• Aucun résultat trouvé

Alain Boillat est professeur ordinaire à la Section d'histoire et esthétique du cinéma et au Centre d'études cinématographiques de l'Université de Lausanne (Faculté des Lettres). Il est également un des membres fondateurs du Groupe d'étude sur la BD à l'UNIL.

Ses activités académiques en rapport avec la bande dessinée

Alain Boillat est professeur à la Section de Cinéma de l'Université de Lausanne (UNIL), qu'il présente comme une section dont les intérêts de recherche dépassent le seul objet cinématogaphique et portent beaucoup sur l'intermédialité. C'est ainsi que, pour sa part, il a orienté une partie de ses intérêts vers la bande dessinée, ses aspects narratologiques et sequentiels, et les liens entre cinéma et bande dessinée, ainsi que les thèmes communs à ces deux médias. Il a notamment publié un livre sur les interconnexions entre bande dessinée et cinéma, Les cases à l'écran. Cette année, il a fondé avec trois collègues de la Faculté des Lettres de l'UNIL un Groupe d'étude sur la bande dessinée (GrEBD) qui a pour but de rassembler différentes disciplines autour de l'objet BD. En effet, il pense que la non-inscription de la BD en tant que telle dans les cursus académiques présente l'avantage de favoriser l'approche interdisciplinaire. Le GrEBD rassemble à l'heure actuelle le français, le cinéma, l'histoire de l'art et un spécialiste de la narratologie rattaché à l'EFLE (Ecole de français langue étrangère), les membres fondateurs dans le sens où ce sont les premiers à s'être réunis autour de la bande dessinée. Mais concrètement, fait partie du groupe toute personne de la Faculté des Lettres qui s'intéresse au medium. La fondation du GrEBD vient en fait sanctionner l'existence d'intérêts variés, de collaborations et de différents projets d'étude, de recherche et d'enseignement autour de la bande dessinée développés à l'UNIL depuis plusieurs années. Cette institutionnalisation a notamment pour raison d'être de labelliser les activités autours de la bande dessinée à l'UNIL et de renforcer ainsi leur visibilité, notamment en favorisant les événements.

Un des éléments pré-existant à la création du GrEBD dans lequel est impliqué Alain Boillat est la mise en place de séminaires de Master dans un module de communication scientifique (un des apprentissages proposés aux étudiants est en effet ce qui se rapporte à la communication des connaissances scientifiques et à leur

vulgarisation pour le public). Ces séminaires consistent en l'étude d'un corpus d'œuvres sous divers angles qui aboutit à la production d'une exposition publique pour la présentation du travail réalisé durant le semestre. Les expositions relèvent non pas de la présentation artistique de l'objet, mais du discours scientifique produit dans le cadre du séminaire, dans une perspective de vulgarisation et de communication des travaux. Le but de ces séminaires est, d'une part, de familiariser les étudiants avec l'objet culturel bande dessinée, de les introduire aux méthodes d'analyse du medium et de les confronter à la réalisation concrète d'expositions ; d'autre part, de créer des partenariats institutionnels mais aussi privés pour mettre en place une dynamique favorable à l'étude de la bande dessinée et à la diffusion de cette recherche. Cela permet notamment de créer une véritable interaction entre les étudiants, qui s'initient à la pratique, et les centres de conservation, qui les accueillent sur place et les introduisent aux collections. Le premier séminaire portait sur une œuvre de Juillard et Christen, Le voyage de Léna, publiée chez Dargaud dans la collection Long Courrier et s'est tenu en partenariat avec l'éditeur. L'étude a porté sur les aspects de genèse de l'œuvre en rapport notamment avec le contexte de publication. Elle a donné lieu à une exposition didactique produite par les Bibliothèques de la Ville de Lausanne et tenue en leurs locaux. Le second a eu lieu au semestre de printemps 2014. Réalisé en partenariat avec la Maison d'Ailleurs, il portait sur l'histoire de la bande dessinée de science-fiction et ses liens avec le cinéma. L'exposition, produite avec les moyens financiers et techniques de la Maison d'Ailleurs, a eu lieu à l'Université et son vernissage a été précédé d'une Master class donnée par l'auteur de BD genevois Frederik Peeters. Alain Boillat trouve un véritable intérêt à la mise en place de ces séminaires-expositions et souhaiterait que les expositions produites circulent hors les murs et au-delà de Lausanne, dans l'idée de fonder à terme des partenariats pour leur production et ainsi d'institutionnaliser d'une certaine manière la pratique de ces séminaires-expositions.

