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CODALEMA, un site idéal : l’observatoire de Nançay

L’expérience CODALEMA (Cosmic ray Detection Array with Logarithmic Electromagnetic Anten- nas) est située sur le site de l’observatoire de Nançay dans le Cher. Créé en 1955, l’observatoire de Nan- çay fut mis en place avec le soutient du ministère de l’éducation national par l’École Normale Supérieure pour développer différentes techniques de radioastronomie. Trois infrastructures ont notamment été

FIGURE2.6 –Vue satellite de l’observatoire de Nançay.

mises en place :

– le radiotélescope décimétrique qui compte parmi les plus grands du monde (voir Fig.2.5). Il est dédié à l’observation de toute sorte d’objets astrophysiques (étoiles, galaxies, pul- sars...) dans des domaines de fréquence du GHz ;

– le radiohéliographe qui pointe ses antennes vers le soleil pour étudier et suivre son activité (voir Fig.2.5) dans le domaine 200-800 MHz ; – le réseau décamétrique (DAM) qui sert à étu- dier les environnements magnétisés et ionisés du Soleil et de Jupiter (voir Fig.2.5) dans le domaine 1-100 MHz ;

La vue Fig.2.6 montre comment se répartissent ces trois expériences sur le site de l’observatoire. Le site profite d’un entourage particulièrement boisé, utilisé comme atténuateur naturel d’émissions radio pro- venant de l’horizon. Pour renforcer la "sauvegarde

électromagnétique" du site, le site de Nançay fut classé dès 1960 comme site protégé et une politique de non prolifération des émetteurs radio fut mise en place. D’autres expériences sont aujourd’hui accueillies

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FIGURE2.7 –Première configuration de CODALEMA pour démontrer la faisabilité de la détection et tester l’environnement radio de Nançay. [130].

sur le site, c’est le cas de CODALEMA, de LOFAR (LOw Frequency ARray) et de SKA (Square Kilo- metre Array). Exceptée l’expérience CODALEMA, toutes ces expériences sont basées sur des techniques de détection où le signal est intégré sur une longue période d’observation rejetant ainsi les signaux tran- sitoires sporadiques. L’expérience CODALEMA est la première expérience du site dédiée à l’analyse des transitoires radio. Les rayons cosmiques émettent des impulsions très brèves de l’ordre de quelques dizaines de nanosecondes, il faut donc que l’environnement soit aussi favorable sur ces échelles de temps.

2.2.2 CODALEMA-I

Faisabilité ?

Au travers des études menées dans les années 60-70 (cf chapitre 1), il avait été montré que le signal ra- dio émis par les gerbes atmosphériques pouvait être observable dans des bandes de fréquences inférieures à 200 MHz. Cette gamme de fréquence est justement celle scrutée par les antennes log-périodiques du ré- seau décamétrique de Nançay (voir Fig.2.5 en bas à droite). Pour prouver la faisabilité de l’expérience, il a

FIGURE2.8 –Spectre moyen du ciel de Nancay me- suré avec les antennes log-périodiques. La figure interne montre un zoom sur la bande 1-10 MHz [131].

d’abord été proposé de détourner quatre antennes log-périodiques du réseau décamétrique. Deux an- tennes log-périodiques ont également été ajoutées à celles des quatre coins du réseau DAM comme le montre la Fig.2.7 [130]. Le système d’acquisi- tion était basé sur 3 oscilloscopes chargés d’en- registrer le signal émis par chaque antenne. La première étape de ce mini réseau fut d’identifier les différentes sources de bruit de fond, notam- ment les émetteurs radio ainsi que les sources de parasites environnantes afin d’optimiser la fenêtre fréquentielle dans laquelle rechercher les signaux cosmiques. 85 % des signaux observés en coïnci- dence par les six antennes ont ainsi pu être iden- tifiés comme des sources de bruit parasite et la fenêtre fréquentielle optimale pour rechercher les cosmiques a ainsi été fixée entre 24 et 82 MHz, laissant 15% des évènements comme étant de po- tentielles gerbes cosmiques. La Fig.2.8 montre le spectre moyen jusqu’à 100 MHz observé à Nan- çay avec les antennes log-périodiques du réseau décamétrique [131]. La fenêtre 24-82 MHz est si-

tuée entre les émetteurs grandes ondes (AM) et les émetteurs à modulation de fréquence (FM).

Après cette phase de test concluante, le réseau fut agrandi d’un bras E-O de sept antennes log- périodiques supplémentaires ainsi que de quatre détecteurs type scintillateur pour détecter le passage des

FIGURE2.9 –Gauche : Exemple d’un évènement observé par les onze antennes log-périodiques (croix), dé- clenchées par les scintillateurs (carrés). La taille et la couleur des cercles sont représentatifs de l’intensité du signal observé sur chaque antenne pour cet évènement [132]. Droite : Configuration du réseau CODALEMA-I.

particules provenant des gerbes cosmiques et déclencher l’acquisition du réseau d’antennes (voir Fig.2.9 à droite.). Grâce au déclenchement via les scintillateurs, les évènements radio cosmiques ont ainsi pu être mis en évidence de manière non-ambiguë. La Fig.2.9 à gauche montre un évènement cosmique observé par les onze antennes. La taille et la couleur des cercles sont représentatifs de l’intensité du signal observé sur chaque antenne pour cet évènement.

Analyse des résultats.

