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Caractéristiques et éléments de compréhension du levier MU

Nous allons montrer dans ce deuxième point que le manager utilisateur du SMG, l’un des trois éléments essentiels du triptyque à considérer en contrôle capacitant, n’est pas suffisamment explicité et apparaît de ce fait comme sous-caractérisé dans les recherches qui ont été menées sur ce thème. L’intérêt envers l’utilisateur en contrôle capacitant est certes fort car la littérature montre son rôle pivot mais, de façon paradoxale, on dispose de peu d’éléments le caractérisant ; or, une forte caractérisation permettrait sans doute d’améliorer le processus tandem à l’œuvre dans le mécanisme de capacité.

- dès lors, que signifie un contrôle capacitant dont le concept fondamental est de « permettre aux employés de mieux maîtriser leurs tâches » si ceux-ci ne sont pas cernés dans le cadre du processus tandem de conception et de mise en œuvre de la qualité capacitante d’un SMG ? - par conséquent, nous effectuerons un retour par la littérature du contrôle capacitant pour dévoiler que ces membres de l’organisation, que nous appelons les managers-utilisateurs (MU), constituent en fait l’unité d’analyse communément retenue dans les recherches ;

- nous identifierons où se situent les MU dans les organisations les plus susceptibles de recourir au contrôle capacitant, ce qui nous permettra de caractériser le MU en contrôle capacitant ; - nous soulignerons la nécessité de la prise en compte des MU quant aux caractéristiques-clés, ce qui induit inévitablement des répercussions quant à la méthodologie de recherche de terrain choisie par les chercheurs.

La traduction d'enabling (voir supra encadré I.3.) précise que l'on peut capaciter (to enable) une personne ou une chose. Considérons deux phrases :

« A common claim made for ISI is that it enables more sophisticated and flexible forms of analysis leading to enhanced performance - une revendication commune faite à l'intégration du système d'information est qu'il permet des formes plus sophistiquées et flexibles d'analyse conduisant à des performances améliorées » (Chapman et Kihn, 2009, p. 153) ;

« They felt that the new system enabled them to be fully informed as the engagement progressed, and when on site, they were more productive and spent their time interacting with the client - ils ont estimé que le nouveau système leur a permis d'être pleinement informés de l'avancement des missions, et que, sur place, ils étaient plus productifs et passaient tout leur temps à interagir avec leurs clients » (Dowling et Leech, 2014, p. 244).

Il apparaît, comme nous l'avons montré, que l'on peut emprunter deux chemins dans cette perspective : la voie habilitante qui privilégie la chose et correspond à la vision instrumentale qui interroge le SMG, à l’instar de la première phrase de l’exemple, et la voie facilitante qui interroge l'individu, en l'occurrence le manager - au

sens générique - qui est utilisateur du SMG, comme l’illustre la seconde phrase. Notre analyse du modèle capacitant conduit à mettre l'accent sur la voie de l'individu : qui ou qu’est-ce qui capacite (habilite, facilite) ? Qui est capacité ? En effet, une hypothèse forte de l’approche capacitante du contrôle réside dans le fait qu’il existe des membres de l’organisation à capaciter.

En outre, tout SMG est censé être capacitant pour au moins un membre de l’organisation, sans quoi l’on peut penser qu’il serait simplement abandonné. Dans ce sens, il importe d’analyser qui sont les individus concernés par le contrôle capacitant. En effet, les travaux de recherche en SMG s’intéressent principalement aux besoins des directions générales et de leurs top management (Jönsson, 1998 ; Wouters et Wilderom, 2008 ; Hall, 2010 ; Merchant et Van der Stede, 2007), peu à la façon dont les managers (à savoir ceux qui ne font pas partie du sommet stratégique) les mobilisent au quotidien (Englund et Gerdin, 2015, p. 277)122 et encore moins à qui sont les managers sujets de ces SMG. Autrement dit, les questions portent davantage sur le (pour)quoi et le comment que sur le « qui », or comment répondre à ces premières sans disposer d’éléments d’information sur la dernière ?

