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CHAPITRE 6 – L’INTÉGRATION DES PRINCIPES DE DÉVELOPPEMENT

6.2 L A TRADUCTION DES PRINCIPES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LE SAD

6.3.3 La confrontation des aspirations du public avec les propositions de la Ville

De façon générale, les propositions contenues dans le premier projet de schéma révisé présenté au public à l’étape 3 du processus de consultation semblaient rallier l’adhésion de la majorité, même si de nombreux acteurs venus exprimer leur opinion lors de l’audience publique ont déploré que la Ville se soit « arrêtée à mi-chemin » et n’aille pas assez loin en matière de densification et de mobilité durable. Un élu rencontré en entrevue considère que pour la Ville, c’est « mission accomplie » tant sur le plan de l’éducation et de la sensibilisation au développement durable que dans la prise en compte des souhaits et des préoccupations de la

33Lors d’un forum de discussion organisé par le parti politique municipal nouvellement formé Action Gatineau, en septembre 2012, le conseiller municipal et chef de cette formation politique Maxime Pedneaud-Jobin (devenu maire en novembre 2013) exprimait le même souhait. À son avis, il importe d’expliquer aux citoyens les enjeux réels avec lesquels le conseil municipal doit composer lorsqu’il doit prendre une décision si l’on veut favoriser une implication significative des citoyens dans la prise de décision et mobiliser tous les acteurs dans la recherche de solutions.

population, même si cette personne reconnaît que certains groupes espéraient des mesures plus audacieuses.

« On a des félicitations. Je pense que les gens sont contents du rapport final. Ils [ne]

nous trouvent pas assez extrémistes, mais je pense qu’on est à la limite de ce que la population pouvait accepter pour le moment » (E-1).

Ce même élu insiste à ce sujet sur le fait que la Ville doit représenter aussi les absents, c’est-à-dire « une grande partie de la population [qui] ne s’implique pas […] parce qu’elle a confiance dans les décisions qui vont être prises pour elle », et qu’elle doit « avoir le courage de dire NON aux gens ». Un expert en participation publique souligne à ce sujet l’énorme difficulté pour l’administration municipale de concilier les intérêts très divergents, mais tous légitimes, des différents groupes de la société.

« Il y a de tout dans la société. La Ville se positionne quelque part entre les extrêmes.

[…] Parfois face à des préoccupations organisées, la Ville doit reculer ou le promoteur doit reculer. Parfois à tort, parfois à raison. Il y a aussi, […] à l'autre bout du spectre, des gens qui disent ‘c'est pas encore assez, la Ville ne va pas encore assez loin’. Les dossiers de route, c'est un bel exemple. […] Les camionneurs, c'est légitime, [veulent]

sortir de la ville au plus sacrant, [mais] d'autres arrivent avec leurs préoccupations environnementales, le transport public, blablabla. Forcément il y a des gens pour qui c'est pas assez, et d'autres pour qui c'est trop » (P-5).

En définitive, le nouveau schéma d’aménagement et de développement révisé de la Ville de Gatineau témoigne de la volonté de l’administration municipale de prendre le virage d’un développement urbain plus durable, tout en respectant la particularité de chaque secteur et en valorisant le concept de village urbain, en réponse directe aux souhaits exprimés par une majorité de citoyens. Comme l’explique un urbaniste :

« [O]n peut bien avoir une grande ville qui se donne des orientations durables, avec plus de mixité des usages, de densité et de transport collectif, mais ça va se concrétiser de façon différente dans chacun des quartiers. Donc on continue de travailler avec cette mosaïque de villages urbains. [Par exemple,] on faisait des simulations d’augmentation de la densité. C’est complètement différent d’un secteur à l’autre. […] Mais d’avoir un quartier complet, mixte et agréable, ça peut être vrai dans tous les territoires de la ville » (P-1).

On peut donc en conclure que la participation du public au processus de révision du schéma a eu une influence réelle en remettant de l’avant une conception de l’organisation spatiale à laquelle les Gatinois avaient massivement adhéré peu après la fusion municipale, mais qui

semblait « avoir disparu des scénarios présentés », comme l’ont déploré de nombreux citoyens à l’étape 2 des consultations. « Les villages urbains représentaient exactement ce que les gens souhaitent comme milieu de vie », déclarait une résidente de Hull, qui aurait d’ailleurs souhaité, comme bien d’autres, que les discussions sur le schéma se fassent à cette échelle. « L’échelle de planification actuelle est trop vaste », dira-t-elle. Preuve que la Ville a pris bonne note du message des citoyens, on peut lire ceci en page 7-115 du schéma d’aménagement et de développement révisé :

« Le village urbain comme milieu de vie se veut une réponse aux préoccupations et aux aspirations des citoyens. Ces derniers souhaitent des quartiers sécuritaires, adaptés à la marche, et où on peut se rendre à pied aux commerces et aux services de proximité ainsi qu’à des activités culturelles et communautaires. Des quartiers qui proposent des choix en habitation et des opportunités d’emploi. Des quartiers où la protection de la biodiversité est intégrée aux décisions d’aménagement et de gestion et où les résidents ont facilement accès à un espace vert. Des quartiers distincts les uns des autres, qui mettent en valeur leurs attributs identitaires. Des quartiers reliés entre eux par des réseaux performants de transport collectif et actif » (Ville de Gatineau, 2013b).

