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I.-R.-Le Chapelier, député de Rennes (TE) , vers 1790 (coll. Y.-A. Durelle-Marc)

(t. 2, p. 562-563)

Tiers état. Rennes, Bretagne.

Né le 12.VI.1754 à Rennes ( Ille-et-Vilaine) : exécuté le 12.IV.1794 à Paris.

Famille d’avocats au parlement de Bretagne depuis le XVIIe siècle.

Grand-père, Charles L., avocat au parlement. Grand-mère, Perrine Le Tanneux.

Père, Guy-Charles L., 1711-1789, sieur du Plessis, bâtonnier de l’ordre des avocats de Rennes et avocat-conseil des États de Bretagne, anobli (1779).

Mère, Madeleine-Olive Chambon de la Jariais. Épouse Marie-Esther de la Marre (qui en secondes noces épousera le comte de Corbière) : fils, dernier mâle du nom,

ministre sous la Restauration (mort 1848).

Études

Droit à Rennes, reçu avocat très jeune.

Carrière avant 1789

1775-1776, franc-maçon à la « Parfaite Union » à Rennes.

1780, conseiller des États de Bretagne et de la commission intermédiaire.

1786-1789, achète chez Blouet, libraire à Rennes, 118 ouvrages (dont 101 concernent les événements politiques) pour une valeur totale de 434 livres.

1786-1788, fait la connaissance à Rennes de Sieyès qui assistait à quelques sessions des États de Bretagne.

VIII.1788, avec Glezen et Lanjuinais, signe les Très humbles et très respectueuses représentations de l’ordre des avocats au

Parlement de Bretagne au Roi.

24.XII.1788, s’adresse à la noblesse de Bretagne pour lui demander de fixer la situation des anoblis, afin d’obtenir l’entrée des États : demande refusée.

14.II.1789, député agrégé « en cours » pour le tiers état de

Rennes aux États de Bretagne.

Carrière parlementaire i 789-1791

Élu 5e sur 7 députés le 17.IV.1789, il s’installe à Versailles dans la même maison, 22 rue de Satory, que le marquis de Ferrières (Saumur). le comte d’Iversay (Poitiers) et trois curés, tous députés.

Très vite remarqué aux séances des États généraux pour ses propositions radicales concernant la réunion des ordres. il fait partie des Bretons qui se réunissent au café Amaury et se font appeler les « enragés ». Il est un des 16 membres choisis par le tiers état (19.V.1789) pour assister aux conférences de conci-liation avec les ordres privilégiés. Le 15.VI. il soutient la motion de Sieyès en faveur de la constitution de l’Assemblée nationale et signe le Serment du Jeu de Paume, quelques jours plus tard. Élu secrétaire de l’Assemblée le 3.VII.1789 et de nouveau le 18, il se trouve en concurrence avec Sieyès pour la présidence de l’Assemblée qu’il obtient le 3.

VIII.1789. Au mois d’octobre, il remplace Mounier comme président pendant trois jours et sera de nouveau secrétaire à la fin de l’Assemblée constituante (10.IX.1791).

Lorsqu’à son tour Sieyès sera élu président le 8.VI.1790, Le Chapelier soutient sa candidature en promettant de le seconder si sa santé l’oblige à s’absenter. Ainsi, Sieyès accepte le poste.

Le Chapelier travaille dans quatre comités : Rédaction (19.VI.1789), Constitution (14.

VII et 12.IX.1789), Décrets (21.XI.1789) et Colonies (2.III.1790). Le 23.IX.1790, il propose la création du comité Central dont il fait partie et dont le but est de renforcer l’efficacité et d’accélérer les travaux du comité de Constitution.

Il fait partie des 53 députés qui parlent très souvent à l’Assemblée constituante où il est aussi un parlementaire assidu, préférant le travail en petits comités pour préparer les séances en assemblée générale. Constamment il essaie de maintenir la discipline dans les séances, en proposant d’adopter et puis de suivre un ordre du jour, et en critiquant les interruptions spontanées.

Il préside l’Assemblée la nuit du 4.VIII, mais intervient peu dans le débat sur la

déclaration des droits de l’homme. Dans l’élaboration de la nouvelle constitution, Le Chapelier souligne la séparation des pouvoirs, le plus grand abus du passé étant « ce funeste mélange de la puissance législative, judiciaire et administrative » (9.I.1790). Il refuse de « regarder le roi comme co-législateur », ne lui accordant que le veto sus-pensif (22.IX.1789). Les parlements, anciennes cours judiciaires, n’avaient eux aussi aucun pouvoir de ratification des décrets de l’Assemblée nationale. L’exécutif devait veiller à l’exécution des jugements rendus sans se mêler du pouvoir judiciaire lui-même (5.V.1790). Ainsi, il refusait aux membres de l’Assemblée nationale le droit d’occuper des postes à l’extérieur (13.V.1790).

Toutefois, au cours des longs débats sur cette question des trois pouvoirs, Le

Chapelier penche du côté de Mirabeau quant au droit de faire la paix ou la guerre : le roi doit défendre l’État, c’est là son rôle dans un système monarchique. Laisser ce

droit au seul corps législatif « ce serait donner au gouvernement une forme purement républicaine... ce serait aller contre les principes de notre constitution. » (22.V.1790).

