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Acceptabilité des données de surveillance maritime hors du spectre de la sécurité et de la sûreté

METHODOLOGIE D’ENQUETE

CHAPITRE 2 - RESULTATS : USAGE DES DONNEES DE SURVEILLANCE POUR LA

3.2. L‘importance accordée au caractère acceptable des données et informations mobilisées pour la PEM

3.2.1. Acceptabilité des données de surveillance maritime hors du spectre de la sécurité et de la sûreté

Si les systèmes de surveillance maritime permettent théoriquement un suivi quasi-exhaustif des activités en mer, pour autant, aucun n’a été spécifiquement conçu dans l’objectif de spatialiser l’empreinte des activités. Ainsi, pour rappel (cf. P1-Chap 2.2), l’AIS a été conçu comme un dispositif anticollision à bord des navires marchand, le VMS comme un outil de suivi du respect de la Politique Commune des Pêche européenne, et Spationav comme un système de surveillance des eaux françaises en temps réel pour la sécurité de la navigation et la sureté du territoire. A ce titre, la mobilisation dans le cadre de la PEM des données qu’ils produisent génère de nombreuses réticences, particulièrement chez les usagers

FIGURE 57.ANALYSE DE SPECIFICITE DU CHAMP SEMANTIQUE ASSOCIE A L’[ACCEPTATION] AU SEIN DES CATEGORIES ET SOUS-CATEGORIES D’ACTEURS.SOURCE :IRAMUTEQ.

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historiques qui considèrent qu’ « il y a eu un contournement » (Usager historique 7) , « que c'est un

usage un peu détourné des données » (Usager historique 6), conçues pour « un objectif de sécurité

maritime, et pas dans un but de géolocalisation » (Producteur 3), et encore moins de « pistage » (Usager historique 7) ou de « flicage » (Usager historique 6) des activités. A ce titre, la notion même de surveillance est problématique pour un usager historique : « Surveillance... surveillance c'est

un sacré mot » (Usager historique 7). Comme le rappelle un décideur : « il faut définir la

surveillance » (Décideur infranational 5). Théoriquement, « surveiller, c’est : connaitre pour décider » (Usager historique 7), « c'est de l'observation pour permettre de nourrir l'évolution du savoir objectif

pour le mettre sur la table pour la discussion […]. Au sens fourniture de données qui vont permettre d'alimenter le débat » (Décideur infranational 5). Mais c’est aussi, en pratique, « Big

Brother, au service de la planification… » (Usager historique 7), et face à cela, « l'acceptabilité

psychologique n’est pas forcément évidente » (Usager historique 8), notamment chez « les

pêcheurs, [qui] ne sont pas forcément ravis d'avoir ce sentiment de Big Brother qui contrôle ce qu’ils font » (ONG 3), « sans avoir demandé leur avis ni leur permission » (Décideur infranational 11). Dans ce contexte, « il y a pu y avoir des tensions liées à des divergences dans l’interprétation

des utilisations potentielles des données de géolocalisation » (Producteur 3), conduisant parfois à des blocages : « on pourrait exiger que pour naviguer dans une réserve naturelle, il faille une

balise. Mais on ne va pas le faire, parce que ce serait la révolution sur place » (Décideur infranational 6).

Selon certains, ce « côté Big Brother pose presque une question philosophique » (Usager historique 8), « ce sont des questions, pas d'ordre philosophique mais presque » (Producteur 3). Dans ce débat, un enquêté travaillant pour une ONG considère que la surveillance est un garant de l’intérêt général : « oui, c'est big Brother, mais sur l'exploitation privé d'un lieu public, la mer

c'est un lieu public, donc il n’y a rien d'anormal à ce que le public suive ce que les privés font de cet espace, essentiellement public. Là il n’y a rien de choquant » (ONG 3). Un producteur d’information précise « bien sûr, il y a plein de professionnels qui vont dire que c'est de la

surveillance, que... ça va empêcher certains de pratiquer leur activité comme ils la pratiquaient avant. Mais c'est finalement une bonne chose pour la ressource et pour l'ensemble de la pêche »

(Producteur 3). Un usager historique considère en revanche que l’« acceptabilité sociale » est primordiale, et que la surveillance ne devrait avoir lieu que si « les gens qui seront surveillés

l'acceptent », au risque de remettre en cause « le respect que peut avoir le citoyen quand il se fait contrôler ou surveiller. Le respect envers l'autorité » (Usager historique 7).