Les entrevues réalisées auprès de quelques citoyens permettent d’apporter des éléments de réponse supplémentaires à notre interrogation sur la satisfaction des attentes du public. Selon un citoyen impliqué de près dans un regroupement d’associations citoyennes, la participation du public a eu une influence indéniable sur l’élaboration du schéma révisé.

« Oui, le projet qui nous a été présenté a été bonifié avec la participation citoyenne.

[…] J’ai eu le sentiment que les consultations avaient été utiles [et qu’]ils en ont retenu quelque chose. […] Est-ce qu’elles ont eu une influence, ces consultations? Oui.

Premièrement, le fait qu’elles ont eu lieu, c’était déjà un signe d’ouverture. Les différentes techniques de consultation ont permis d’expérimenter différents outils.

D’accueillir comme ça, de permettre aux gens de soumettre des mémoires, même en ligne à la dernière minute, ces différents événements j’ai trouvé que c’était vraiment impeccable » (SV-1).

Un autre citoyen (SV-3) ayant suivi de près le processus de révision et participé activement à plusieurs activités de consultation croit également à l’influence exercée par le public au cours du processus de révision et apprécie le suivi donné aux propositions citoyennes dans le schéma, même s’il admet être en désaccord avec certaines orientations et ressentir de la frustration devant la difficulté de la Ville à remettre ses idées en question. Il souligne à ce sujet que

l’insistance de la Ville à articuler la planification autour du Rapibus l’empêche de se poser « les bonnes questions », de se demander « quels sont les enjeux et quelles sont les solutions ».

« Le problème avec le Rapibus c’est qu’ils sont arrivés avec une solution pour le transport dans l’ouest. Là, ils ont cherché comment accommoder le Rapibus. Et le Rapibus ne peut pas passer sur le chemin d’Aylmer, donc on ne peut pas avoir un pôle au centre d’Aylmer. Il faut qu’on ait un pôle là où le Rapibus peut passer. Ce qui est entièrement la mauvaise question. […] J’aimerais ça que les gens puissent commencer à remettre les choses en question. […] Est-ce que notre façon de voir les choses, de faire les choses, est-ce que ça convient le plus à nos besoins? » (SV-3).

Un autre citoyen (SV-2) abonde dans le même sens : « La Ville et la STO pensent que le Rapibus va tout régler. [Comme le disait] un jeune homme à la consultation, ‘Vous voulez nous sortir de la dépendance à l'auto pour nous rendre dépendants du Rapibus’34 ». Celui-ci exprimait par ailleurs sa déception que la Ville n’explique pas en quoi les commentaires et suggestions du public ont contribué à bonifier le second projet de schéma, et soulignait à grands traits le flou qui persiste dans le schéma final en ce qui concerne la mise en œuvre. « C'est bien beau sur papier, mais il faut un plan d'action, avec des échéanciers. Y'a ben des gens qui disaient dans leurs mémoires ‘Ils sont où, les outils de suivi?’ ». À ce sujet, un quatrième citoyen rencontré avoue d’entrée de jeu n’avoir « ABSOLUMENT PAS CONFIANCE35 » dans la capacité de la Ville à livrer ses promesses. Cette personne garde un souvenir très amer de consultations antérieures et ses propos au sujet du processus de consultation témoignent de son scepticisme face à la volonté de la Ville de changer ses façons de faire :

« Moi, je suis allé à la première étape. […] Parce que quand ils ont fait la deuxième étape, je trouvais ça un petit peu ridicule... Un petit peu plus de maisons, un petit peu moins de maisons... Leurs scénarios là... Quatre scénarios qui revenaient à la même affaire... Moi je suis allé à la première (le café urbain). Ce dont je me souviens, c'est que les gens parlaient de zonage, d'étalement urbain. À ma table, sur 9 ou 10 personnes, il y avait au moins 3 promoteurs. C'était plein de promoteurs » (SV-4).

Plus généralement, la participation du public à la révision du schéma semble avoir renforcé les propositions défendues par le Service d’urbanisme en opposition au statu quo prôné par les promoteurs et constructeurs d’habitation. En ce sens, le public est devenu en quelque sorte

34Cette remarque faite à l’étape 3 des consultations est attribuable au citoyen SV-3 cité précédemment.

35 L’emploi des majuscules a pour but d’illustrer le ton sans équivoque sur lequel a été faite cette déclaration.

l’allié du Service d’urbanisme pour faire pression sur le conseil municipal afin que le nouveau SAD tienne compte des aspirations et préoccupations de l’ensemble de la population, et non seulement des acteurs du domaine de la construction.

6.4 Résumé des principaux constats relatifs à l’intégration des principes du DUD dans les