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Chapitre 4 : Karman favorables et karman défavorables (puṇya-pāpa) kammam asuhaṃ kusīlaṃ suha-kammaṃ cāvi jāṇaha susīlaṃ / kammam asuhaṃ kusīlaṃ suha-kammaṃ cāvi jāṇaha susīlaṃ /

2. La mécanique du karman

2.2 Chapitre 4 : Karman favorables et karman défavorables (puṇya-pāpa) kammam asuhaṃ kusīlaṃ suha-kammaṃ cāvi jāṇaha susīlaṃ / kammam asuhaṃ kusīlaṃ suha-kammaṃ cāvi jāṇaha susīlaṃ /

kaha taṃ hodi susīlaṃ jaṃ saṃsāraṃ pavesedi // SS_145 //

Sache que le mauvais karman est défavorable et que le bon karman est favorale, [mais] comment ce qui fait entrer dans le cycle des transmigrations peut-il être favorable97 ?

sovaṇṇiyaṃ pi ṇiyalaṃ bandhadi kālāyasaṃ pi jaha purisaṃ /

bandhadi evaṃ jīvaṃ suham asuhaṃ vā kadaṃ kammaṃ // SS_146 //

Une chaîne en or asservit un homme autant qu’une en fer. De la même manière, le karman qui a été produit asservit l’âme, qu’il soit bon ou mauvais98.

tamhā du kusīlehi ya rāyaṃ mā kāhi mā va saṃsaggaṃ / sāhīṇo hi viṇāso kusīla-saṃsagga-rāyeṇa // SS_147 //

C’est pourquoi ne crée pas d’attachement ni d’association avec des choses défavorables : à cause de l’attachement ou de l’association avec des choses défavorables, la destruction est inévitable99.

jaha nāma ko vi puriso kucchiya-sīlaṃ jaṇaṃ viyāṇittā /

vajjedi teṇa samayaṃ saṃsaggaṃ rāya-karaṇaṃ ca // SS_148 // emeva kamma-payaḍī-sīla-sahāvaṃ ca kucchidaṃ ṇāduṃ / vajjanti pariharanti ya taṃ saṃsaggaṃ sahāva-radā* // SS_149 //

97 Comme souvent dans la rédaction d’un traité philosophique indien, un maître répond aux questions d’un disciple. Ce système rhétorique sera repris par Yogīndu au VIe siècle (cf. infra Partie 2 § 1.3) mais aussi par Rājacandra au XIXe siècle (cf. infra Partie 3 § 3).

98 Cette strophe est sans doute la plus célèbre du Samayasāra. Elle aura un fort impact sur la pensée antiritualiste qui s’en servira pour dénoncer un rituel mené dans le but d’obtenir un karman favorable, alors que ce dernier asservira les dévots tout autant que le mauvais karman. Banārasīdās mentionnera aussi ce fait à de nombreuses reprises.

54 N’importe qui, après avoir compris qu’une personne avait un caractère exécrable, évite l’association avec cette personne, le contact avec elle et ce qui pourrait causer de l’attachement pour elle.

De la même manière, après avoir pris connaissance de la nature mauvaise de toutes les catégories de karman, ceux qui sont absorbés dans leur véritable nature écartent et rejettent le contact avec ces karman.

* SBJ : « sahāva-rayā ».

ratto bandhadi kammaṃ muñcadi jīvo virāga-saṃpaṇṇo / eso Jiṇovadeso tamhā kammesu mā rajja // SS_150 //

L’âme passionnée noue du karman, l’âme qui a atteint un état dépassionné s’en libère. Ceci est l’enseignement des Jina. C’est pourquoi ne sois pas enclin100 aux karman.

paramaṭṭho khalu samao suddho jo kevalī muṇī ṇāṇī / tamhi ṭhidā sahāve muṇiṇo pāvanti ṇivvāṇaṃ // SS_151 //

L’absolu, c’est véritablement le soi, pur, omniscient, sage, connaisseur. Les religieux fixés sur cette véritable nature atteignent la délivrance101.

paramaṭṭhammi ya aṭhido jo kuṇadi tavaṃ vadaṃ ca dhārayadi / taṃ savvaṃ bāla-tavaṃ bāla-vadaṃ vinti savvahṇu // SS_152 //

Pratiquer l’ascèse et observer les vœux sans être fixé sur l’absolu, les omniscients appellent tout ça de l’ascèse puérile, des vœux puérils.

vada-ṇiyamāṇi dharantā sīlāṇi tahā tavaṃ ca kuvvantā / paramaṭṭha-bāhirā je ṇivvāṇaṃ te ṇa vindanti // SS_153 //

Bien qu’observant les vœux, la discipline, les règles de bonne conduite et pratiquant l’ascèse, ceux qui restent extérieurs à l’absolu n’atteignent pas la délivrance102.

100 rajja sk. rajyasva impératif sur rañj- (rajyati) s’éprendre de (loc.), être enclin à (SNR).

101 C’est au tour des religieux (muni) de passer au crible des points du vue : d’un point de vue absolu, le véritable religieux est celui qui se concentre sur la véritable nature du soi. On note aussi l’emploi du terme nirvāṇa pour désigner la délivrance, habituellement désignée par le terme mokṣa en contexte jaina. On peut y voir un signe en direction des bouddhistes dans un contexte de joutes. Bansidhar Bhatt a montré par ailleurs que Kundakunda avait sans doute été influencé par la pensée du philosophe mādhyāmika Nāgarjuna, originaire lui aussi du sud de l’Inde (« On the Epiteth nāṭaka », p. 432).