Le professeur participe également à différents projets de recherche de haut niveau touchant à la bande dessinée. Le premier concerné a été un projet FNS portant sur les usages de Jésus au XXIème siècle. Ce projet a donné lieu à différentes manifestations et publications (colloques, expositions, conférences, livres) qui ont compté plusieurs interventions concernant la bande dessinée, d'A. Boillat mais également de son collègue Philippe Kaenel par exemple (historien de l'art). Il a du reste été l'occasion d'une première collaboration avec le Centre BD de la Ville de Lausanne. Actuellement,

un nouveau projet de recherche FNS est en cours, conçu entre l'UNIL et l'Université de Fribourg (concrètement, le projet est associé à Fribourg et c'est la professeure Françoise Revaz qui en est titulaire). Il s'agit d'un projet interdisciplinaire touchant aux aspects narratifs et linguistiques et portant sur la « feuilletonisation » de la bande dessinée à partir des périodiques pour enfants d'avant-guerre. Le projet a véritablement été conçu dans la perspective de valoriser les fonds du Centre BD et en particulier le fonds Ghebali, qui s'est imposé aux deux chercheurs qui avaient décidé de monter ensemble un projet BD à partir des fonds du Centre BD. Cette recherche est en cours et a déjà donné lieu à une exposition, La BD avant l'album, au Forum de l'Hôtel de Ville de Lausanne, produite par la Section de Cinéma de l'UNIL. Elle devrait aboutir, à terme, à la publication d'un ouvrage conséquent et largement illustré des pièces issues du fonds et qui font l'objet de l'étude. L'intérêt de tels projets, pour Alain Boillat, c'est qu'ils représentent aussi l'opportunité de former des gens au niveau doctoral et d'en faire profiter les étudiants en les introduisant dans les cours ou séminaires au niveau Master, le but d'un projet de recherche selon lui étant aussi de nourrir l'enseignement. Pour ce projet, l'association avec le Centre BD est très étroite : celui-ci met un bureau à disposition des chercheurs qui travaillent sur place et réunit les documents dont ils ont besoin.

Donc la perspective du GrEBD est donc à la fois de conduire des projets de pointe et de prévoir des moyens de « reverser » les connaissances produites sur les étudiants qui sont simplement dans un Master en Lettres, dans le but « qu'ils retiennent l'objet

BD, la manière de l'appréhender et les exigences de monter une exposition ».

Intérêt et besoins par rapport aux archives et au patrimoine documentaire de la bande dessinée

Alain Boillat n'a pas explicitement défini le type de documents et les usages qui correspondent à ses besoins, mais la description de ses intérêts de recherches et des utilisations actuelles ou envisagées des fonds de conservation est pertinente à ce propos. A priori, les intérêts scientifiques d'Alain Boillat portent plutôt sur la bande dessinée en tant que forme narrative. Il étudie donc les œuvres à partir principalement des documents imprimés et s'intéresse à leur contexte de publication, qu'il s'agisse de l'intégration d'un album dans une collection et une ligne éditoriale, ou de son apparition dans un journal, en tenant compte du contexte, au niveau micro (paratexte) et macro (contexte historique). Les documents d'archives au sens strict ne sont pas sa première

source d'information en l'état actuel des choses et il n'exprime pas de besoin éprouvé à cet égard. Pourtant, il se dit intéressé à diversifier son approche de la bande dessinée en s'intéressant à différents aspects connexes à l'œuvre. Il pourrait en effet être amené approfondir la dimension éditoriale non seulement pour traiter du contexte de publication et du rôle de l'éditeur, mais également pour étudier, à partir de fonds d'éditeurs, par exemple les stratégies de diffusion, la communication marketing des œuvres, la manière dont ont intervient sur la réception des œuvres avec les dossiers de presse et les manœuvres de promotion. Ce sont des éléments qu'il dit avoir déjà traité en cinéma avec ses étudiants, à travers des cours et séminaires où il invite des intervenants externes ; en effet ces aspects ne font pas partie de ses compétences premières et il reconnaît qu'il préférerait collaborer pour de telles recherches avec par exemple des sociologues.

L'étude génétique ferait également tout à fait partie de ses champs d'intérêt s'il pouvait avoir accès à un fonds complet d'auteur par exemple. Travailler sur des documents tels que croquis, scénarios, correspondance, afin d'observer le processus de création dans son ensemble, qu'il s'agisse de la naissance du dessin en lui-même mais aussi des dynamiques de la création (partage des rôles entre scénariste et dessinateur par exemple). Une telle étude de cas serait aussi l'occasion de mettre au point une méthode d'analyse qui n'existe pas à ce jour.