Suivant les mêmes principes monarchiques, le roi est considéré comme fonctionnaire public dont la résidence est limitée à la France (25.II.1791). Le Chapelier revient sur cet aspect de la constitution assez souvent et toujours de façon très claire. Par

exemple, lors de la discussion sur le respect dû à la loi, une fois la liberté acquise il insiste sur le besoin d’ordre et de paix (28.II.1791). Ou encore, si « la nation entière possède seule la souveraineté qu’elle exerce par ses représentants et qui ne peut être aliénée ni divisée », c’est elle aussi qui par ses « électeurs nomme les

fonctionnaires publics qui veillent sur la nation ». Le mois suivant. en affirmant le grand principe « que les droits que le peuple peut exercer par lui-même sont des droits indélégables », il lui accorde le droit d’élire ses fonctionnaires publics : soit le roi, soit le régent. Ce droit ne peut aller au corps législatif « sans blesser nos

principes » de la séparation des pouvoirs (24.III.1791). C’est dans ces propos,

souvent répétés à travers les divers débats, que Le Chapelier révèle le fond théorique de la constitution monarchique qu’il envisage.

Quant à l’organisation du pouvoir judiciaire, il présente, au nom du comité de

Constitution, le plan de Sieyès qui ne retient aucune des difficultés soulevées par le plan de Duport car « les jurés seront pris parmi les hommes de loi » (8.IV.1790). Il combat le plan de Chabroud, défendant vivement les tribunaux d’appel dans les grandes villes où se trouvent des juges plus éclairés (23 VII. 1790).

Il intervient sur des questions moins constitutionnelles mais qui intéressent de plus près la vie quotidienne des nouveaux citoyens, comme les 200.000 Protestants de l’Est qui réclament les mêmes droits politiques que les autres sujets du pays (17.VIII.

1790). Quant au marc d’argent exigé des futurs électeurs, sa position évolue entre le 3.XII.1789, quand il le défend, et le 12.VIII.1791 quand il constate que le décret

blesse les nouveaux principes des droits du peuple d’élire et de pouvoir être élu. Le droit de pétition du citoyen est envisagé, selon lui, comme un droit individuel, tandis que le droit d’affiche, étant un droit public, nécessite l’autorisation du pouvoir veillant sur l’ordre et la paix dans la société (9.X.1791).

Dans le même esprit, il condamne les assemblées de citoyens de même état ou profession, formées pour donner des secours mais à présent voulant forcer les entrepreneurs à augmenter le prix de la journée de travail : non seulement elles consti-tuent de nouveaux corps dans un régime ayant brisé les anciennes

corporations, mais « il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire », de s’inter-caler entre État et les individus. Ainsi, avec le soutien de Gaultier de Biauzat, il fait adopter les huit articles d’un projet de décret pour

empêcher les ouvriers et les particuliers de faire entre eux des conventions à

l’amiable : la loi Le Chapelier (14.XII.1791). A la fin de septembre 1791, à la grande fureur de Robespierre. il critique les clubs et les sociétés populaires qui, selon lui, n’ont plus d’intérêt à exister, car leur mission de régénération est terminée.

Ce qui nous ramène au thème souvent répété par Le Chapelier pendant les derniers mois de l’Assemblée constituante : la Révolution est finie, il faut ramener l’ordre et la paix pour que la nouvelle constitution puisse entrer en vigueur. Il s’oppose à la

rééligibilité des députés constituants ; il prêche la tolérance envers les prêtres non-assermentés et les non-soumis à l’abo-lition de titres nobiliaires. De plus en plus opposé à Robes-pierre dans les débats parlementaires, il l’accuse enfin (29.Ix. 1791) de ne pas savoir « un mot de la constitution » tandis que Prieur lui rétorque « qu’il en sait trop ». Si la majorité modérée soutient Le Chapelier, les tribunes et l’extrême gauche de la salle sont évidemment du côté de Robespierre et de Prieur.

Le Chapelier vote en faveur des assignats et contre le rat-tachement d’Avignon. Son nom figure sur la liste de gauche et aux « Amis de la Liste civile ». Membre des

Jacobins, il passe aux Feuillants en vu. 1791.

Carrière après 1791

Retour au barreau de Rennes ; a du mal à se faire admettre à la société des Amis de la Constitution.

1793, voyage en Angleterre pour régler les intérêts d’un client ; n’y séjourne que peu de temps, mais en conséquence. accusé d’émigration : II.1794, arrêté sur ordre de Robes-pierre ; comparaît devant le tribunal révolutionnaire avec Thouret et Duval d’Éprémesnil : condamnés à mort, les trois ex-Constituants sont exécutés le 22.IV.I 794.

Sources

Archives nationales, W351, dossier du procès Le Chapelier.

Jean Meyer, 1966, t. 1, p. 436-438, t. Il, p. 1176.

B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, « La fin de Le Chapelier », Annales de Bretagne, t. LXXVIII, 1971, p. 345-368.

Remarques :

Portraits : in Granges de Surgères (marquis de), Iconographie bretonne ou Liste de portraits dessinés, gravés ou lithographiés de Personnages nés en Bretagne ou appartenant à l’Histoire de cette province avec Notices biographiques, Rennes, J.

Plihon et L. Hervé, Libraires-Éditeurs, 5, rue Motte-Fablet, Paris, A. Picard, Libraire des Archives nationales et de la Société de l’École des Chartes, 82, rue Bonaparte, 1888 Bibliothèque municipale de Rennes 10253, t. II, p. 49-50 (26 réf.).

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