Le processus tandem du contrôle capacitant est nécessairement orienté vers le manager-utilisateur

La focalisation sur l’individu peut être schématisée par un processus tandem (development process articulant conception et mise en œuvre : Wouters et Wilderom, 2008, p. 489 ; Jorgensen et Messner, 2009, p. 102 ; Neu, Rahaman et Everett, 2014, p. 324) lié à un questionnement sur le manager-utilisateur qui devrait être selon nous l'unité d'analyse en contrôle capacitant (voir infra figure I.9.). Le schéma que nous proposons visualise la double dynamique inscrite dans le contrôle capacitant :

- le SMG est le pivot des interactions du contrôle entre les décideurs et animateurs (direction générale et contrôleurs de gestion) et les utilisateurs (des managers qui, de ce fait, ne sont prioritairement ni situés dans le sommet stratégique, ni dans le service de contrôle de gestion de la technostructure, qui est le moteur de la standardisation de l’organisation selon Mintzberg, mais peut néanmoins en concerner certains qui sont utilisateurs) ;

122 « […] fairly little is known about how managers who are the subjects of the PMS […] mobilise them

- le caractère interactif de cette double dynamique s’inscrit conformément au rôle dual du mécanisme de capacité : la conception (design) du SMG vise la transparence (interne et globale) du système pour faciliter l’exercice de la mission des utilisateurs ; ces derniers, en retour, autorisés (habilités) à intervenir, sollicitent les caractéristiques- clés de réparation et de flexibilité dudit SMG, comme les décideurs et animateurs du SMG peuvent le vérifier avec les flux d’informations (feedback et feedforward).

Figure I.9. Processus tandem orienté manager-utilisateur (source : auteur)

La raison pour laquelle notre analyse précise que le processus tandem est orienté vers le MU est que de nombreux travaux soulignent que la participation des utilisateurs est déterminante pour la réussite de la mise en œuvre des SMG (McGowan et Klammer, 1997 ; Cheffi et Nekhili, 2011 ; Lambert et Sponem, 2009). D’ailleurs, selon Abernethy et Bouwens (2005), la participation des utilisateurs peut nettement contribuer au fait que le système soit adapté à leurs besoins et, de ce fait, à la diminution des erreurs, ce qui rejoint, sans la nommer, la caractéristique-clé de réparation. Dans cette optique, Wouters et Roijmans (2011) examinent, sur un terrain capacitant, les pratiques qui favorisent la participation des utilisateurs (« comptables et non comptables ») du SMG. Ils montrent que les connaissances combinées par ces utilisateurs les aident à utiliser le système en place et à contribuer ainsi aux objectifs de l'organisation (Wouters et Roijmans, 2011, p. 709). En effet, tout en considérant que mettre l'accent sur les quatre caractéristiques-clés puisse aboutir à une compréhension plutôt statique du contrôle de gestion (Jordan et Messner, 2012, p. 546), il est important de noter que les

caractéristiques-clés proposées par Adler et Borys sont « fondées sur une notion de contrôle qui fonctionne avec plutôt qu’elle ne remplace l'intelligence et l'expérience de l'utilisateur » (Chapman et Kihn, 2009, p. 152)123. C’est pourquoi la perception des utilisateurs quant aux caractéristiques-clés dépendra de la façon dont le SMG est effectivement développé et mis en œuvre dans un cas particulier (Jordan et Messner, 2012 ; Wouters et Wilderom, 2008, p. 495). Dans cet esprit, des arguments peuvent être avancés quant à ce qui favorise le processus-tandem, au premier rang desquels l'importance du développement sur site et la participation des utilisateurs (Adler et Borys, 1996, p. 75 ; Jørgensen et Messner, 2009, p. 102 ; Wouters, 2009, p. 74 ; Jordan et Messner, 2012, p. 546).

La littérature du contrôle capacitant met l’accent sur un manager que l’on connaît peu

L’étude de la littérature nous conduit à mettre en lumière un paradoxe qui justifie notre analyse. En effet, alors que l’utilisateur est, de façon implicite ou explicite, en permanence associé au SMG, il demeure peu caractérisé et, qui plus est, cette sous- caractérisation appauvrit le projet de compréhension en contrôle capacitant. Ainsi, au travers de différentes publications qui l’ont conduit à proposer le modèle conceptuel des bureaucraties capacitantes, Paul Adler (voir infra tableau I.10.) affirme qu’il est important de se préoccuper de l’utilisateur et, par conséquent, de s’intéresser à lui et de le connaître.

Un recensement de la fréquence d’emploi des termes « utilisateur » et « technologie » dans trois articles d’Adler confirme le constat de l’importance du couple utilisateur-SMG qui invite à s’intéresser à cet individu.