Lors de l’analyse des données enregistrées, les signaux sont d’abord filtrés numériquement dans la bande 37-70 MHz pour s’affranchir des émetteurs AM et FM. Suite à ce filtrage, une simple recherche par

FIGURE2.10 –Direction d’arrivée des 112 évènements observés avec le ré- seau d’antennes [133].

seuil est effectuée sur chaque trace temporelle afin de sé- lectionner les traces où le signal a été observé et de trou- ver le temps précis de l’impulsion. En considérant que le front d’onde est au premier ordre un plan, la direc- tion d’arrivée est déduite des différents temps d’obser- vation propre à chaque antenne. En comparant les don- nées reconstruites de manière indépendante avec les don- nées issues des scintillateurs, les évènements sont ainsi identifiés en tant que gerbe cosmique ou non. Avec une statistique d’environ un évènement par jour, une pre- mière estimation du comportement global est réalisée en 2006 [133]. Un seuil en énergie des évènements obser- vables avec le réseau est estimé à partir de la surface du détecteur et du taux de comptage. Il est de l’ordre de 5 × 1016 eV. Une première carte du ciel des évène-

ments passant tous les critères de sélection est ainsi réa- lisée (voir Fig.2.10).

Remarque : On note que pour l’instant, aucun effet lié au champ magnétique n’est mis en évidence

comme il le sera fait avec la seconde phase de CODALEMA. Cette curiosité peut paraître surprenante, mais elle peut s’expliquer par la directivité de l’antenne log-périodique. Les antennes log-périodiques du réseau décamétrique sont très directionnelles et en l’occurrence leur disposition les rend beaucoup plus sensibles aux évènements provenant du sud. La forte asymétrie nord-sud qui sera observée plus tard est

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très certainement "gommée" par cette directivité préférentielle.

FIGURE2.11 –Exemple d’un profil longitudi- nal et de son ajustement. Grâce aux amplitudes des champs électriques mesu-

rés par chaque antennes, il est possible de tracer la topo- logie du signal au sol, et plus particulièrement le profil latéral. Proposé par Allan [119] en 1971 (cf chapitre1), le profil latéral des évènements passant les critères de qualité est ajusté avec une fonction du type :

f (R) = ε0exp(−R/R0) (2.1)

où ε0 est le champ sur l’axe de la gerbe, R la distance à

l’axe et R0 la pente du profil latéral (ou distance d’atté-

nuation). Lors de la procédure d’ajustement quatre para- mètres sont laissés libres : ε0, R0et la position du cœur

radio de la gerbe au sol (xc, yc) qui est contenue dans

la distance à l’axe. La disposition en ligne des antennes montrée Fig.2.9 à droite, rend cependant l’estimation de la position du cœur au sol assez difficile et seulement une

cinquantaine des 112 évènements passant les critères de sélection sont ajustés correctement. Cela dit, le résultat est très satisfaisant car il est montré que le profil du signal radio est caractérisable, et que ces paramètres caractéristiques, entre autres ε0et R0, peuvent être des observables fiables de l’énergie de la

gerbe et de son extension. Un exemple d’ajustement d’un évènement est montré Fig.2.11.

CODALEMA-I : conclusions

Les premiers résultats prometteurs obtenus par la première phase de l’expérience CODALEMA ont montré que l’évolution technique permettait aujourd’hui de considérer à nouveau cette technique de détection et encourageait l’amélioration de la méthode de détection. Pour démontrer rapidement et à moindre coût la faisabilité de la détection radio avec l’expérience CODALEMA, les infrastructures et les antennes déjà en place à Nançay ont été utilisées. Clairement, il est apparu que la réalisation d’une expérience spécifique à la radio détection des gerbes cosmiques nécessitait une infrastructure et une antenne plus adaptée pour ce type d’observation. Diverses améliorations ont été envisagées :

– l’augmentation du nombre de scintillateurs au sol pour reconstruire correctement les caractéris- tiques des gerbes via les particules. On pourra ainsi accéder à l’énergie de la gerbe, relativement bien connue maintenant par cette observation ainsi qu’à la position du cœur particule au sol pour calibrer les observables radio ;

– l’augmentation du nombre d’antennes sur une surface à deux dimensions pour reconstruire avec plus de précision la topologie du signal au sol et ainsi tenter de remonter aux caractéristiques propre à chaque gerbe (énergie et nature du primaire) ;

– les antennes log-périodiques sont très directives ce qui est un désavantage pour couvrir correcte- ment le ciel. Il fallait donc réfléchir à une nouvelle antenne avec une directivité plus isotrope ; – la taille de l’antenne log-périodiques est aussi un désavantage pour envisager des réseaux d’an-

tennes de grande envergure (4 à 5 mètres de hauteur et 3 m de circonférence à sa base). Il fallait donc aussi réfléchir à une antenne plus compacte, moins difficile à réaliser et plus facile à dé- ployer ;

– l’antenne log-périodique est polarisée de manière circulaire ce qui empêchait l’étude de la polari- sation du signal car elle peut être porteuse d’informations sur le mécanisme d’émission radio ; – le système d’acquisition avec les oscilloscopes est trop coûteux si le nombre d’antennes augmente.

De plus la dynamique de codage sur 8 bits semblait insuffisante.

Cette première mouture du réseau CODALEMA fut en fonctionnement durant une année, entre octobre 2004 et octobre 2005. La nouvelle version de CODALEMA qui a été mise en place à partir de novembre 2005 est encore en fonctionnement aujourd’hui.

2.3 CODALEMA-II : Vous avez dit pôle ?