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LE CANCER ORAL

2.1. Les études in vitro

Fan et al. (1992) [120] ont montré que les catéchines n’agissent pas avec la même intensité sur différentes lignées cellulaires. Les lignées HeLa (cellules issues d’une métastase d’une patiente atteinte d’un cancer du col de l’utérus) et KB (cellules d’un carcinome oral humain)

sont par exemple plus sensibles aux catéchines que la lignée 3T3 (cellules fibroblastiques d’un embryon de souris). Fan et al. supposent que la variation de sensibilité dépend du degré de malignité des cellules cancéreuses.

Lim et al. (2006) [60] ont évalué l’effet anticancéreux de l’EGC sur le cancer oral, en utilisant les lignées cellulaires Spccy1, Tu212, Tu117 et SCC7.

La cycline D1 est un régulateur clé de la progression du cycle cellulaire de phase G1 en phase S, et ainsi de la prolifération et de la différenciation cellulaire. L’amplification du gène de la cycline provoque une instabilité génétique in vitro, mais la cancérogenèse précoce in vivo. La première lignée cellulaire n’exprime que faiblement la cycline, les deux suivantes l’expriment moyennement, alors que la cycline est majoritairement présente pour la lignée SCC7.

Les chercheurs vont donc conduire l’étude sur cette dernière lignée.

Les résultats montrent que 100 µmoles/L d’EGC diminuent de 90% l’expression de la cycline D1 de la lignée SCC7, par régulation négative du promoteur de la protéine.

D’autre part, la croissance cellulaire est fortement diminuée, notamment avec une concentration de 50 µmoles/L d’EGC, par arrêt du cycle cellulaire en phase G1.

On peut faire deux remarques :

Dans un premier temps, la catéchine majeure du thé vert, l’EGCg, ne semble pas réguler négativement la cycline D1.

Dans un deuxième temps, la biodisponibilité de l’EGC étant faible, il faudra connaître les doses efficaces in vivo.

On peut donc conclure que les résultats, malgré le manque de données précises, semblent prometteurs.

2.2. L’étude animale

Dans une étude menée en 2007, [79] l’action des polyphénols du thé noir a été évaluée dans la prévention et le traitement d’un cancer oral humain reproduit sur des hamsters syriens. On a induit des dysplasies, des hyperplasies et des papillomes par l’application locale pendant 14 jours du 7-12-diméthylbenzanthracène (DMBA) au niveau de la poche buccale des hamsters. En effet, chez l’Homme et le hamster, ce cancer oral débute par une mutation génétique,

suivie d’une prolifération excessive, une prolongation de la survie cellulaire et une dérégulation de la différenciation cellulaire, ainsi que l’échappement de la cellule aux processus d’apoptose.

Pour évaluer l’activité anticancéreuse, les chercheurs ont utilisé un ensemble de marqueurs de prolifération, d’invasion cellulaire et de néovascularisation, surexprimés par le processus de cancérisation, comme par exemple des cytokines, la GSH-transférase, le VEGF (vascular endothelial growth factor), la protéine Bcl-2 (marqueur tumoral des lymphomes folliculaires à cellules B).

Dans cette étude, on a comparé le potentiel chémoprotecteur du Polyphénon-B (P-B), un mélange de polyphénols du thé noir, à celui du BTF-35, un extrait de thé noir enrichi en théaflavines et catéchines. Les deux extraits ont été administrés séparément ou conjointement pendant 18 semaines, en commençant 4 semaines avant l’application du DMBA. La dose administrée correspond à une consommation journalière de 4 tasses de thé noir ou de 30 à 40 mg de polyphénols par kg de poids corporel.

On observe les résultats suivants : 1 des 6 animaux traités par le P-B développe un cancer, tandis que 2 des 6 hamsters auxquels le BTF-35 fut administré ne développent qu’une dysplasie modérée. Finalement, l’épithélium des 6 hamsters traités par les deux types d’extraits est intact et normal. On pourra donc conclure dans un premier temps, que le BTF-35 a la plus grande activité chémoprotectrice.

Les polyphénols vont donc diminuer les lésions prénéoplasiques et diminuer les carcinomes formés. La protéine p21, un inhibiteur des kinases cycline-dépendantes localisé au niveau du noyau cellulaire et régulant la progression du cycle cellulaire en phase G1, voit son expression augmentée lors de l’étude.

Les théaflavines du BTF-35 induisent des voies de transduction de l’apoptose, et suppriment l’expression de facteurs de transcriptions comme NF-κB (un facteur de transcription impliqué dans la réponse immunitaire et la réponse au stress cellulaire).

Ces effets apoptiques n’ont pas été observés au niveau des cellules saines non traitées par le DMBA, ce qui suggère que les polyphénols, et plus précisément l’EGCg et les théaflavines sont des chémoprotecteurs très sélectifs.

Par ailleurs, les polyphénols régulent négativement l’expression du VEGF, inhibant ainsi la néovascularisation.

Toutefois, il faudra retenir que l’action générale de BTF-35 sur le cycle cellulaire doit encore être étudiée.

2.3. Les études humaines

Ide et al. [64] ont mené en 2007 une étude japonaise prospective de cohorte, incluant sur environ 10,3 ans 20 550 hommes et 29 671 femmes âgés de 40 à 79 ans, sans antécédent de cancer oral ou oesophagien.

A la fin de l’étude, 37 cas de cancers oraux ont été rapportés. En adaptant les résultats en fonction de l’âge, du tabagisme, de la consommation alcoolique et des habitudes alimentaires, les ratios suivants concernant le développement de cancers ont été estimés : 0,51 (0,10 à 2,68) pour les femmes et 0,60 (0,17 à 2,10) pour les hommes. De plus, les femmes consommant plus d’une tasse de thé vert par jour ne présentent qu’un ratio de 0,31 (0,09 à 1,07).

On peut en conclure que le thé vert possède un faible effet préventif contre le cancer oral chez les femmes, par rapport aux hommes.

Yang et al. (1999) [113] ont déterminé les concentrations salivaires de trois catéchines sur 6 volontaires. Ils leur ont fait boire une préparation de thé vert équivalente à 2 à 3 tasses, et recueilli les échantillons de salive par la suite.

Les concentrations suivantes ont été mesurées, sachant que la demi-vie d’élimination est de 10 à 20 minutes : 11,7 à 43,9 µg/mL pour l’EGC, 4,8 à 22 µg/mL pour l’EGCg et 1,8 à 7,5 µg/mL pour l’EC. Ces concentrations sont globalement plus élevées par rapport aux taux plasmatiques. Lorsque la préparation est gardée plus longtemps dans la bouche, les concentrations augmentent encore davantage.

Dans une deuxième phase, les volontaires ont mis l’EGCg seule en contact avec la muqueuse buccale : on retrouve la présence d’EGCg et d’EGC au niveau salivaire, ainsi que l’EGC au niveau des urines. En effet, une estérase salivaire convertit localement l’EGCg en EGC. On peut donc conclure qu’une consommation lente de thé délivre des quantités intéressantes de catéchines au niveau de la cavité buccale et de l’œsophage : cette propriété est intéressante pour la prévention de ces types de cancers.