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Le consentement au prélèvement post mortem est, selon les pays, un consentement présumé ou explicite. Mais, dans tous les cas, les équipes médicales s‟assurent de la non- opposition des familles au prélèvement du décédé, même si ce n‟est pas une exigence légale. Puisque l‟avis des proches constitue un droit de véto, leurs représentations de la notion de mort auraient un effet sur leurs déclarations de prise de décision au don post mortem. En effet, la majorité (16/22) d‟arguments identifiés de cet échantillon d‟étudiants en master ne semble pas en faveur de don d‟organes post mortem.

En Tunisie, on peut prélever à partir de la catégorie III de Maastricht. Mais, et selon Hamouda et al., (2010), les refus de dons d‟organes par les familles, dans les suites de la

déclaration d‟une mort encéphalique, dépassent alors 80%. Ce taux n‟est pas loin du taux de 73% (16/22) chez cet échantillon interrogé d‟étudiants en master et ayant suivi un cours de bioéthique et de biovigilance.

Notons que pour des raisons éthiques, la France n‟a pas envisagé dans un premier temps le prélèvement lorsque l‟arrêt cardiaque est consécutif à un arrêt concerté des traitements médicaux (catégorie III). Mais d‟autres controverses naissent autour de cette classification. Quand la personne elle-même demande une limitation ou un arrêt des traitements, voire lorsque le médecin prend cette décision, faut-il ou non rendre licite le prélèvement d‟organes (catégorie III) ?

En bioéthique, les lois sont constamment révisées à chaque fois que des interrogations sont suscitées par l‟évolution de la biologie, de la médecine, voire de certaines exigences et représentations sociales. Ainsi, à la lueur des expériences européennes présentées, des députés français ont invité les sociétés savantes à ouvrir un débat sur la procédure de prélèvements après arrêt cardiaque (catégorie Maastricht III). Il s‟agit de la seule catégorie où l‟arrêt cardiaque est dit « attendu » ou « contrôlé ». Ce sont des patients décédés en réanimation après arrêt cardiaque faisant suite à un arrêt des thérapeutiques actives.

D‟un point de vue législatif, la loi autorise, dans certains pays, cette pratique qui fait l‟objet d‟un protocole publié par l‟agence de la biomédecine en octobre 2014. De fait, les donneurs de la catégorie III de Maastricht représentent, d‟après l‟agence de la biomédecine (2014, p. 6), plus de 90 % de l‟activité de prélèvement sur donneurs décédés dans le monde. Mais cette situation, légale dans certains pays, reste délicate et complexe malgré l‟adoption en 2005, en France, de la loi de Léonetti7. Cette dernière loi n‟est pas adoptée par d‟autres pays, comme la Tunisie par exemple.

Plusieurs questions sur la fin de la vie sont encore loin de faire l‟unanimité entre les pays et même entre certaines sociétés savantes. Par exemple, la Société Française d‟Anesthésie- Réanimation (SFAR) préconise de limiter ce type de prélèvement (catégorie III) à une catégorie précise de patients que sont les comas post-anoxiques.

Conclusion

Notons que l‟échantillon interrogé est constitué d‟étudiants en master de recherche biologie moléculaire et santé. Ainsi, il ne peut être représentatif que d‟une catégorie de

Chapitre VI – Représentations notion de mort et don d‟organes

citoyens biologiquement instruits. Le taux de 16/22 de dons d‟organes, soit 73%, nous rappelle aussi le taux d‟opposition des Tunisiens au don d‟organes qui passe de 85% à 75% en 2007.

Ce taux d‟opposition aux dons d‟organes de l‟échantillon étudié rejoint également le taux de 80% des refus de dons d‟organes, par les familles, dans les suites de la déclaration de mort encéphalique, chez un échantillon représentatif, dans les centres hospitaliers de réanimations tunisiens (Hamouda et al., 2010).

La pénurie d‟organes est un problème de santé publique qui est en partie dû au refus des familles que l‟on prélève les organes de leurs proches en mort encéphalique. Alors qu‟en Tunisie, à consentement présumé, avant d‟entreprendre tout prélèvement, les équipes médicales doivent interroger les proches pour savoir si le décédé avait de son vivant exprimé un refus au don de ses organes. En fait, puisque l‟avis du proche a une valeur légale, sa représentation de la notion de mort pourrait avoir un impact sur sa prise de décision en cas du don d‟organes post mortem.

Par ailleurs, les soucis qu‟expriment 16/22 des étudiants interrogés peuvent s‟expliquer par plusieurs controverses qui accompagnent la notion de mort encéphalique. La complexité du fonctionnement du cerveau semble être également à l‟origine, chez cet échantillon d‟étudiants en master, de plusieurs débats entourant le don d‟organes post mortem. Par exemple, d‟après Thomas (2013), certains états pathologiques peuvent présenter des symptômes de mort cérébrale, sans que la mort soit irréversible (telles certaines intoxications ou pathologies infantiles, ainsi que des cas d‟hypothermie).

Il semble également que la naissance de la notion de mort cérébrale, dans un contexte problématique de don d‟organes, pourrait expliquer ce degré de scepticisme que nous avons constaté dans les arguments de cet échantillon d‟étudiants.

Le refus de la majorité (16/22) de cet échantillon d‟étudiants peut s‟expliquer aussi par des soucis envers certaines dérives qui pourraient accompagner le don d‟organes post mortem. Ces soucis persistent, même si, dans des conditions éthiques, plusieurs mesures sont prises en considération.

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Chapitre VI – Représentations notion de mort et don d‟organes