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Le cas du plateau télématique PSA

Dans le document Projets et conception innovante (Page 106-111)

3. R ESULTATS DES RECHERCHES (1) : GERER LES PROJETS D ’ INNOVATION

3.4. Principes pour le management des projets d’innovation

3.5.1. Le cas du plateau télématique PSA

Dans le cadre de notre seconde recherche nous avons eu l’opportunité d’étudier précisément un dispositif original mis en place par PSA pour piloter l’exploration du champ d’innovation que constituent les services télématiques : le plateau télématique (PT dans la suite).

En effet, pour organiser l’exploration, le développement et la commercialisation de services télématiques, PSA a décidé, en décembre 1998, la mise en place d’une structure dédiée. Le PT regroupe en un même lieu, sous la responsabilité de son Directeur (un polytechnicien venu de l’armement ayant une grande expérience des projets), une vingtaine de personnes représentant des expertises variées (étude, marketing, système d’information, Métiers auto / électronique, achats, représentants des lignes produit…), et dispose d’un budget propre. La mission assignée au plateau est multiple. Il s’agit s’assurer une veille sur le domaine, mais aussi de définir un cahier des charges pour les futurs équipements et services télématiques, d’anticiper les questions d’intégration dans le véhicule ou encore d’identifier les fournisseurs susceptibles d’intervenir sur ce domaine, puis de coordonner la mise en place initiale des premiers services.

La description d’une organisation comme le plateau télématique n’est pas facile, comme c’est très généralement le cas pour les équipes projets, parce qu’il est transversal aux entités métiers et que ses frontières ne peuvent être définies de manière stable et totalement objective : certains pourront se vivre comme faisant partie du dispositif alors que d’autres les verraient à l’extérieur. Ceci nous a conduit, en nous appuyant sur la littérature en management de projet, à définir trois variables pour déterminer l’appartenance :

- Le rattachement formel. Dépend-on explicitement d’une ligne hiérarchique

ayant le projet pour objectif ou pas (par exemple, on reste dans la structure métier) ?

- La réunion géographique. C’est, au départ, le sens du terme « plateau ».

- La « dédicace » à l’objectif : travaille-t-on à 100% sur le projet ou à temps très

partiel ? Cela ne veut pas dire que les acteurs peu dédiés ne soient pas importants, bien au contraire : ainsi, les responsables hiérarchiques participant aux comités de pilotage.

Ces trois variables définissent des ensembles qui, généralement, ne se recoupent pas totalement. Ainsi, le lieu géographique du plateau réunit non seulement des acteurs dépendant du directeur du PT, mais aussi des acteurs métiers ou des prestataires

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Le projet hydroformage, étudié dans le chapitre 4 de la thèse constitue un autre exemple que nous ne développerons pas ici (cf. Lenfle, 2001).

« hébergés ». De même, certains acteurs non situés sur le plateau et ne dépendant pas de lui ont pu être néanmoins dédiés à temps plein à la mission du développement des services télématiques. On peut alors analyser l’organisation en deux niveaux, selon que l’on considère l’intersection ou la réunion de ces périmètres (Figure 21 page 110) : 1. le plateau télématique (PTEL) lui-même qui constitue le cœur du dispositif.

2. le projet télématique, qui comprend évidemment le plateau, mais aussi :

- les correspondants des métiers ou des Marques fortement dédiés au sujet, souvent présents sur le plateau mais qui restent rattachés à leur fonction d’origine ;

- les structures de pilotage mises en place par le Groupe pour gérer l’ensemble des questions liées à la télématique. Ces structures mobilisent des acteurs de niveau hiérarchique plus élevé, le plus souvent à temps très partiel sur le sujet.

Le travail de terrain réalisé entre juillet 2001 et mars 2002 nous a permis de mettre en évidence les points suivants.

• « L’effet plateau » a joué un rôle important tant d’un point de vue de la mobilisation collective sur les objectifs que du point de vue de l’apprentissage engendré entre les différentes expertises réunies ;

• Le « premier cercle » comporte une dominante d’expertises « techniques » par rapport aux expertises « services » (9 personnes contre 3). Ceci s’explique par l’importance prise par le développement d’un matériel embarqué innovant et la mise en place de l’infrastructure nécessaire pour supporter les différents services. Les expertises de commerce et de distribution sont absentes du premier cercle. Nous verrons dans la quatrième partie de ce travail les conséquences de cette incomplétude du dispositif, notamment sur l’appropriation de l’innovation par le réseau commercial.

• Le « premier cercle » se compose majoritairement d’acteurs jeunes ayant une faible ancienneté dans l’entreprise. Si cette caractéristique est tout à fait compréhensible (il s’agit de techniques et de thématiques nouvelles dans l’absolu comme par rapport aux cultures professionnelles de l’automobile), cela n’en constitue pas moins une faiblesse, du point de vue de la légitimité interne du groupe et de sa capacité à mobiliser des réseaux dans l’entreprise.

