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3. Le chemin de la délivrance

3.3 Chapitre 7 : L’élimination du karman (nirjarā)

uvabhogam indiyehiṃ davvāṇam acedaṇāṇam idarāṇaṃ /

jaṃ kuṇadi sammaddiṭṭhī taṃ savvaṃ ṇijjara-ṇimittaṃ // SS_193 //

115 Sur ajjhavasāṇa cf. strophes 39-48. Les adhyavasāna et les pratyaya sont vus par Kundakunda comme les deux sources principales de développement des karman.

64 La jouissance répétée des substances, qu’elles soient dépourvues de conscience ou autres, au moyen des organes sensoriels, tout ce que fait le vrai croyant est cause d’élimination du karman116.

davve uvabhuñjante ṇiyamā jāyadi suhaṃ vā dukkhaṃ vā / taṃ suha-dukkham udiṇṇaṃ vedadi aha ṇijjaraṃ jādi // SS_194 //

Le bonheur ou le malheur naissent ordinairement du fait que l’on jouit de la matière. [Le vrai croyant] ressent la manifestation de ce bonheur et de ce malheur car elle conduit à l’élimination du karman.

jaha visam uvabhujjanto vejjo puriso ṇa maraṇam uvayādi /

puggala-kammass’ udayaṃ taha bhuñjadi ṇeva bajjhae ṇāṇī // SS_195 //

De même qu’en consommant du poison un médecin ne s’approche pas de la mort, le [soi] connaisseur éprouve la manifestation de la matière karmique mais il n’est pas asservi.

jaha majjaṃ pivamāṇo aradi-bhāveṇa majjadi ṇa puriso / davv’-uvabhoge arado ṇāṇī vi ṇa bajjhadi tah’ eva // SS_196 //

De même qu’en buvant de l’alcool avec un sentiment de dégoût un homme n’est pas ivre, le [soi] connaisseur dégoûté par la jouissance répétée de la matière n’est pas non plus asservi.

sevanto vi ṇa sevai asevamāṇo vi sevago koī /

pagaraṇa-ceṭṭhā kassa vi ṇa ya pāyaraṇo tti so hoī // SS_197 //

Prenant soi-disant du plaisir, il ne prend pas de plaisir ; ne prenant pas de plaisir, il reste un jouisseur. De qui exécute les gestes du théâtre on ne dit pas « il est le personnage »117.

udaya-vivāgo viviho kammāṇaṃ vaṇṇio jiṇavarehiṃ /

ṇa du te majjha sahāvā jāṇaga-bhāvo du aham ikko // SS_198 //

116 Strophe ambiguë et paradoxale qui révèle la différence fondamentale entre celui qui a une mauvaise croyance et celui qui a une croyance droite, la jouissance du premier produit du karman, celle du second détruit le karman. Pour des raisons pratiques, nous avons traduit sammaddiṭṭhī par « vrai croyant » ou « croyant véritable » au lieu de la périphrase « celui qui a une croyance droite ».

117 Strophe difficile par sa construction et la répétition de la racine verbale sev- (sevate) « servir, honorer, fréquenter (aussi sexuellement), jouir ». Elle introduit pourtant une dimension théâtre (prakaraṇa) qui n’est pas anodine dans un texte appelé aussi « Samayasāra-nāṭaka », le « Drame de la quintessence du soi » (voir B. Bhatt, « On the Epiteth nāṭaka for the Samayasāra of Kundakunda », 1994).

65 Les différentes sortes de manifestations et de maturations des karman ont été décrites par les excellents Jina. Mais elles ne sont pas ma véritable nature. D’une nature consciente, je suis un.

puggala-kammaṃ rāgo* tassa vivāgodao havadi eso /

ṇa du esa majjha bhāvo jāṇaga-bhāvo hu aham ikko // SS_199 //

L’attachement est une matière karmique pour laquelle il y a une maturation et une manifestation. Mais cet état psychique ne m’appartient pas. D’une nature consciente, je suis un.

