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Chapitre 1. Obésité sévère

1.2 Causes de l’obésité sévère

La croissance de l’obésité au niveau mondial serait attribuable, simplement, à un déséquilibre entre l’apport alimentaire et les dépenses énergétiques. Cette notion de déséquilibre demeure trop simpliste pour expliquer la progression de l’obésité et de l’obésité sévère. Historiquement, la hausse de l’IMC aurait été constatée après les années 1920, plus particulièrement entre 1955 et 196519. Durant cette

période, le développement technologique (ex : arrivée de la télévision, aliments transformés/usinés) coïncideraient avec la hausse de l’obésité19. On parlera alors

des facteurs dits modifiables soit ceux reliés à l’environnement, incluant l’alimentation et l’activité physique. D’autres causes inhérentes à l’individu peuvent être impliquées. En effet, deux individus soumis aux mêmes conditions environnementales ne développeront pas nécessairement de l’obésité. Cette réponse différentielle s’explique par les facteurs non modifiables, soit la génétique, l’âge et le sexe.

1.2.1 Facteurs non modifiables

1.2.1.1 Génétique et hérédité

La composante génétique a longtemps été reconnue comme « responsable » des deux aspects de l’équation de la balance énergétique (apport et dépense)20.

Un des premiers chercheurs ayant publié sur le sujet est Davenport en 1923. Celui-ci a étudié la constitution corporelle d’enfants devenus adultes comparativement à celle de leurs parents. Il est ressorti une association franche entre les constitutions corporelles parents-enfants, ce qui a permis de soulever l’apport génétique dans l’acquisition du poids20. Plus récemment, des études ont

démontré des mutations génétiques chez l’homme provenant d’un seul de ses gènes impliquant; 1) leptine, 2) récepteur de la leptine, 3) pro-opiomélanocortine, 4) récepteur-Y activant la prolifération-activation du peroxysome, 5) récepteur de la mélanocortine-4 (MC4R), 6) protéine convertase 1, et 7) récepteur-B de

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l’hormone thyroïdienne21. D’autres mutations existent et expliquent plusieurs

syndromes dont Prader-Willi, Wilson-Turner, et Bordet-Bield21,22. Ces mutations

sont relativement rares. L’une des plus fréquente mutation documentée est la mutation du MC4R avec une prévalence de 0,05 % dans la population en général22. Enfin, les études effectuées sur les jumeaux et les familles ont permis de comprendre encore davantage le rôle de la génétique dans l’obésité15,20,23,24.

Par exemple, selon une revue de littérature, on a fait ressortir des 29 études réalisées chez des jumeaux datant de 1977 à 1996 que les facteurs génétiques expliquent entre 50 % et 90 % de l’héritabilité de l’IMC23. Quant aux études réalisées cette fois-ci sur des familles, elles ont permis de constater que le taux d’héritabilité de la masse grasse corporelle totale est de 50 %25-27.

1.2.1.2 Âge

Les causes du gain pondéral avec l’âge sont multiples28. Vieillir s’accompagne

d’une diminution du métabolisme de base29-33. Secondaire à cette diminution du

métabolisme de base, une redistribution des tissus est observée : une diminution de la masse musculaire au profit d’une augmentation de la masse grasse. La masse musculaire contribue à augmenter le métabolisme de base, c’est-à-dire à favoriser une plus grande dépense énergétique. La diminution de masse musculaire contribue donc en partie à la diminution du métabolisme de base avec l’âge et, par conséquent, au gain de poids associé29,30. L’implication des facteurs

modifiables reliés à l’environnement dans la progression du poids avec l’âge doit également être considérée. Dans les faits, une personne qui vieillit et qui diminue globalement ses activités physiques et qui a un mode de vie moins actif risque de prendre du poids si elle n’ajuste pas son apport alimentaire.