D'autres phénomènes liés à la bande dessinée, par exemple la circulation des œuvres originales sur le marché de la bande dessinée seraient selon lui des objets d'études tout à fait envisageables et il pense que son collègue historien de l'art Philippe Kaenel par exemple pourrait être intéressé à de telles recherches.

De manière générale, les ressources indispensables que fournissent pour lui les institutions patrimoniales, plus particulièrement le Centre BD en l'occurrence, sont d'une part la mise à disposition concrète des documents originaux (pour lesquels la qualité première de la collection patrimoniale est sa complétude) et l'accès facilité à une bibliothèque de travail (collection exhaustive de la production contemporaine, littérature secondaire) ; d'autre part la collaboration de travail, à savoir le temps que consacrent les professionnels du Centre BD aux chercheurs pour les conseiller et les orienter, ainsi que les conditions d'accueil (mise à disposition d'un bureau). Les besoins des chercheurs relativement aux documents des fonds du Centre BD sont de pouvoir les consulter et de les avoir à disposition facilement (ils sont regroupés dans le

bureau à leur intention) et également de pouvoir les utiliser dans le cadre de publications. Dans de tels cas, le fait que le Centre BD puisse fournir des scans des documents adaptés à cet usage est un avantage aussi selon Alain Boillat.

En termes d'utilisation des fonds patrimoniaux, les autres attentes du professeur porteraient sur les outils de recherche. Pour lors, ce rôle est rempli par les collaborateurs du Centre BD sans lesquels l'accès autonome aux documents est difficile. L'existence d'une base de données enrichie lui semblerait une bonne chose. Il pense d'ailleurs que les chercheurs pourraient concourir à son élaboration, en participant à l'inventaire, en proposant des critères en fonction des données de la recherche. Il trouverait donc intéressant de développer un outil commun et de pouvoir intégrer dans ces instruments de catalogage et de recherche les informations issues de la recherche. Dans leur travail, les chercheurs développent en outre des bases de données d'images qui pourraient être utiles pour le Centre BD, mais pour lors l'incompatibilité des systèmes informatiques ne permet pas la mise en commun des données.

Collaborations avec les institutions patrimoniales

Les collaborations entre le GrEBD – et de manière générale les chercheurs de l'UNIL – et le Centre BD de la Ville de Lausanne existent donc déjà depuis plusieurs années. Avant tout, les collections du Centre BD représentent une ressource indispensable pour les chercheurs. En outre, celui-ci apporte un encadrement institutionnel aux projets de recherche. Mais la collaboration s'est développée au fil des années. Qu'il s'agisse de l'accès aux collections, de la co-production d'expositions ou de la mise en place d'un projet de recherche dans une perspective de valorisation des fonds patrimoniaux, les partenariats sont multiples et les avantages réciproques. Pour Alain Boillat, cette collaboration n'est pas occasionnelle ; il s'agit d'une relation privilégiée qu'il dit vouloir nourrir en continuant d'élaborer des projets en commun. La valorisation des fonds de la Ville est d'ailleurs une des missions du GrEBD. Il pense par ailleurs que le rapport est fructueux pour les deux parties, et il apprécie le fait qu'il y ait un intérêt mutuel pour leurs activités respectives. Il apprécie que le bibliothécaire du Centre BD soit souvent présent aux événements organisés à l'UNIL ou par le GrEBD. Pour sa part, il s'intéresse à la démarche patrimoniale, à la ligne de développement des fonds et profite vraiment de la connaissance spécialisée des collaborateurs du Centre BD sur les collections. Il serait intéressé à ce que ceux-ci soient impliqués dans

les activités universitaires, qu'ils interviennent dans les publications ou dans les colloques, afin de présenter leur démarche et de la mettre en regard avec celles de la recherche.

Au-delà de la seule relation avec le Centre BD, le fondateur du GrEBD souhaite développer des partenariats, par exemple en vue de mettre en place un réseau pour la

« circulation des discours ». Les expositions de l'UNIL sont à caractère pédagogique et

il lui semblerait intéressant de les ouvrir à un plus large public en les diffusant avec divers partenaires. Localement, une articulation entre la recherche, le Centre BD et le festival BD-FIL l'intéresserait beaucoup et il pense également à sortir des frontières vaudoises. Le but n'est pas de multiplier les contacts, mais de créer un véritable réseau de partenariats et de collaborations sur la durée. L'autre partenaire du GrEBD actuellement est la Maison d'Ailleurs, mais il pense également au Jura, où est né récemment un festival BD et qui prévoit d'accueillir le Musée Rosinski (à Delémont), et parce qu'il a déjà eu des rapports avec la biblliothèque de La Chaux-de-Fonds qui semble très intéressée à travailler autour de la BD.

Annexe 24 : Compte-rendu de l'entretien réalisé avec