* SBJ : « koho ».

evaṃ sammaddiṭṭhī appāṇaṃ muṇadi jāṇaya-sahāvaṃ /

udayaṃ kamma-vivāgaṃ ya muadi taccaṃ viyāṇanto // SS_200 //

Ainsi le vrai croyant s’identifie avec sa véritable nature qui est faite de connaissance. Et comme il connaît la réalité, il renonce118 à la manifestation et à la maturation du karman.

paramāṇu-mittayaṃ pi hu rāyādīṇaṃ tu vijjade jassa /

ṇa vi so jāṇadi appāṇayaṃ tu savvāgama-dharo vi // SS_201 // appāṇam ayāṇanto aṇappayaṃ cāvi so ayāṇanto /

kaha hodi sammaddiṭṭhī jīvājīve ayāṇanto // SS_202 //

Celui chez qui on trouve des passions telles que l’attachement, même de la taille d’un atome, ne connaît certainement pas le soi, même s’il porte en lui toute la tradition scriptuaire.

Ne connaissant pas le soi, il ne connait pas non plus le soi. Ne connaissant ni le soi ni le non-soi, comment peut-il être un croyant véritable ?

ādamhi davva-bhāve athire* mottūṇa giṇha taha ṇiyadaṃ / thiram egam imaṃ bhāvaṃ uvalabbhantaṃ sahāveṇa // SS_203 //

Après avoir abandonné les substances et les états psychiques instables dans le soi, saisis de façon certaine cet état psychique stable et unique que ta véritable nature est en train d’acquérir.

* ZMK : « apade »119.

118 Jeu entre le verbe muṇadi dont le sens usuel en prakrit est « penser, comprendre, croire », et le verbe muadi qui renvoit à muñcati, « renoncer, abandonner ».

119 La variante est notée par Chakr., le terme a-pada signifierait « sans assise ». Cette variante est intéressante car elle assure la concaténation avec les strophes suivantes, où l’on a « padam ».

66 ābhiṇi-sud’-ohi-maṇa-kevalaṃ ca taṃ hodi ekkam eva padaṃ /

so eso paramaṭṭho jaṃ lahiduṃ ṇivvudiṃ jādi // SS_204 //

Représentative, enseignée, saisie directement, télépathique ou omnisciente120, la [connaissance] n’a en vérité qu’un seul sens. Tel est le but ultime. Celui qui l’a trouvé est en route vers la béatitude.

ṇāṇa-guṇeṇa vihīṇā eyaṃ tu payaṃ bahū vi ṇa lahanti /

taṃ giṇha ṇiyadam edaṃ jadi icchasi kamma-parimokkhaṃ // SS_205 //

Délaissés par la qualité de connaissance, beaucoup ne trouvent pas ce sens. Saisis-t’en de façon certaine si tu souhaites une libération totale des karman.

edamhi rado ṇiccaṃ saṃtuṭṭho hohi ṇiccam edamhi / edeṇa hohi titto hohadi tuha uttamaṃ sokkhaṃ // SS_206 //

Sois toujours dévoué à cet état, sois toujours concentré sur cet état, sois satisfait par cet état. Alors tu auras le bonheur suprême.

ko ṇāma bhaṇijja buho para-davvaṃ mama imaṃ havadi davvaṃ / appāṇam appaṇo pariggahaṃ tu ṇiyadaṃ viyāṇanto // SS_207 //

Sachant de façon certaine que le soi est son [seul] bien, quel homme avisé pourrait dire d’une substance étrangère [au soi] : « Cette substance est à moi » ?

majjhaṃ pariggaho jai tado aham ajīvadaṃ tu gacchejja / ṇādeva ahaṃ jamhā tamhā ṇa pariggaho majjha // SS_208 //

Si des biens m’appartiennent, je suis sûr d’aller vers le non-soi. Puisque je suis un connaisseur, aucun bien ne m’appartient.

chijjadu vā bhijjadu vā ṇijjadu vā ahava jādu vippalayaṃ /

jamhā tamhā gacchadu taha vi hu ṇa pariggaho majjha // SS_209 //

Il peut être brisé, il peut être divisé, il peut être diminué, il peut même être détruit, il peut être parti ici ou là. Puisse aucun bien ne m’appartenir !

apariggaho aṇiccho bhaṇido ṇāṇī ya ṇ’ icchade dhammaṃ / apariggaho du dhammassa jāṇago teṇa so hodi // SS_210 //

67 L’absence d’appropriation est considérée comme absence de désir. Or le connaisseur n’a pas de désir pour le mérite. Il est conscient car il ne s’approprie pas de mérite.

apariggaho aṇiccho bhaṇido ṇāṇī ya ṇ’ icchadi adhammaṃ / apariggaho adhammassa jāṇago teṇa so hodi // SS_211 //