1.2.1.3 Sexe

Les hommes et les femmes diffèrent grandement dans la prévalence actuelle concernant l’obésité sévère. Selon une étude populationnelle mondiale réalisée dans 200 pays entre 1975 et 2014, on a estimé qu’il y a davantage de femmes que d’hommes atteints d’obésité sévère soit 126 millions de femmes et 58 millions d’hommes9. Les causes possibles expliquant cette inégalité peuvent être

reliées aux différences hormonales ayant un impact sur la distribution du tissu adipeux, lequel se retrouve davantage au niveau viscéral chez l’homme que chez

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la femme non ménopausée34. D’autres causes peuvent être d’origine

comportementale, considérant que les femmes obèses seraient davantage de nature anxieuse et encline à souffrir de troubles alimentaires (ex : boulimie) que les hommes35. Par ailleurs, on reconnaît que les habitudes de vie impliquant une mauvaise alimentation et le niveau d’activité physique influencent le gain pondéral.

1.2.2 Facteurs modifiables

1.2.2.1 Mauvaise alimentation

D’entrée de jeu, on peut mentionner comme caractéristiques d’une mauvaise alimentation reliée à l’augmentation de l’obésité; l’accessibilité à des aliments de moins bonne qualité, pauvres en nutriments, à forte densité énergétique, et aux mets « prêts-à-emporter », parfois en portions démesurées36,37. Depuis les 30

dernières années, l’offre alimentaire a explosé dans les pays développés (incluant le Canada et les États-Unis) et la consommation d’aliments excède les dépenses énergétiques. Selon l’OMS (projet MONICA), une augmentation de l’apport énergétique de sources variables par habitant a été constaté dans 21 pays développés du début des années 1980 au milieu des années 199038.

L’augmentation de l’apport énergétique par habitant expliquerait d’ailleurs 41 % des variations de l’IMC dans les populations ciblées.

Il faut savoir que la composition des aliments en macronutriments (lipides, glucides et protéines) engendre différents impacts sur le métabolisme, pour un même nombre de calories données. L’énergie distribuée par ces différents substrats alimentaires a une efficacité variable en regard de l’énergie fournie39.

Conséquemment, l’apport alimentaire subséquent est influencé par ce qu’on a mangé plus tôt39. Les sources premières d’énergie provenant de l’alimentation sont les glucides et les lipides, dont on a estimé l’augmentation de leur consommation de 20 % depuis 1970 aux États-Unis40. Une controverse existe

sur l’influence des lipides (ou matières grasses) ingérés en quantité abondante dans l’alimentation et le développement de l’obésité.

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1.2.2.1.1 Alimentation riche en matières grasses

L’importance de l’apport des matières grasses dans l’alimentation sur la prévalence de l’obésité est une préoccupation. Une étude d’observation réalisée par enquête aux États-Unis (étude NHANES II et NHANES III) auprès de plus de 10 000 participants âgés entre 20 et 74 ans a fait ressortir que l’apport diététique en matière grasse a diminué de 1976 à 1991 (diminution de 11 %) au profit des produits considérés plus faibles en calories et en matières grasses (augmentation de l’apport de 19 %)41. Paradoxalement, la prévalence de personne avec surplus

de poids à fait un bond de 31 % au cours de la même période. Des auteurs ont suggéré que la réduction des matières grasses ne correspond pas à une diminution significative du poids corporel42. L’échec des diètes à faible

pourcentage en matière grasse semble dépendre de plusieurs causes, notamment le faible niveau d’activité physique et l’ingestion compensatoire d’aliments avec indice glycémique élevé43,44. Selon certains chercheurs, la

combinaison des avantages des diètes faibles en gras (sans produits industrialisés avec gras « trans »), plus élevés en fibres alimentaires et en glucides de faible densité énergétique, pourrait probablement diminuer ou prévenir certains cas d’obésité45.

1.2.2.1.2 Alimentation riche en glucides

Des préjudices attribués aux diètes plus riches en glucides doivent être considérés puisque le foie, ayant une capacité limitée de stocker du glucose, converti l’excédent en gras et ainsi, risque d’aggraver l’adiposité abdominale42.