Tableau I.10. Occurrences des termes « utilisateur » et « technologie » dans des travaux de Paul Adler (1986-1996)

Auteur(s) Titre Occurrences du terme

user technology

Adler P. (1986) New Technologies, New Skills 4 14

Adler P. et Winograd T.

(1992) The Usability Challenge 27 29

Adler P. et Borys B.

(1996) Two Types of Bureaucracy: Enabling and Coercive 50 27

Total 81 70

123 « Each of these are premised on a notion of control that works with rather than replaces user’s

intelligence and experience: repair, internal transparency, global transparency, and flexibility » (Chapman et Kihn, 2009, p. 152).

L’accent mis sur le couple MU-SMG nous conduit à relire la littérature du contrôle capacitant en l’orientant sur l’utilisateur (voir infra tableau I.11.).

Tableau I.11. La spécification du manager-utilisateur dans des travaux de recherche se réclamant du modèle capacitant (1996-2015)

Auteur(s) Titre manager-utilisateur? Verbatim : qui est le Occurrences du terme*

user manager

Adler P. et Borys B.

(1996)

Two Types of Bureaucracy: Enabling and Coercive

Très générique, il n’est pas spécifié

50 13

Ahrens T. et Chapman C.

(2004)

Accounting for Flexibility and Efficiency: A Field Study of Management Control Systems in a Restaurant Chain

Managers de restaurant principalement, mais peu de spécifications 3 131 Naranjo-Gil, D. et Hartmann, F. (2006)

How Top Management Teams Use Management Accounting Systems to Implement Strategy

Cet article qui mobilise le contrôle capacitant en analyse secondaire s’intéresse aux « top managers ». Ils sont spécifiés par rapport à la formation et leur expérience professionnelle (questionnaire avec sept questions)

0 41

Free C. (2007)

Supply-Chain Accounting Practices in the UK Retail Sector: Enabling or Coercing Collaboration?

Différents « category managers » de deux entreprises impliquées dans la chaîne logistique 1 52 Wouters M. et Wilderom C. (2008) Developing performance- measurement systems as enabling formalization: A longitudinal field study of a logistics department

Quelques données démographiques, qui ne sont pas utilisés comme variable de contrôle 12 47 Chapman C. et Kihn L.- A. (2009) Information system integration, enabling control and performance

Limité : « The average age of respondents was about 46 years with an average length of employment in their current position of 5.7 years. One hundred and forty four of the respondents were men, and 19 women. » (p. 158)

11 15

Mundy J. (2010)

Creating dynamic tensions through a balanced use of management control systems

Les managers sont définis comme situés entre le « strategic and operational levels of the organisation. Their job title within the observed company is 'director' and they are also the departmental cost center managers » (p. 503).

Présence de données démographiques sous forme d’un tableau en annexe (p. 517-518)

0 147

Jordan S. et Messner M.

(2012)

Enabling control and the problem of incomplete performance indicators

Il s’agit de membres des groupes de projets ayant mis en œuvre la méthode Six sigmas, décrits par leur titre et leur prénom (annexe A,

p. 562)

Dowling C. et Leech S.

(2014)

A Big 4 Firm's Use of Information Technology to Control the Audit Process: How an Audit Support System is Changing Auditor Behavior

« We conducted 17 group interviews with audit partners, managers, seniors, staff, and “champions” from three large Australian cities of the Big 4 firm. In total, we interviewed 51 auditors and one ex- regulator. The average audit experience of the participants was seven years (ranging from 2 to 37 years). The auditors worked in several industries » (p. 232).

« There is a difference in the expertise of the auditors we interviewed and the expertise required to complete the tasks discussed by Adler and Borys (1996). The auditors are educated knowledge workers, whereas Adler and Borys (1996) illustrate their framework using tasks that do not require the same level of expertise » (p. 247) 8 24 Englund H. et Gerdin J. (2015) Developing Enabling Performance Measurement Systems: On the Interplay Between Numbers and Operational Knowledge

Entretiens et observations d’un groupe de managers opérationnels (middle- managers ou operational managers) qui ne sont pas spécifiés (p. 281-283).

4 17

* hors bibliographies mais les annexes et les figures sont prises en compte.