L’absence d’appropriation est considérée comme absence de désir. Or le connaisseur n’a pas de désir pour le démérite. Il est conscient car il ne s’approprie pas de démérite.

apariggaho aṇiccho bhaṇido ṇāṇī ya ṇ’ icchade asaṇaṃ / apariggaho du asaṇassa jāṇago teṇa so hodi // SS_212 //

L’absence d’appropriation est considérée comme absence de désir. Or le connaisseur n’a pas de désir pour la nourriture. Il est conscient car il ne s’approprie pas de nourriture.

apariggaho aṇiccho bhaṇido ṇāṇī ya ṇ’ icchade pāṇaṃ / apariggaho du pāṇassa jāṇago teṇa so hodi // SS_213 //

L’absence d’appropriation est considérée comme absence de désir. Or le connaisseur n’a pas de désir pour l’eau. Il est conscient car il ne s’approprie pas d’eau.

emādie du vivihe savve bhāve ya ṇ’ icchade ṇāṇī / jāṇaga-bhāvo ṇiyado ṇīrālambo du savvattha // SS_214 //

Le connaisseur ne désire aucun de tous ces multiples états. En vérité il a une nature faite de connaissance, qui ne s’appuie sur aucune autre chose.

uppaṇṇodaya-bhoge vioga-buddhīya tassa so ṇiccaṃ /

kaṅkhām aṇāgayassa ya udayassa ṇa kuvvade ṇāṇī // SS_215 //

Concernant la jouissance de la manifestation karmique qui est apparue, le connaisseur, qui a toujours l’intention de s’en séparer, n’a pas de désir pour elle. Il n’en a pas non plus pour une manifestation karmique qui n’est pas encore apparue.

jo vedadi vedijjadi samae samae viṇassade uhayaṃ /

taṃ jāṇago du ṇāṇī ubhayaṃ pi ṇa kaṅkhai kayāvi // SS_216 //

Celui qui expérimente et ce qui est expérimenté, tous les deux peuvent être détruits à chaque instant. Conscient de cela, le connaisseur n’a de désir ni pour l’un ni pour l’autre.

68 bandh’-uvabhoga-ṇimitte ajjhavasāṇodaesu ṇāṇissa /

saṃsāra-deha-visaesu ṇeva uppajjade rāgo // SS_217 //

L’attachement ne naît d’aucune façon chez le connaisseur pour les causes de l’asservissement et des jouissances répétées, les manifestations des états émotionels, ni au sujet des affaires mondaines et corporelles.

ṇāṇī rāga-ppajaho savva-davvesu kamma-majjha-gado /

ṇo lippadi rajaeṇa du kaddama-majjhe jahā kaṇayaṃ // SS_218 // aṇṇāṇī puṇa ratto savva-davvesu kamma-majjha-gado /

lippadi kamma-raeṇa du kaddama-majjhe jahā lohaṃ // SS_219 //

Plongé dans le karman, le connaisseur qui a renoncé aux attachements pour toutes les substances n’est pas souillé par l’impureté, de même que l’or plongé dans la fange.

Mais plongé dans le karman, l’ignorant attaché à toutes les substances est souillé par l’impureté du karman, de même que le fer plongé dans la fange.

bhuñjantassa vi vivihe saccittācitta-missiye davve /

saṃkhassa seda-bhāvo ṇa vi sakkadi kiṇhago kāuṃ // SS_220 // taha ṇāṇissa vi vivihe saccittācitta-missie davve /

bhuñjantassa vi ṇāṇaṃ ṇa sakkam aṇṇāṇadaṃ ṇeduṃ // SS_221 //

La blancheur de la conque, bien qu’elle jouisse de toutes sortes de choses – animées, inanimées ou mélangées – ne peut pas devenir noire.

De la même façon, la connaissance d’un connaisseur, bien qu’il jouisse de toutes sortes de choses – animées, inanimées ou mélangées – ne peut pas devenir l’ignorance.

jaiyā sa eva saṃkho seda-sahāvaṃ tayaṃ* pajahidūṇa / gacchejja kiṇha-bhāvaṃ taiyā sukkattaṇaṃ pajahe // SS_222 // taha ṇāṇī vi hu jaiyā ṇāṇa-sahāvaṃ tayaṃ* pajahiūṇa /

aṇṇāṇeṇa pariṇado taiyā aṇṇāṇadaṃ gacche // SS_223 //

Lorsque cette même conque, après avoir renoncé à sa nature blanche, va vers la noirceur, alors elle renonce à la blancheur.

