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Com., 15 mai 2019, n° 17-27.686 (P) – Cassation –

Cession de créance professionnelle – Cessionnaire – Demande de résolution du contrat générateur de la créance – Absence du cédant – Qualité pour défendre (non).

La cession d’une créance ne confère pas au cessionnaire qualité pour défendre, en l’absence du cédant, à une demande de résolution du contrat dont procède cette créance.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-27 et L. 313-29 du code monétaire et financier ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Banque Thémis (la banque) a assigné la société Bosal distribution en paiement de créances résultant de factures émises sur cette dernière par la société ACE électronique au titre d’un contrat de vente du 5 sep-tembre 2012, que celle-ci lui avait cédées dans les conditions prévues à l’article L. 313-23 du code monétaire et financier ; qu’invoquant un défaut de livraison des matériels commandés, la société Bosal distribution a demandé la résolution du contrat de vente et, en conséquence, le rejet de la demande de la banque ; que celle-ci lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité pour défendre à la demande de résolution du contrat ;

Attendu que pour rejeter cette fin de non-recevoir, l’arrêt retient que le mécanisme de la cession de créance induit que le cessionnaire, qui obtient la propriété de la créance, vient aux droits et obligations du cédant, de sorte qu’il n’est nullement tiers à l’opé-ration et que le débiteur cédé peut lui opposer les différentes exceptions inhérentes à la créance, sans avoir à appeler le cédant en cause, le cessionnaire pouvant toujours l’appeler en garantie ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la cession d’une créance ne confère pas au cessionnaire qualité pour défendre, en l’absence du cédant, à une demande de résolution du contrat dont procède cette créance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 septembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les ren-voie devant la cour d’appel de Rouen.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Guina-mant - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Le

Bret-Desaché -Textes visés :

Articles 32 et 122 du code de procédure civile ; articles L. 313-27 et L. 313-29 du code monétaire et financier.

COMMUNE

1re Civ., 22 mai 2019, n° 18-15.356 (P) – Rejet et cassation partielle –

Finances communales – Recettes – Droits de place perçus dans les halles, foires et marchés – Fixation – Tarifs – Clause d’indexation – Illégalité de la clause – Effets – Détermination.

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, suivant convention du 15 septembre 1978, le Syn-dicat communautaire d’aménagement de l’agglomération nouvelle de Marne-la-Val-lée a concédé à MM. Q... et W... l’exploitation du marché couvert de l’Arche Guédon, situé sur le territoire de la commune de Torcy (la commune), pour une durée de trente ans ; que ce contrat prévoyait l’obligation, pour les concessionnaires, de construire à leurs frais le marché, pour un coût fixé forfaitairement à 1 100 000 francs, et qu’en contrepartie, ces derniers étaient libérés du paiement de la redevance pendant les quinze premières années du contrat ; qu’un nouveau « traité de concession », regrou-pant le marché de l’Arche Guédon et le marché du Centre, a été conclu le 9 décembre 1989 entre, d’une part, la commune, d’autre part, MM. Q... et W... et la société Les Fils de madame W..., pour une durée de vingt-cinq ans renouvelable par tacite re-conduction pour dix ans ; qu’en sus de la reprise des engagements financiers stipulés dans la convention du 15 septembre 1978, les parties sont convenues que la commune réaliserait les travaux d’extension du marché du Centre, que la participation financière des concessionnaires à cette opération consisterait en une redevance complémentaire égale aux annuités de l’emprunt contracté par la commune pour la construction et qu’en contrepartie, ils seraient exonérés du paiement de redevances pour les quinze premières années d’exploitation du marché du Centre ; qu’à l’occasion de l’opération de déplacement du marché de l’Arche Guédon, un avenant a été signé entre les parties le 23 décembre 1997, prévoyant que ces travaux seraient réalisés par la commune, mais que l’exploitant devrait verser une redevance annuelle supplémentaire correspondant à l’annuité théorique de l’emprunt souscrit par la commune pour cette opération ; qu’il était, en outre, stipulé que la durée du traité conclu le 9 décembre 1989 était pro-rogée de quinze années, soit jusqu’au 31 décembre 2038 ; que, par lettre du 21 octobre 2011, la commune a informé les concessionnaires de sa décision de résilier, pour un motif d’intérêt général, le traité du 9 décembre 1989 et son avenant, avec effet au mois de septembre 2012 ; que MM. Z..., V... et U... Q..., venant aux droits de MM. Q... et W..., et la société Les Fils de madame W... (les consorts Q...) ont saisi la juridiction ju-diciaire pour obtenir réparation du préjudice en résultant, dans les termes de la clause indemnitaire prévue à l’article 20, 1°, d), de l’avenant du 23 décembre 1997 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les consorts Q... font grief à l’arrêt d’écarter l’application de cette clause en ce qu’elle prévoit qu’une partie de l’indemnité due en cas de résiliation du contrat est égale, pour chacune des années restant à courir à la date de la résiliation, à 1/40e

