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3. Le chemin de la délivrance

3.1 Chapitre 5 : L’influx karmique (āsrava)

micchattaṃ aviramaṇaṃ kasāya-jogā ya saṇṇ’-asaṇṇā du / bahu-viha-bheyā jīve tass’ eva aṇaṇṇa-pariṇāmā // SS_164 //

La mauvaise croyance, l’absence de retenue, les passions et l’activité sont conscientes ou non conscientes108. Elles existent dans l’âme sous de multiples variétés. Elles ne sont pas autre chose que les transformations de cette [âme].

ṇāṇāvaraṇādīyassa te du kammassa kāraṇaṃ honti / tesiṃ pi hodi jīvo ya rāga-dosādi-bhāva-karo // SS_165 //

Elles sont la cause des karman tels que le karman d’obstruction de la connaissance, par lesquels l’âme est l’agent causal d’états psychiques tels que l’attachement ou l’aversion.

natthi du āsava-bandho sammādiṭṭhissa āsava-ṇiroho / sante puvva-ṇibaddhe jāṇadi so te abandhanto // SS_166 //

59 Pour [le soi] qui a une Croyance droite, il n’y a pas d’influx karmique ni d’asservissement, mais il y a arrêt de l’influx karmique. Il connaît l’existence [des conditions de développement des karman] formés antérieurement, lui qui n’en forme plus109.

bhāvo rāgādi-judo jīveṇa kado du bandhago bhaṇido / rāgādi-vippamukko abandhago jāṇago ṇavariṃ // SS_167 //

L’état psychique qui consiste en attachement, etc., produit par l’âme, est dit être un agent d’asservissement. Libéré des états psychiques tels que l’attachement, [le soi] n’est plus agent d’asservissement, il est seulement conscient.

pakke phalamhi paḍie jaha ṇa phalaṃ bajjhae puṇo viṇṭe / jīvassa kamma-bhāve paḍie ṇa puṇodayam uveī // SS_168 //

Lorsqu’un fruit arrivé à maturation est tombé, le fruit ne peut pas être rattaché à l’arbre. De même, lorsque le karman de l’âme est tombé, il ne peut plus se manifester.

puḍhavī-piṇḍa-samāṇā puvva-ṇibaddhā du paccayā tassa / kamma-sarīreṇa du te baddhā savve pi ṇāṇissa // SS_169 //

Pour le [soi] connaisseur, les conditions de développement karmique formées auparavant sont pareilles à des boules de terre : elles sont simplement attachées grâce à leur corps subtil110.

cahu-viha aṇeya-bheyaṃ bandhante ṇāṇa-daṃsaṇa-guṇehiṃ / samaye samaye jamhā teṇa abandho tti ṇāṇī du // SS_170 //

Les quatre variétés [de conditions de développement karmique] asservissent [l’âme] à chaque instant, de multiples manières, à cause des qualités [inférieures] de la connaissance et de la croyance. Malgré cela, on dit que le connaisseur n’est pas asservi111.

109 Jayasena indique que le composé « āsava-bandho » est un samāhāra-dvandva, un composé additionnel réunissant deux entités antithétiques qui s’accorde donc au singulier. « sante puvvaṇibaddhe » est un acc. pl. au masculin qui renvoie donc aux pratyaya et non aux karman qui auraient été traités au neutre. Le terme « sante » évoque une « présence » des karman attachés « antérieurement » (puvva).

110 paccaya a ici un sens très concret, proche de « karman » lui-même, comme si la cause voulait désigner l’effet, par extansion. « kamma-sarireṇa » c’est-à-dire avec moins de conséquence que si elles étaient attachées « ṇokamma-sarireṇa », avec le corps grossier.

111 Ce sont les pratyaya qui entretiennent l’influx karmique. Le soi, de son côté, est libre d’asservissement, il ne favorise en rien la continuation de l’influx karmique. Que sont les qualités inférieures de la connaissance ?

60 jamhā du jahaṇṇādo ṇāṇa-guṇādo puṇo vi pariṇamadi /

aṇṇattaṃ ṇāṇa-guṇo teṇa du so bandhago bhaṇido // SS_171 //

Lorsque la qualité de connaissance est à son plus bas niveau, la qualité de connaissance est transformée en autre chose112 ; c’est pourquoi on dit qu’elle est un agent d’asservissement.

daṃsaṇa-ṇāṇa-carittaṃ jaṃ pariṇamade jahaṇṇa-bhāveṇa / ṇāṇī teṇa du bajjhadi puggala-kammeṇa viviheṇa // SS_172 //

La Croyance, la Connaissance et la Conduite [droites] sont alors transformées en un état inférieur ; c’est pourquoi le [soi] connaisseur est asservi par toutes sortes de matières karmiques.