55 paramaṭṭha-bāhirā je te aṇṇāṇeṇa puṇṇam icchanti /

saṃsāra-gamaṇa-heduṃ vi mokkha-heduṃ ayāṇantā // SS_154 //

Du fait de leur ignorance, ceux qui sont extérieurs à l’absolu espèrent du mérite, parce qu’ils ignorent ce qui cause l’accès au cycle des renaissances et ce qui cause la délivrance103.

jīvādī-saddahaṇaṃ sammattaṃ tesim adhigamo ṇāṇaṃ / rāgādī-pariharaṇaṃ caraṇaṃ eso du mokkha-paho // SS_155 //

La foi dans les principes tels que l’âme est l’orthodoxie [i.e. la Croyance droite] ; leur compréhension est la Connaissance [droite] ; l’indifférence aux sentiments tels que l’attachement est la Conduite [droite]. Ceci est bien le chemin de la délivrance104.

mottūṇa ṇicchayaṭṭhaṃ vavahāreṇa vidusā pavaṭṭanti /

paramaṭṭham assidāṇaṃ du jadīṇa kamma-kkhao vihio // SS_156 //

Les sages vivent [au quotidien] selon le point de vue conventionnel en mettant de côté la réalité absolue. La destruction du karman est certaine pour les religieux105 qui ont maintenu leur foi dans l’absolu.

vatthassa seda-bhāvo jaha ṇāsedi mala-vimelaṇācchaṇṇo /

micchatta-malocchaṇṇaṃ taha samattaṃ khu ṇādavvaṃ // SS_157 // vatthassa seda-bhāvo jaha ṇāsedi mala-vimelaṇācchaṇṇo /

aṇṇāṇa-malocchaṇṇaṃ taha ṇāṇaṃ hodi ṇādavvaṃ // SS_158 // vatthassa seda-bhāvo jaha ṇāsedi mala-vimelaṇācchaṇṇo / taha du kasāyācchaṇṇaṃ cārittaṃ hodi ṇādavvaṃ* // SS_159 //

De même que la blancheur d’un vêtement est perdue quand elle est recouverte par sa rencontre avec la poussière, il faut savoir que l’orthodoxie est perdue quand elle est recouverte par la poussière de la mauvaise croyance.

102 Tout en notant la leçon retenue par SBJ et ZMK, Chakravarti en retient une autre pour le second pāda : « paramaṭṭhabāhirā jeṇa teṇa te honti aṇṇāṇī » « parce qu’ils restent extérieurs à l’absolu ce sont des ignorants ».

103 nirvāṇa laisse maintenant la place à mokṣa pour désigner la délivrance.

104 Cette strophe rappelle évidemment le premier sūtra du TS : samyag-jñāna-darśana-caritrāṇi mokṣa-mārgaḥ, « connaissance, croyance et conduite droites sont le chemin de la délivrance », véritable pilier sur lequel repose le jainisme.

56 De même que la blancheur d’un vêtement est perdue quand elle est recouverte par sa rencontre avec la poussière, il faut savoir que la connaissance droite est perdue quand elle est recouverte par la poussière de l’ignorance.

De même que la blancheur d’un vêtement est perdue quand elle est recouverte par sa rencontre avec la poussière, il faut savoir que la conduite droite est perdue quand elle est recouverte par les passions.

* ZMK : « kassāyamalocchaṇṇaṃ taha cārittaṃ pi ṇādavvaṃ ».

so savva-ṇāṇa-darisī kamma-rayeṇa ṇiyaeṇa occhaṇṇo / saṃsāra-samāvaṇṇo ṇa vijāṇadi savvado savvaṃ // SS_160 //

Le [soi] qui sait tout et qui voit tout, recouvert par la poussière de son propre karman, tombé dans le cycle des transmigrations, ne peut pas entièrement tout connaître.

sammatta-paḍiṇibaddhaṃ micchattaṃ jiṇavarehi parikahidaṃ / tassodayeṇa jīvo micchā-diṭṭhi tti ṇādavvo // SS_161 //

ṇāṇassa paḍiṇibaddhaṃ aṇṇāṇaṃ jiṇavarehi parikahidaṃ / tassodayeṇa jīvo aṇṇāṇī hodi ṇādavvo // SS_162 //

cāritta-paḍiṇibaddhaṃ kasāyaṃ jiṇavarehi parikahidaṃ / tassodayeṇa jīvo accarido hodi ṇādavvo // SS_163 //

Les excellents Jina ont mentionné que la mauvaise croyance est contraire106 à la vision orthodoxe. Sa manifestation karmique107 fait que l’âme a une vision erronée. Il faut le savoir.

Les excellents Jina ont mentionné que l’ignorance est contraire à la Connaissance [droite]. Sa manifestation karmique fait que l’âme est ignorante. Il faut le savoir.

Les excellents Jina ont mentionné que l’affect est contraire à la Conduite [droite]. Sa manifestation karmique fait que l’âme n’a pas une bonne conduite. Il faut le savoir.

106 pratinibaddha indique un mouvement en sens inverse, un retour, une opposition (SNR 457a) ; Jayacandra commente samyaktva-pratinibaddhaṃ par « samyaktva ko rokne vālā », Jayasena glose par « pratikūlaṃ » adverse, opposé.

107 udaya désigne l’élévation, l’apparition, la manifestation des karman produits antérieurement ou plus récemment. Il est l’une des clés du processus karmique (cf. N. Tatia, Studies, p. 257-260). Banārasīdās emploiera souvent dans l’AK l’expression « pūrvakarmodaya », « à cause de karman produits antérieurement », pour dire exprimer sa malchance face à une situation.

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