De la même façon, lorsque le connaisseur, après avoir renoncé à sa nature faite de connaissance, est transformé par l’ignorance, alors il va vers l’ignorance.

69 puriso jaha ko vi iha vitti-ṇimittaṃ tu sevae rāyaṃ /

to so vi dedi rāyā vivihe bhoe suh’-uppāe // SS_224 // emeva jīva-puriso kamma-rayaṃ sevade suha-ṇimittaṃ / to so vi dei kammo vivihe bhoe suh’-uppāe // SS_225 // jaha puṇa so ciya puriso vitti-ṇimittaṃ ṇa sevade rāyaṃ / to so ṇa dei rāyā vivihe bhoe suh’-uppāe // SS_226 // emeva sammaddiṭṭhī visayatthaṃ sevae ṇa kamma-rayaṃ / to so ṇa dei kammo vivihe bhoe suh’-uppāe // SS_227 //

Lorsqu’un homme ordinaire sert son roi en ce monde pour assurer son existence, alors ce même roi lui donne de multiples objets de réjouissance qui assurent son bonheur.

De même, lorsque l’âme, pareille à cet homme, sert [ce roi qu’est] l’impureté du karman121 pour assurer son bonheur, alors le karman lui donne de multiples objets de réjouissance qui assurent son bonheur.

Mais lorsque cet homme ne sert pas son roi pour assurer son existence, alors le roi ne lui donne pas ces multiples objets de réjouissance qui assurent son bonheur.

De même, lorsque le croyant véritable ne sert pas [ce roi qu’est] l’impureté du karman pour assurer son plaisir, alors le karman ne lui donne pas ces multiples objets de réjouissance qui assurent son bonheur.

sammaddiṭṭhī jīvā ṇissaṅkā honti ṇibbhayā teṇa /

satta-bhaya-vippamukkā jamhā tamhā du ṇissaṅkā // SS_228 //

Les âmes qui ont une croyance droite sont privées de doute, et donc privées de peur. Comme elles sont libérées des sept formes de peur122, elles sont donc privées de doute.

jo cattāri vi pāe chindadi te kamma-bandha-moha-kare / so ṇissaṅko cedā sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_229 //

L’être conscient qui coupe les quatre racines123 à la base du karman, de l’asservissement et de l’égarement, doit être considéré comme le vrai croyant privé de doute.

121 Jeu de mots entre rāya (sk. rājas) et raya (sk. rajas), entre le roi et la poussière.

122 Les sept formes de peur sont : la peur liée à la vie présente (iha loka bhaya), la peur liée à la vie future (paraloka), la peur de se retrouver sans protection (arakṣā), la peur qu’un secret soit révélé (agupti), la peur de la douleur (vedanā), la peur d’un accident (ākasmika) et la peur de la mort (maraṇa). Voir JSK, vol. 3, p. 206.

123 Ces catur-pāda désignent les quatre pratyaya : la mauvaise croyance (mithyātva), le manque de discipline (avirati), les passions (kaṣāya) et l’activité (yoga), selon Jayasena (RŚM, p. 310) qui ajoute qu’ils sont comme la racine de

70 jo du ṇa karedi kaṅkhaṃ kamma-phalesu taha savva-dhammesu /

so ṇikkaṅkho cedā sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_230 //

L’être conscient qui n’a pas de désir pour les fruits du karman, ni même pour aucune autre chose124, doit être considéré comme le vrai croyant privé de désir.

jo ṇa karedi juguppaṃ* cedā savvesim eva dhammāṇaṃ / so khalu ṇivvidigiccho sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_231 //

L’être conscient qui n’a aucune aversion envers toutes choses doit être considéré en effet comme le vrai croyant privé de dégoût125.