du total des redevances spéciales, chacune à compter de l’année de son versement étant actualisée au taux d’intérêt légal de l’année considérée majoré de trois points, de dire que la commune doit les indemniser du préjudice réellement subi au titre de l’amortissement de leurs investissements s’élevant à 1 100 000 francs et de désigner un expert pour fournir les éléments permettant de déterminer l’étendue du déficit de l’investissement qu’ils ont fait sur leurs fonds propres, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contrac-tuelles, de faire application du contrat  ; qu’il ne peut en aller autrement qu’en cas d’irrégularité, constatée par le juge administratif, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement  ; qu’en l’espèce, s’agissant de la partie de l’article 20-1-d de l’avenant de refonte prévoyant le versement d’une indemnité « égale, pour chacune des années du traité restant à courir à la date de ré-siliation, ce nombre étant arrondi à l’unité supérieure, à 1/40e du total des redevances spéciales prévues aux articles 18-2 et 18-3 », la cour d’appel a retenu que « cette partie de la clause contractuelle doit être écartée et afin d’obtenir réparation, les consorts Q... devront établir le préjudice réellement subi selon les principes de la responsabilité civile quasi-délictuelle » ; qu’en écartant ainsi cette « partie de la clause » dont le juge administratif n’avait pourtant pas constaté l’irrégularité, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de sépa-ration des autorités administratives et judiciaires ;

2°/ que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de pro-cédure ont, au principal, l’autorité de la chose jugée ; qu’en l’espèce, par ordonnance du 20 mai 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance avait déclaré la ville de Torcy « irrecevable en son exception de procédure tendant à ce que soit ordonné un sursis à statuer en vue de poser au juge administratif une question préju-dicielle portant sur la validité de la clause litigieuse du contrat » ; que n’ayant exercé aucun recours contre cette décision, la commune n’était plus recevable à demander que soit écartée l’application du contrat ; qu’en affirmant qu’ « aucune autorité de la chose jugée n’est attachée à l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 20 mai 2014, celui-ci s’étant contenté de dire irrecevable la demande de sursis à sta-tuer, n’ayant pas le pouvoir de « dire, au besoin d’office, que la question de la validité de la clause d’indemnisation relève de la compétence du tribunal administratif de Melun » comme cela lui était indûment demandé par la commune de Torcy », la cour d’appel a violé les articles 771 et 775 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

3°/ que, subsidiairement, ne relève pas d’une « jurisprudence établie » du juge ad-ministratif, autorisant le juge judiciaire à écarter l’application du contrat, l’illicéité d’une clause retenue au terme d’une interprétation des stipulations contractuelles et de l’économie générale du contrat ; qu’en se livrant pourtant, pour écarter partielle-ment l’application de la clause 20-1-d de l’avenant de refonte, à une interprétation des conventions conclues entre les parties et de « l’économie de ces contrats » adminis-tratifs, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ; 4°/ qu’en toute hypothèse, les juges du fond ne jouissent du pouvoir d’interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambiguës ; qu’en l’espèce, il résultait des termes clairs et précis du préambule de l’avenant de refonte et de ses articles 9 et 18-3,

exclusifs de toute interprétation, que les consorts Q... avaient assumé la totalité du coût des investissements réalisés depuis la première convention conclue en 1978 ; qu’en procédant pourtant à une interprétation des conventions et de l’économie des contrats pour affirmer que les consorts Q... n’auraient « financé les équipements publics qu’à hauteur de 1 100 000 francs » et conclure au caractère manifestement disproportionné de l’indemnisation prévue par la clause au regard de cet investissement, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, d’une part, qu’après avoir relevé que l’ordonnance rendue le 20 mai 2014 par le juge de la mise en état s’est bornée à déclarer irrecevable l’exception de procédure soulevée par la commune, tendant à ce qu’il soit sursis à statuer en vue de poser au juge administratif une question préjudicielle portant sur la validité de la clause indemnitaire litigieuse, l’arrêt retient, à bon droit, par motifs propres et adoptés, que le juge de la mise en état n’a pas statué sur la légalité de ladite clause, de sorte qu’aucune autorité de la chose jugée n’est attachée à sa décision de ce chef ;

