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Cas particulier du crédit revolving ou crédit renouvelable. Le crédit renouvelable

Dans le document La prodigalité en droit privé (Page 102-105)

LES ÉLÉMENTS SUBJECTIFS DE LA PRODIGALITÉ

SECTION 1 : LES FAIBLESSES DE LA VOLONTÉ DU PRODIGUE

74. Cas particulier du crédit revolving ou crédit renouvelable. Le crédit renouvelable

est un crédit non-amortissable. Plus précisément, cela signifie que ni la durée, ni le montant des remboursements en capital et intérêts n’est déterminé à l’origine332. La réserve d’argent que le crédit octroie est réutilisable à volonté333 dans la mesure où elle se reconstitue au fur et à mesure des remboursements effectués. Ils n’ont d’ailleurs pas pour principal objectif de rembourser le capital emprunté. En effet, les mensualités, généralement faibles, se composent essentiellement des frais et intérêts divers mentionnés lors de la conclusion du contrat334. Ayant été qualifié de pernicieux335, le crédit renouvelable a ceci de particulier qu’il aboutit à l’inscrire lui-même dans la durée. À l’appui du propos vient un argument incontestable et selon lequel les mensualités n’augmentent pas après la réutilisation du crédit, de sorte que l’objet est sans doute de retarder le remboursement du capital et conséquemment d’augmenter le coût du crédit336. Face à toutes ces problématiques, le législateur est intervenu pour règlementer la durée des crédits revolving. Cette règlementation a été d’autant plus indispensable que la banalisation du crédit a été avancée par les publicitaires qui se sont attachés à imaginer de nouveaux besoins337.

Afin de lutter contre un risque d’endettement excessif, et pour empêcher l’emprunteur de souscrire à un contrat dont l’utilité est pour lui contestable, plusieurs mesures ont vu le jour, dont la plus significative a été relative à la durée des crédits revolving. En particulier, le contrat

329 C. conso., art. L.312-62.

330 S. Gjidara, L’endettement en droit privé, op. cit., p. 313, n° 376. 331 Idem.

332 Lexique juridique Dalloz, éd. 2017-2018, V° Crédit renouvelable. 333 A. Debet, Faut-il interdire le crédit revolving ? D. 2009.1004.

334 M. Storck, M. Mignot, J-Ph. Kovar, N. Éréséo, Droit bancaire, coll. Précis Dalloz, 2ème éd. 2019, p. 927, n° 2001.

335 V. Legrand, Le crédit renouvelable va-t-il devenir responsable ? art. préc., spéc. n° 1. 336 M. Storck, M. Mignot, J-Ph. Kovar, N. Éréséo, Droit bancaire, op. préc., p. 927, n° 2001.

337 Position contraire : J. Brée, Le comportement du consommateur, coll. Les topos, 4ème éd. 2017, p.12, II, n° 1.

ne peut excéder un an et la reconduction tacite est très encadrée338. La durée de remboursement ne peut dépasser trente-six mois si le montant total du crédit est inférieur ou égal à 3000 euros et soixante mois si le montant du crédit est supérieur à cette somme. La portée des dispositions est néanmoins restreinte, car l’emprunteur pourra toujours reconduire le crédit ou reconstituer la réserve d’argent qui lui aura été attribuée. La loi Lagarde339, qui proposait d’en finir avec ces crédits « qui ne se remboursent jamais »340, n’a pas tenu ses promesses. L’encadrement de la durée est judicieux, mais ne vise que « le capital restant dû après la dernière utilisation »341. Les « crédits renouvelables restent des crédits permanents »342. La réutilisation du crédit aurait dû conduire à augmenter les mensualités afin d’en diminuer la durée or en l’état actuel du droit, elle ne fait que rallonger, de façon plus ou moins considérable, celle-ci.

Certes, les problématiques posées par les crédits renouvelables avaient déjà été pointés du doigt par une partie de la doctrine. D’aucuns ont même été jusqu’à envisager la suppression de ce type particulier de crédit343. Cette solution n’a pas été retenue par les gouvernants. Pour autant, ils ont pris en considération les critiques soulevées, et ont tenté d’y pallier en améliorant la législation relative à ces mécanismes du droit bancaire. La loi Lagarde a laissé la place à la loi Hamon344, dont les bénéfices sont certains puisqu’ils ont abouti à la réduction du nombre des crédits revolving au niveau national345. L’emprunteur dispose également de la possibilité de requérir à tout moment « la réduction du montant maximal de crédit consenti, la suspension

de son droit à l’utiliser ou la résiliation de son contrat »346. Cependant, dans le cadre de la prodigalité, le problème ne sera pas tant l’information du débiteur qu’un désir de vouloir mettre un frein à ses dépenses. Le taux important d’usure attaché à ces crédits347, un taux qui se veut normalement dissuasif, n’aura aucune incidence sur la volonté de contracter du prodigue, qui se retrouvera en grande difficulté.

338 V. not. C. conso. art. L.312-75. 339 Loi du 1er juillet 2010, n° 2010-737.

340 M. Storck, M. Mignot, J-Ph. Kovar, N. Éréséo, Droit bancaire, op. préc., p. 930, n° 2006. 341 Idem.

342 G. Biardeaud, Décrets des 22 mars et 26 avril 2011 : les crédits renouvelables restent des crédits permanents, D. 2011.1697.