* ZMK : « duguñchaṃ ».

jo havai asammūḍho cedā sad-diṭṭhī savva-bhāvesu /

so khalu amūḍha-diṭṭhī sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_232 //

L’être conscient pourvu d’une vraie croyance ne s’égare pas dans tous les états psychiques, c’est pourquoi il doit être considéré comme le vrai croyant sans croyance confuse126.

jo siddha-bhatti-jutto uvagūhaṇago du savva-dhammāṇaṃ / so uvagūhaṇakārī sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_233 //

Celui qui est attaché à la dévotion aux Siddha et qui est tolérant envers toutes choses doit être considéré comme le vrai croyant créateur de tolérance127.

l’arbre de la transmigration (saṃsāra-vṛkṣasya mūla-bhūtān). Comme ṇāṇī qui renvoie le plus souvent au soi, le terme cedā (sk. cetayitṛ) est glosé par « ātmā » par les trois commentateurs.

124 Chakravarti traduit savva-dhamma par « all qualities of things » (SBJ traduit de façon erronée : « all the systems of religion »). Renou donne aussi pour dharma le sens de « nature d’une chose, qualité fondamentale, trait caractérisitique, élément déterminant ou essentiel » (SNR, p. 337).

125 Cette fois-ci SBJ traduit dharma par « nature of all objets ». Le terme est glosé « vastu dharma » par les commentateurs. L’attitude décrite ici est celle de l’indifférence absolue aux choses de ce monde, qu’elles soient plaisantes ou déplaisantes (cf. la note de Chakr. p. 148).

126 mūḍha-dṛṣṭi, la croyance confuse, égarée, fait partie des transgressions (aticāra) de la vraie croyance (Voir Williams, Jaina Yoga, p. 48-49).

127 upagūhana désigne l’attitude de tolérance et de charité envers les personnes sans défense comme les enfants ou les invalides (voir Samantabhadra, Ratnakaraṇḍaka Śrāvakācāra, I.I.5 ; Williams, Jaina Yoga, p. 44).

71 ammaggaṃ gacchantaṃ sagaṃ pi magge ṭhavedi jo cedā /

so ṭhidi-karaṇa-jutto sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_234 //

L’être conscient qui se maintient sur le chemin [de la délivrance] au lieu d’emprunter de mauvais chemins doit être considéré comme le vrai croyant attaché à l’accomplissement de sa position.

jo kuṇadi vacchalattaṃ tiṇhaṃ sāhūṇa mokkha-maggammi / so vacchala-bhāva-judo sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_235 //

Celui qui a de la dévotion pour les Trois Joyaux sur le chemin de la délivrance doit être considéré comme le vrai croyant attaché à l’état dévotionnel128.

vijjā-raham ārūḍho maṇo-raha-pahesu bhamai jo cedā / so jiṇa-ṇāṇa-pahāvī sammādiṭṭhī muṇeyavvo // SS_236 //

L’être conscient monté sur le char de la connaissance qui circule parmi les chemins empruntables par les chars de l’esprit doit être considéré comme le vrai croyant propagateur du savoir des Jina129. 3.4 Chapitre 8 : L’asservissement karmique (bandha)

jaha ṇāma ko vi puriso ṇehabbhatto du reṇu-bahulammi / ṭhāṇammi ṭhāidūṇa ya karei satthehiṃ vāyāmaṃ // SS_237 // chindadi bhindadi ya tahā tālī-tala-kayali-vaṃsa-piṇḍīo / sacittācittāṇaṃ karei davvāṇam uvaghāyaṃ // SS_238 // uvaghāyaṃ kuvvantassa tassa ṇāṇā-vihehiṃ karaṇehiṃ /

ṇicchayado cintijja du kiṃ paccayago du raya-bandho // SS_239 // jo so du ṇeha-bhāvo tamhi ṇare teṇa tassa raya-bandho /

ṇicchayado viṇṇeyaṃ ṇa kāya-ceṭṭhāhiṃ sesāhiṃ // SS_240 // evaṃ micchā-diṭṭhī vaṭṭanto bahu-vihāsu ceṭṭhāsu /

rāyāī uvaoge kuvvanto lippai rayeṇa // SS_241 //

Par exemple, lorsqu’un homme ordinaire, qui a oint son corps d’huile, après s’être rendu en un lieu riche en poussière, fait de l’exercice physique avec des machettes,

128 Cette strophe doit être comprise d’un point de vue conventionnel, comme l’indique Jayasena dans son commentaire (RŚM, p. 316).

129 Le pahāvī (sk. prabhāvin) est celui « qui diffuse, qui propage la religion » dans le contexte jaina. Le terme vient du substantif prabhāvanā, qui désigne toutes les formes de diffusion et de propagande du jainisme (don, construction de temples, etc.) et qui compte parmi les devoirs du laïc.

