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Notions de don d’organes et de consentement

Le don d‟organes est un prélèvement d‟organes ou de tissus sur un donneur bénévole consentant. Le tissu ou l‟organe prélevé va être greffé à un receveur gravement malade. Lorsqu‟il est prélevé d‟une personne en mort cérébrale, il s‟agit de don post mortem. La greffe d‟organes et de tissus est relativement ancienne en Tunisie2. La loi n° 91-22 du 25 mars 1991 relative au prélèvement et à la greffe d‟organes humains en a défini le cadre général. Trois lois, deux décrets, trois arrêtés et six décisions ont mis l‟accent sur trois aspects essentiels : le prélèvement d‟organes sur donneur vivant, le prélèvement d‟organes sur donneur décédé et l‟organisation du prélèvement et des greffes.

D‟après l‟agence de la biomédecine (2014, p. 9) l‟organisation mondiale de la santé (OMS) qui est une institution spécialisée, a exprimé dès 1991 les principes directeurs de la transplantation. L‟OMS rappelle que tout doit être fait afin de développer le prélèvement d‟organes sur donneurs décédés, puisque cette pratique permet d‟éviter une atteinte à l‟intégrité corporelle. Depuis 1997, il existe en Tunisie des cellules de coordination, régies par des textes réglementaires, comme le Centre National pour la Promotion de la Transplantation d‟Organes (CNPTO)3. Le CNPTO a comme objectifs essentiels l‟organisation des prélèvements et le développement du prélèvement sur donneur en mort cérébrale.

Notion de mort cérébrale

Avec l‟apparition de certaines techniques de réanimation permettant de rétablir une fonction cardiovasculaire, l‟irréversibilité de la mort est mise en question par les scientifiques. Ces nouvelles techniques de réanimation permettent de sauver des vies. Mais dans certains cas de lésions cérébrales graves, d‟après Vivien et Melina (2014, p. 3), un sujet relié à un appareil de ventilation artificielle, plutôt que d‟être en arrêt cardiaque, peut se trouver plongé dans un état irréversible de totale inconscience, son cœur continuant de battre.

2. La première greffe de cornée date depuis 1948 et la première greffe de rein est depuis 1986.

3. C‟est une organisation publique chargée d‟encadrer les activités de prélèvement et de greffe à l‟échelle nationale.

Cette situation troublante, d‟après ces auteurs, conduit Mollaret et Goulon, deux neurologues français, à inventer, en 1959, l‟expression de « coma dépassé » pour décrire cet état au-delà du coma, entre la vie et la mort (Mollaret & Goulon, 1959).

En effet, une nouvelle définition de la mort s‟impose durant l‟hiver 1967, au Cap, en Afrique du Sud, quand l‟équipe dirigée par Christiaan Barnard réalise la première transplantation cardiaque. À la différence d‟autres organes, le cœur est un organe unique. Dans le cas de cette première opération de transplantation de cœur, la donneuse est en état de coma dépassé : elle n‟est donc pas estimée morte selon le critère traditionnel de la mort à cette date.

La détermination du moment où l‟individu passe de la condition de vivant à celle de non- vivant devient alors nécessaire. Ce qui a incité en 1968 la commission de l‟école de médecine de Harvard à réexaminer la définition de la mort. Celle-ci passe de la mort avec arrêt cardiaque à la mort cérébrale.

D‟après Gateau (2009, p. 28), la notion de mort encéphalique est adoptée dès août 1968 par la communauté scientifique. Le comité de la faculté de médecine d‟Harvard, aux Etats- Unis, publie les conclusions de la mort cérébrale. Elles feront dès lors références pour les pays qui l‟adoptent en tant que définition légale de mort, comme la Tunisie.

Cette redéfinition ou nouvelle conception de la notion de mort, a pour origine la question de l‟arrêt de la réanimation des patients « dans un état désespéré » ainsi que celle des controverses entourant le prélèvement d‟organes. Le diagnostic clinique de la mort cérébrale doit être posé par un médecin selon des points essentiels précis4. Ces points, qui engendrent encore d‟autres critères, comme une mydriase bilatérale, attestent de l‟irréversibilité du coma. Un électroencéphalogramme plat s‟y ajoute et confirme la mort cérébrale.

Dans certains cas, l‟hypothermie et les drogues anesthésiques peuvent rendre l‟électroencéphalogramme ininterprétable. L‟angiographie cérébrale est l‟examen indiscutable qui met en évidence une lésion irréversible du cerveau. En cas de mort cérébrale, le cerveau est lésé si sévèrement qu‟il ne peut plus maintenir l‟homéostasie. L‟ensemble du système nerveux supra-médullaire est abîmé de façon irréversible. La mort cérébrale, chez un patient intubé et ventilé, entraîne au bout de quelques minutes, quelques heures, voire quelques jours, une défaillance circulatoire irréversible et un arrêt cardiaque.

4. Présence d‟un coma profond avec abolition de la conscience et des mouvements ; abolition des fonctions du tronc cérébral ; absence totale de respiration spontanée et absence totale de tout réflexe.

Chapitre VI – Représentations notion de mort et don d‟organes

En fait, on peut distinguer, selon des critères scientifiques précis, la mort cérébrale ou encéphalique de la mort corticale, laquelle conduit aux états végétatifs chroniques. Un patient, en état végétatif, peut vivre pendant des années, même parfois sans respiration artificielle, s‟il est alimenté convenablement. Les personnes en état végétatif sont bien vivantes et ne peuvent, en aucun cas, être donneuses d‟organes selon la classification de Maastricht.

Classification internationale de Maastricht

Selon certaines visions, la redéfinition de la mort (de l‟arrêt cardiaque au coma dépassé ou mort cérébrale) a pour but d‟éviter le maintien en survie sous machine des personnes en mort cérébrale et surtout de trouver une solution au don post mortem. D‟après l‟agence de la biomédecine (2014, p. 5), lors d‟une réunion à Maastricht en 1995, une classification des décès après arrêt circulatoire a été établie.

Elle identifie clairement deux situations différentes : les donneurs dits non contrôlés (catégorie I, II et IV), qui comportent un degré d‟incertitude sur la durée exacte d‟ischémie chaude et les donneurs dits contrôlés (catégorie III), où l‟état hémodynamique du donneur et le T0 de l‟arrêt circulatoire sont souvent plus courts et connus de l‟équipe médicale. La classification internationale de Maastricht a été révisée en 2018. Elle distingue quatre catégories de donneurs5 (Agence biomédecine, 2018, p. 21). Elle suscite des situations éthiques différentes6.

Notre question de recherche est la suivante : la représentation de la notion de mort, socialement conçue, peut-elle s‟opposer à une prise de décision éventuelle de don

5. Catégorie I : arrêt cardiaque survenant en dehors d‟un milieu hospitalier (domicile, lieu de travail, voie publique) et en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée. Le prélèvement d‟organes n‟est envisagé que si la mise en œuvre de gestes de réanimation de qualité a été réalisée moins de 30 minutes après l‟arrêt cardiaque.