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Comment expliquer que les données de surveillance maritime ne constituent pas un des fondamentaux pour la description des activités maritimes dans le cadre de la Planification des Espaces Maritimes ? Telle est la question à laquelle cette thèse a tenté de répondre en posant 3 hypothèses issues d’une analyse de la littérature scientifique, et mettant en avant 1) les limitations techniques des systèmes de surveillance actuels ; 2) la circulation limitée des données de surveillance maritime ; 3) un défaut d’acceptabilité des données de surveillance maritime par les parties prenantes à la PEM.

L’enquête menée auprès de 40 parties prenantes à la PEM en France métropolitaine a permis de confirmer le constat initial d’une faible mobilisation des données de surveillance pour la PEM ainsi que la contribution respective de chacune des hypothèses à ce constat :

Hypothèse 1 : En raison des limitations techniques des systèmes de surveillance maritime (couverture incomplète de la flotte, fiabilité), les données qu’ils produisent ne permettent pas de répondre aux besoins de la PEM.

Si les enquêtés ont régulièrement pointé les limites techniques des données qu’ils connaissent (principalement l’AIS et le VMS), et en particulier celles associées à la couverture partielle de la flotte qu’offrent ces deux systèmes, leur potentiel pour produire des informations utiles à la PEM est tout de même reconnu d’une large majorité. Les rares enquêtés ayant connaissance des données radars compilées dans SPATIONAV ont de plus noté le potentiel de cette source de données pour combler les lacunes de l’AIS et du VMS vis-à-vis des navires côtiers de taille inférieure aux seuils d’emport réglementaires. A ce titre, l’hypothèse, bien qu’elle ne puisse être écartée, n’apparait pas être un facteur explicatif déterminant du constat (cf. P2-Chap 2.1).

Hypothèse 2 : La circulation des données de surveillance maritime entre émetteurs (producteurs de données) et récepteurs (utilisateurs de données) est limitée du fait de contraintes stratégiques et économiques, et ne permet donc pas leur mobilisation systématique pour la PEM.

L’accès limité aux données de surveillance est en effet apparu comme une problématique réelle pour de nombreux enquêtés, qu’ils soient décideurs, producteurs d’information,

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nouveaux usagers ou ONG. Si tous ont rappelé l’existence des contraintes économiques (secret des affaires) et stratégiques (secret défense) à l’origine de cette situation, elle est aussi apparue comme le symptôme du manque d’acceptabilité évoquée dans l’hypothèse suivante. Quels qu’en soient les motifs, la circulation limitée des données de surveillance apparait comme un frein à leur mobilisation, confirmant la validité de cette hypothèse dans le cas français (cf. P2-Chap 2.2).

Hypothèse 3 : Les données de surveillance maritime sont perçues comme le résultat d’une approche intrusive et descendante, et se confrontent de ce fait à un défaut d’acceptabilité de la part de certains usagers de la mer. Leur mobilisation, pouvant interférer avec l'établissement déjà complexe de mécanismes de gouvernance maritime intégrés, est donc écartée.

Pour les usagers historiques rencontrés, et en particulier pour les représentants du secteur de la pêche, la mobilisation de données de surveillance maritime hors du cadre de la sécurité apparait en effet pour le moins problématique. A ce titre, l’importance accordée par les décideurs et par les nouveaux usagers au caractère acceptable des données et informations qu’ils mobilisent dans le cadre de la PEM, et son impact sur la circulation puis la mobilisation des données de surveillance maritime est indéniable. Les résultats présentés en 10. tendent donc à confirmer la validité de cette hypothèse dans le cas français, et incitent de plus à la considérer comme un facteur déterminant du constat initial.

Il apparait donc au regard des résultats de l’enquête que les principaux facteurs explicatifs de la faible utilisation des données de surveillance pour la PEM dans le contexte français soit moins liée à des limites techniques (hypothèse 1) qu’aux aux facteurs mis en évidence dans les hypothèses 2 et 3, à savoir la circulation limitée des données, et leur acceptabilité auprès des parties prenantes à la PEM.

Toutefois, les résultats de l’enquête amènent à considérer comme cause première de la faible utilisation des données de surveillance maritime, non pas leurs caractéristiques intrinsèques, mais le contexte (i.e. la planification de l’espace maritime métropolitain) dans lequel elles s’inscrivent. Ce sont en effet les enjeux de concurrences pour le partage de l’espace, et de répartition des pouvoirs dans la gouvernance maritime métropolitaine, qui apparaissent le plus souvent -implicitement ou explicitement- avancés pour expliquer le faible usage des données de surveillance maritime pour la PEM. En un sens, la place des données de surveillance maritime apparait non comme une problématique indépendante,

168 mais plutôt comme le reflet des spécificités de la PEM française, et des difficultés auxquelles elle se confronte. Elle illustre en creux les limites de l’approche française de la planification, semble-t-il plus orientée vers le maintien du statu quo et d’une forme de « paix sociale » que vers les objectifs ambitieux annoncés par l’État en termes de développement de l’économie bleue ou de protection de l’environnement.

Il convient à ce titre de s’attarder sur certaines de ces limites, mises en évidence par les enquêtés, et qui s’inscrivent en écho de réflexions portées dans la littérature scientifique, souvent bien au-delà du spectre de la PEM, tant dans le domaine académique des sciences politiques que de la sociologie, de la philosophie, et de la géographie, notamment dans son courant critique.

Ces réflexions concernent d’une part l’utopie de la gouvernance participative, rarement à même de remettre en question le statu quo et les équilibres de pouvoirs en place, et d’autre part la place des données et informations – notamment cartographiques- au sein d’un processus de négociation où s’opposent des discours plus ou moins orientés par les revendications qu’ils portent. Ces axes de réflexion sont discutés dans la partie 3 suivante.

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PARTIE 3 -

DISCUSSION ET MISE