154 L’analyse de spécificité réalisée par le biais d’IRAMUTEQ sur le champ sémantique associé à la [surveillance] met en avant un suremploi significatif chez les usagers historiques en comparaison à toutes les autres catégories d’acteurs (Figure 58), soulignant l’importance que ces derniers portent à la question.

Un décideur au niveau national note toutefois une forme d’évolution, et considère que « les

acteurs [historiques] prennent conscience de l'importance d'une certaine transparence »

(Décideur national 14). Un usager historique précise : si certains, comme « les marins pêcheurs, au

début, étaient très réticents, puisqu'il y avait le culte du secret », la situation change, car « il s'avère que pour pouvoir prouver qu'on a une activité sur un territoire qui est convoité par d'autres activités, il faut avoir des éléments tangibles et probants » (Usager historique 7). Un enquêté suggère aussi que « les jeunes acteurs le considèrent [la surveillance] peut-être plus

facilement, ils sont nés avec, et donc il y a une question générationnelle, en gros, si on n’a rien à cacher, ça ne me dérange pas […] qu'on sache où je suis », sans aller jusqu’à dire « que tous les jeunes sont vertueux, mais ils ont une approche qui est quand même beaucoup plus gestionnaire de la ressource, et ça passe aussi encore une fois par la cartographie des usages »

(Usager historique 8). Pour démontrer cette évolution, trois enquêtés évoquent le cas des Goémoniers du Parc Marin d’Iroise, pour lesquels l’emport du VMS a été généralisé, sans tenir compte de la taille des navires, « à la suite de la demande du Comité Régional » (Décideur infranational 6), prouvant que « les professionnels peuvent être proactifs là-dessus : ils ont

demandé à être plus restrictifs » (Producteur 3). A ce titre, un usager historique considère que cette évolution devrait être mieux accompagnée : « si on construisait un vrai cadre plutôt que

FIGURE 58. ANALYSE DE SPECIFICITE DU CHAMP SEMANTIQUE ASSOCIE A LA [SURVEILLANCE] AU SEIN DES CATEGORIES ET SOUS-CATEGORIES D’ACTEURS ;SOURCE :IRAMUTEQ.

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d'agir dans l’urgence, […] un cadre précisant qui sera exactement le collecteur, à quelle fin, pour quelles données, je pense que l'acceptabilité serait plus élevée, […] et peut-être qu'il y aurait moins de contestation » (Usager historique 6), portant un nouvel usager à croire « qu'il

pourrait peut-être y avoir une partie des données SPATIONAV qui pourrait être acceptée par le comité des pêches, sous certaines conditions » (Nouvel usager 4).

En dépit du débat d’idées rapporté ci-dessus, une partie des enquêtés considère que la mobilisation progressive des données de surveillance est inévitable : « malgré les réticences,

[…] tôt ou tard ça va arriver, c'est une question de temps » (Décideur supranational 9), « ça

m'apparait inéluctable. Avec un certain fatalisme peut-être » (Usager historique 8). D’autres affirment qu’« à un moment, on ne peut pas interdire la techno. Elle est là, elle sera utilisée » (Décideur infranational 2), et que « le droit doit évoluer avec » (Usager historique 8). Car théoriquement aujourd’hui, « déjà, si vous avez un téléphone portable dans le bateau, vous êtes repérés. Donc

si on connait votre numéro de téléphone, on sait que vous êtes un pêcheur. Donc si on voulait le faire, on pourrait le faire… » (Décideur supranational 9). Ce qui n’empêche pas de « se demander

comment on l'exploite dans l'intérêt général » (Décideur infranational 2), tout en sachant que « si

nous on ne le fait pas, d'autres le feront pour nous, et les satellites sont déjà en place pour faire ça, donc la question est de savoir ce qu'on en fait » (Nouvel usager 3). Un décideur évoque même une probable compétition technologique, où « celui qui gagnera sera celui qui arrive à traiter

le plus de données possibles pour réagir, avoir toujours un petit temps d'avance sur l'analyse de ce qui se passe » (Décideur national 18).

Dans ce contexte, un nouvel usager affirme : « concrètement, si on veut développer des

activités, on en aura besoin à l'avenir. Il faut absolument que l'État prenne en charge cette question des données de surveillance en mer » (Nouvel usager 5), ce qui apparait comme une éventualité au niveau national : « ça fait partie de plein de sujets que...on voudrait traiter dans

les deux prochaines années » (Décideur national 13).

3.2.2. Les informations à dire d’acteurs privilégiées par les nouveaux usagers et