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Chapitre 2 - Développement de sondes moléculaires porteuses de flavanols

6. Conclusion

Dans ce chapitre, les modifications de la (2R,3S)-catéchine et de la (2R,3R)-épicatéchine ont été réalisées en six étapes avec des rendements globaux respectifs de 40% et 20% en vue de leur fixation sur des sondes d’affinité. A l’aide de ces flavanols modifiés, la synthèse des sondes photoactivables catéchine A1 et épicatéchine A2 a été réalisée en une dizaine d’étapes avec des rendements respectifs de 2,5% et 1%. Contrairement aux sondes photoactivables de type A, la synthèse de sondes activables par oxydation chimique, plus simples dans leur conception, a été achevée en quatre étapes avec un rendement global de 9% pour la sonde catéchine B1 et de 6% pour celle de l’épicatéchine B2.

La synthèse de ces sondes réalisée, ce travail s’est poursuivi par la validation d’une stratégie de capture par ces sondes à l'aide d’une protéine clé de la voie de biosynthèse des flavonoïdes : la LDOX. Dans un premier temps, des protocoles efficaces de capture de la LDOX à l’aide des sondes B1-2 en conditions oxydantes (par NaIO4 ou K3Fe(CN)6) ou de la sonde A1 sous activation photochimique ont été mis au point. Puis, des analyses par Western blot et MALDI-TOF ont permis de confirmer la formation d’un lien covalent entre les sondes et la protéine. Lors de ces études, la stratégie de capture par oxydation du flavanol de la sonde s’est avérée plus efficace que celle impliquant la photoactivation du groupement azoture. Le rendement de capture de la LDOX par activation oxydante a été évalué à 13%. A ce stade, l'étude de la sélectivité des sondes a été démontrée sur un mélange de LDOX et BSA. Ces sondes catéchine et épicatéchine sont capables de capturer la LDOX de façon majoritaire dans ces conditions. De plus, la LDOX a été ajouté de façon minoritaire à un mélange complexe de protéines provenant d’un lysat cellulaire de la bactérie E. coli. L’analyse protéomique a pu mettre en évidence la capture privilégiée de la LDOX parmi 500 protéines bactériennes.

Enfin, dans le but de localiser le site de fixation des sondes sur la LDOX, une analyse des protéolysats de ces adduits par MALDI-TOF a été réalisée. Cependant, elle n'a pas permis de déterminer la localisation de la sonde sur la LDOX. Des analyses supplémentaires en LC-MS/MS sont donc envisagées. Afin de rendre possible l'identification des zones peptidiques modifiées de la protéine par la sonde ou encore pour détecter des cibles protéiques de polyphénols dans des mélanges complexes, un protocole compatible avec les analyses en masse permettant d'enrichir puis d'éluer uniquement la protéine ciblée par la sonde est nécessaire. Pour ce faire, les sondes photoclivables de type C comportant un lien photoclivable de type nitrobenzyle ont été conçues et synthétisées avec succès. Le lien photoclivable de type o-nitrobenzyle, pouvant être clivé sous irradiation UV proche, a été préparé indépendamment sur 6 étapes à partir de l'acide 5-méthyle-2-nitrobenzoïque commercial avec un rendement global

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de 37%. L'introduction d'un carbamate sur ce lien photoclivable pour sa fixation au polyphénol

via la chaîne PEG a représenté l’un des obstacles de ce travail. La mise au point d’un protocole

adapté a cependant permis l'installation d'un carbamate suivie d'une aminolyse in situ par la chaîne PEG. La fixation de la catéchine fonctionnalisée sur la chaîne PEG résultante après déprotection a permis l'accès aux sondes photoclivables comportant des espaceurs plus ou moins longs (sondes C1 et C2) avec un rendement global de 14% et 8% respectivement.

Les études préliminaires réalisées à l'aide d’une simple lampe UV pour CCM disponible au laboratoire, ont permis de valider le photoclivage des sondes C, ainsi que leur stabilité en conditions de capture par voie oxydante. Quel que soit leur espaceur incorporé, les analyses en masse ont confirmé le photoclivage de sondes seules ou de sondes immobilisées sur des billes magnétiques recouvertes de streptavidine. Par contre, due à une interaction remarquable entre la streptavidine du support solide et la catéchine, la partie photolysée portant ce flavanol n'a été décrochée des billes que lors d'une élution dans le tampon glycine-HCl. La photolyse des sondes préalablement fixées à la LDOX suivie des analyses par Western blot a pu révéler l'incompatibilité de cette approche avec les groupements nitroso photogénérés hautement réactifs. En effet, ces analyses ont montré que la LDOX, préalablement biotinylée par la sonde, est relarguée sous irradiation mais partiellement recapturée in situ par l'addition du groupement nitroso généré lors de la photolyse. Ceci a permis de mettre en évidence le photoclivage des sondes C fixées à la protéine et la compatibilité de la lampe utilisée. Cependant, le photoclivage de ces complexes après l'immobilisation et l'enrichissement sur des billes magnétiques ne permet pas de relarguer la protéine même en présence d'un sensibilisateur. L’encapsulation de la sonde à la fois par le support solide et la LDOX est très vraisemblablement à l’origine de cet échec.

