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METHODOLOGIE D’ENQUETE

CHAPITRE 2 - RESULTATS : USAGE DES DONNEES DE SURVEILLANCE POUR LA

3.3. Perspectives sur l’usage des données de surveillance : légitimité et complémentarités

3.3.3. Atouts et lacunes de l’objet « carte »

Quelles que soient les données mobilisées pour les produire, les informations spatiales descriptives des activités maritimes sont dans la majeure partie des cas représentées sous forme cartographique. Selon certains enquêtés, chez toutes les catégories d’acteurs, ce format est toutefois considéré comme insuffisant pour répondre aux besoins de la PEM, que ce soit dans le cadre de son élaboration comme de sa formalisation en plan de l’espace maritime (en France, les « cartes des vocations », cf. P1-Chap 1.2.5).

Ainsi, certains considèrent que « l'avantage de ces travaux là c'est surtout de pouvoir mettre

les gens autour d’une table avec les cartes, et qu'elles soient des supports de discussion. […] il faut toujours la croiser avec ce qu'en pensent les acteurs » (Décideur infranational 17), et que « la

carte est un support de discussion, ce n’est pas un outil de décision en tant que tel, c'est un support de réflexion et de discussion » (ONG 1). En ce sens, un enquêté préconise « de prendre

les données [spatiales] avec des pincettes » (Décideur infranational 16), quand un autre précise qu’« aucun document, aussi bien fait qu'il soit, n'aura une quelconque autorité politique s’il

n'est pas porté par une autorité légitime qui a été capable d'intégrer d'autres paramètres que ce qui ressort des cartes » (Décideur infranational 5). D’autant plus que, comme certains le soulignent, « tout ne peut pas se traiter en spatialisant » (Producteur 4), car « le spatial ne dit pas tout », à moins de parvenir à « spatialiser ce qui ne l'est pas au départ » (Usager historique 9) : paramètres économiques, sociaux, environnementaux.

A titre d’exemple, les « grandes cartes de vocations », qui ont pour objet d’être des « traductions spatiales » (Décideur national 13) des stratégies de façade, sont particulièrement sujettes à la critique. On leur reproche notamment de vouloir « tout définir et tout prévoir

dans un document » (Décideur infranational 2), alors que « la vie en mer, le monde maritime, ne peut

pas se résumer à une carte » (ONG 1), notamment pour la pêche, « qui mérite un regard bien

plus spécifique que ce que l'on peut faire dans le cadre d'un document de synthèse à l'échelle de la façade » (Décideur infranational 12). En ce sens, on leur reproche aussi d’être le résultat d’une approche trop descendante, et éloignée des réalités complexe du terrain : « on fait des

cartes tombées du ciel. On fait une belle théorie et ensuite on l'applique à un monde qui sert juste à prouver notre belle théorie » (Décideur infranational 5). En analogie aux enjeux présentés en 1.2, on critique aussi le caractère « figé » (Usager historique 7) de ces cartes, jugé incompatible avec le dynamisme de l’espace maritime : en mer, « il y a une dimension qu’on n’a pas quand

164 (Décideur national 13), et notamment « la question de la saisonnalité […] parce qu'en termes de

planification, on peut imaginer que les vocations évoluent aussi selon les saisons » (Décideur infranational 11). A ce titre, un enquêté précise ses craintes : « du fait de l'évolutivité, planifier

l'espace maritime, ça me semble quand même très compliqué. Les gens disent que ce n'est pas gravé dans le marbre, mais si, de fait ça l'est. Ça ne peut pas être dynamique, je n’y crois pas un instant. En conséquence, cartographier une planification : je n'y crois pas » (Décideur infranational 6). Pour autant, d’autres signalent que « ce sont quand même les documents cartographiques qui

comptent finalement » (Décideur infranational 3), tout en prévenant : « sont des objets sensibles et

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SYNTHESE du 3. Une faible acceptabilité des données de surveillance dans le contexte de la PEM française : informations et enjeux de pouvoir.

Cette troisième et dernière partie des résultats visait à évaluer la pertinence de l’hypothèse selon laquelle la mobilisation des données de surveillance maritime est écartée du fait qu’elles soient faiblement acceptées par les acteurs de la PEM, perçues comme le résultat d’une approche intrusive et descendante, et qu’elles interfèrent de ce fait avec l'établissement déjà complexe de mécanismes de gouvernance maritime intégrés.

D’après l’enquête, la mise en œuvre de la PEM en France métropolitaine semble révéler, et parfois remettre en question, les équilibres historiquement établis en mer. Dans ce contexte parfois houleux, où le pouvoir d’influence du secteur de la pêche est indéniable, le maintien de la « paix sociale » apparait comme une priorité pour l’État français, parfois au détriment de ses ambitions. A ce titre, le développement de l’éolien offshore -ou plutôt son absence- est pointé du doigt comme un exemple emblématique des difficultés associées au processus. Afin de limiter les vagues - d’opposition-, le caractère

acceptable des données et informations mobilisées pour la PEM semble considéré par les

nouveaux usagers comme par les décideurs comme un prérequis, et souvent primer sur leur qualité. Dans ce contexte, la faible acceptabilité des données de surveillance maritime auprès des acteurs de la pêche apparait comme un facteur limitant leur mobilisation, au profit d’informations produites à dire d’acteur dans le cadre du système VALPENA, en dépit des nombreuses craintes exprimées au regard de leur fiabilité. Ces résultats viennent confirmer la validité de l’hypothèse susmentionnée. Ils soulignent toutefois le caractère évolutif de la situation, qui ne pourrait être considérée comme figée. A ce sujet, certains enquêtés prédisent des évolutions à court terme, résultats d’une évolution progressive des mentalités au sujet de la surveillance, mais aussi plus simplement des leçons tirées au fil de cette première expérience de planification sur l’espace maritime métropolitain. Celles-ci concernent tout particulièrement 1) l’importance de légitimer le savoir dit « objectif » ; 2) de favoriser la complémentarité des différentes sources de données et d’informations ; 3) de pondérer la place faite à l’objet « carte » dans le processus de planification.

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