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FICTION NON MUSICALE DE CARLOS SAURA

TROISIÈME CHAPITRE : PRÉSENTATION DU CORPUS MUSICAL

A) La chanson ¡Ay Carmela!

Il semblerait que la mélodie de cette chanson ait été composée en 1808 au début de la guerre d’indépendance et que les paroles originales s’opposaient à l’invasion napoléonienne. Il s’agissait donc déjà d’un air partisan qui exaltait la résistance et la lutte contre l’ennemi. Au fil du temps, ses paroles se sont adaptées aux évolutions historiques et sa mélodie a connu également plusieurs variantes. Durant la guerre civile espagnole, la chanson est devenue un des hymnes les plus célèbres du camp républicain. A la version la plus connue, El paso del Ebro se référant à l’héroïsme des soldats républicains au cours de la bataille de l’Ebre, Carlos Saura a préféré Viva la quince

Brigada appelée également « De la Brigade Lincoln » qui souligne le rôle des brigades

internationales. Selon le réalisateur, la musique de cette dernière lui paraissait « moins ampoulée »173 que celle de la première. Utilisée dans le film éponyme, elle intervient partiellement aux génériques de début et de fin dans une version enregistrée et arrangée par le compositeur de la musique originale du film, Alejandro Massó. Interprétée par un chœur d’hommes, dont une partie chante la mélodie à l’unisson et un deuxième groupe un contre-chant vocalisé sur la voyelle « a », elle est accompagnée au banjo.174 Les couplets cités dans le générique de début et de fin ne sont pas les mêmes : au générique d’ouverture, la chanson s’achève au troisième couplet et à la fin, elle ne commence qu’au deuxième couplet. Outre cette version extradiégétique, ¡Ay Carmela! est entonnée à deux reprises par les personnages du film : les brigadistes et Carmela.

173 Interview de Carlos Saura, Le Figaro, 26/09/1991, citée dans : BERTHIER, N., De la guerre à

l’écran, ¡Ay Carmela ! de Carlos Saura, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1999, p.62.

174 Bernard Gille souligne l’importance de cet instrument: « L’accompagnement, en premier plan sonore, est confié au banjo, instrument qui éveille les images des Brigades internationales auxquelles la production discographique l’a associé, sans le limiter à l’aire culturelle anglo-saxonne. » GILLE, B., « ¡Ay Carmela! : musiques entre guerre et paix », in BERTHET-CAHUZAC, C. (dir.), !Ay

Carmela! de Carlos Saura. Mediations textuelles et représentations de l’histoire, Co-Textes, 37,

La chanson, en fa majeur, s’organise autour de quatre phrases musicales récurrentes et de deux noyaux signifiants minimaux (« Rumba la rumba la rumba la ») et (« ¡Ay Carmela ! ¡Ay Carmela! ») qui constituent la quintessence de son ambivalence fondamentale : belliqueuse et nostalgique à la fois. En effet, le rythme de la première phrase évoque un roulement de tambour et dynamise la chanson dont elle semble retranscrire rythmiquement la volonté de vaincre. En revanche le second noyau signifiant (« ¡Ay Carmela! ») renvoie, par le biais de l’onomatopée, à la douleur et à la nostalgie. Une nostalgie multiple et à l’objet polysémique : la femme, le foyer, l’Espagne républicaine. En effet, si le prénom Carmen est devenu selon Carlos Serrano un véritable « signe d’identité de l’Espagnole par antonomase et à travers elle de l’Espagne elle-même »,175 le prénom Carmela, dérivé de Carmen :

[…] progressivement […] allait perdre ses références religieuses, et se laïciser, pour ainsi dire, au point de devenir le symbole de la lutte républicaine pendant la guerre civile de 1936-1939, avec la chanson de la bataille de l’Ebre.176

Les paroles mettent en avant le rôle des brigades internationales aux côtés des républicains tout en soulignant le manque cruel d’équipement militaire des armées de la république. Néanmoins, la certitude de la victoire y est fondée sur le courage des républicains (« pero nada pueden bombas cuando sobra corazón ») dans une nouvelle retranscription de la bataille de David contre Goliath.

Le rythme rapide, la mélodie de la première phrase en fa majeur et la modulation en ré bémol majeur, ainsi que les timbres virils, l’interprétation martiale des chanteurs et l’accompagnement au banjo confèrent globalement une tonalité joyeuse et entraînante à la chanson. Deux déplacements d’accent sont à signaler sur les mots « quince » et « contra » qui n’entravent pas la compréhension, mais attirent l’attention de l’auditeur sur ces deux mots soulignant, dans le deuxième cas, le caractère belliqueux de l’air. Comme nous l’avons déjà vu dans le cas des noyaux signifiants minimaux, le contre-chant sur la voyelle « a », suivant une ligne mélodique descendante, peut être interprété comme la stylisation d’une lamentation qui introduit également une connotation douloureuse au sein de cette chanson guerrière, en renforçant ainsi l’ambivalence.

175 “[…] un signo de identidad de la española por antonomasia y, a través de ella, de España misma” Carlos Serrano, El nacimiento de Carmen. Símbolos, mitos y nación, Madrid, Taurus, 1999, p.54. Cité dans ibid .p.63.

176 “[…] progresivamente […] perdería su referencia religiosa, se laicizaría, por así decirlo, hasta el punto de llegar a convertirse en el símbolo de la lucha republicana durante la Guerra Civil de 1936-1939, con la canción de la batalla del Ebro.” Ibid. p.63.

¡Ay Carmela! Ah, Carmela!

¡Viva la quince brigada! Vive la quinzième brigade!

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

¡Viva la quince brigada! Vive la quinzième brigade!

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Que se ha cubierto de gloria Qui s’est couverte de gloire

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carrnela! Ah, Carmela!

Que se ha cubierto de gloria Qui s’est couverte de gloire

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carmela! Ah, Carmela!

Luchamos contra los moros Nous luttons contre les Maures

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Luchamos contra los moros Nous luttons contre les Maures

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Legionarios y fascistas Légionnaires et fascistes

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carmela! Ah Carmela!

Legionarios y fascistas Légionnaires et fascistes

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carmela! Ah, Carmela!

En los frentes de Gandesa Sur les fronts de Gandesa

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

En los frentes de Gandesa Sur les fronts de Gandesa

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

No tenemos municiones Nous n’avons ni munitions

Ni tanques ni cañones Ni tanks, ni canons

¡Ay Carmela! Ah, Carmela!

No tenemos municiones Nous n’avons ni munitions

Ni tanques ni cañones Ni tanks ni canons

¡Ay Carmela! Ah, Carmela!

Pero nada pueden bombas Mais les bombes ne peuvent rien

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Pero nada pueden bombas Mais les bombes ne peuvent rien

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Cuando sobra corazón Quand il y a du coeur à revendre

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carmela! Ah, Carmela!

Cuando sobra corazón Quand il y a du cœur à revendre

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carmela! Ah Carmela!

Sólo es nuestro deseo Nous n’avons qu’un désir

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Sólo es nuestro deseo Nous n’avons qu’un désir

Rumba la rumba la rumba la Rumba la rumba la rumba la

Acabar con el fascismo En finir avec le fascisme

¡Ay Carmela! ¡Ay Carmela! Ah, Carmela! Ah, Carmela!

Acabar con el fascismo En finir avec le fascime

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