L’augmentation de la consommation des breuvages sucrés au cours des dernières années a été documentée comme source potentielle d’aggravation de l’obésité46. L’augmentation de la consommation de ces breuvages mais

également de nourriture entre les repas lors d’activités comme regarder la télévision ou conduire l’automobile aurait eu une progression 75 %36. Par ailleurs,

il semble que les calories ingérées sous forme liquide sont souvent consommées en grande quantité. Ces calories liquides s’absorbent rapidement, augmentent la glycémie et, conséquemment le taux sanguin d’insuline47, ce qui contribue au

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1.3.2.2 Faible niveau d’activité physique et sédentarité

La pratique régulière d’activité physique permet de favoriser une balance énergétique en faveur des dépenses (balance énergétique négative). Rappelons que les recommandations canadiennes en matière d’activité physique préconisent 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée à élevée chaque semaine pour tous les adultes, par période de 10 minutes en continue50. Dans une enquête réalisée aux États-Unis, on a rapporté que seulement 16 % des personnes adultes obèses respectaient les recommandations américaines en activité physique, similaires aux recommandations canadiennes51,52.

Dans les causes imputables à l’augmentation d’obésité mondialement, un faible niveau d’activité physique ressort dans certaines études comme une cause majeure53. On peut également penser à un fort niveau de sédentarité, qui fait

référence au temps passé assis, pendant le travail (exemple : utilisateurs d’ordinateurs), à cause du moyen de transport utilisé (exemple : automobilistes) ou encore, lors des loisirs (exemple : regarder la télévision). Être assis ou immobilisé requiert un faible niveau d’énergie et peut nuire à la santé métabolique en diminuant l’activité de l’insuline au niveau des muscles squelettiques54. Les

risques associés au mode de vie sédentaire pourraient être atténués si la personne ajoute de l’activité physique au quotidien. C’est ce qui ressort d’une méta-analyse réalisée chez 1 million d’individus55. Ceux qui ont pratiqué entre 45

et 70 minutes d’activité physique modérée quotidiennement ont diminué leur risque de mortalité précoce55. Plusieurs études mentionnent qu’utiliser le transport actif permettrait d’augmenter la dépense énergétique et de compenser pour le mode de vie sédentaire56,57. D’autres moyens de diminuer la sédentarité implique des conseils à transmettre directement aux travailleurs en leur recommandant de diminuer le temps passé assis, d’être davantage debout ou monter des escaliers afin de les motiver à augmenter leur dépense énergétique quotidienne58. Ces conseils pourraient même améliorer certains biomarqueurs

cardiovasculaires (exemples : IMC, tour de taille)59.

L’activité physique est reconnue comme étant un excellent moyen de maintenir un poids santé comparé à l’inactivité, démontré chez des femmes adultes60,61.

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d’intensité modérée réalisée 60 minutes/jour permettait aux femmes avec un IMC < 25 kg/m2 de maintenir leur poids (gain moyen de 2,3 kg pour un suivi de 13

ans61. Toutefois, l’effet de l’activité physique s’est révélée non significative sur la

diminution du poids chez celles en surplus de poids ou obèses61.

La prévention du gain pondéral abdominal est possible avec l’activité physique. Ce type d’adiposité engendre davantage de complications métaboliques que l’excès de poids global62. Il serait même plus sain au niveau cardiométabolique

d’avoir un surplus de poids avec peu de gras abdominal (« physically fit ») que d’être de poids normal avec plus de gras abdominal (« physically unfit »)63.

L’activité physique contribue à maintenir tour de taille plus sécuritaire, l’indicateur du niveau d’adiposité abdominal clinique le plus facile à utiliser, indépendamment du changement dans le poids64. Dans une étude de cohorte réalisée auprès de

288 498 hommes et femmes adultes suivis pendant 5,1 ans, on a fait ressortir que l’activité physique prédisait un tour de taille inférieur pour tous les individus, indépendamment du poids et du tour de taille initiaux65.