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Asservissements électroniques intriqués

4.2.1 Principe général

Le principe de somme de fréquence en cavité développé ici implique que la cavité soit maintenue résonnante aux deux longueurs d’onde des sources

λ

1 et

λ

2. Nous avons vu que cela peut s’écrire simplement :

L

cav

= p

1

λ

1

= p

2

λ

2

, p

1

, p

2

∈ N.

(4.14) Si l’on modifie la longueur de la cavité autour de cette position de résonance, nous observons une courbe lorentzienne pour la puissance intra-cavité, comme celles repré-sentées en rouge sur les figures4.5 (a-b). La largeur de cette lorentzienne est

respecti-vement

∼ 10 MHz

et

∼ 25 MHz

pour les lasers

1

et

2

, ce qui correspond à des variations de longueur de la cavité de

20 nm

et

70 nm

. Il est donc impossible pour la cavité de demeurer à la position de résonance passivement, compte tenu des perturbations mé-caniques, acoustiques et thermiques présentes au laboratoire. Il en va de même pour la fréquence des sources laser. La cavité ainsi que les lasers vont donc devoir être asservis en fréquence pour que la cavité demeure doublement résonnante.

L’asservissement nécessite deux étapes. En effet, s’il est aisé de réagir via les cales piézo-électriques sur la longueur de la cavité pour la maintenir résonnante avec l’un des lasers, cette longueur est alors fixée, et il nécessaire de changer la longueur d’onde de l’autre laser pour l’amener à résonance avec la cavité. C’est la méthode que nous employons, en asservissant la longueur de la cavité

L

cav à la longueur d’onde

λ

2 (noté asservissement

A1

), puis en asservissant

λ

1 à

L

cav (

A2

). La longueur de la cavité et la longueur d’onde du laser

1

sont alors verrouillées sur la longueur d’onde du laser

2

(voir Fig. 4.4). Pour ces asservissements, nous utilisons les signaux indicateurs des puissances intra-cavités issus des photodiodes. Le premier asservissement réagit sur les actuateurs de la cavité pour maximiser la puissance intra-cavité

P

2(cav)mesurée par la photodiode Ph.

2

, et le second réagit sur les actuateurs du laser

1

pour maximiser

P

1(cav)mesurée par Ph.

1

.

Les circuits d’asservissement sont fondés sur la dérivation d’un signal d’erreur s’an-nulant lorsque la puissance intra-cavité est maximale à partir d’une modulation / dé-modulation effectuée par une détection synchrone [125]. Nous avons vu que la phase des ondes infrarouges est modulée à

1 MHz

par un modulateur électro-optique. Le si-gnal de la photodiode peut donc être démodulé de manière synchrone, ce qui permet

118 Ch. 4. RÉALISATION DUN LASER À589 NM PAR SOMME DE FRÉQUENCE Laser 1 1064 n m Laser 2 1319 nm Cavit´e optique Spectroscopie Sortie Ph. 2 Ph. 1 D´etection MEO Modulation 1 Mhz Asservissement A2 Asservissement A1 Asservissement A3 � �

FIGURE 4.4. Schéma de principe des circuits d’asservissements intriqués pour le laser. MEO : Modulateur électro-optique, Ph. : photodiode.N désigne l’opération de démodulation réalisée par détection synchrone. Les trois asservissements présents dans le système laser sont représentés en traits tiretés, les chemins optiques étant représentés en traits pleins. La mention “Spectroscopie” désigne le montage d’absorption saturée utilisé pour le verrouillage en fréquence du laser jaune (voir sous-section4.3.3).

de le dériver. On obtient alors un signal qui s’annule aux maxima d’intensité, et qui peut donc être envoyé à un circuit intégrateur qui assurera le maintien à zéro du signal d’erreur en réagissant sur les actuateurs.

D’un point de vue temporel, nous avons fait le choix d’activer

A1

puis

A2

. En effet, l’élément le moins stable du système étant la cavité, il est plus sage de verrouiller sa longueur en premier lieu sur la longueur d’onde du laser

2

, celui-ci étant très stable à l’échelle de la minute. Nous procédons juste après à l’asservissement du laser

1

, sur la cavité déjà verrouillée.

En supposant que les deux asservissements décrits plus haut fonctionnent, il devient possible de balayer la fréquence

ω

2 (sans changer de mode, c’est-à-dire en conservant

p

1 et

p

2), et faire changer ainsi les valeurs de

ω

1 et

L

cav de manière à modifier

ω

3 en sortie. Ainsi, pour un changement

δω

2 sur

ω

2, le changement

δω

3 sur

ω

3 s’écrit :

δω

3

= δω

1

+ δω

2

= ω

1

ω

2

+ 1



δω

2

= ω

3

ω

2

δω

2

,

(4.15) le rapport ω1

ω2 étant constant d’après Eq. (4.14). Ceci signifie que pour le balayage de

200 MHz

disponible sur le laser

2

avec son piézo rapide, le laser jaune a une excursion en fréquence de

450 MHz

en sortie.

