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3.1 Simulation de l’émission radio dans le domaine du MHz

3.1.2 Les approches modernes

À partir de 2000, les efforts expérimentaux menés pour détecter en radio les gerbes atmosphé- riques grâce aux technologies modernes recommencent. Dès le début de cette nouvelle ère de la radio- détection, le besoin de théories plus détaillées et de simulations d’émissions radio des gerbes deviennent nécessaires. Sur la base des résultats historiques, les premières approches modernes de simulation se concentrent principalement sur la description d’une origine géomagnétique de l’émission radio. Nous donnons ici, une revue simplifiée des principales approchent.

Modèle analytique géosynchrotron, approche fréquentielle

Une première approche moderne basée sur le rayonnement synchrotron des particules dans le champ magnétique terrestre a été proposée en 2003 par Falcke et Gorham [158], c’est le modèle géosynchro- tron. Cette première ébauche a ensuite été approfondie par Huege et Falcke [159, 160, 161] ainsi que Suprun, Gorham et Rosner [162]. Le modèle géosynchrotron décrit l’émission radio comme une radia- tion synchrotron cohérente des électrons et positrons déviés dans le champ magnétique terrestre. Dans une première étape l’émission radio est calculée par une approche analytique dans le domaine fréquen- tiel, utilisant des paramétrisations décrivant les caractéristiques des gerbes, notamment l’évolution du nombre de particules en fonction de la profondeur d’atmosphère traversée. Cette première approche, bien que très simplifiée, a permis de commencer à comprendre et à estimer les effets de cohérence pour les longueurs d’onde radio. Une comparaison avec les données historiques montre que cette approche analytique était capable de reproduire qualitativement le spectre en fréquence ainsi que le profil latéral du signal radio (voir Fig.3.1).

Modèle analytique géosynchrotron, approche temporelle

Par la suite, la modélisation du rayonnement géosynchrotron des gerbes a été implémentée d’une manière complètement différente, en travaillant dans le domaine temporel, à l’image des simulateurs de gerbes type Monte-Carlo. L’idée étant de suivre pas après pas, le développement de la gerbe afin de calculer l’évolution du champ électrique simultanément [164]. Cette fois le code de simulation développé (REAS1= Radio Emission from Air Shower) n’est plus du type analytique mais Monte-Carlo. En suivant les mêmes paramétrisations de gerbes utilisées pour le modèle analytique précédent, des particules sont générées aléatoirement et propagées afin de calculer leur contribution au champ électrique total de la

3.1. SIMULATION DE L’ÉMISSION RADIO DANS LE DOMAINE DU MHZ 123

FIGURE3.1 –Gauche : spectre du champ électrique d’une gerbe verticale de 1017eV calculé selon le modèle

géosynchrotron en comparaison avec différentes données historiques. Ligne noire : observateur situé sur l’axe de la gerbe. Ligne pointillée rouge : à 100 m de l’axe. Ligne pointillée bleue : à 250 m de l’axe. Droite : profil latéral du signal radio à 55 MHz, calculé selon le modèle géosynchrotron en comparaison avec différentes données historiques. Figures extraites de [159].

FIGURE3.2 –Gauche : simulation (REAS1) du champ électrique émis par une gerbe verticale de 1017eV en

fonction de l’énergie de la particule primaire, pour différentes distances. De bas en haut : 20 m, 100 m, 180 m, 300 m and 500 m du coeur de la gerbe. Droite : impulsions simulées (REAS1) observées à 200 m au nord d’une gerbe verticale de 1017eV en polarisation est-ouest (en rouge),

nord-sud (en vert) et verticale (en bleu). Extraits de [163].

gerbe. Les résultats obtenus par cette approche ont été capables de reproduire les résultats obtenus par l’approche analytique fréquentielle.

Avec ce code simulation, diverses prédictions ont pu être réalisées, comme la corrélation entre le signal radio et l’énergie (Fig.3.2 à gauche), la dépendance du signal à la direction d’arrivée de la gerbe (Fig.3.3) et l’étude des caractéristiques de la polarisation du signal (Fig.3.2 à droite) [163]. Il est montré que la dépendance à la direction d’arrivée du signal, implique que la détection est plus favorable pour une gerbe inclinée car le champ électrique "s’étale" sur une plus grande surface au sol (à intensité de mécanisme radio équivalent) par rapport à une gerbe verticale (effet montré simultanément par Gousset et al [165]).

Lorsque les premières données expérimentales contemporaines ont été disponibles grâce aux expé- riences CODALEMA et LOPES, d’autres groupes de recherche se sont aussi intéressés à la modélisation de l’émission radio des gerbes en développant leur propre modèle.

Approche Monte-Carlo avec le code EGS4

Basé sur une approche fréquentielle, Engel, Kalmykov et Konstantinov ont développé une version spéciale du code EGS41générateur de cascades électromagnétiques, afin de comparer les deux contribu-

tions radio géosynchrotron et Cerenkov [166]. En utilisant une description réaliste du profil de l’indice 1. EGS4 est utilisé dans le simulateur de gerbe atmosphérique CORSIKA pour générer la composante électro- magnétique et muonique de la gerbe.

FIGURE3.3 –Gauche : isocontours du champ électrique mesuré au sol pour une gerbe verticale de 1017 en

polarisation E-O à 10 MHz simulée avec REAS1. Droite : idem pour une gerbe inclinée à 45˚pro- venant du nord. Les lignes de niveaux correspondent à des pas de 0.25 µV/m/MHz. Extraits de [163].

FIGURE3.4 –Gauche : spectre en fréquence d’une gerbe verticale de 1 Tev simulée avec le code EGS4 modifié pour calculer l’émission géosynchrotron et Cerenkov. Droite : profil latéral du signal radio à 30 MHz d’une gerbe verticale de 10 Tev simulée avec le code EGS4 modifié pour calculer l’émission géosynchrotron et Cerenkov. Figure extraite de [166].

de réfraction de l’atmosphère, leurs résultats confirment que la contribution géomagnétique domine la contribution Cerenkov notamment en dessous de 200 MHz comme le montrent les Fig.3.4. Leurs ana- lyses montrent qu’il n’est cependant pas évident de dissocier complètement un mécanisme purement Cerenkov d’un mécanisme purement géosynchrotron car avec des conditions réalistes concernant no- tamment l’indice de l’air, la limite en énergie à partir de laquelle les particules se trouvent en régime Cerenkov est difficile à établir clairement.

Approche Monte-Carlo du modèle géosynchrotron avec Aires

Le modèle géosynchrotron dans le domaine temporel a également été implémenté directement dans une version modifiée du générateur de gerbe Aires par Duvernois et al [167] : c’est le code ReAires. L’avantage ici est de pouvoir prendre directement en compte l’influence des fluctuations gerbe à gerbe sur le signal radio, car la contribution radio de la gerbe est calculée en même temps que sa génération. Les résultats obtenus sont comparables à ceux obtenus avec le code REAS1 et plus tard REAS2, bien

3.1. SIMULATION DE L’ÉMISSION RADIO DANS LE DOMAINE DU MHZ 125 20 40 60 80 100 10!2 10!1 100 101 d = 100 m d = 200 m Point charge q/e = 108 n=1.0002 ! = 40

Frequency f = "/2# (MHz) E le ct ri c fi el d s pe ct rum ( µ V /m /M H z) 50 100 150 200 250 300 350 400 10!1 100 101 !/2" = 50 MHz !/2" = 20 MHz NKG distribution q/e = 108 n=1.0002 # = 40 Perpendicular distance d (m) E le ct ri c fi el d s pe ct rum ( µ V /m /M H z)

FIGURE3.5 –Gauche : spectre en fréquence selon [168] correspondant au signal radio produit par une charge ponctuelle de 108électrons ayant un facteur γ = 40, vu à une distance d = 100 m et d = 200 m

perpendiculairement à l’axe de propagation de la charge et pour un indice de l’air n = 1.0002. Droite : intensité du signal radio à 20 MHz et 50 MHz selon [168] en fonction de la distance d, perpendiculaire à l’axe. Les lignes fines correspondent au cas d’une source ponctuelle, les lignes plus épaisses (et respectivement pointillées) au cas d’une source décrite par la distribution NKG avec s = 1 et un rayon de Molière rM= 100 m (et respectivement s = 1.4 et rM= 50 m).

que l’amplitude du champ radio reste environ un ordre de grandeur supérieur. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce code pour lequel nous proposerons une modification dans la manière de calculer le champ électrique. Cette modification aura pour conséquence de réconcilier les résultats prédits par ReAires avec les autres modèles développés.

Champ coulombien boosté et radiation Cerenkov

Dans un article de 2008 [168], Meyer-Vernet et al adoptent un autre point de vue pour interpréter l’émission radio des gerbes, basé sur un formalisme décrivant une radiation coulombienne boostée par le mouvement relativiste en tenant compte de l’indice de l’air. La radiation Cerenkov y est également discutée. Avec un modèle simplifié de gerbes atmosphériques et d’indice de l’air, les auteurs concluent que le champ radio coulombien boosté peut atteindre des amplitudes similaires à ce qui est prédit avec le modèle géosynchrotron implémenté dans REAS par exemple. D’autres propriétés, telles la décroissance du profil et les spectres en fréquence (présentées Fig.3.5) sont également en bon accord. Les empreintes du signal au sol, prédites par ce modèle montrent cependant des différences avec ce que prédit le modèle géosynchrotron. Dans cette publication, la contribution Cerenkov au champ électrique radio total est estimée inférieure à la contribution coulombienne boostée, mais il est montré qu’en proportion, elle n’est pas négligeable.