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CHAPITRE 1 : LA RECHERCHE – Le contexte et les grandes

4- Les concepts centraux

De grands concepts tracent les frontières de l’objet de la recherche.

4.1-

Gouvernance et gestion forestière

En termes génériques, la notion de « gouvernance » concerne l’idée de gestion, « l’action de piloter un système, de coordonner une action collective » (Juillet et Andrew 1999 : 77). Plus encore, elle concerne un processus plutôt qu’une organisation (Lemieux 2000); elle est donc proche de « gouverne » issu du terme « governing » soit : « [...] all those activities of social, political and administrative actors that can be seen as purposeful efforts to guide, steer, or manage [...] societies » (Kooiman 1993 : 2). À ce niveau de généralité, elle est associée à une diversité de situations et d’univers : l’entreprise, les structures gouvernementales ou les modes de gestion prévalant à l’échelle locale ou globale. Dans le champ politique, l’usage récent de la notion de gouvernance est apparu dans des travaux portant sur l’évolution des modes de gouvernement et la manière de gouverner : le rôle des acteurs non étatiques

dans les mécanismes de régulation politique et la redéfinition du rapport État/marché, et autorité politique/société civile (De Senarclens 1998, Jessop 1998, Kazancigil 1998, Kjaer 2004, Stoker 1998). La notion concerne ainsi autant les processus de gouvernement, le mode d’organisation du pouvoir, que la façon de gouverner la société.

Quant à lui, le terme « gestion » est généralement utilisé comme synonyme d’administration, de conduite, d’intendance, de gérance, ou de régie. Il concerne l’action d’administrer, la manière d'organiser, de diriger. Il se définit comme un ensemble de moyens par lesquels une « entreprise » est dirigée ou gérée (Grawitz 1994 : 187). Dans la recherche, le terme « gestion forestière » délimite le domaine d’activités visé par la recherche. Il renvoie aux mécanismes qui participent à diverses formes de prises de décision sur les pratiques instaurées en forêt. Le terme concerne un univers défini par un cadre réglementaire, des rôles et des responsabilités, des façons de faire, etc., et qui, dans le secteur forestier québécois, prennent la forme de la Loi sur les forêts, des rôles et responsabilités du MRNF, de l’industrie et des autres acteurs du secteur, des types de pratiques d’aménagement forestier qui prévalent, etc.

Quoique leurs sens soient très proches, par comparaison à la notion de « gouvernance », celle de « gestion » renvoie à un univers de pratique plus ciblé. Combinés, l’usage du terme « gestion forestière » permet de délimiter les activités propres à la façon dont les acteurs du monde forestier québécois agissent pour guider et orienter la gérance de la forêt (dans le cadre des pratiques de PP), alors que la notion de « gouvernance » permet de qualifier cet univers propre à la gestion forestière en termes de modes de gestion.

4.2-

Participation publique

Comme le montre Guay, la portée du terme « participation » est très large :

La participation est l’engagement des acteurs sociaux dans les affaires publiques ou collectives. Plus précisément, en contexte moderne, c’est l’implication des citoyens, en petit nombre ou de plus grand nombre,

suivant des modalités très variées, dans l’élaboration, le fonctionnement et la transformation des institutions et des décisions à effet collectif. (Guay 2005 : 378-379)

Une telle définition peut tout autant inclure la participation propre aux procédures de démocratie représentative, le lobby des groupes organisés, la mobilisation associée à l’action des mouvements sociaux, que les formes plus institutionnalisées d’action collective telles que les procédures de démocratie participatives. Notre recherche s’intéresse à ces formes plus institutionnalisées, notamment à celles associées à la notion de « participation publique ».

Comme le soutient Curry au sujet de la PP : « […] practical manifestations […] are diffuse, operating under many different names and using various definitions » (2001 : 563). Ainsi, le vocable utilisé dans la littérature est fort diversifié – Public involvement (Roberts 1995), Participation (Lequin 2000), Public Participation (Duinker 1998), Consultation (Buchy et Hoverman 2000) – et plusieurs définitions de la PP coexistent. Notons par exemple :

Un processus dynamique entre deux parties : l’organisation, c’est-à-dire ceux qui détiennent le pouvoir formel, et les participants, c’est-à-dire les personnes touchées par la décision à prendre. Un processus d’échange volontaire entre une organisation, qui accorde un certain degré de pouvoir aux personnes visées par la décision à prendre, et ces personnes qui acceptent en retour un certain degré de mobilisation et d’implication. (Lequin 2000 : 58)

PP encompasses a group of methods and procedures designed to consult, involve, and inform the public to allow those affected by a decision to have input into it (Smith 1993). PP can be defined as any action taken by an interested public (individual or group) to influence a decision, plan or policy beyond that of voting in an election to improve the representativeness and responsiveness of political and administrative decision making (Smith 1984). (Smith et al. 1997 : 143)

Any purposeful activity in which citizens take part in relation to government [...]. (Marshall et Jones 2005 : 716)

A process for involving the public in the decision-making process of an organisation. This can be brought about through either consultation or participation, the key difference being the degree to which those involved in the process are able to influence, share, or control the decision making.