Afin de s'affranchir de cette recapture de la protéine par le fragment photogénéré fixé au support d’affinité, trois solutions peuvent être proposées : l’utilisation d’un groupement photoclivable ne générant pas de fonction nitroso sous irradiation : un dérivé ester de benzoïne (Tableau 1) par exemple, l’utilisation d’un groupement o-nitrobenzyle modifié permettant de brider la réactivité de la fonction nitroso photogénérée (par cycloaddition intramoléculaire par exemple), l’utilisation d’un groupement o-nitrobenzyle mais uniquement lorsque celui-ci est liée à un peptide ou à un composé de faible poids moléculaire, diffusant rapidement sous agitation.

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Chapitre 3

Synthèse de sondes moléculaires pour l’étude des

interactions polyphénol-protéine par la technique de

Résonance Plasmonique de Surface

Récemment, des études réalisées au sein de l'équipe ont montré que la SPR permettait de discriminer efficacement des interactions spécifiques polyphénol-protéine par rapport à des non-spécifiques en utilisant une statégie d'immobilisation du ligand sur la surface d’une puce de détection (sensor chip) dite "inverse" (Voir Chapitre 1, Figure 28B). Cette stratégie a été validée notamment par l'étude de l'interaction du couple vescaline-topoisomérase IIα (TopIIα),77 puis étendue à des dérivés de polyphénols de type flavanol (la catéchine et l'épicatéchine) et de type ellagitannin C-glucosidique (la vescalagine et la vescaline) modifiés avec un espaceur comportant une biotine terminale (Figure 67). Cette biotine a permis d’immobiliser ces polyphénols modifiés sur des surfaces SPR revêtues de streptavidine pour

l’étude d’interactions polyphénol-protéine en temps réel.

Figure 67. Adduits biotinylés des éllagitannins C-glucosidiques et des flavanols

Dans un premier temps, l’intérêt de cette nouvelle méthodologie d'analyse par SPR a été confirmé à l'aide de trois polyphénols (la vescalagine, la vescaline et la catéchine). Ainsi, la TopIIα et l'actine fibrilaire (F-Actine) ont montré une plus grande affinité pour les polyphénols de type ellagitannin (vescalagine et vescaline) que pour ceux de type flavanol (catéchine

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modifiée en position C-4). En particulier, l'association plus importante du système TopIIα-vescalagine que dans le cas des systèmes vescaline et catéchine, a indiqué une préférence d’affinité de la TopIIα pour la vescalagine. Ces résultats sont en accord avec le fait que la vescalagine est un inhibiteur de la TopIIα plus puissant que la vescaline, établi lors d’une étude précédente.76,304 L'analyse par SPR montre que la protéine TopIIα est capable de discriminer des polyphénols de familles différentes (vescaline, un éllagitannin C-glucosidique et catéchine, un flavanol), mais aussi au sein d’une même famille de polyphénols (vescaline et vescalagine, deux ellagitannins C-glucosidiques). Ces analyses ont également pu montrer que d’autres protéines (BSA, myoglobine, actine globulaire, streptavidine, collagen type I) n’avaient pas ou peu d’interaction avec les flavanols et les ellagitannins.

Par la suite, l'adduit catéchine modifié en position C-4 et les adduits de catéchine et d'épicatéchine modifiées en position C-8 ont été étudiés pour évaluer l’influence de la nature et de la localisation de l'espaceur sur ces polyphénols vis-à-vis de leurs interactions avec la LDOX dont l'interaction spécifique avec la catéchine est avérée.99,103,104,150,254 L’analyse des interactions flavanols-LDOX par SPR a montré que la LDOX conserve une affinité sélective pour la catéchine et l’épicatéchine modifiées en position C-8, ce qui est en accord avec les études précédentes.205 Cette affinité est de plus comparable à celle observée pour la catéchine modifiée en position C-4. Ces différentes expériences ont donc permis de valider l’utilisation de cet outil SPR pour discriminer les interactions entre différents polyphénols et différents types de protéines.

Dans la continuité des travaux précédents, l’objectif de cette étude a été d’étendre cette approche SPR "inversée" par le développement de sondes moléculaires porteuses de nouveaux flavanols d’intérêt : la procyanidine B2, la (‒)-épigallocatéchine-3-gallate (EGCG) et des analogues de celle-ci telles que la (+)-gallocatéchine (GC), la (‒)-épigallocatéchine (EGC) et la (+)-gallocatéchine-3-gallate (GCG) pour étudier l’interaction de ces polyphénols avec diverses protéines (Figure 68). Ces sondes modifiées avec un espaceur comportant une biotine terminale pourront également être utilisées dans des applications en protéomique chimique.

Figure 68. Structure des polyphénols sélectionnés pour développer des sondes d’affinité utilisables en SPR

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Les flavanols sélectionnés dans cette étude sont souvent isolés de sources naturelles sous forme de mélanges complexes difficilement purifiables. Par extraction, il est donc délicat d'avoir des molécules pures permettant l'étude de leurs activités biologiques. Pour cette raison, le développement de synthèses ou hémisynthèses efficaces et stéréocontrôlées permettant l'accès à ces flavanols est donc indispensable et constitue le challenge principal de cette étude.

La synthèse de ces sondes a été considérée à partir des lactones de flavanols sélectionnés par réaction d'amidation soit avec la cystéamine suivie d'une addition de Michaël au maléimide biotinylé 50 (voie A), soit directement avec la chaîne PEG biotinylée 29 (voie B). Ces espaceurs biotinylés permettent l'immobilisation de ces sondes sur la surface SPR recouverte de streptavidine en vue de l’étude des interactions polyphénol-protéine en temps réel (Schéma 42).

Schéma 42. Voies synthétiques envisagées pour introduire un espaceur portant une biotine terminale