Figure 21. Organisation du projet télématique : situation 2001

Fonction des correspondants métiers / Marques Répartition des rôles sur PTEL

0 1 2 3 4 Peugeot Service / Réseau / Prestation Citroën Service / Prestation auto Métier Architecture électronique Métier Synthèse Vie à Bord Direction de la Stratégie (DSPG) Direction système d'information Direction de la recherche et de l'innovation 0 1 2 3 4 5 6 7 M anagem ent du pr oj et D é v e loppem ent d e s se rv ic e s tie rs CA R/ E L E A c hat s innov at io n Ingéni eur innov at io n Ingéni eur s dév el oppem ent tie rs -te c hni c iens

PTEL

• 18 personnes •Management du projet & • Experts métiers (équipements & services)

• 35 ans ou moins Correspondants Marques / Métiers • 10 personnes • Equipements / services • 35 ans ou moins Rattachement : projet vs.

métier / marques Localisation : Charlebourg vs. Ailleurs Temps sur le projet : 100% vs. partiel

Instances de pilotages

Comité opérationnel du Projet Télématique :

•Direction produit Peugeot •Direction Produit Citroën

• COMEX

• Comité Innovation

D’autre part l’étude a montré que le rôle des membres du « deuxième cercle » est, à l’instar des chefs de projet métiers dans les projets de développement, double. Ils constituent un maillon clé de « l’accrochage » du plateau sur l’entreprise :

• D’un côté, ils sont les représentants des différents métiers sur le plateau (système d’information, GRC, services financiers…). A ce titre, ils complètent les expertises réunies dans le premier cercle en apportant les compétences de leur instance de rattachement. Leur apport se situe aussi dans l’explicitation des politiques et des contraintes qui doivent être intégrées par le plateau pour que son action soit validée dans l’ensemble de l’entreprise. Ainsi, par exemple, les expertises de commerces, non représentées directement, ont été néanmoins mobilisées par l’intermédiaire de réunions régulières animées par les représentants des Marques.

• De l’autre, ils sont les représentants et les relais du plateau dans la Marque ou le métier. Ils participent à la démultiplication de l’action du PTEL dans leur domaine. Notre travail a également montré que l’efficacité de cette organisation en deux cercles repose sur trois facteurs :

• l’efficacité de dispositifs de communication « concentriques » qui assurent la cohésion entre ces deux cercles. De ce point de vue, la « plénière télématique », réunion mensuelle ou bi-hebdomadaire réunissant tous les participants de ces deux cercles a constitué un point d’ancrage fort pour les acteurs. Dans le foisonnement de ce type de projet, elle permet en effet : de faire le point sur les actions menées par chacun, de parcourir l’ensemble des sujets en cours ou à venir, qu’il s’agisse de technique, de communication, de services…, mais aussi de faciliter la coordination entre les acteurs (partage des agendas…).

• l’efficacité de dispositifs de communication « rayonnants », généralement animés par les correspondants, et assurant la démultiplication des actions sur un champ précis dans les Marques et les métiers.

• la légitimité et le savoir-faire de ces correspondants à mobiliser et activer des réseaux dans leur champ. De ce point de vue, le deuxième cercle confirme la relative jeunesse des acteurs de la télématique puisque la grande majorité ( 8 sur 10) a 30 ans ou moins (les deux autres ont 35 ans) et sont dans l’entreprise depuis moins de 5 ans pour la moitié d’entre eux, moins de 9 ans pour les autres.

Enfin, en ce qui concerne les structures de pilotage du projet, que nous avons été moins à même d’analyser dans le cadre de notre recherche, nous noterons qu’il s’opère à deux niveaux :

• dans le cadre du Comité Innovation de PSA (2 comités en 1998),

• et d’autre part par l’intermédiaire d’un comité opérationnel regroupant le Directeur du plateau et les représentants des Marques.

Le plateau télématique constitue donc l’exemple d’un nouveau type de « projet » qui se distingue fortement des projets de développement car il est marqué, pendant toute sa durée, par d’importantes incertitudes et qu’il traverse :

• Les métiers : comme tout processus de conception d’un nouveau produit (bien ou service), le PT mobilise les experts des différents métiers de l’entreprise ;

• Les projets véhicules : les services télématiques sont, à terme, destinés à fidéliser l’ensemble des clients de PSA etpar conséquent, concernent tous les projets en cours et à venir. La gestion des relations entre le plateau et les projets, constitue un des enjeux majeurs pour le management ;

• Les Marques : on retrouve là une transversalité de plus en plus classique chez les constructeurs automobiles. Les efforts de développement sont partagés et destinés aux deux marques du groupe PSA, toute la difficulté étant de s’adapter à leurs exigences particulières dans un domaine qui touche directement leurs clients respectifs et sur lequel elles manquent encore de références ;

• Les entreprises : comme sur tout projet, PSA ne détient pas seul les compétences nécessaires au développement des services télématiques. La coopération avec des partenaires est donc une nécessité absolue. La difficulté vient alors de la nouveauté de certains de ses partenaires qui n’appartiennent pas au secteur automobile, mais, souvent à celui, mal défini, des NTIC. Gérer la coopération entre des entreprises si différentes (ne serait-ce que par la durée des cycles de conception ou la durée de vie des produits) peut alors compliquer le déroulement du projet ;

• Les horizons temporels : ce type de projet doit, par construction gérer plusieurs horizons : le court terme de la commercialisation d’une première version des services, le moyen terme des développements pour les projets futurs et le long terme de l’exploration du champ. Plus encore, il va devoir gérer les évolutions des différents matériels installés et à venir. Ce point est particulièrement délicat dès lors que les services sont supportés par des logiciels dont les versions vont progressivement s’améliorer pour proposer de nouveaux services. L’actualisation des versions existantes devient alors un élément fondamental de la satisfaction des clients ;

• Les hiérarchies. La diversité des niveaux hiérarchiques impliqués dans le management du projet ressort clairement des entretiens réalisés dans le cadre du retour d’expérience. Le risque est alors de voir se créer un décalage entre les membres du plateau, absorbés par l’exploration du champ, et les annonces faites à d’autres niveaux.

Dans le document Projets et conception innovante (Page 106-111)