343 A. Debet, Faut-il interdire le crédit revolving ? D. 2009.1004. 344 Loi du 17 mars 2014, n° 2014-344.

345 J. Lasserre Capdeville, Rapport sur l’impact de la réforme Lagarde, RBF, 2012, alerte 23, n° 8.

346 J. Lasserre Capdeville, Les nouveaux contentieux : le cas du crédit renouvelable, LPA, 30-31 mai 2019, p.3 et s.

75. L’existence d’un devoir de ne pas prêter en cas d’endettement excessif. Alors, le

surendettement mènera assurément à l’insolvabilité. Sans compter les défaillances à la chaîne que la situation pourra susciter, c’est au regard de l’exclusion sociale qu’elle conduira aux effets les plus graves. Dans les situations extrêmes, l’insolvable sera confronté à la saisie de ses biens, ce qui fortifiera sa précarité et sa vulnérabilité. Le prodigue ayant des difficultés à contrôler ses désirs ne sera pas aidé par la profusion de ces facilités de crédit348. Cette hypothèse est d’autant plus susceptible de se réaliser que le banquier, tenu de veiller à la solvabilité de son client349, reste discrétionnaire quant aux incidences qu’il tire de sa situation économique350. S’il est acquis que les établissements n’ont pas intérêt à faire souscrire des prêts que les individus ne sont pas capables de rembourser, il paraît plus avisé de se demander si la Haute juridiction ne devrait pas consacrer un devoir de ne pas contracter en présence d’un endettement excessif. Pour une partie de la doctrine, ce devoir existe pourtant de manière effective351. À l’appui du propos, ils évoquent l’article L.533-13 I du CGI, énonçant que le prestataire de services d’investissements engage sa responsabilité lorsqu’il ne dispense pas des conseils avisés à celui qu’il tient pour client. Ainsi doit-il s’assurer que les décisions sont adaptées à sa situation. Il doit dès lors refuser l’opération eu égard aux risques susceptibles d’être encourus par lui. Un tel devoir d’abstention serait également mentionné aux articles 314-44 et suivants du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers352. Il est surprenant que les juges n’aient pas consacré, explicitement, l’existence du devoir d’abstention du banquier.

En réalité cela ne surprend que modérément car les articles du règlement concernent les prestataires de services d’investissements353 et non, généralement les établissements bancaires.

348 Au sujet de ces facilités de crédit, il est également possible de citer la pratique des découverts, sans compter que l’article L.311-20 (nouveau) du Code de la consommation n’exclut pas la possibilité de faire contracter plusieurs crédits renouvelables à un même client.

349 Le prêteur est tenu à une réévaluation constante, ce qui semble impliquer un devoir de vigilance : V. Legrand, Le crédit renouvelable va-t-il devenir responsable ? art. préc., n° 17. Dans le même sens : R. Vabres, Le devoir de ne pas contracter dans le secteur bancaire et financier, JCP G 2012, 1052.

350 Cass. civ. 2ème, 4 janv. 1968, Bull. civ., II, n° 2 ; les capacités financières et le risque d’endettement doivent être évalués par le banquier en considération, tant des revenus que du patrimoine de l’emprunteur, et ce même si ce patrimoine n’a pas vocation à permettre le règlement des mensualités des prêts : Cass. com., 6 déc. 2011, n° 10-24.268.

351 G. Raymond, Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, CCC oct. 2010 ; sur l’existence avérée d’une telle obligation : R. Vabres, Le devoir de ne pas contracter dans le secteur bancaire et financier, art. préc.

352 H. Barbier, Du devoir de ne pas contracter au devoir de contracter du banquier, RBF, sept. 2013, dossier 49.

353 Les prestataires de services d’investissements sont les entreprises d'investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d'investissement, tels que la réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers. À l’inverse des établissements de crédit qui sont des entreprises

Ils ne mentionnent jamais le devoir d’abstention du banquier, de sorte qu’il serait un peu hâtif de considérer que l’obligation de ne pas contracter fait partie intégrante de notre législation354. Cette absence de reconnaissance formelle est pour le moins très discutable. Elle l’est d’autant plus que l’article L.333-4 du Code de la consommation ne favorise pas la santé financière et ouvre la possibilité d’octroyer un crédit à la victime d’un incident de paiement. Au contraire, il aurait été logique de croire que la précarité de sa situation patrimoniale inciterait le législateur à ne pas le tenter au-delà de ses facultés. Pour autant, il a choisi de déplacer ses priorités d’un plan civil à un plan davantage social. En atteste l’exclusion de la prodigalité du domaine de l’incapacité et la création des mesures d’accompagnement social. Leurs bénéfices apparaissent toutefois limités en matière de prodigalité355.

L’objet de l’argumentation n’est pas de désapprouver le crédit. Il s’agit plutôt de mettre l’accent sur les dangers auxquels il peut mener en présence d’un endettement excessif. Dans la pratique, ce n’est pas tant l’accumulation des crédits qu’une mauvaise conjecture économique qui sera à l’origine de la majeure partie des procédures d’insolvabilité. Il reste que le prodigue, ne pouvant être considéré comme une personne raisonnable et diligente, pourra facilement se laisser influencer par cette accessibilité vis-à-vis des crédits.

B. Les facteurs internes influant sur la volonté de dépenser du prodigue

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