savve puvva-ṇibaddhā du paccayā santi sa sammaddiṭṭhissa / uvaoga-ppāogaṃ bandhante kamma-bhāveṇa // SS_173 //

Toutes les causes de développement karmique attachées auparavant, qui existent chez celui qui a une Croyance droite, asservissent l’usage de la capacité cognitive au moyen du karman.

santi du ṇiruvabhojjā bālā itthī jah’ eva purisassa /

bandhadi te uvabhojje taruṇī itthī jaha ṇarassa // SS_174 // hodūṇa ṇiruvabhojjā taha bandhadi jaha havanti uvabhojjā / sattaṭṭha-vihā bhūdā ṇāṇāvaraṇādi-bhāvehiṃ // SS_175 //

De même que les femmes encore enfants ne doivent pas avoir de relation avec un homme, et de même qu’une femme en âge d’être mariée peut provoquer des jouissances chez un homme,

(les karman) qui étaient incapables de porter fruit asservissent lorsqu’ils deviennent capables de porter fruit. Ils sont alors de sept ou huit variétés dans des états karmiques tel que le karman d’obstruction de la connaissance113.

Kundakunda le dévoile dans la strophe suivante. Avec le système de la concaténation, il peut expliquer toutes les facettes de son propos.

112 jahaṇṇa (sk. jaghanya), « inférieur », « au plus bas niveau », peut faire référence aux guṇasthāna. Kundakunda a déjà affirmé que les guṇasthāna sont une source d’asservissement karmique en ce qu’une « échelle » implique de la pluralité alors que le soi est du côté de l’unité. La connaissance est une qualité essentielle du soi (avec la croyance). Aussi longtemps que cette qualité est intense et solide, le soi est protégé des conditions de développement karmique, mais lorsque cette qualité est au plus bas (jahanya), c’est-à-dire proche de l’ignorance et de l’incroyance, le soi est vulnérable.

113 ṇiruvabhojja (sk. nir-upa-bhogya) désigne quelque chose dont on ne peut pas jouir ; upabhoga est un terme technique qui désigne quelque chose dont on peut jouir à plusieurs reprises, comme les vêtements, le logement ou

61 edeṇa kāraṇeṇa du sammādiṭṭhī abandhago bhaṇido /

āsava-bhāvābhāve ṇa paccayā bandhagā bhaṇidā // SS_176 //

C’est pourquoi [le soi] qui a une Croyance droite n’est pas l’agent de l’asservissement. En l’absence d’influx karmique, les conditions de développement du karman ne sont pas considérées comme des causes d’asservissement.

rāgo doso moho ya āsavā ṇatthi sammaddiṭṭhissa /

tamhā āsava-bhāveṇa viṇā hedū ṇa paccayā honti // SS_177 //

Les [causes] d’influx karmique tels que l’attachement, l’aversion et l’égarement n’existent pas pour [le soi] qui a une croyance droite. En conséquence, les conditions de développement du karman ne sont pas des causes sans la présence d’un influx karmique.

hedū cadu-vviyappo aṭṭha-viyappassa kāraṇaṃ hodi / tesiṃ pi ya rāgādi tesim abhāve ṇa bajjhanti // SS_178 //

Les quatre causes [de développement karmique] sont considérées comme agents causals des huit espèces [de karman]. Les états psychiques tels que l’attachement sont considérés comme agents causals des [conditions de développement karmique]. En l’absence de ces [états psychiques], il n’y a pas d’asservissement.

jaha puriseṇ’ āhāro gahio pariṇamai so aṇeya-vihaṃ /

maṃsa-vasā-ruhirādī bhāve uyar’-aggi-saṃjutto // SS_179 // taha ṇāṇissa du puvvaṃ je baddhā paccayā bahu-viyappaṃ / bajjhante kammaṃ te ṇaya-parihīṇā u te jīvā // SS_180 //

La nourriture ingurgitée par un homme est transformée de multiples manières au moment de la digestion, dans des états de chair, de graisse, de sang, etc.

De la même manière, les conditions de développement des karman formés antérieurement par le [soi] connaisseur deviennent des sources multiples d’asservissement karmique. Ces âmes-là sont perdues pour le point de vue [pur].

les femmes. Le parallèle entre la femme et le karman permet d’expliquer la maturation karmique : quand les karman ne sont pas mûrs, ils ne produisent pas d’effet.