Et attendu, d’autre part, que, si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif, les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être ac-cueillie par le juge saisi au principal ; que la cour d’appel a exactement énoncé que, se-lon une jurisprudence administrative constante, l’indemnité contractuellement prévue au profit du concessionnaire, en cas de résiliation par l’autorité concédante pour un motif d’intérêt général, ne devait pas présenter, au détriment de la personne publique, une disproportion manifeste avec le préjudice résultant, pour le titulaire du contrat, des dépenses qu’il a exposées et du gain dont il a été privé ; que, par une interprétation des stipulations des conventions conclues les 15 septembre 1978 et 9 décembre 1989 et de l’avenant du 23 décembre 1997, que leur rapprochement rendait nécessaire, elle a retenu qu’il résultait de l’économie de ces contrats que les consorts Q... n’avaient financé les équipements publics qu’à hauteur de 1 100 000 francs, que ces équipe-ments étaient présumés amortis en 2018 et que les autres verseéquipe-ments prévus aux ar-ticles 18-2 et 18-3 de l’avenant ne constituaient pas des charges d’investissement sup-portées par les concessionnaires, mais des redevances spéciales que les parties avaient entendu substituer aux redevances calculées en fonction des droits de place, pour des raisons de sécurité dans le remboursement des prêts contractés par la commune ; que c’est sans excéder ses pouvoirs ni méconnaître le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires qu’elle en a déduit que la part de l’indemnité destinée à réparer le préjudice résultant, pour le concessionnaire, de l’absence d’amortissement de ses investissements, calculée par les premiers juges à la somme de 761 562,62 euros, était manifestement disproportionnée au regard du préjudice réellement subi par les consorts Q... et que, par suite, cette partie de la clause indemnitaire devait être écartée ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : Vu les règles générales applicables aux contrats administratifs, ensemble l’article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales ;

Attendu que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat administratif qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence

de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou re-levée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

Attendu que, pour refuser d’écarter l’application de la clause prévue à l’article 20, 1°, d), de l’avenant du 23 décembre 1997 en ce qu’elle stipule qu’une partie de l’indem-nité due en cas de résiliation du contrat est égale, pour chacune des années restant à courir à la date de la résiliation, à 30 % du total des recettes toutes taxes comprises de l’année précédente, majoré de l’impact intégral de la formule d’actualisation prévue à l’article 19 en cas d’application partielle de celle-ci, après avoir énoncé que l’actuali-sation des tarifs des droits de place prévue dans un contrat d’affermage est illégale, dès lors que seul le conseil municipal est compétent pour arrêter les modalités de révision de ces droits de nature fiscale, l’arrêt retient que cette illégalité n’affecte pas gravement la validité d’une telle clause, qui a pour but légitime de prévoir un mécanisme de re-valorisation du tarif permettant l’équilibre économique du contrat ; qu’il en déduit que celle-ci peut s’appliquer entre les parties et que, par suite, il n’y a pas lieu d’écarter l’application de la clause indemnitaire qui y fait référence ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’irrégularité entachant la clause de révision des tarifs des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés tient au caractère illicite du contenu de ces stipulations, de sorte que le juge est tenu d’en écarter l’application, la cour d’appel a violé les règles et le texte susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la commune de Torcy est redevable envers la société Les Fils de madame W... d’une indemnité contractuelle-ment prévue à l’article 20, 2°, a), renvoyant, pour son calcul, à l’article 20, 1°, d), de l’avenant conclu le 23 décembre 1997, par suite de la résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général notifiée le 21 octobre 2011, avec effet au mois de septembre 2012, et en ce qu’il donne mission à l’expert de fournir les éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnisation due par la commune de Torcy en faisant application de cette clause, l’arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Foussard et

Froger -Textes visés :

Règles générales applicables aux contrats administratifs ; article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales.

Rapprochement(s) :

Tribunal des conflits, 23 avril 2007, Bull. 2007, T. conflits, n° 15, et la décision citée.