[…] consultation include education, information sharing, and negotiation, the goal being better decision making by the organisation consulting the public, participation actually brings the public into the decision-making process. (Roberts 1995 : 224)

Comme le montrent les définitions, la notion de « participation publique » est généralement utilisée pour décrire une variété de processus que des acteurs ou institutions emploient afin que les citoyens et les groupes de la société soient impliqués dans les décisions associées à la gestion des affaires publiques ou collectives (Sors 2001). Le type de décisions visé par ces mécanismes renvoie aux décisions courantes qui affectent le quotidien des citoyens (Guay 2005). La PP est un concept « chapeau » incluant diverses pratiques7 ayant certains traits communs. Il s’agit d’une formule générique qui réunit des pratiques définies par une diversité de modalités, de niveaux de formalité et de moments d’intervention dans le processus de décision. Cette variété de processus comprend des mécanismes d’information du public, des consultations publiques, des comités consultatifs, des partenariats ou des projets de délégation de pouvoirs de gestion. Par définition, la PP renvoie aussi à des processus impliquant des acteurs autres qu’uniquement ceux chargés des décisions et est associée à un certain pouvoir d’influence de ces acteurs sur ces décisions (Arnstein 1969, Buchy et Hoverman 2000, Johnson et Campbell 1999, Robert 1995).

Dans la recherche, qui vise le secteur forestier québécois, la PP est définie comme : tout mécanisme, qu’il prenne forme d’un comité, d’une consultation publique ou autre, ayant pour objectif d’intégrer divers acteurs et valeurs aux décisions collectives associées de façon directe ou indirecte à la gestion des forêts et, en particulier impliquant d’autres acteurs participants que les seuls gestionnaires traditionnels, État et industries forestières notamment. Cette

7 Dans la recherche, si la notion de « pratiques » est souvent utilisée comme un synonyme de processus ou

mécanismes de PP, elle renvoie aussi à un ensemble plus large, soit une somme de cas de processus (façons de faire dans leur ensemble). De plus, les termes « mécanisme » ou « processus » utilisés au singulier renvoient à un événement participatif (un cas) unique ; au pluriel, ils renvoient à plusieurs événements.

définition de la PP est proche de celle de Beierle et Cayford (2002), quoiqu’elle aille au-delà des processus administratifs formels, c’est-à-dire les mécanismes de PP gouvernementaux. Aussi, la définition couvre des initiatives participatives issues également de la volonté d’acteurs extérieurs aux gestionnaires publics. Les formes de participation visées concernent des pratiques de PP institutionnalisée qui sont à un point intermédiaire entre le vote électoral, le lobby et une forme plus « activiste » de mobilisation (action légale, désobéissance civile, etc.) (Smith et al. 1997), formes qui ne sont pas visées par la définition de la PP propre à la recherche.

Ainsi, certaines formes de participation sont exclues du champ de pratiques couvert par la thèse : le vote électoral, le lobby, les partenariats d’affaires (et les entités comme les CA), les mécanismes de cogestion, les partenariats public-privé (PPP), les mécanismes de délégation de gestion, ou les initiatives liées à l’action collective des nouveaux mouvements sociaux, par exemple.

Tableau 2 : Typologie des modes de participation à la décision publique

FONCTION COMPOSI- TION Consultative Décisionnelle Sélective - Groupes ciblés - Groupes d’experts - Conférences/jurys de citoyens - Commissions parlementaires - Dialogue et médiation entre

parties prenantes

- Tribunal avec jury - Comité de

« sages »

Universelle

- Commissions d’enquête - Audiences publiques sur

l’environnment/l’aménagement - Commissions parlementaires - Sondages - Schémas d’aménagement/plans d’urbanisme - Élections générales - Référendum (avec réserve) (Reproduit de Guay 2005 : 392)

Se concentrant sur la fonction de la participation (consultative ou décisionnelle) et la composition des participants (sélective ou universelle), Guay (2005) propose une typologie des modes de participation à la décision publique composée de quatre types (Tableau 2). Cette typologie permet de situer le type de pratiques visé par la définition de la PP propre à notre recherche. Notre définition couvre les cas à fonction consultative, les cas décisionnels étant inexistants en matière de PP en foresterie au Québec.