62 3.2 Chapitre 6 : L’arrêt du flot karmique (saṃvara)

uvaoe uvaogo kohādisu natthi ko vi uvaogo /

kohe koho ceva hi uvaoge natthi khalu koho // SS_181 // aṭṭha-viyappe kamme ṇokamme cāvi natthi uvaogo /

uvaogamhi ya kammaṃ ṇokammaṃ cāvi ṇo atthi // SS_182 // eyaṃ tu avivarīdaṃ ṇāṇaṃ jaiyā u hodi jīvassa /

taiyā ṇa kiṃci kuvvadi bhāvaṃ uvaoga-suddh’-appā // SS_183 //

Dans la capacité cognitive, il y a [seulement] la capacité cognitive ; dans les états psychiques tels que la colère, il n’y a aucune capacité cognitive. De même, dans la colère, il y a seulement la colère ; dans la capacité cognitive, il n’y a aucune colère.

Dans le karman de huit variétés et dans la matière grossière, il n’y a pas non plus de capacité cognitive ; et dans la capacité cognitive, il n’y a ni matière karmique ni matière grossière.

Quand cette connaissance parfaite est établie dans l’âme, alors le pur soi déterminé par la capacité cognitive ne produit plus aucun état psychique.

jaha kaṇayam aggi-taviyaṃ pi kaṇaya-bhāvaṃ ṇa taṃ pariccayai / taha kammodaya-tavido ṇa jahadi ṇāṇī du ṇāṇittaṃ // SS_184 // evaṃ jāṇai ṇāṇī aṇṇāṇī muṇadi rāyam evādaṃ /

aṇṇāṇa-tamocchaṇṇo āda-sahāvaṃ ayāṇanto // SS_185 //

Pareil à l’or qui n’abandonne jamais sa nature d’or même s’il est chauffé par le feu, le connaisseur échauffé par la manifestation du karman n’abandonne pas ce qui fait de lui un connaisseur.

Ainsi, le connaisseur connaît [la véritable nature du soi]. L’ignorant, perdu dans l’obscurité de l’ignorance, ne connaissant pas la véritable nature du soi, prend même l’attachement pour le soi.

suddhaṃ tu viyāṇanto suddham ev’ appayaṃ lahadi jīvo / jāṇanto du asuddhaṃ asuddham ev’ appayaṃ lahai // SS_186 //

L’âme atteint le soi pur en discernant ce qui est pur, mais connaissant ce qui est impur, elle atteint le soi impur114.

114 On note la proximité des termes jīva et ātman dans un même pāda, marquant bien leur différence : le jīva est le principe animé, alors que l’ātman est ce soi qu’il faut atteindre (labhate).

63 appāṇam appaṇo rundhiūṇa do-puṇṇa-pāva-jogesu /

daṃsaṇa-ṇāṇamhi ṭhido icchā-virao ya aṇṇamhi // SS_187 // jo savva-saṃga-mukko jhāyadi appāṇam appaṇo appā / ṇa vi kammaṃ ṇokammaṃ cedā ceyei eyattaṃ // SS_188 // appāṇaṃ jhāyanto daṃsaṇa-ṇāṇamaio aṇaṇṇamao /

lahai acireṇa appāṇam eva so kamma-pavimukkaṃ // SS_189 //

Après s’être arrêté de lui-même dans ses activités, qu’elles soient favorables ou défavorables, fixé sur la Croyance et la Connaissance [droites], arrêté dans son désir d’autre chose,

libéré de tous les liens, le soi contemple naturellement le soi et non la matière karmique ni la matière grossière. Conscient, il observe l’unité.

Contemplant le soi, fait de Croyance et de Connaissance [droites] et de rien d’autre, il atteint en peu de temps le soi parfaitement libéré du karman.

tesiṃ heū bhaṇidā ajjhavasāṇāṇi savva-darasīhiṃ /

micchattaṃ aṇṇāṇaṃ aviraya-bhāvo ya jogo ya // SS_190 // heu-abhāve ṇiyamā jāyadi ṇāṇissa āsava-ṇiroho /

āsava-bhāveṇa viṇā jāyadi kammassa vi ṇiroho // SS_191 // kammassābhāveṇa ya ṇokammāṇaṃ pi jāyai ṇiroho / ṇokamma-ṇiroheṇa ya saṃsāra-ṇirohaṇaṃ hoi // SS_192 //

Les Omniscients ont affirmé que les agents causals de ces [karman] sont les états émotionnels, la mauvaise croyance, l’ignorance, le manque de retenue et l’activité115.

En l’absence de ces causes, l’arrêt de l’influx karmique se produit de façon certaine pour le connaisseur. Sans la présence de l’influx karmique, l’arrêt du karman se produit lui aussi.

Et en l’absence de karman, l’arrêt des matières grossières se produit lui aussi. Et grâce à l’arrêt des matières grossières, il y a arrêt du cycle des transmigrations.