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Section 3 Une mise sous tension méthodologique

A) Collecte des données

La rédaction d’une étude de cas peut être partagée entre deux dimensions :

- la réduction et la complexité : en effet, toute rédaction relative à une étude de cas

entraîne une perte du matériau empirique car tout ne peut pas être décrit. Il s’agit alors d’arbitrer entre la réduction, permettant d’afficher clairement l’étude de cas, et la complexité, visant à décrire toute la richesse et la complexité de l’étude de cas.

- La deuxième dimension est la dimension monologue-multilogue. Dans le premier cas,

le monologue, il y a distanciation de l’étude de cas : l’étude de cas est racontée d’une seule manière, celle du chercheur.

Dans le second cas, multilogue, le rapport est moins distancié et plusieurs voix, dont celle du chercheur, raconte l’étude de cas : « Dans ce cas, la description est moins distanciée et donne au lecteur le sentiment qu’il interagit avec les personnages, les documents ou les rapports écrits, les conversations téléphoniques ou encore les observations enregistrées. Évidemment, le chercheur est omniprésent dans la description, mais sa voix (forte) donne place aux différentes voix » (HABHAB RAVE 2006).

Cette deuxième dimension confère à notre recherche une multitude de sources de collecte des données : entretiens, documents internes et externes, communications téléphoniques, observation, etc. Les entretiens réalisés auprès des responsables de service et de certains autres acteurs dans l’entreprise visent à mettre en place le modèle ABC. Par là-même, ils ont permis d’entrer dans « l’intimité de l’organisation » (DEMERS 2003) et de se rendre compte in vivo des réalités de l’organisation, des enjeux de pouvoir entre acteurs et donc de mieux appréhender notre objet de recherche. L’entretien permet ainsi de mieux saisir les représentations que se font les acteurs de la réalité (DEMERS 2003). Nous avons utilisé un guide d’entretien pour faciliter la découverte de sens. L’exemple ci-dessous illustre cette démarche :

Compte rendu d’entretien

Date : 15 novembre 2005 Identification :

Service : Service communication Personne interviewée : P.G.

Rôle au sein du service : Chef de service

Proposition d’activités :

a) Assurer le management du service communication : activités réalisées par le chef de service.

donne des indications d’ordre commercial, sur les aspects qualité, les modifications produits, les recrutements, les efforts de démarche qualité, optimiser les compétences,… organise les EAP avec une délégation de ces EAP.

Communication produits : on explique les modifications produits, étiquetage, packaging et les nouveaux produits

Fait un compte rendu des activités de la communication destiné à tous les chefs…

Nous avons évité l’écueil souligné par DEMERS (2003) en ce qui concerne l’analyse des données issues des entretiens ; en effet, nous avons évité d’attendre la fin de tous les entretiens pour commencer leur exploitation. Le premier entretien a fait l’objet d’un recadrage par le directeur de recherche afin de valider la démarche. Les entretiens suivants ont fait l’objet de compte-rendus, envoyés à chaque interlocuteur pour validation. Cette double validation s’inscrit dans notre souci constant de rigueur dans la collecte des données.

L’observation a été un deuxième outil de collecte très utilisé : lors des différentes réunions de travail et réunions d’étape au sein de l’organisation, nous intervenions dans les débats, conformément au rôle de chercheur-intervenant qui nous était dévolu, mais nous avions aussi la posture « d’observateur » externe des acteurs et de leurs comportements ainsi que des

débats (Annexe A6). Cette position – de « participant qui observe »30 pour reprendre les

termes de GROLEAU (2003) – fut parfois délicate dans la mesure où notre rôle d’intervenant nous faisait parfois oublier que nous étions extérieurs à l’organisation. Cette tension du statut de « participant qui observe » risquait de nous éloigner de certaines données par manque de

recul, le chercheur partageant alors le « même cadre de référence » (GROLEAU 2003)31 que

les acteurs de l’organisation. Mais, la rigueur du chercheur reprenait assez vite le dessus32 et

les observations menées tout au long de la thèse nous ont amenés à réfléchir sur le sujet/objet observé, notre position face à l’objet observé, etc. (GROLEAU 2003). L’observation, en tant qu’« effet secondaire » de notre participation aux réunions, nous a permis de saisir les évènements dans l’instant et d’appréhender leur spontanéité, complétant ainsi le dispositif de collecte, comme l’illustre le cas ci-dessous. Les entretiens ne peuvent, en effet, restituer certains faits, ni leur spontanéité, du fait, entre autres, de la difficulté pour les acteurs d’exprimer clairement certains éléments (GROLEAU 2003).

30

P.216

31 P.219

32 La prise de notes exhaustives grâce à la tenue d’un journal de bord ainsi que les observations du directeur de

recherche et d’autres collègues sur les comptes-rendus systématiques de ces réunions nous ont permis d’éviter les oublis.

À ce niveau, il ne faut pas négliger les difficultés liées au recueil de données primaires : le recueil de données par la voie des entretiens subit l’interaction des interviewés, contrairement aux données secondaires.

En outre, le recueil d’informations par la voie des entretiens subit un biais d’instrumentation : le chercheur est ici « juge et partie » puisqu’il collecte lui-même les données et les analyse (THIETART, ALLARD-POESI et al. 1999).

Un aller-retour vers le laboratoire de recherche permet de limiter ce biais. Il s’agit d’un processus itératif triparti, comme l’illustre la figure 1.

Figure 1 Processus tripartite de validation des données

Chercheur

NutriOuest Laboratoire de recherche

Compte-rendu de la réunion du 29 mars 2007 – P.MEVELLEC, G.R., A.D., J.C., A.P., Z.DJERBI

L’objectif de cette réunion est de clarifier l’affectation des processus aux segments stratégiques, mettre en place un compte de résultat pertinent par BU et analyser la partie « gestion de la performance ».

1- Présentation de la démarche de construction des comptes de résultat par BU :

Suite à cette présentation, plusieurs remarques ont été formulées :

Selon P.MEVELLEC, il manque une information essentielle : le coût de l’inducteur unitaire car cette information servira, non pas pour le calcul économique, mais pour assurer un suivi dans un autre tableau. Il faut identifier le coût de l’inducteur des savoir-faire de support, notamment le coût d’un salarié qui donnera une idée de l’environnement du salarié.

Pour faciliter la production des données et leur mémorisation, nous avons tenu un « journal de bord », consignant tous les évènements, impressions, remarques tout au long du travail de terrain (Annexe A7). Cet outil, défini par BARIBEAU (2005) comme « un processus de

recherche […] méthodique de consignation de traces écrites, laissées par un chercheur »33,

nous a permis ainsi de consigner, entre autres, des impressions relatives aux sentiments des acteurs vis-à-vis du projet, comme le montre l’encadré ci-dessous :

Lors de cette communication téléphonique, nous avons senti un sentiment de changement rapide. On sent une certaine euphorie de la part des contrôleurs de gestion du fait des changements stratégiques ayant des implications sur notre modèle. « il y a eu deux jours de gros changements…mais, c’est déjà pas mal ! » (A.D.).

Extrait du journal de bord, suite à une communication téléphonique du 4 janvier 2008

Ce journal de bord constituait ainsi la mémoire « brute » de la recherche : il permettait de conserver trois types de notes (BURGESS 1984) : les notes de type empirique, qui concernent les faits, les évènements, les données spatio-temporelles du terrain ; les notes relatives à la méthodologie permettant de « recadrer » les faits et évènements sous l’angle de la méthode de recherche ; et les notes relatives aux impressions du chercheur lors des réunions de travail ou de contact téléphonique.