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Chat de Schrödinger spinoriel

2.3 Superposition macroscopique pour un condensat de spin 1/2

2.3.3 Chat de Schrödinger spinoriel

= √1

N.

(2.62)

Cette incertitude sur la phase constitue une limite sur les mesures effectuées par interféromètre sur des ensembles d’atomes froids (bruit de projection quantique) [37,

38]. Cependant, il est possible d’améliorer la précision de la mesure en utilisant des états où les atomes sont fortement corrélés entre eux, pour lesquels l’incertitude sur

ˆ

S

1/2,+ sera réduite par rapport à celle des états cohérents [91]. Nous allons maintenant voir que l’évolution de l’état

| ψ

0

i

sous l’influence des interactions entre composantes de spin décrites dans la section2.1conduit à de tels états fortement corrélés.

2.3.3 Chat de Schrödinger spinoriel

La partie non linéaire du hamiltonien

Hˆ

s[Eq. (2.14)] s’écrit, en utilisant le formalisme du pseudo-spin

1/2

[d’après Eq. (2.44)] :

ˆ

H

nl

= 2U

s

Sˆ

2

1/2,z

.

(2.63) Nous limitons par la suite notre étude à ce terme du hamiltonien. Expérimentalement, si l’on se place dans une configuration où l’effet Zeeman quadratique effectif est important et négatif (

q˜≤ −1

), on obtient bien un condensat à deux modes, où seuls les états

| + 1i

et

| − 1i

sont présents. Le seul terme restant dans le hamiltonien est alors le terme non linéaire vis-à-vis de la magnétisation. On peut noter ici que s’il est nettement plus aisé de présenter l’évolution du système à deux modes avec cet hamiltonien simplifié, des résultats similaires sont obtenus en considérant directement le hamiltonien complet pour des atomes de spin

1

pouvant occuper tous les états Zeeman [92].

Afin de calculer l’évolution temporelle de

| ψ

0

i

sous l’effet de

Hˆ

nl, il faut donner une base d’états propres de ce hamiltonien. Ces états, que l’on peut noter

| mi

1/2,

m =

−N/2 . . . N/2

, forment une base analogue à une base de Fock. Ils sont états propres de

ˆ

S

1/2,z, et le nombre

m

est la valeur propre associée à chaque vecteur qui n’est autre que la moitié de la magnétisation de l’état considéré. On peut donc écrire :

| mi

1/2

= ˆa

+1

(

N 2+m

)ˆa

−1

(

N 2−m

)

q

N 2

+ m

!

N2

− m!| 0i.

(2.64)

76 Ch. 2. CONDENSATS SPINORIELS FORTEMENT CORRÉLÉS

Cette base permet d’exprimer aisément les états cohérents de spin comme :

| θ, ϕi =

N/2

X

m=−N/2

C

θ,ϕ

(m)| mi

1/2

,

(2.65) avec des coefficients

C

θ,ϕ

(m) =

s

N !

N 2

+ m!

N 2

− m!cos

 θ

2

(

N 2+m

)

sin θ

2

(

N 2−m

)

e

−imϕ

.

(2.66) On note que l’état complètement polarisé est simplement

| N/2i

1/2.

Il est alors aisé décrire l’état

| ψ(t)i

, obtenu par évolution de l’état

| ψ

0

i

sous l’effet du hamiltonien

Hˆ

nl, dont les états propres sont les

| mi

1/2 :

| ψ(t)i = e

−i ˆHt/~

| ψ

0

i =

N/2

X

m=−N/2

C

π/2,0

(m)e

−iχm2t

| mi

1/2

,

(2.67) où l’on a posé

χ = 2U

s

/~

. On observe ainsi un déphasage non linéaire en

m

sur les différentes composantes de l’état, ce qui a des conséquences remarquables sur son évolution quantique. Cette évolution constitue une transposition utilisant des atomes et l’interaction entre spin du schéma proposé par Yurke et Stoler [71] pour l’obtention d’un état maximalement corrélé avec des photons dans un milieu optique non-linéaire.

Nous pouvons calculer la distribution de quasi-probabilité pour l’état

| ψ(t)i

, et l’on obtient facilement :

Q(θ, ϕ, t) =

N/2

X

m=−N/2

C

θ,ϕ

(m)C

π/2,0

(m)e

−iχm2t

2 (2.68)

Cette distribution est tracée au cours du temps sur la figure 2.8, d’une part sur la sphère de Bloch (a), et d’autre part en projetant la sphère sur le plan

(ϕ, cos θ)

(b-g),

l’équateur de la sphère correspondant à

cos(θ) = 0

. En analysant cette évolution, on peut distinguer plusieurs étapes.

Compression de spin

(χt≪ 1)

Au début de l’évolution, on observe que la distribution

Q(θ, ϕ, t)

, initialement isotrope [2.8(b)], devient une ellipse de plus en plus allongée, visible sur les figures2.8(c-d) [27,

2.3. SUPERPOSITION MACROSCOPIQUE POUR UN CONDENSAT DE SPIN 1/2 77 χt π/120 0 π/20 π/2 0 −π π −0.5 0.5 cos ( θ) φ a. b. c. d. e. f. g. χt = 0 χt = π/120 χt = π/30 χt = π/20 χt = π/4 χt = π/2

FIGURE2.8. Evolution sur la sphère de Bloch pour le Hamiltonien d’interaction non linéaire ˆHnl= χ ˆS2 z,1/2. (a) : Evolution en fonction du temps représentée en trois dimensions par la quasi-probabilitéQ(θ, ϕ, t). (b,c,d,e,f,g) : Même évolution représentée en différents instants par une projection de la sphère de Bloch sur le plan(ϕ, cos(θ)).

78 Ch. 2. CONDENSATS SPINORIELS FORTEMENT CORRÉLÉS

de l’incertitude sur la mesure de

Sˆ

1/2,y4. Comme nous l’avons vu [Eq. (2.52)], cela est équivalent dans les premiers temps de l’évolution à une augmentation de l’incertitude sur la phase de l’état. Ce phénomène est souvent dénommé “diffusion de phase” [39]. Il s’agit plutôt d’une dispersion de phase, la diffusion étant un processus irréversible tandis que cette évolution a lieu sous l’effet d’un hamiltonien unitaire.

Le petit axe de l’ellipse, quant à lui, représente l’incertitude sur la mesure de

Sˆ

1/2,z, qui n’est autre que la magnétisation du condensat. Cette grandeur étant dans ces condi-tions conjuguée à la phase de l’état [Eq. (2.55)], elle diminue au cours du début de l’évolution. Elle vaut initialement

N/4

pour

| ψ

0

i

, et descend donc en dessous de cette valeur qui constitue la limite quantique standard. C’est ce que l’on appelle la compres-sion de spin (spin squeezing). Ces états de spin compressés sont des états intriqués abondamment étudiés [93,36]. Des états comprimés du champ électromagnétique ont par exemple été réalisés dans des expériences d’optique quantique [94, 95, 96] ; des états atomiques comprimés ont quant à eux été fabriqués à partir d’interactions avec de la lumière préalablement comprimée [97]. La méthode proposée ici permet de générer des états de spin comprimés pour un nombre mésoscopique de particules, simplement en laissant agir les interactions entre atomes [25,31,32]. La variance minimale sur la mesure de

Sˆ

1/2,z est calculée dans [93] comme :

V

min

= 1

2

 N

6



1/3

,

(2.69)

et est observée après un temps

χt

min

= 6

1/6

N

−2/3

,

(2.70) soit

χt

min

∼ 0.04

pour

N = 200

atomes. La compression obtenue par rapport au bruit quantique standard est alors

V

min

/V

BQS

≃ 0.03

.

L’augmentation de l’incertitude sur la phase peut quant à elle être mise en évi-dence avec une expérience d’interférométrie Ramsey décrite précédemment. On sait qu’il est alors possible de observer une oscillation de la valeur moyenne de

Sˆ

1/2,z, avec un contraste proportionnel à

|h ˆS

1/2,+

i|

[Eq. (2.61)]. Cette quantité est calculée dans [93] :

|h ˆS

1/2,+

i| = N

2| cos (χt)|

N −1

N

2e

N χ2t22

.

(2.71) La seconde expression, valable pour des temps

χt≪ 1

, montre bien un effondrement de la phase relative en un temps caractéristique

χt

coll

= 1/√

N

, qui est plus long que le

t

min

correspondant au maximum de compression sur les populations. Expérimentalement,

4. On observe également une inclinaison du grand axe de cette ellipse, qui fait un angle avec l’équateur de la sphère de Bloch s’amenuisant au cours de l’évolution. Ce phénomène appelé swirliness, est en fait un facteur limitant pour la production d’état comprimé. Une méthode complexe envisageant la rotation autour de deux axes orthogonaux au lieu d’un seul (z ici) permet de supprimer cet effet et d’obtenir des compressions encore plus importantes [93]. Nous négligerons cet effet dans notre description.

2.3. SUPERPOSITION MACROSCOPIQUE POUR UN CONDENSAT DE SPIN 1/2 79

cela se traduira par une suppression des franges de Ramsey que l’on observe avec un état cohérent. On peut noter que l’étalement de la phase à temps court est analogue à celui d’un paquet d’ondes pour une particule libre. On peut également observer que l’on s’attend à voir réapparaitre ces franges de Ramsey pour des temps ultérieurs à

t

coll, du fait de la nature oscillante de l’expression. De telles résurgences de la phase ont été observées dans d’autres contextes [98,99].

Etat maximalement corrélé : chat de Schrödinger

(χt = π/2)

Pour des temps ultérieurs, on observe une diffusion de la phase sur l’ensemble de la ligne équatoriale de la sphère de Bloch, qui revêt alors une structure complexe [2.8(e)].

Par exemple, on peut observer des résurgences partielles, où la distribution de phase se ramasse en certains points, et l’état est alors une superposition d’états cohérents de spin avec différentes phases sur l’équateur [2.8 (f)]. Nous pouvons nous attarder

particulièrement sur l’état obtenu après un temps d’interaction

χt

cat

= π/2

, représenté sur la figure 2.8 (g). L’expression de l’état quantique à cet instant peut être calculé

simplement à partir de l’expression (2.67), en scindant les termes de la somme entre les valeurs de

m

paires et impaires (on supposera pour simplifier que

N/2

est divisible par

4

). Le terme de phase

exp(−iχm

2

t

cat

)

dû à l’évolution multiplie donc les coefficients

1/2

hm | ψ

0

i

de la décomposition initiale par

1

pour

m

pair et

−i

pour

m

impair. Ces coefficients peuvent alors s’écrire comme

1/2

hm | ψ(t

cat

)i = 1− i

2 C

π/2,0

(m) + (−1)

m

1 + i

2 C

π/2,0

(m)

(2.72)

= 1− i

2 C

π/2,0

(m) + 1 + i

2 C

π/2,π

(m)

(2.73) L’état du pseudo-spin est donc simplement la superposition de deux états cohérents de spin de phases

0

et

π

sur le plan équatorial, soit

| ψ(t

cat

)i = √1

2



e

−iπ/4

| π/2, 0i + e

iπ/4

| π/2, πi

(2.74) Cette superposition macroscopique de tous les spins dans la direction

x

et tous les spins dans la direction

−x

de la sphère de Bloch est un état de type “Chat de Schrödinger”.

Une impulsion

π/2

sur cet état autour de l’axe

−y

(ce qui revient à le multiplier par l’opérateur

R

0 défini par Eq. (2.58)) transforme cette superposition de deux états de phase différents en deux états de population différents. Plus précisément, on obtient l’état dit “NOON” :

| ψ

NOON

i = e

iπ/4

80 Ch. 2. CONDENSATS SPINORIELS FORTEMENT CORRÉLÉS

soit en revenant dans le formalisme des atomes avec

F = 1

:

| ψ

NOON

i = e

iπ/4

2 (| + 1 : N, −1 : 0i − i| + 1 : 0, −1 : Ni) ,

(2.76) cette notation justifiant le nom donné à cet état :

| N, 0i + | 0, Ni

. Il s’agit d’un état où les atomes sont très fortement corrélés entre eux. Cependant, la réalisation de tels états est extrêmement délicate, d’autant plus que le nombre d’atomes devient important (voir §2.3.4). Jusqu’à présent, seules des superpositions de faible nombre de particules, ou “chatons de Schrödinger”, ont été réalisées, avec des ions [45] ou des photons [44,100].

Résurgence totale : retour à l’état initial (

χt = 2π

)

Pour un temps d’interaction encore quatre fois plus long (

χt = 2π

), il est clair d’après l’équation (2.67) que l’on retrouve l’état initial. Tous les termes de la somme composant l’état reviennent alors en phase. On parle de résurgence de l’état quantique.