L’étude de la littérature en contrôle capacitant relative au levier de compréhension de l’utilisateur du SMG est éclairante à double titre. D’une part, les études de terrain sont axées sur les managers utilisateurs de l’assemblage SMG. À ce titre, les MU constituent l’unité d’analyse retenue par les chercheurs. Ils sont généralement appelés « managers » (647 occurrences relevées dans dix recherches, voir

supra tableau I.11.), ainsi que les occurrences d’emploi de ce terme en témoignent, et la référence au modèle conceptuel mobilisé les associe également au substantif d’utilisateurs (users, 162 occurrences) quant à la définition des caractéristiques-clés capacitantes. Cinq extraits de publications récentes qui suivent illustrent ce fait :

« L'analyse technique et l'architecture modulaire de l'ISI [intégration du système d'information] [...] offre une excellente plate-forme pour le développement d'un système de contrôle qui peut informer ses utilisateurs en détail concernant le fonctionnement interne des processus sur lesquels il

agit, contribuant directement à la transparence interne » (Chapman et Kihn, 2009, p. 155)124 ;

« En laissant les utilisateurs influer sur la conception de l'innovation comptable, leurs connaissances tacites pertinentes peuvent être utilisées dans le processus de développement. Des questions techniques telles que les limites des données et les difficultés à définir des mesures appropriées semblent jouer un rôle plus important dans la mise en œuvre du SMG » (Wouters et Roijmans, 2011, p. 709) 125;

« En ce qui concerne les caractéristiques de conception, Adler et Borys (1996) affirment que les systèmes capacitants ont quatre caractéristiques clés. D'abord, ils permettent aux utilisateurs de réparer le système formel en cas de panne ou de problème » (Jordan et Messner, 2012, p. 546)126 ;

« La caractéristique de réparation encourage les utilisateurs à résoudre les problèmes par eux-mêmes chaque fois qu'une panne [dysfonctionnement] se produit. Cette fonctionnalité est censée générer des procédures qui facilitent les réponses aux contingences du travail réel » (Martineau, 2014, p. 2)127 ;

« […] il est important de noter que les caractéristiques de conception proposées par Adler et Borys "sont fondées sur une notion de contrôle qui fonctionne avec plutôt que remplace l'intelligence et l'expérience de l'utilisateur" (Chapman & Kihn, 2009, p. 152) » (Englund et Gerdin, 2015, p. 280)128.

124 « The technical analysis and modular architecture of ISI […] provides an excellent platform for the

development of a control system that can inform its users in detail concerning the inner workings of the processes it acts upon, contributing directly to internal transparency » (Chapman et Kihn, 2009, p. 155).

125 « By letting users influence the design of the accounting innovation, their relevant tacit knowledge can

be utilized in the development process. Technical issues such as data limitations and difficulties defining appropriate measures appear to play a more important role in the implementation of PMS » (Wouters et Roijmans, 2011, p. 709).

126 « Regarding the design features, Adler and Borys (1996) argue that enabling systems have four key

characteristics. First, they allow users to repair the formal system in case of a breakdown or problem » (Jordan et Messner, 2012, p. 546).

127 « The “Repair” feature encourages users to solve problems by themselves whenever a breakdown

occurs. This feature is supposed to generate procedures that facilitate responses to real work contingencies » (Martineau, 2004, p. 2).

128 « […] it is important to note that the design characteristics proposed by Adler and Borys ‘are premised

on a notion of control that works with rather than replaces user’s intelligence and experience’ (Chapman & Kihn, 2009, p. 152) » (Englund et Gerdin, 2015, p. 280).

D’autre part, et de façon paradoxale, les users et les managers, que nous avons choisi d’appeler managers-utilisateurs en combinant les deux termes, sont à la fois très présents et insuffisamment caractérisés. En effet, les travaux de recherche nous apprennent qu’il s’agit le plus souvent de managers opérationnels et de cadres intermédiaires, la littérature anglo-saxonne les qualifiant généralement de middle

managers ou operational managers, (Ahrens et Chapman, 2004, p. 282, figure 1 ; Wouters, 2009, p. 64 ; Jorgensen et Messner, 2009, p. 106, figure 2 ; Jordan et Messner, 2012, p. 545 ; Englund et Gerdin, 2015, p. 278) mais nous n’en savons guère plus sur eux. Or, s’ils constituent l’unité d’analyse, cette approche très générique de l’utilisateur dans le triptyque du contrôle capacitant pose problème pour différentes raisons que nous énonçons ci-après.

Une sous-caractérisation du MU qui interpelle

S’il est patent que le manager est généralement sous-caractérisé, à des degrés variables, dans les travaux de recherche de référence, cette imprécision interpelle. Alors que le MU est constamment présent en filigrane dans les travaux de recherche en contrôle capacitant, il s’agit en effet d’une sous-caractérisation que l’on peut qualifier de large dans la mesure où elle apparaît tant dans la dimension démographique des individus que dans leurs modalités de travail et d’usage des instruments. Or, de telles données caractérisant les individus à capaciter sont déterminantes. À titre d’exemple, si au niveau du sommet stratégique, de la ligne hiérarchique, voire de la technostructure, on souhaite mettre à disposition des employés une nouvelle application de fixation des objectifs, une technique de gestion des stocks de type kanban ou un forum de bonnes et de mauvaises pratiques, il faudra adapter, pour favoriser le couple utilisateur- technologie, les instruments de gestion à différentes variables telles que l’âge, le niveau de formation, l’expérience acquise, les contraintes temporelles, les relations de travail entre les individus parties de l’utilisation des technologies en sorte de les calibrer et d’estimer le degré de formalisation requis. L’enjeu sera le risque d’échec et d’« incapacitation » : quel mécanisme de « capacitation » serait envisageable avec des dispositifs de gestion requérant des compétences au-delà des possibilités des utilisateurs ? L’approche capacitante peut alors apparaître comme paradoxalement incapacitante si on ramène l’utilisateur à l’objectif (purpose-based) et si l’on ne s’intéresse pas à cet utilisateur, à ce qu’il fait et à ce qu’il est, dans une optique user-

vers l’utilisateur puisque celui-ci constitue l’unité d’analyse retenue dans les travaux empiriques :

« En cherchant positivement à s’appuyer sur les utilisateurs, une approche capacitante du contrôle est moins susceptible d'engendrer les types de profils de résistance aux approches plus coercitives du contrôle, améliorant ainsi la réussite perçue du système » (Chapman et Kihn, 2009, p. 156)129.

Si bien que :

« Si cette hypothèse est validée, nous pouvons supposer que l’approche capacitante repose sur une forte explicitation de l'état de cet utilisateur, à savoir qui il est […]. De ce point de vue, le principal facteur de contingence de l’approche capacitante est l’utilisateur » (Benoit et De Geuser, 2014, p. 7)130.

Cependant, nombre de travaux évoquent un projet capacitant qui se construit sans réelle prise en compte des utilisateurs qui sont insuffisamment identifiés et a tendance à se focaliser sur les instruments (voir supra tableau II.11.). A contrario, un éclairage notable apparaît dans une étude à dominante quantitative conduite par questionnaires auprès des directeurs généraux des 218 centres hospitaliers espagnols qui mobilise le contrôle capacitant en tant que modèle d’analyse secondaire pour comprendre l’utilisation des SMG dans la mise en place des stratégies (Naranjo-Gil et Hartmann, 2006, p. 22). Les auteurs entendent ainsi montrer le lien endogène entre les caractéristiques de ces top managers et le SMG.

Par exemple, il a été montré que des caractéristiques, telles l’âge et la formation académique des managers, affectent leurs choix en matière de stratégie (Hitt et Tyler, 1991, p. 332-333). Naranjo-Gil et Hartmann, qui s’inspirent de travaux conduits dans un réseau d’hôpitaux publics d’anciens combattants américains, ont également trouvé que les managers avec un profil administratif sont davantage enclins à recourir à l’innovation en matière de SMG que ceux ayant un profil opérationnel, tels des médecins, dans la mesure où les premiers perçoivent mieux les avantages qu’ils peuvent retirer des innovations administratives (Young et al., 2001). Ainsi, une formation

129 « By positively seeking to work with users, an enabling approach to control is less likely to engender

the kinds of patterns of resistance to more coercive approaches to control, thus enhancing perceived system success » (Chapman et Kihn, 2009, p. 156).

médicale prédisposerait des « managers professionnels » à s’intéresser davantage à l’amélioration des soins des patients qu’à l’amélioration de la performance financière ou de l’architecture organisationnelle, à l’inverse de leurs collègues « managers administratifs », tout en observant qu’une telle situation qui caractérise des médecins britanniques peut être opposée à ce que l’on a rencontré en étudiant des professionnels de santé finlandais (Harrison et Pollitt, 1994 ; Kurunmäki, 2004, p. 340). Naranjo-Gil et Hartmann prennent ainsi en compte les années de formation académique et d'expérience fonctionnelle des managers à profil professionnel (médical) et à profil administratif,