• Aucun résultat trouvé

Conceptions variées de systèmes de vectorisation

Nanovecteurs et mécanismes de délivrance de principes actifs

2. Conceptions variées de systèmes de vectorisation

2.1.

Paramètres à prendre en compte

Depuis une trentaine d’années, de nombreux vecteurs de principes actifs ont vu le jour avec pour objectif à long terme le traitement de nombreuses et complexes maladies [2] (cancers, maladies infectieuses, métaboliques ou autoimmunes, inflammation, douleur). Plusieurs stades d’étude de leur efficacité en milieu biologique ont été franchis, en utilisant des modèles in vitro ou in vivo. Certaines formulations sont actuellement développées en recherche pré-clinique ou clinique, d’autres ont même déjà été commercialisées.

En amont de tels développements industriels se situe une recherche fondée sur la compréhension des mécanismes d’interaction cellulaire sous-jacents. Si la plupart des nanomatériaux mis au point actuellement sont issus d’une approche ascendante, c’est-à-dire que les principes théoriques de fonctionnement sont tirés des observations pratiques [6], il est nécessaire de prendre suffisamment de recul sur les critères théoriques dégagés pour optimiser la fonctionnalisation mécanique et physico-chimique des futurs systèmes. En effet, avant de concevoir des nanovecteurs, il est nécessaire de prendre en compte différents critères pour adapter leur structure et leur composition [7-9] :

 Ils doivent être biodégradables et biocompatibles ;

 Ils doivent être stables en conditions biologiques (pas d’aggrégation ou de floculation). Notamment, des groupes fonctionnels peuvent être créés ou insérés à leur surface pour améliorer la gamme de leurs propriétés physico-chimiques ou biochimiques ;

 Leur composition doit être adaptée pour éviter toute dégradation enzymatique ou microbienne ;

 Ils doivent avoir la plus grande capacité d’encapsulation possible, de façon à optimiser l’efficacité thérapeutique ;

 Ils doivent améliorer la solubilité et la stabilité du principe actif encapsulé. Pour cela, ils doivent inclure des compartiments d’hydrophilie comparable à celle des principes actifs à encapsuler ;

 Ils doivent améliorer l’index thérapeutique du principe actif, en diminuant sa toxicité et en maintenant son efficacité. Pour cela, ils doivent empêcher le principe actif de manifester son activité pharmacologique ou toxicologique avant d’avoir atteint le site d’action afin de limiter au maximum les effets secondaires de la thérapie ;

 Ils doivent empêcher la dégradation prématurée du médicament et toute réaction immunitaire ;

 Leur taille doit être adaptée au trajet qu’ils doivent suivrent, notamment en cas de nécessité de traverser les fenêtres endothéliales pour s’échapper des vaisseaux sanguins et rejoindre le site d’action ;

 Ils doivent minimiser l’apparition de résistance cellulaire ;

 Ils doivent cibler spécifiquement le site d’action. La reconnaissance cellulaire spécifique et l’adressage ciblé peuvent être contrôlés au moyen de récepteurs chimiques ou biochimiques ;

 Ils doivent améliorer la rétention et l’accumulation du principe actif dans les tissus cibles pour en relarguer un maximum, de façon à atteindre le seuil thérapeutique ;  Ils doivent faire pénétrer le principe actif à l’intérieur des cellules. Les stratégies

40

En réponse à ces critères, plusieurs stratégies différentes de mise au point de vecteurs ont vu le jour.

2.2.

Les principales stratégies développées

De nombreuses stratégies de conception de systèmes de délivrance de principes actifs ont été mises au point et largement reportées dans la littérature [9-18]. Plusieurs classements de ces systèmes ont été décrits, suivant leur composition, leur structure, leurs propriétés ou encore leur mode d’action. Nous avons arbitrairement choisi d’opposer ici systèmes vésiculaires et matriciels [19].

Il s’agit de deux grandes familles de vecteurs dont la structure diffère, mais possédant tous le même objectif de transport et d’adressage. Leur taille est généralement comprise entre 1 et 1000nm (cf Figure I- 2), nous les désignerons toutefois sous le terme générique de « nanovecteurs », même si certains auteurs préfèrent le terme de « microvecteurs » lorsque leur taille excède 100nm.

Figure I- 2 : Diamètres moyens des vecteurs utilisés pour l’adressage et la délivrance de principes actifs. (Adapté de [2])

Nous allons présenter très brièvement les principaux systèmes appartenant à chacune de ces deux catégories ainsi que les méthodes d’encapsulation permettant leur utilisation comme vecteurs de médicaments. L’objectif n’est pas de dresser une liste exhaustive des systèmes existants, mais plutôt de donner un rapide aperçu des développements récents et innovants.

41

2.2.1. Sytèmes vésiculaires

Les systèmes vésiculaires sont des systèmes colloïdaux caractérisés par une cavité, hydrophile ou hydrophobe, délimitée par une membrane d’assemblages de lipides, de polymères ou de tensioactifs assemblés en bicouches [19].

2.2.1.1. Les liposomes, des premiers “magic bullets” aux systèmes actuels Liposomes. Les liposomes ont été les premiers systèmes à concrétiser le concept de Magic

Bullet développé au siècle dernier par Paul Ehrlich, immunologiste et lauréat du prix Nobel,

qui avait imaginé le concept d’adressage spécifique de médicament [20].

Ces systèmes, composés de phospholipides organisés en vésicules de bicouches lipidiques concentriques, ont été proposés pour la première fois par Bangham et al. [21] au milieu des années 1960. Ils ont suscité une très grande attention de la communauté scientifique dès les années 1970 [22-29], grâce à leur potentiel d’encapsulation de substances thérapeutiques dans leur cœur aqueux ou au sein même de la bicouche hydrophobe [30, 31], de vectorisation spécifique vers des cellules cibles et d’adressage dans le cytoplasme cellulaire.

A l’heure actuelle, les liposomes sont très certainement les systèmes de délivrance de principes actifs les mieux connus et les plus développés.

Au fur et à mesure de l’avancée des connaissances et du développement de nouvelles techniques, les inconvénients et limites des premiers systèmes développés -comme leur temps de demi-vie en milieu biologique très court, une certaine toxicité, des problèmes de stabilité ou un faible contrôle du relargage des drogues sur des périodes prolongées- ont pu être évités par diverses stratégies [32, 33]. Depuis une quarantaine d’années, leur structure a été continuellement améliorée, notamment par une modification de surface avec des groupements fonctionnels incluant l’incorporation, de façon séparée ou simultanée [34, 35] :

 de polymères protecteurs pour augmenter la durée de circulation ;

 de ligands de ciblage spécifiques à un type cellulaire précis, comme des anticorps ;

 de marqueurs de diagnostic ;

 de lipides chargés positivement pour permettre une complexation avec l’ADN ;  de lipides ou de polymères sensibles à certains stimulis (comme une diminution

de pH) ;

 de peptides spécifiques permettant la pénétration cellulaire ;  de particules magnétiques pour un ciblage magnétique ;

 de particules contrastantes pour l’imagerie par microscopie électronique.

A présent, plusieurs formulations de liposomes ont satisfait aux exigences réglementaires et font l’objet d’une commercialisation [36].

Lipoplexes. Dérivés de ces structures, les lipoplexes sont des liposomes cationiques complexés avec des structures d’ADN ou d’ARN pour permettre la délivrance intracellulaire de gènes [37-39]. Wasungu et Hoekstra [40] ont récemment reporté l’avancée des connaissances sur les mécanismes de transfection opérée par des lipides cationiques, en analysant la relation entre leur structure et leur fonction et en comparant leur efficacité avec d’autres stratégies de délivrance de gènes.

42

2.2.1.2. Avancées récentes dans le développement de systèmes vésiculaires non-liposomaux

Les liposomes ne sont pas les seuls systèmes vésiculaires utilisés pour l’encapsulation et la délivrance de principes actifs. Ces dernières années, de plus en plus de nouvelles structures ont été développées, utilisant des compositions, des procédés de conception et des modes de fonctionnement différents, dont voici quelques exemples.

Nanocapsules et polymersomes. Il s’agit de systèmes réservoirs munis d’une paroi polymérique de quelques nanomètres d’épaisseur. Dans le cas d’une nanocapsule, cette paroi est constituée d’un homopolymère assemblé en monocouche qui délimite un cœur liquide hydrophobe. Dans le cas d’un polymersome, la paroi est constituée d’un assemblage de copolymères blocs, dont les parties hydrophiles sont tournées vers l’extérieur, et renfermant une cavité hydrophile [19]. Les principales caractéristiques des nanocapsules et des polymersomes ont notamment été reportées par Couvreur et al. [41] et, plus récemment, par Mora-Huertas et al. [42].

Les nanocapsules lipidiques (LNCs) sont couramment utilisées à des fins de vectorisation. Paillard et al. [43] ont récemment reporté des exemples de nanocapsules lipidiques dotées de caractéristiques intéressantes, comme le transport de principes actifs hydrophobes, la furtivité, leur potentiel de vectorisation en radiopharmacie, ou encore leur capacité à outrepasser les mécanismes de résistance cellulaire.

Leurs analogues à cœur aqueux, les polymersomes, sont aussi fréquemment utilisés pour l’encapsulation et le ciblage de composés de natures différentes. Par exemple, Bouclier et al.

[44]

ont comparé la toxicité, le taux d’encapsulation et l’activité thérapeutique anticancéreuse in vivo de polymersomes de différentes compositions polymériques encapsulant du siARN. Les vecteurs de composition optimale ont montré un ciblage spécifique des récepteurs hormonaux inhibant ainsi la prolifération de cellules tumorales hormones-dépendantes. Yang et al. [45] ont, quant à eux, exploité leurs compartiments d’hydrophilie variée pour co-encapsuler des particules magnétiques hydrophobes dans leur membrane et des drogues anti-cancéreuses hydrophiles dans leur cœur aqueux, rendant ainsi ce vecteur multifonctionnel.

Niosomes. Les niosomes sont des vésicules délimitées par une paroi de tensioactifs non- ioniques organisés en bicouches. Développés au milieu des années 1990, les niosomes connaissent un intérêt croissant depuis ces toutes dernières années, notamment pour l’administration de médicaments par voie entérale (cutanée [46], pulmonaire [47] ou ophtalmologique [48]). Il y a quelques mois, une étude [49] a permis de comprendre l’influence de liaisons hydrogènes entre la membrane tensioactive des niosomes et des modèles de principes actifs dans le chargement et le relargage de ces derniers.

Ethosomes. Mis au point il y a une dizaine d’années [50], les éthosomes sont des vésicules phospholipidiques, à l’instar des liposomes, mais dont le cœur est composé d’un mélange hydroalcoolique, généralement à base d’éthanol ou d’isopropanol. Leur principal avantage est d’arriver à traverser la barrière du stratum corneum, permettant d’améliorer significativement la perméation cutanée par rapport à des liposomes plus classiques [51]. Virosomes. Afin d’améliorer l’efficacité de la délivrance d’acides nucléiques et d’antigènes en les introduisant directement dans le cytoplasme cellulaire, la stratégie liposomale a été combinée avec une enveloppe virale fonctionnelle possédant des protéines fusogènes,

43

Outline

Documents relatifs