72 coupe et tranche des palmiers, des tamāla, des bananiers, des bambous, des dattiers130, il fait offense à des substances animées et inanimées.

Réfléchis de façon certaine à ce qui fait s’accrocher la poussière sur cet [homme] qui offense [les êtres animés et inanimés] par ses actions de toutes sortes.

C’est la présence de l’huile appliquée sur cet homme qui doit être considérée de façon certaine comme ce qui fait s’accrocher la poussière, et non les mouvements du corps.

De la même façon, le mauvais croyant qui s’adonne à des mouvements [psychiques]131 de différentes sortes sera souillé par la poussière du karman parce qu’il produit des modifications psychiques telles que l’attachement132.

jaha puṇa so ceva ṇaro ṇehe savvamhi avaṇiye sante / reṇu-bahulammi ṭhāṇe karei satthehi vāyāmaṃ // SS_242 // chindadi bhindadi ya tahā tālī-tala-kayali-vaṃsa-piṇḍīo / saccittācittāṇaṃ karei davvāṇam uvaghāyaṃ // SS_243 // uvaghāyaṃ kuvvantassa tassa ṇāṇā-vihehiṃ karaṇehiṃ /

ṇicchayado cintijja du kiṃ paccayago ṇa raya-bandho // SS_244 // jo so du ṇeha-bhāvo tamhi ṇare teṇa tassa raya-bandho /

ṇicchayado viṇṇeyaṃ ṇa kāya-ceṭṭhāhiṃ sesāhiṃ // SS_245 // evaṃ sammādiṭṭhī vaṭṭanto bahu-vihesu jogesu /

akaranto uvaoge rāgāī ṇa lippai rayeṇa // SS_246 //

Mais d’un autre côté, cet homme, lorsqu’il a enlevé toute l’huile [de son corps] et qu’il se tient en un lieu riche en poussière, fait de l’exercice physique avec des machettes,

130 tālī (sk. tāla) palmier, borasse éventail (SNR) ; tala définit par « vṛkṣa viśeṣa, tāḍa kā peḍa » (PSM) et tāṛa par « the palm tree Borassus flabellifer (fan-palm) » (McG) ; kayali (sk. kadalī) est une variété de bananier (Musa sapientum) ; vaṃśa désigne le bambou ou la canne à sucre (Shorea robusta) (MW) ; piṇḍī est une sorte de dattier (Tabernaemontana coronaria) (MW). Le commentaire de Jayacandra semble dire que le composé tālī-tala forme un seul arbre, « le palmier de telle espèce », de même pour « vaṃsa-piṇḍīo », alors que Jayasena glose piṇḍī par « aśoka » un arbre célèbre à fleurs rouges (Jonesia asoka).

131 Amṛtacandra glose en effet ceṭṭha (sk. ceṣṭa), le geste, le mouvement, par « kāya-vāṅ-manaḥ-karman », l’action par le corps, par la parole et par la pensée.

132 L’emploi du terme upayoga (la « capacité cognitive », cf. strophe 24), ici au pluriel, est quelque peu surprenant à un endroit où l’on attendrait plutôt l’usage de « bhāva ». Jayasena glose le terme par « pariṇāma » (mithyātva-rāgādy-upayogān pariṇāmān).

73 coupe et tranche des palmiers, des tamāla, des bananiers, des bambous, des dattiers, il fait offense à des substances animées ou inanimées.

Réfléchis de façon certaine à ce qui fait s’accrocher la poussière sur cet [homme] qui offense [les êtres animés et inanimés] par ses actions de toutes sortes.

[On a vu que] la présence d’huile sur cet homme devait être considérée de façon certaine comme ce qui fait s’accrocher la poussière, et non les mouvements du corps.

De la même façon, le vrai croyant s’adonnant à des activités [psychiques] de toutes sortes ne sera pas souillé par la poussière du karman parce qu’il ne crée pas de modification psychique telle que l’attachement.

jo maṇṇadi hiṃsāmi ya hiṃsijjāmi ya parehiṃ sattehiṃ / so mūḍho aṇṇāṇī ṇāṇī etto du vivarīdo // SS_247 //

Celui qui pense « Je tue et je suis tué par d’autres êtres » est un égaré et un ignorant. Le