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Certains domaines de recherche en entrepreneuriat et sur les PME ont été développés dans les années passées. Par contre, l’entrepreneuriat et les PME comme domaine de recherche est encore jeune. On ne retrouve pratiquement pas de recherches amalgamant la gestion de projet et les PME. Par contre, les recherches en gestion de projet qui touchent le succès des projets et plus particulièrement les critères de succès des projets sont nombreuses. Ces recherches ont étudié divers aspects du succès et des

29 Rappelons que selon l’Institut de la statistique du Québec (2001) et Industrie Canada (2006), les petites et moyennes entreprises représentent plus de 98% des entreprises québécoises.

critères de succès. Des critères ont été proposés selon le type d’entreprise, selon le secteur d’activité, selon le cycle de vie du projet, mais pas selon la taille de l’entreprise qui réalise le projet. Malgré le nombre de recherches réalisées sur les critères de succès des projets, il ne semble pas y avoir de consensus quant aux critères qui doivent être retenus pour évaluer les projets. Une étude plus complète des contextes d’élaboration des critères de succès des projets permettrait probablement de mieux comprendre le choix des critères lors de l’évaluation d’un projet. Cette recherche tentera donc de mieux comprendre les contextes d’élaboration des critères de succès lors de l’évaluation des projets. Il ne semble pas exister de recherches ou d’études en gestion de projet qui traitent du succès des projets des petites entreprises. La documentation sur les petites et moyennes entreprises ne fait pas référence directement aux projets des PME (au succès des projets). Or, tel que suggéré par certains auteurs (Kyobe, 2005 ; Gilmore et al., 2001 ; Ebben & Johnson, 2005) plusieurs PME gèrent des projets. Une autre lacune dans la documentation sur les PME peut être relevée : la plupart des recherches empiriques ont été réalisées sur des PME manufacturières. On retrouve un nombre très limité de recherches sur les PME de services. Masurel et Montfort (2006) rapportent d’ailleurs que les recherches sur les PME sont trop concentrées sur les entreprises manufacturières.

Or, cette concentration sur les PME manufacturières ne représente pas la situation du marché30. Des recherches supplémentaires sur les PME du secteur des services sont nécessaires afin que les recherches sur les PME représentent mieux l’ensemble de ces

30 Notons à titre d’exemple, au Canada en juin 2006, le total des petites et moyennes entreprises employeurs était de 1 067 168 et de ce nombre, 819 722 provenaient du secteur des services et 247 446 étaient du secteur des biens. Cela équivaut à un ratio de plus de 76% pour les petites et moyennes entreprises de services (Industrie Canada, 2007).

entreprises ; un meilleur amalgame entre les recherches sur les PME du secteur manufacturier et du secteur des services serait donc souhaitable. Ces lacunes dans la documentation sur les PME couplées à l’aspect plurivoque du succès des projets m’amènent à déterminer mon objectif spécifique de recherche : comprendre les contextes d’élaboration des critères de succès des projets des petites entreprises du secteur des services.

Le succès des projets est une notion centrale en gestion de projet et ce thème retient l’attention à la fois des théoriciens et des praticiens. Une partie importante du succès des projets est la manière de mesurer ce succès. Les critères de succès des projets permettent de baliser le succès d’un projet et de donner au gestionnaire des moyens d’évaluer et de mesurer la réussite du projet. La recension des écrits a démontré que plusieurs éléments peuvent influencer le choix des critères de succès d’un projet, tels que la taille du projet, le cycle de vie du projet, les parties prenantes impliquées dans l’évaluation, etc. Pour bien saisir le rôle de chacun des éléments ayant une influence sur les critères de succès, il est nécessaire de comprendre les contextes entourant l’élaboration de ces critères. Ainsi, afin de comprendre les motifs liés au choix des critères de succès, les contextes d’élaboration de ces derniers offrent des éléments de réponses pertinents et intéressants. Je n’ai relevé aucune recherche combinant les petites entreprises et la gestion de projet. Or, tel que précisé précédemment, les petites entreprises gèrent des projets. Il devient donc intéressant pour le théoricien en gestion de projet et pour l’entrepreneur de petite entreprise de réfléchir sur l’union de ces deux

thèmes de recherche. Cette recherche tente de faire un premier pas dans cette direction en tentant de comprendre les contextes d’élaboration des critères de succès des projets des petites entreprises du secteur des services. Au terme de cette recherche, le propriétaire de petite entreprise devrait mieux comprendre la phase d’évaluation de ses projets et plus précisément les contextes d’élaboration des critères de succès des projets.

