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Section 4. Étude exploratoire qualitative

2. Choix des entreprises

Le choix définitif des entreprises n’a pas été aisé. Nous voulions avoir des partenariats relativement logiques. Premièrement, nous étions jusqu’alors en présence de marques et de marques entreprises. Nous avons décidé de rester sur des marques entreprises. Ce choix se justifie notamment par la littérature marketing. Elle souligne en effet l’intérêt majeur de la marque entreprise (Corporate Branding) dans le développement d’avantages concurrentiels stratégiques (Jones, 2010). Sujet fortement prisé depuis quelques années, les recherches qui lui sont consacrées ont montré que cette stratégie permet de répondre à de multiples défis rencontrés par l’entreprise de nos jours. Il répondrait donc tout d’abord au besoin de se différencier davantage en accroissant les « marchés des biens de consommation » (commoditized markets) (Ind, 1997), au besoin d’attirer et de retenir un personnel hautement qualifié pour soutenir la valeur générée par les process de la firme (Harris et Leslie, 2001 ; De Chernatony, 2001). Il permettrait aussi de répondre aux attentes d’un nombre croissant de parties prenantes afin de maintenir la légitimité de l’entreprise (Hatch et Schultz, 2001), dont nous avons vu qu’elle est essentielle pour la pérennisation de son activité. Enfin, et c’est ce qui nous intéresse au plus haut point, elle permet de présenter une image de l’entreprise crédible substantielle et soutenable aux concurrents et investisseurs à même d’assurer sa survie (van Riel, 2000). Il semble même que la « corporate brand » a le potentiel d’avoir un meilleur impact stratégique que le « product brand » (marque portée par le produit) puisqu’il reste sur une identité de marque plus profonde et plus crédible à savoir, l’identité de la firme elle – même (Balmer et Greyser, 2002). Ainsi, l’impact de la corporate branding est souvent défini en deux points :

Tout d’abord, une identité de l’entreprise reconnue et nourrie pose les bases de l’avantage unique et soutenable et peut se développer. Ensuite une identité d’entreprise forte, active,

motive et harmonise la force de travail autour de son image et, plus important encore, conduit à l’interaction entre les services. En fait, la force de la marque entreprise comme outil d’amélioration de la performance de marque est largement accepté en théorie (Aaker et Joachimsthaler, 2000 ; Balmer, 2001 ; Ind, 1997 ; Olins, 2000). En ce qui concerne la pratique, c’est plus compliqué. La mise en place de la corporate brand ne se fait pas sans difficulté pour l’organisation (Ind, 1997) ; en d’autres termes, la plupart des entreprises ne sont pas sures de savoir pourquoi elles développent une stratégie de corporate branding (Keller, 1999). À ce propos, la théorie des Parties Prenantes (PP) reconnaît depuis longtemps le besoin de communications différenciées selon les PP.

Cependant, la littérature sur le corporate branding maintient l’hypothèse selon laquelle la communication se doit d’être consistante et monolithique (Olins, 1989) et se construire autour de valeurs centrales sans tenir compte de l’hétérogénéité des PP. Quand l’organisation devient la marque, les hypothèses de désirabilité de consistance et d’alignement ne collent pas tellement avec les besoins de changement et d’adaptation de l’organisation (Jones, 2010). En outre la marque entreprise exprime une vision considérée comme une force motrice (Jones, 2010). Elle serait capable de jouer le rôle de guide pour la firme, représenterait un outil de production de sens permettant à l’entreprise de se « guider » à travers un environnement turbulent. Ce raisonnement est non seulement en accord avec le raisonnement de la production de sens abordé lors de l’exposition de notre cadre conceptuel mais aussi en accord avec certaines stratégies d’alliances visant elles-aussi à traverser les turbulences du marché plus facilement comme nous l’avons exposé dans le chapitre consacré au cadre conceptuel. Tenant compte de cette perspective, en total accord avec notre recherche, notre choix s’est donc porté tout d’abord sur une première sélection composée de Nature & Découvertes, EDF, TOTAL, Disneyland Paris et DANONE. Très vite, nous avons retenu Total, EDF et Nature et Découvertes. Les deux premières, parce qu’elles appartiennent au même secteur d’activité, l’une possède une image désastreuse en matière de RSE, l’autre non. Ce qui confirme les informations que nous avions ainsi que nos présupposés. Quant à Nature & Découverte, cette marque semble bien positionnée comme une entreprise « écolo », proche de la nature. « C’est son fonds de commerce ». Il ne fait donc aucun doute que nous la gardons. Par contre, le choix de la quatrième entreprise a été plus difficile. Puisque nous avions les marques EDF et TOTAL issues du même secteur d’activité, il nous fallait une entreprise d’un secteur proche de Nature et Découverte mais avec un positionnement différent.

Après avoir passé en revue plusieurs entreprises, nous avons pensé à IKEA. Cette marque enseigne vend un peu de tout mais n’a pas le même positionnement que Nature et Découvertes. En outre, cette marque entreprise est plus connue pour ses modes d’emplois compliqués et ses vis restantes après construction que pour son penchant pour la RSE et particulièrement pour l’écologie. Enfin, elle venait de rencontrer quelques déboires concernant son restaurant (dessert impropre à la consommation) nous confortant dans l’idée que même si elle n’est certainement pas considérée comme « anti-RSE » ou anti-écolo », ce thème et particulièrement le volet écologie ne semble pas être l’élément le plus saillant de son image. Ainsi donc, les marques sur lesquelles nous travaillons sont : EDF, TOTAL, NATURE & DECOUVERTES ET IKEA.

Conséquences pour le modèle conceptuel IV.

L’étude exploratoire qualitative a permis de compléter le modèle en ajoutant une émotion, la colère et une variable servant à mesurer la qualité de relation à la marque, la désidentification et un comportement, le bouche à oreille. Elle a permis aussi de faire le choix de nous concentrer sur la dimension écologique de la RSE, puisque c’est l’élément le plus saillant et donc le plus facile à juger pour les individus.

Figure 8. - Apports de l'analyse exploratoire qualitative. Nouvelles variables précisées en gras.

L’étude exploratoire a donc contribué à améliorer le modèle destiné à poser les hypothèses relatives à notre problématique. Les variables posées vont en effet permettre de répondre à la question de l’intérêt de l’hétérogénéité des partenaires quant à leur profil écologiste ou non et la confiance, l’identification ou désidentification qu’ils inspirent respectivement et individuellement. De même que les entreprises choisies vont en outre permettre de répondre à la question de l’intérêt ou on de l’hétérogénéité des secteurs d’activité.

Figure 9 - Modèle conceptuel définitif et séries d'hypothèses

Les résultats de l’analyse qualitative exploratoire ayant fait émerger de nouvelles variables, nous allons compléter nos hypothèses.

La première variable issue de l’étude qualitative est la désidentification. Alors que la littérature dédiée au comportement de l’organisation définit l’identification à l’entreprise comme une connexion cognitive entre une personne et l’organisation (Dutton, Dukerich et

Harquail, 1994 ; Mael et Ashforth, 1992), elle définit la désidentification comme une perception de soi reposant d’une part sur une séparation cognitive entre l’identité de la personne et l’organisation et d’autre part sur une relation négative dans la catégorisation de soi et de l’organisation (Elsbach et Bhattacharya, 2001). Autrement dit, la désidentification constitue non seulement la définition inverse de l’identification car elle revêt la notion de séparation plutôt que de points communs mais elle incarne l’affirmation de soi de l’individu par la catégorisation de groupes considérés comme « rivaux » ou « ennemis ». Par conséquent, et conformément aux raisonnements tenus pour la confiance et l’identification, nous pouvons suggérer que cette variable de rejet, et donc à l’opposé des deux premières citées, sera influencée négativement par une bonne qualité de fit entre les marque : donc nous rappelons notre hypothèse et posons H1c* : plus le fit entre les marques est grand, plus la désidentification sera faible.

Ensuite, reprenant l’hypothèse H3 selon laquelle plus le fit entre cause et marque est important plus il a une bonne influence sur les QRM post-alliance, nous ajoutons que la désidentification est influencée négativement par le fit entre marques et cause de bonne qualité. Donc H3*c : plus le fit entre cause et marque est élevé, plus la désidentification post- alliance est faible. Esuite, nuos rappelons l’hypothèse H9 concernant l’influence des QRM pré-alliance sur les QRM post-alliance. Nous ajoutons que, conformément aux raisonnements tenus pour les deux autres variables, (H9*c) plus la désidentification pré-alliance est forte, plus son influence sur la désidentification post-alliance sera forte.

Enfin, selon l’hypothèse H10, les QRM pré-alliance ont une influence sur les comportements post-alliance. Nous ajoutons que (H10*c) plus la désidentification pré-alliance est forte, plus elle aura d’influence sur les comportements post-alliance.

La deuxième nouvelle variable issue de la phase exploratoire est le comportement de bouche à oreille. La littérature définit le Bouche à Oreille (BAO) comme « l’ensemble des communications informelles destinée à d’autres consommateurs à propos de la possession, l’usage ou les caractéristiques de biens ou services particuliers ou de leurs vendeurs » (Westbrook, 1987). Cette définition, reprise successivement par Bone (1992, 1995), Silverman (2001) et Anderson (1998) a été inspirée par les travaux de Arndt (1967) qui se concentraient sur la dimension informelle du BAO, l’indépendance du communiquant d’une source commerciale et sur le phénomène de diffusion informelle. Ce type de communication

est considéré comme l’un des moyens de communication les plus importants et efficaces (Keller, 2007). Le bouche à oreille peut être positif ou négatif, concerner la marque, les produits les services ou l’organisation elle-même et ce qui le caractérise, c’est que l’individu qui reçoit le message, perçoit l’émetteur comme dépourvu d’intentions commerciales (Arndt, 1967). Dans notre recherche, nous nous intéressons au BAO positif, notant que la littérature précise que les BAO négatifs ont plus d’impact que les BAO positifs. Nous reprenons donc nos hypothèses en commençant par les hypothèses concernant l’influence des fits sur les comportements post-alliance. Étant donné que le BAO est un comportement positif, plus le fit entre marques (H1a*) sera élevé plus il aura une influence positive sur le BAO. De même que pour le fit entre cause et marque (H1b*), plus il sera élevé, plus le BAO sera élevé. Concernant les hypothèses relatives l’influence des QRM pré-alliance sur le BAO, nous suggérons que (H10*a, b) confiance et identification auront une influence positive sur les BAO post-alliance tandis que la désidentification (C), variable de rejet aura une influence négative sur le BAO. Enfin, les hypothèses que nous avons posé concernant l’influence des émotions sur les comportements post-alliance, nous ajoutons que (H6 a) l’éveil aune influence positive sur le BAO tandis que (H6b) le scepticisme aura une influence négative sur cette variable.

Enfin, la troisième et dernière variable issue de l’analyse exploratoire qualitative est l’émotion colère. Cette émotion discrète est associée à l’assurance et à la rudesse (Hareli, Berkovitch, Livnat et David, 2013). Nous reprenons donc nos hypothèses. Concernant les fits : le fit entre marques, plus il sera éleveé plus il aura une influence négative sur la colère (H7*) de même que le fit entre cause et marque (H8c*) : plus ce dernier sera élevé, plus il aura de la même façon une influence négative sur la colère. La colère aura une influence négative sur la confiance et l’identificaiton post-alliance du fait qu’elle exprime la rudesse, elle ne peut pas entrainer plus de confiance ou d’identification mais plutôt de la désidentification donc du rejet. Donc, nous posons l’hypothèse (H5c) seon laquelle, plus la colère sera forte, plus son influence sur la confiance (1) et l’identification (2) sera négative tandis qu’elle sera positive sur la désidentification (3). De la même façon, la colère, dont des études antérieures suggèrent qu’elle est un antécédent du boycott du fait que ce dernier serait l’expression du mécontentement et de la colère d’un individu face au comportement d’une marque qu’il juge inacceptable (Cissé-Depardon et N’Goal, 2009), aura donc une influence positive (même forte) sur le boycott et négative sur le BAO. Nous posons l’hypothèse (H6*c) selon laquelle

plus la colère est forte (faible), plus le boycott (1) sera fort (faible).et plus le Bao (2) sera faible (fort).

Nous avons exposé la problématique de notre recherche, fait état des travaux existants et nous ayant conduit à nos hypothèses. Nous allons maintenant exposer la méthodologie que nous avons mise en place afin de répondre à cette problématique et aux hypothèses que nous avons posées. Les résultats de nos analyses seront ensuite exposés puis discutés.

Partie 2. Méthodologie de la recherche,

présentation et discussion des résultats

Cette deuxième partie est consacrée d’une part, à la méthodologie de la recherche (chapitre 4) et d’autre part, à la présentation et la discussion des résultats (chapitre 5)