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99 Ricardo Bofill, Buildings , p 189.

2.3 Développement du langage classique

2.3.4 Choix des matériau

Le rendu des formes particulières aux éléments stylistiques classiques, à tout le moins dans leurs grandes lignes, ne constitue pas un obstacle technique ni économique. Le béton armé se prête bien à une certaine mouluration, qualité que Bofill apprécie d'autant plus que la préfabrica­ tion permet d'en contrôler les détails.130 Ce type de béton constitue éga­ lement en France, selon Bofill, le mode de construction le plus économi­ que.131

Le béton permet aussi l'usage de la couleur, pouvant être teint dans la masse par l'utilisation de divers oxydes ou acides.132 Les édifices pren­ nent des teintes variées, choisies la plupart du temps pour s'harmoniser avec le bâti environnant. Au Palais des Espaces d'Abraxas, on trouve des "... tons blancs violacés ..." pour la façade et des tons de bleu, "... ceux de Monet à Giverny...",133 sur d'autres parties. Dans le projet Anti­ gone, les anneaux préfabriqués sont de béton architectonique ocre clair.134

128 Ricardo Bofill, La Cité: histoire ..., p. 55. 129 Ibid.

130 Ricardo Bofill, cité par Yukio Futagawa, op. cit., p. 121. 131 Ricardo Bofill, Buildings ... , p. 193.

132 Ricardo Bofill, cité par Yukio Futagawa, op. cit., p. 121. 133 Ricardo Bofill, La Cité: histoire ..., p. 83.

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Le béton pré-moulé, s'il permet de reproduire un certain niveau de dé­ tail, ne peut pas atteindre le degré de finesse qui permettrait la copie des détails stylistiques classiques les plus délicats, ce que Bofill ne re­ cherche pas de toute manière. Toutefois, une progression dans le nom­ bre et la précision des détails se remarque entre les projets espagnols antérieurs au séjour français et les derniers édifices conçus lors de cette période. Souvent schématiques, comme dans les arches simples et les murs de pierre brute du projet de Meritxell, en Andorre (1974-1 978)

(lllust. 21), ils sont plus marqués aux Espaces d'Abraxas (1978-1983), a- vant de se compliquer et de s'affirmer davantage aux Echelles du Baro­ que (1979-1985), dans le complexe Antigone (1 979-1985), et à I' Amphi­ théâtre vert (1981-1985).

Bofill a aussi utilisé à l'extérieur du pays le vocabulaire classique modifié qu'il a employé en France, comme par exemple pour le temple central du projet "Les Jardines clasicos del Ensande" (Barcelone, 1981) (lllust. 22), pour "El Anfiteatro" (Calpe, Alicante, Espagne, 1980-83), pour le gratte- ciel soumis lors du concours de la "Stockholm Housing Competition" (1984) (lllust. 23). C'est aussi le cas pour le projet de la tour Jefferson, à New-York (1985) (lllust. 24), ou encore pour le projet "Port Imperial", à Weehaven, New Jersey (1985) (lllust. 25). Bofill affirme ainsi, pour les pays d'héritage gréco-latin, la présence de la tradition classique comme élément commun possible d'un langage architectural actuel.

Dans sa volonté d'adapter cette tradition aux temps présents, Bofill a déclaré son intention de travailler à un vocabulaire adapté aux charpen­ tes de verre et d'acier, dont les colonnes de verre bleu des Echelles du Baroque constituent à cet égard le premier essai d'une démarche devant le conduire à la formulation d'un style approprié à ces matériaux.

Conclusion

Le séjour en France, à la fin des années 70 et au début des années 80, s'est ainsi révélé décisif. Bofill a alors pris conscience du rôle que peut jouer la tradition classique comme lien et base d'une architecture con­ çue comme art au service de l'homme, où l'adaptabilité, alliée avec une certaine permanence, rend possible le sentiment d'appartenance à un lieu, à un temps et à une culture. De même que ce séjour a joué un rôle secondaire de catalyseur dans le cheminement de Bofill, celui de la tra­ dition classique demeure principalement celui d'un outil, dont la valeur se mesure à son efficacité à répondre aux critères d'un humanisme qui do­ mine la pensée générale aussi bien que la pensée architecturale de cet homme. C'est par sa souplesse et sa capacité à symboliser et à com­ muniquer les valeurs humaines à travers le temps et les frontières cultu­ relles que le langage classique est d'abord perçu et apprécié; c'est dans la foi en la capacité durable de ce langage à actualiser ces valeurs dans de nouveaux contextes que la tradition classique trouve grâce et mérite à ses yeux l'effort d'une remise à jour.

Cette position partage ainsi avec celle de Robert Venturi les mêmes prin­ cipes humanistes et la même conception de la tradition classique comme un langage apte, par la richesse intrinsèque et par la capacité d'évolution dont elle est vue douée, à faire communiquer l'architecture et l'homme. A cause de l'importance centrale qu'elle occupe dans la motivation des deux architectes à utiliser l'héritage de cette tradition, comme aussi à cause de la vision commune des transformations qu'ils y voient nécessai­ res, cette conception du vocabulaire classique comme outil de symboli­ sation et comme système de communication sera maintenant abordée de façon conjointe.

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CHAPITRE 3

Langage classique et communication

Les rôles respectifs assignés à la tradition classique dans la pensée ar­ chitecturale de Robert Venturi et de Ricardo Bofill présentent un grand nombre de caractères similaires, marqués par une volonté partagée de redonner à l'architecture une capacité à communiquer jugée déficiente dans l'architecture de l'ère moderniste. Par leur nombre, leur prépondé­ rance numérique sur les éléments de différence et par leur structuration, ces traits dessinent un modèle communicationnel commun qui retiendra d'abord l'attention dans le présent chapitre.

Dans un deuxième temps, une réflexion, initiée par un certain nombre de commentaires d'observateurs de l'architecture, soulèvera quelques points touchant la validité de la théorie de communication sous-tendant ce mo­ dèle et qui en déterminent donc la crédibilité. Ce questionnement se situera à l'intérieur du modèle sémiotique adopté par Venturi, Bofill et la majorité de leurs critiques, tout en soulignant certains problèmes qui relèvent des incertitudes auxquelles se heurte ce modèle lui-même.

3.1 La tradition classique comme instrument de communication: