ce premier et rapide tour d’horizon nous ne reteindrons pour le propos de cette recherche que les jeux à règles et qui remplissent les conditions énoncés par la définition ci-dessus.

B – Apprendre et jouer

Jouer Jeux Apprendre

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Un jeu est une activité autotélique (Kellner, 2007) centrée sur elle-même et non sur des résultats et donc gratuite !

Dans une démarche d’apprentissage en école, nous nous fixons généralement des objectifs pédagogiques. « Jeux » et « Apprendre » sont-ils compatibles entre eux ?

Un célèbre pédagogue comme Freinet ne veut pas entendre parler de jeux pédagogique. Il n’a sa place pour lui que comme activité de détente compensatrice après le travail. Il parlera cependant de travail-jeu ou jeu-travail. Nous retrouvons ici aussi des désaccords entre les auteurs.

De nombreux auteurs ont principalement travaillé sur les apports des jeux aux enfants : Vygotsky, Piaget, Jean Château, … . Dans les pays du nord, notamment au Danemark, les jeux de rôles sont même devenus une institution acceptée et reconnue académiquement.

Dans cette recherche, nous nous intéresserons cependant plus spécifiquement aux travaux concernant un public d’adultes.

Confusions sur les mots …

Hays souligne déjà dans une synthèse récente de plusieurs études sur les jeux qu’il y a confusion sur les mots :

« In the literature on instructional games, we often find the terms simulations, games,

simulationgames, and computer games used interchangeably (e.g., Greenblat & Duke, 1981; Reiber, 1996; Thomas, Cahill & Santilli, 1997). Greenblat (1981) observed that "in many studies, 'games' and 'simulations' are at least implicitly treated as homogeneous" (p. 181). Although aware of the problem, even Greenblat used the term simulation in one sentence and the term game in the next sentence to describe the same thing (p. 144) ». (Hays, 2005)

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Ainsi, l’on trouvera utilisé pèle mêle les termes de « jeux », « études de cas », « simulations », « serious games », « jeux de rôle » … .

Un jeu pédagogique d'entreprise doit donc déjà être un jeu comme défini précédemment par G. Brougère (qui implique notamment une vraie composante ludique). Enfin, cet auteur précise :

« Qu’un jeu n’est pas une forme éducative, mais il peut le devenir moyennant des

aménagements » (Gilles Brougère, 2005, P. 157)

Cette activité, toujours selon cet auteur, permet notamment au joueur :

• de faire des essais/erreurs et faire semblant (dimension fictive), • d'appeler le plaisir à volonté

Enfin, c'est aussi une activité autotélique (centrée sur l’activité et pas sur les conséquences) et qui permet la construction d’une culture ludique.

C’est sur cette piste de l’association entre jeux et plaisir que beaucoup d’auteurs ont donc cherché à montrer que l’activité ludique du jeu motive à apprendre. De nombreuses recherches existent sur le sujet notamment concernant les jeux vidéo et surtout leurs « descendants » à vocation pédagogique les « serious games ». Ainsi, pour Alvarez (2007) ces derniers suscitent l’envie d’apprendre.

Sur la même idée et s’appuyant sur les théories de la motivation, Malone & Lepper (1987) proposent une synthèse en s’appuyant sur la théorie de l’autodétermination de Ryan & Deci (2000). Le caractère ludique du « jeu » apporte des motivations intrinsèques notamment par le plaisir qu’il procure.

Malone propose un cadre conceptuel présentant les conditions pour que l’environnement d’un jeu soit motivant pour un individu :

- Challenge : Objectifs bien identifiés et possibilités pour le joueur de s’en fixer lui-même, incertitudes avec des informations cachées, feedback fréquents et encourageants, augmenter graduellement les difficultés afin de donner un sentiment de compétence … .

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- Curiosité : notamment en stimulant les sens (avec des effets audio et vidéo), éveiller la curiosité cognitive en surprenant l’intellect avec des paradoxes … .

- Contrôle : contingence entre action et résultat, personnalisation de l’activité, l’activité doit donner la possibilité de produire des effets puissants … .

- Fantaisie : favoriser l’implication émotionnelle, utilisation d’analogies et de métaphores appropriées … .

Il y rajoute quelques conseils pour une motivation extrinsèque :

- quelques activités nécessitant la coopération, - la compétition entre joueurs/apprenants, - la reconnaissance des efforts du joueur … .

D’autres auteurs comme Keller (1999), Salen & Zimmerman (2003), Cobb & Al (2003) travaillent sur le développement de jeux (game design) ludo-éducatifs.

Enfin, d’autres recherches complémentaires concernent le degré d’engagement et notamment d’immersion dans un jeu notamment au sens de Csikszentmihalyi (1990) et de la théorie du

flow. Cette dernière décrit un type d'expérience optimale dans laquelle un joueur se trouve dans

un état ou se mêle joie, conscience aigüe, sentiment de facilité …, maîtrise de soi. Ces études concernent principalement des individus en prise avec des jeux vidéo.

Au niveau de l’enseignement supérieur, les recherches sur les jeux pédagogiques se font plus rares. Nous allons alors retenir ici la définition du jeu pédagogique que donne Nicolas Eber dans un de ses articles car elle contribue à décrire les jeux pédagogiques d’entreprise qui nous intéressent dans cette recherche :

« Un jeu pédagogique (pour « classroom experiment » ou « classroom game ») peut se définir

très simplement comme une expérience généralement réalisée dans une salle de classe et dont la finalité est d'ordre pédagogique (et non de recherche) » (Nicolas Eber, 2003, 485-521)

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Nous pouvons rajouter alors pour qu’un jeu soit pédagogique, qu’il lui faut avoir une composante « expérimentale » marquée (avec possibilité de simulations répétées).

Si nous rajoutons les caractéristiques que nous avions rappelées au chapitre précédent sur les méthodes pédagogiques actives, un jeu pédagogique serait d’autant plus efficace qu’il se joue

par équipe, propose une mise en situation et repose sur une relation enseignant/élèves laissant

aux derniers un maximum d'autonomie et d'initiatives.