Enfin, ce dernier paramètre libre

ω

2 sera asservi (

A3

) de manière à maintenir la fréquence du laser jaune en sortie sur une raie d’absorption atomique du Sodium (ou dans notre cas sur une raie moléculaire de l’iode

I

2, voir 4.3.3), le système ainsi formé constituant une source utilisable pour le refroidissement laser du sodium.

4.2. ASSERVISSEMENTS ÉLECTRONIQUES INTRIQUÉS 119

4.2.2 Haute efficacité de conversion et asservissement

La méthode habituelle consiste à maximiser les puissances intra-cavité des deux ondes sources en réalisant les asservissements

A1

et

A2

indépendamment. C’est en réalité impossible si l’on se trouve dans une situation où l’efficacité de conversion du système est proche de 1, car la somme de fréquence dans le cristal modifie la forme des courbes de résonance dans la cavité. Cet effet est visible sur les figures 4.5 ( a-b). Tandis que les courbes rouges sont obtenues en n’envoyant qu’un laser à la fois

dans la cavité, les courbes noires sont mesurées lorsque les deux lasers sont présents, et que la conversion a donc lieu avec une haute efficacité. Du fait de la différence de largeur de la courbe lorentzienne aux deux longueurs d’onde (causée par la différence des réflectivités du coupleur d’entrée

R

1

= 0.93

et

R

2

= 0.74

), l’effet de la conversion non linéaire n’est pas le même. S’il se borne à une diminution de la puissance intra-cavité à résonance pour l’onde

1

, un creux apparait pour l’onde

2

. Ce creux possède la largeur de la résonance de l’onde

1

, et constitue la signature du phénomène de somme de fréquence.

Ce creux dans le profil de résonance du laser

2

est en revanche extrêmement néfaste pour

A1

. En effet, tant que

A2

n’est pas en fonctionnement, le laser

1

n’est pas réson-nant, la conversion dans le cristal est négligeable, et

A1

fonctionne bien car la position de résonance du laser

2

correspond à un maximum de puissance intra-cavité. En re-vanche, à la mise en marche de

A2

, le creux apparait, et la pente du signal d’erreur utilisé par

A1

s’inverse alors : l’asservissement devient instable. En d’autres termes, le rôle de l’asservissement étant de maximiser la puissance intra-cavité de l’onde

2

, celui-ci considère la conversion comme une perturbation néfaste, et tente de la contrecarrer.

Afin de remédier à ce problème, il est nécessaire de construire un signal qui conserve toujours un maximum à résonance de l’onde

2

, que la conversion ait lieu ou non. Nous utilisons donc le signal

s

3issu de la photodiode Ph.

3

qui mesure la puissance produite à

589 nm

. Celle-ci ne mesure un signal non nul que lorsque la conversion a lieu, et le profil de la puissance produite

P

3en traversant la position de double résonance de la cavité est reporté sur la figure4.5(c). Si l’on somme ce signal avec le signal

s

2issu de Ph.

2

(en noir sur Fig.4.5(b)), le signal de la production de jaune peut venir combler le déficit du signal

de l’onde

2

. On fabrique donc grâce à un circuit sommateur le signal

s

2+3

= s

2

+ βs

3, où le coefficient

β

est ajusté pour s’assurer que la position de résonance correspond à un maximum. Il faut bien noter que ce système ne peut fonctionner que parce que

s

3 est également modulé à

1 MHz

, en tant que produit de deux signaux eux-même modulés. Cela permet de démoduler de la même manière

s

3 et

s

2, et de pouvoir ainsi produire un signal d’erreur qui soit la dérivée du signal

s

2+38. En utilisant ce signal

s

2+3 à la place de

s

2 pour l’asservissement

A1

, celui-ci demeure stable, indépendamment de la présence du laser

1

, et permet donc à la cavité de rester doublement résonnante même dans le cas d’une haute efficacité de conversion où la puissance intra-cavité de l’onde

2

diminue significativement.

8. Il serait également possible de démoduler chacun des signaux séparément puis de sommer les signaux, mais cette solution, plus complexe, nécessite l’usage de deux détections synchrones distinctes, dont la phase relative peut éventuellement dériver.

120 Ch. 4. RÉALISATION DUN LASER À589 NM PAR SOMME DE FRÉQUENCE -20 0 20 -20 0 20 0 2 4 -20 0 20 0 10 20 2 1&2 1 1&2 20 10 0 2 4 20 -20 0

D´esaccord par rapport `a la r´esonance [MHz]

P (ca v) 1 [W ] P (ca v) 2 [W ]

a. b.

20 -20 0 0 -20 0 20 0 0.2 0.4 0.6 0 0.2 20 -20 0 P3 [W ] 0.4 0.6

c.

FIGURE 4.5. Puissances intra-cavité des ondes 1 (a), 2 (b) et puissance de l’onde 3 produite (c), mesurées en

faisant varier la longueur de la cavité autour de la position de double résonance. Dans les figures (a) et (b), les cas où l’onde correspondante est seule (noire) et en présence de l’autre onde (rouge) sont représentés. L’effet de la conversion non linéaire dans le cristal est visible. La figure (c) correspond au cas où les deux ondes sont présentes. La ligne tiretée signale dans chaque cas la valeur obtenue par le calcul (voir Ch.3).