Cette compréhension devrait permettre de ressortir des pratiques à adopter ou des façons de conceptualiser la gestion et l’évaluation des projets. Cette recherche devrait également participer à la formation de nouvelles connaissances en gestion de projet et sur la gestion des petites entreprises. Ces connaissances ouvriront possiblement la porte à d’autres recherches sur la gestion de projet au sein des petites entreprises.

Bouchiki (1993) s’est intéressé aux recherches réalisées en entrepreneuriat ainsi que sur le succès des PME. Il suggère que ni la personnalité de l’entrepreneur ni l’environnement externe (le contexte) pris isolément ne peuvent déterminer la nature des résultats qui seront obtenus par un projet d’entreprise. Il soutient que les recherches en entrepreneuriat touchent soit la personnalité de l’entrepreneur soit l’environnement social ou économique de l’entreprise. Les chercheurs qui adhèrent à la première catégorie estiment que le succès des PME se produit principalement grâce à l’entrepreneur (explications de nature endogène), tandis que les chercheurs qui optent pour la deuxième catégorie estiment que le succès est dû surtout à des conditions favorables de l’environnement externe (explications de nature exogène) (Bouchiki, 1993). Les explications de nature endogène exagèrent le rôle de l’entrepreneur, alors que

les explications de nature exogène exagèrent le pouvoir de l’environnement dans le succès des PME. Bouchiki (1993) explique que d’autres théoriciens ont tenté d’amalgamer ces deux types d’explication du succès, mais ces recherches sont trop orientées vers des modèles de régression31 et ne permettent pas réellement de comprendre la situation des PME. Finalement, la théorie du chaos a été utilisée pour expliquer le succès des PME, mais cette théorie a rendu le domaine de l’entrepreneuriat encore plus flou (Bouchiki, 1993). Pour remédier à ces faiblesses dans les recherches sur le succès des PME, Bouchiki (1993) propose d’adopter une approche plus constructiviste32. Le modèle suggéré par Bouchiki (1993) est celui de la théorie de la structuration de Giddens33. Selon ce modèle, les résultats proviennent des interactions entre l’entrepreneur et son environnement ; cette manière de concevoir la provenance des résultats offre de meilleures explications que les deux éléments pris isolément (Bouchiki, 1993). Les recherches de Bouchiki ouvrent une porte pour les recherches portant sur le domaine de l’entrepreneuriat. Le modèle proposé par Bouchiki (1993) incite l’utilisation de modèles d’analyse différents pour les PME qui permettront peut-être de mieux comprendre la situation particulière de ces entreprises.

31 Divers modèles de régression ont été testés pour tenter de comprendre les PME. Ces modèles de régression tentaient de générer des propositions testables sur le terrain (les chercheurs essayaient de mesurer toutes les dimensions liées aux PME). Or, ces modèle ont conduit à des schèmes de recherche trop simplifiés des PME, car l’ensemble des éléments constituant les PME ne pouvaient pas tous être mesurés (Bouchiki, 1993).

32 Lorsque Bouchiki (1993) parle de modèle constructiviste, il signifie un modèle qui permet d’intégrer de manière cohérente les aspects endogènes et exogènes d’un objet de recherche.

33 Bouchiki (1993) estime que le modèle de Giddens est de nature constructiviste. Or, il précise qu’il ne croit pas que Giddens serait en accord pour qualifier son modèle de constructiviste.

CHAPITRE 2

CADRE CONCEPTUEL

CHAPITRE 2

CADRE CONCEPTUEL

On dénombre peu de cadres théoriques en gestion de projet (Shenhar, 1998).

