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Partie 2 Matériel et méthodes Matériel et méthodes

2. Caractérisation des éclats

2. 1. Détermination des éclats de taille de biface

Si pour une série (Chez-Pinaud), une partie du matériel avait été triée en isolant les éclats de taille de biface, il a fallu pour l’autre partie de cette série et celle de Fonseigner, les distinguer des autres éclats. Pour cela, nous avons utilisé plusieurs critères, à la fois issus de références bibliographiques (Newcomer 1971, Wenban-Smith 1989, Pelegrin 2000, Soriano 2000, Soressi 2002, Faivre 2003) et d’observations personnelles à partir de séries expérimentales spécialement taillées par S. Maury :

- relatifs à la morphologie de la partie proximale (Figure 36), du fait de l’utilisation de la percussion directe au percuteur tendre organique ou dur/tendre minéral : bulbe peu proéminent, talons d’épaisseur réduite et longs, absence de débordement sub-circulaire sur le talon, absence de cône incipient sur la face d’éclatement la plupart du temps, angle d’éclatement souvent fermé, ayant pour conséquence le développement d’une lèvre assez proéminente sous le talon et angle de chasse pouvant porter les stigmates d’une abrasion volontaire (Figure 36 b.). Parfois le coup est accidentellement porté trop à l’intérieur du bord, l’éclat emporte une grande partie de celui-ci, et présente un talon très large : on les appelle lip flakes (Figure 36 f.).

- relatifs à la morphologie de l’éclat en général, notamment celle de la face supérieure : faible épaisseur, surface de l’éclat importante par rapport à son épaisseur, profil convexe s’accentuant en partie distale, négatifs d’enlèvements opposés en partie distale, forme en éventail.

De la même manière, les éclats issus d’une production par débitage au percuteur dur ont été déterminés sur la base de critères liés à la morphologie générale de l’éclat (épaisseur, orientation des négatifs) et de leur partie proximale (bulbe marqué, talon épais, angle d’éclatement ouvert, point d’impact visible par fissuration sub-circulaire ou initiation du cône de percussion sur le talon, rides fines et serrées au départ du cône de percussion).

Les éclats dont la détermination était plus complexe, en raison de la combinaison des caractères ou l’absence de la partie proximale, ont été soumis à des observations croisées menées de manière indépendante par d’autres chercheurs (A. Delagnes et S.-J. Park) : les éclats ont alors été classés dans une des deux catégories (débitage vs façonnage) seulement lorsque les trois observateurs donnaient la même interprétation, sinon, ils rejoignaient celle des « indéterminables ».

2. 2. Distinction des éclats entre les différentes phases de façonnage sensu largo

Il nous a semblé intéressant de distinguer les étapes de fabrication des bifaces auxquelles se rapportaient les éclats de taille, afin d’une part de connaître quelles étapes avaient été pratiquées sur le site et afin de mieux caractériser les éclats de taille utilisés, pour mettre en évidence une éventuelle sélection.

Nous avons considéré trois étapes qui pouvaient être distinguées dans la fabrication des pièces bifaciales (Newcomer 1971) :

- deux relatives à la phase de production ou ébauchage : la mise en forme générale (décorticage, préparation du plan de frappe pour le façonnage) et le façonnage sensu stricto (ou mise à façon, permettant de mettre en place de la structure volumétrique),

- une relative à la phase de confection ou finition ou mise en fonction : retouche d’affûtage et d’aménagement, ravivage et éventuellement dénaturation.

Plusieurs critères de différenciation ont été utilisés, sur la base de données bibliographiques (Newcomer 1971) et de nos observations personnelles expérimentales, sachant que c’est la combinaison de ces derniers qui est importante : la taille, l’épaisseur, la présence de cortex, l’organisation et la morphologie des négatifs sur la face supérieure (Figure 37). La première étape de mise en forme se caractérise de manière générale par de grands éclats (relativement à la taille du support façonnés), assez épais, souvent corticaux, parfois outrepassés, les négatifs sur la face supérieure étant peu nombreux et les arêtes saillantes. Les éclats relatifs à la seconde étape sont eux aussi assez grands, fins, moins souvent corticaux, les négatifs étant souvent peu nombreux mais dans le même plan, donc les arêtes sont peu marquées. Enfin, la phase de confection produit des éclats de petite taille, fins, rarement corticaux, avec des négatifs proximaux rappelant le bord retouché du biface. Les éclats de ravivage peuvent même présenter de nombreux enlèvements proximaux superposés et un angle de chasse très fermé caractéristique du bord fonctionnel du biface.

Il faut bien sûr garder à l’esprit qu’il existe une continuité entre ces étapes et donc une continuité morphologique, en particulier entre la fin de la phase de mise en forme et le début du façonnage et

celui-ci et le début de l’affûtage (Brenet et Claud 2008). De plus, il est possible que l’importance relative de ces phases soit mal évaluée en raison des difficultés de reconnaissance de certains éclats de taille de biface qui ont probablement été considérés comme « indéterminables ». C’est très certainement le cas des éclats relatifs à la première étape, pour lesquels une expérimentation récente (Brenet et Claud 2008) a révélé que seuls 6 éclats sur 43 pourraient, hors contexte, être identifiés comme tels. En effet, il est possible que la technique de percussion directe au percuteur dur lorsqu’elle a été employée à cette étape (difficilement démontrable car les négatifs sur les bifaces sont recouverts par les étapes suivantes de fabrication et car ces éclats sont justement difficilement reconnaissables), ait entraîné des morphologies d’éclats indéterminables.

La longueur, largeur, épaisseur et convexité des éclats de taille de biface ont été mesurées, selon des modalités exposées dans le chapitre V.

Les talons ont été mesurés et décrits selon les différents types proposés par Inizan et al. (1995, Figure 38), afin de rechercher un éventuel lien entre leurs caractéristiques et l’utilisation éventuelle des éclats.

Figure 36. Photographies de parties proximales d’éclats de taille de biface expérimentaux. a. à c. vues de face depuis la face inférieure, d. à f. vues de profil depuis le bord gauche. a., d., e. et f. percussion directe au bois de renne, b. au bois

végétal, c. au grès, f. lip flake.

Figure 38. Types de talons. 1. cortical, 2. lisse, 3. dièdre, 4. facetté, 5. en « chapeau de gendarme », 6. en aile d’oiseau, 7.

IV.A

PPROCHE MORPHOLOGIQUE ET TECHNO

-

FONCTIONNELLE

:

CARACTERISATION DES ZONES ACTIVES OU PREHENSIVES

En parallèle de l’étude des modes de production et de confection des bifaces, il était indispensable de caractériser l’outil, c’est-à-dire les zones pouvant avoir un rôle fonctionnel soit actif (pour transformer la matière), soit passif, ou préhensif (pour la prise en main ou l’emmanchement). Les démarches suivantes ont également été appliquées aux outils retouchés non bifaciaux étudiés ainsi qu’aux éclats de taille de biface, même bruts.

Pour identifier ces zones ou contacts, nous avons suivi la théorie artisanale de l’outil de Lepot ou « démarche du tranchant d’abord » (Lepot 1993) (cf. partie Cadre de l’étude), et la notion d’unités techno-fonctionnelles (Boëda 2001). Nous avons recherché sur chaque pièce la présence d’UTF CP/CR (contact préhensif et/ou réceptif) et d’UTF CT (contact transformatif), ce dernier étant un dièdre de coupe caractérisé par : un tranchant utilisable, impliquant une matière aux propriétés coupantes et la présence d’un fil coupant vif à l’intersection de deux surfaces aux caractéristiques techniques homogènes, entre lesquelles on observe la translation d’un plan de section régulier (Lepot 1993). Une limite de cette approche « du tranchant d’abord », nous en avons conscience, est qu’elle résume les parties potentiellement actives aux zones coupantes, sans considérer d’autres parties comme les surfaces, ayant pu servir par exemple à frotter une matière (cf. racloirs de type Quina de Combe-Grenal utilisés pour racler de l’ocre avec les arêtes constituées par la retouche, Beyries et Walter 1996) ou encore à percuter une matière, non pas pour la trancher mais pour provoquer une fracturation (percuteurs).

Pour les bifaces, notamment ceux du site de Chez-Pinaud, assez nombreux, nous avons d’abord utilisé une démarche intuitive (Soriano 2000) visant à constituer des groupes morphologiques (l’équivalent des « groupes fonctionnels » de Soriano, cf. partie 1) avant l’analyse détaillée des UTF, sur la base de caractères relevant de la morphologie, localisation et disposition relative des bords retouchés : par exemple, bifaces à bords latéraux convergents, bifaces à tranchant distal transversal, bifaces encochés, bifaces denticulés, bifaces à dos10… La notion de symétrie entre les deux bords latéraux (longueur du bord coupant, caractéristiques de la retouche, délinéation en profil…) est également intervenue à ce stade, notamment pour décrire différents groupes de bifaces à bords convergents. Ensuite, les différents groupes morphologiques ont été soumis à l’analyse techno-fonctionnelle par la recherche et la description des UTF.

Les UTF ont été localisées sur les schémas diacritiques par un trait continu gris. Dans la base de données, la localisation des UTF utilise un code proposé par Soriano (2000) pour dénommer les différents secteurs (Figure 39).

Plusieurs points de la morphologie des UTF ont été décrits :

- les morphologies en plan, profil et section (Figure 40, Figure 41, Figure 42) : au sujet de la section, nous nous sommes attachés à décrire la morphologie de l’UTF au niveau des premiers millimètres du fil du tranchant, entre la « surface d’affûtage » (sur la face retouchée en dernier) et le « plan de base » (à l’opposé), à l’intersection desquelles se trouve le fil coupant, pour reprendre les termes utilisés par Soriano (2000) (Figure 43). Le plan de base peut être constitué par une portion de la surface initiale du support, une « surface de pré-affûtage » ou encore par une précédente « surface d’affûtage ». La morphologie du bord plus en arrière, c’est-à-dire relative aux surfaces le composant (surface initiale du support ou de pré-affûtage) peut intervenir sur les possibilités fonctionnelles de l’UTF, notamment déterminer si l’outil peut ou non réaliser une coupe en profondeur (Albrecht et Müller-Beck 1988, Soressi 2002). Nous aurions pu décrire ainsi chaque surface sur les deux faces de part et d’autre du fil, mais la manipulation de l’ensemble des données nous a semblé lourde. Nous avons donc décidé de noter sous forme de remarques les éléments se rapportant aux surfaces en arrière du tranchant et dont la morphologie se situe en rupture avec celle du tranchant sur les premiers millimètres, modifiant les caractéristiques fonctionnelles de l’UTF. Il s’agit par exemple du cas où l’accumulation de rebroussés en arrière du tranchant crée une morphologie convexe de la surface de pré-affûtage ainsi qu’un angle de bord plus ouvert (cf. ci-dessous).

Les informations sur la morphologie en profil et en section ne sont pas indiquées sur le schéma, pour ne pas le surcharger.

Figure 39. Codes utilisés pour localiser les unités techno-fonctionnelles, sur les bifaces et les autres pièces (orientées alors selon l’axe de débitage, Soriano 2000).

Figure 40. Morphologies en plan des UTF, au niveau du trait plus épais. 1. rectiligne, 2. convexe, 3. concave, 4. denticulé, 5.

irrégulière, 6. pointue, 7. ogivale, 8. à angle droit.

Figure 41. Morphologies en profil des UTF. 1. rectiligne, 2. convexe, 3. concave, 4. irrégulière (van Gijn 1989b).

Figure 42. Morphologies en section des UTF. 1.

biplane, 2. plano-convexe, 3. plano-concave, 4. biconvexe, 5. biconcave, 6. concavo-convexe (van Gijn 1989b, modifié).

Figure 43. Types de surfaces et mesure des angles caractérisant le dièdre de coupe sur une pièce bifaciale vue en section transversale (d’après la terminologie de Soriano 2000).

- l’angle de coupant ou d’affûtage (Soriano 2000) ou edge angle (Tringham et al. 1974, Odell 1979): c’est l’angle de l’outil au niveau du fil, en contact direct avec la matière à transformer dans le cas d’une UTF CT, à l’intersection entre la « surface d’affûtage » et le « plan de base » (Figure 43). Nous l’avons mesuré à quatre millimètres du fil à l’aide d’un pied à coulisse (cf. chapitre V). Nous avons considéré qu’un angle de moins de 40° était fermé, un angle compris entre 40° et 60° moyen et un angle supérieur à 60° ouvert. Plusieurs mesures ont été effectuées le long de l’UTF (entre 3 et 10, selon la longueur), et leur moyenne a été enregistrée dans la base de données. Les valeurs d’angle de coupant sont indiquées sur le schéma diacritique : quand elles sont homogènes, la moyenne est indiquée ; quand elles sont hétérogènes et croissantes le long de l’UTF (de la base vers la pointe d’un biface par exemple), plusieurs valeurs tout le long de la zone sont indiquées, tandis que quand elles sont hétérogènes et qu’elles varient de manière non croissante sur l’UTF (par exemple une zone denticulée, avec des angles différents à l’intérieur des encoches et à leur intersection), alors c’est un intervalle qui est donné (par exemple 45-60°).

L’angle de bord ou de pré-affûtage (Soriano 2000) ou spine-plane angle (Tringham et al. 1974, Odell 1979) (Figure 43), déterminé par les surfaces en arrière du tranchant, est créé par l’intersection « virtuelle » entre la « surface initiale ou de pré-affûtage » et le « plan de base » : il a également été mesuré, avec la même technique, mais à dix millimètres du fil.

- les caractéristiques des retouches, quand elles sont présentes : morphologie, position, inclinaison, étendue et répartition (Figure 44 à Figure 48).

- la longueur de l’UTF.

Les mêmes critères ont été utilisés pour décrire les zones actives mises en évidence par l’étude fonctionnelle, que nous appellerons parfois zones actives « effectives » (vs « potentielles »), notamment les tranchants bruts non considérés comme UTF.

Figure 44. Morphologie des enlèvements de retouche. 1. écailleuse, 2. scalariforme, 3. parallèle,

Figure 45. Position des enlèvements de retouche. 1. directe, 2. inverse, 3. alterne, 4. alternante, 5. biface, 6. croisée (Inizan et

al. 1995, modifié).

Figure 46. Inclinaison des enlèvements de retouche. 1. abrupte, 2. abrupte croisée, 3. semi-abrupte, 4. rasante (Inizan et al.

1995, modifié).

Figure 47. Étendue des enlèvements de retouche. 1. courte, 2. longue, 3. envahissante, 4. couvrante (Inizan et al. 1995).

Figure 48. Répartition des enlèvements de retouche le long d’une UTF. 1. discontinue, 2. totale, 3. partielle (Inizan et al.

V.M

ODALITES DES MESURES