4.2.3 Optimisation de la robustesse de l’asservissement

Bien que les asservissements

A1

et

A2

soient stables dans le cadre d’une haute ef-ficacité de conversion, ils sont sensibles à des perturbations brèves mais importantes, qui poussent l’intégrateur permettant la rétro-action à la saturation [125]. Une fois à sa-turation, il n’y a alors plus de rétro-action, et la boucle d’asservissement ne peut sortir l’intégrateur de cet état. Ceci est un problème intrinsèque lié aux intégrateurs, dont il est impossible de se passer pour réaliser nos asservissements. Nous avons donc réalisé un circuit électronique qui contourne ce problème et empêche l’intégrateur de satu-rer sous l’effet de perturbations violentes, tout en maintenant toujours le laser asservi. Ceci peut être vu comme un circuit permettant d’ajuster automatiquement le gain, en limitant sa valeur à très basse fréquence quand le signal d’erreur en entrée (

V

Err) de-vient trop important. Ce circuit, dont le schéma est visible sur la figure 4.6, utilise le signal de photodiode

s

3 pour détecter d’éventuelles perturbations, en le comparant à une valeur réglable de seuil

V

s (réglée à

80%

de la valeur nominale de fonctionnement dans notre cas) pour déterminer si la puissance produite baisse de trop. Un circuit échantillonneur-bloqueur (E/B) échantillonne la sortie de l’intégrateur (

V

Corr). Sa sor-tie est connectée à l’entrée de l’intégrateur via un amplificateur différensor-tiel, constituant ainsi une rétroaction sur l’intégrateur même (appelée bootstrap). Tant que le signal

s

3

est supérieur à

V

s, le fonctionnement est dit normal, et E/B ne fait qu’échantillonner le signal

V

Corr. La sortie de l’amplificateur différentiel

V

Diff est donc nulle, et le circuit n’a aucun effet. Lorsque la valeur de

s

3 passe au-dessous de

V

s, le comparateur permute E/B en mode bloqueur, et ce dernier conserve alors la dernière valeur

V

0

Corr de

V

Corr

avant la perturbation :

V

Diff

= V

Corr

− V

0

Corr. La tension de sortie de l’intégrateur à la fréquence

ω

devient :

V

Corr

=−

RA RI

V

Err

− V

0 Corr

1 + iR

A

C

I

ω .

(4.16)

L’intégrateur est ainsi neutralisé, car le gain ne diverge plus à

ω = 0

. Le circuit n’est alors plus qu’une rétroaction proportionnelle au signal d’erreur avec un gain

R

A

/R

I,

4.3. CARACTÉRISATION DU LASER À 589 NM 121 INT -+ DIFF -+ E/B COMP + -s3 RI RA CI VErr VCorr Tr ig COMP : Comparateur E/B : Echantillonneur-Bloqueur DIFF : Amplificateur diff´erentiel

INT : Int´egrateur VDiff

Vs

FIGURE4.6. Circuit de verrouillage automatique de la cavité améliorant la robustesse du système

d’asservisse-ment. COMP : comparateur, E/B : échantillonneur-bloqueur, DIFF : amplificateur différentiel, INT : intégrateur. La mention Trig désigne la voie qui commute le mode de l’échantillonneur-bloqueur.VErrdésigne le signal d’erreur de l’asservissement,VCorrle signal de correction retourné aux actuateurs,Vsla tension de seuil auquel le signal s3proportionnel à la puissance du laser jaune est comparé etVDiff le signal issu de l’amplificateur différentiel qui rétroagit sur l’intégrateur.

autour de la valeur

V

Corr0 . Sa bande passante est simplement donnée par la constante de temps

R

A

C

I. Lorsque la perturbation s’arrête, le circuit en mode proportionnel suffit à ramener

s

3 au-dessus du niveau de

V

s, et l’intégrateur reprend son rôle initial. Ce circuit est généralisable à tout circuit d’asservissement possédant un intégrateur, et est utilisé dans tous les asservissements de notre laser.

Cette dernière amélioration permet au laser de subir des perturbations mécaniques violentes sans qu’il ne se déverrouille, et requiert ainsi très peu de maintenance comparé à un laser à colorant. Il est insensible aux fluctuations de température de notre salle (climatisée, mais avec des dérives de l’ordre d’

1

C

à l’échelle d’une jour), parce que les lasers infrarouges utilisés sont stabilisés en température et que les asservissements compensent les dérives de la cavité. L’alignement n’est pas retouché pendant plusieurs semaines, sans observer de baisse de puissance supérieure à

10%

, et les retouches à opérer concernent simplement l’injection des lasers

1

et

2

dans la cavité et non la cavité elle-même, qui n’est ajustée que très rarement. Le laser reste verrouillé une journée entière lorsque sa fréquence est libre, et pour une demi-journée environ lorsqu’il est asservi sur une raie atomique.