Cette limite théorique de la discipline m’a amené à emprunter un cadre théorique à une autre discipline, la sociologie. Pour ce mémoire, le cadre théorique proposé s’inspire de quelques concepts de la théorie de la structuration d’Anthony Giddens (1987) et plus spécifiquement de l’adaptation-traduction qu’en a fait Michel Audet. Ce modèle théorique a été retenu parmi plusieurs autres, parce qu’il s’adapte bien au monde des organisations et plus particulièrement aux recherches sur l’entrepreneuriat (Bouchiki, 1993). Bouchiki (1990) explique que les chercheurs ont généralement recours à un modèle privilégiant soit un principe de causalité interne soit un principe de causalité externe pour expliquer les phénomènes organisationnels. Or, la faiblesse de ces modèles repose sur le fait qu’ils privilégient un type de facteur au détriment d’autres, cela amène une vision réductrice des phénomènes (Bouchiki, 1990). Bouchiki (1990) suggère que l’utilisation du modèle de Giddens permet de contourner ces faiblesses. De plus, la théorie de la structuration reconnaît la compétence des acteurs au sein de l’entreprise et l’importance des principes d’organisation dans l’entreprise (Bellemare & Briand, 2006).

Giddens (1987), dans The Constitution of Society34, déclare que « le premier objectif de ce travail est de comprendre l’action humaine et les institutions sociales » (p. 27)35. Cette compréhension passe par l’étude de systèmes sociaux :

Formation, à travers l’espace-temps, de modèles régularisés de relations sociales conçues comme des pratiques reproduites. Les systèmes sociaux varient de façon considérable en fonction de l’intensité du caractère « systémique » qu’ils affichent, et possèdent rarement la sorte d’unité interne qui caractérise nombre de systèmes physiques et biologiques (p. 444)36.

Cette définition d’un système social permet de concevoir d’une part la PME comme un système social et d’autre part, la gestion de projet comme un autre système social. Ces deux systèmes distincts interagissent entre eux, tout en possédant leurs propres structures et leurs propres caractéristiques. Giddens (1987) souligne également à propos des théories du social : « une de ses tâches est de proposer des conceptions de l’agent humain et de ses activités sociales qui soient utilisables dans les travaux empiriques » (p.

28)37. L’importance accordée à l’humain comme agent compétent est primordiale dans la théorie de la structuration. Cette manière de concevoir l’humain est propice à l’étude des PME et de la gestion de projet dans lesquelles le rôle des acteurs est important et

34 Ouvrage traduit par Michel Audet (1987) : La constitution de la société.

35 Selon la version originale de Giddens (1984) : “the focus is upon the understanding of human agency and of social institutions” (p. xvii).

36 Selon la version originale de Giddens (1984) : “The patterning of social relations across time-space, understood as reproduced practices. Social systems should be regarded as widely variable in terms of the degree of «systemness» they display and rarely have the sort of internal unity which may be found in physical and biological systems” (p. 377).

37 Selon la version originale de Giddens (1984) : “social theory has the task of providing conceptions of the nature of human social activity and of the human agent which can be placed in the service of empirical work” (p. xvii).

déterminant. La théorie de la structuration porte davantage sur l’ontologie38 que sur l’épistémologie39, contrairement à la plupart des théories du social (Giddens, 1987).

L’emphase que Giddens met sur l’être humain s’adapte bien à l’étude des entreprises, cette emphase permet d’introduire le sujet dans l’étude des entreprises (Bellemare &

Briand, 2006). Giddens (1987) insiste sur l’importance de situer le système social dans l’espace-temps. Cette régionalisation40 permet de cibler l’objet d’étude. L’espace de l’objet d’étude est représenté par l’entreprise où se déroule le projet et la dimension temps est représentée par la durée du projet. La théorie de la structuration permet une compréhension des structures globales grâce aux interactions des acteurs. Dans ce chapitre, je vais dans un premier temps expliquer brièvement le modèle de Giddens (1987) ensuite, j’expliquerai les éléments que je désire retenir de ce modèle afin de proposer un nouveau modèle qui représenterait d’une part les PME et d’autre part la gestion de projet.