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Dans le document actes du colloque (Page 63-66)

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Alfonso Maria ROSSI BRIGANTE, président de l’Autorité indépendante italienne de contrôle des marchés de travaux publics

La récente directive communautaire 18/2004 du 31 mars 2004, relative à la

«coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de four-nitures et de services » (qui devra être transposée dans les États membres avant le 31 janvier 200), a reconnu, dans le cadre européen, l’exigence d’un contrôle sur les procédures de passation de marchés et la nécessité d’une harmonisation des systèmes juridiques des États membres en la matière, en prévoyant la faculté de désigner ou d’établir un organe indépendant qui puisse exercer ces fonctions de vigilance. [Nous parlons en Italie de vigilance et je crois que vous parlez plutôt en France de contrôle.]

En Italie, dès 1990 on avait déjà saisi la nécessité de créer un tel organisme indépendant, lorsque l’Autorité garante de la concurrence et du marché, qui avait reçu mandat de prendre les mesures nécessaires pour rendre la réglementation des marchés publics de travaux conforme aux principes de la concurrence, avait signalé, à l’occasion d’un rapport au Président du Conseil des ministres, l’opportunité de créer une institution nouvelle et indépendante avec des fonctions de contrôle des marchés de travaux publics.

Vu désormais l’urgence d’intervenir à un moment où (les années 1992-1995) la chronique dénonçait chaque jour des phénomènes de corruption graves et endémiques dans le domaine des marchés publics, le Législateur promulgua la loi-cadre 11 février 1994, n.109, qui a prévu l’institution de l’Autorité pour la vigilance sur les travaux publics.

Cette loi configure l’Autorité comme un sujet «tiers» par rapport aux opérateurs publics et privés qui entretiennent des relations dans le domaine des travaux publics, un sujet qui agit pour défendre les intérêts publics primaires, tels que la libre concurrence dans les marchés publics de travaux, la qualité de l’ouvrage, l’efficience, l’efficacité, la ponctualité, la transparence et la régularité de l’action administrative.

Bien qu’elle soit indépendante de l’organisation ministérielle et qu’elle soit, donc, en position paritaire par rapport au Gouvernement et au Parlement, l’Autorité n’agit pas dans une condition d’isolement et de séparation par rapport aux sujets institutionnels qui sont acteurs des choix politiques, mais, au contraire, elle entretient et engage des rapports de collaboration et des échanges d’informations, indispensables pour déployer à plein régime sa propre fonction de régulation dans le marché des travaux publics.

L’Autorité est reliée au Parlement, tout d’abord parce que ses membres sont désignés par les Présidents de la Chambre et du Sénat d’un commun accord. En second lieu, elle engage un dialogue institutionnel avec les Chambres, par rapport auxquelles elle se trouve dans une position auxiliaire, en présentant les analyses des phénomènes du marché des travaux publics au Parlement pour l’exercice du contrôle politique et en déférant, même indépendamment du rapport annuel, les faits relevés et dignes de considération de la part de l’organe législatif national.

Sous cet aspect, l’Autorité est un instrument important d’observation permanente (un oeil attentif) sur un marché qui a une portée stratégique évidente, un instrument toujours prêt à enregistrer tout changement et toute évolution, y compris, donc, les anomalies et les déformations possibles, ainsi qu’à fournir une représentation complète et une mise à jour de la situation réelle du marché en question.

Enfin, l’Autorité fournit une aide indispensable à l’appui des choix normatifs, en offrant au Parlement les instruments de connaissance et d’analyse (y compris l’analyse d’impact) indispensables en vue d’ éclairer les interventions législatives en la matière. L’interaction avec les Organes politiques ne se produit pas seulement à travers l’exercice du pouvoir de faire rapport au Parlement, auquel on a fait allusion jusqu’à présent, mais surtout au moyen de l’exercice du pouvoir principal de l’Autorité : le pouvoir d’édicter des actes de régulation.

À cet égard, il faut déterminer les typologies d’actes que l’Autorité peut adopter dans l’exercice des fonctions de vigilance que la loi lui a assignées, tout en les classant à l’intérieur des sources normatives qui encadrent le marché des travaux publics.

Comme chacun sans doute le sait, le pouvoir de régulation habilite à la production de règlements au sens propre, d’actes généraux d’administration et de tout genre d’acte de nature à diriger et à mettre en conformité les comportements des sujets réglementés (en l’espèce, les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises).

Bien qu’elles ne soient pas expressément prévues par la loi-cadre de 1994, ces formes d’intervention se concrétisent dans l’adoption soit d’actes de régulation proprement dits, qui décident les éléments de solution par rapport à des problèmes d’ordre général ou à des questions de principe, soit de décisions qui établissent des règles communes dans certains domaines ou par rapport à des moments particuliers de l’activité en la matière, soit encore de délibérations adoptées pour la solution de cas d’espèce concrets.

Grâce à ces trois typologies d’actes, l’Autorité intervient donc dans le domaine propre aux pratiques administratives comme dans celui de l’initiative privée, afin de pouvoir orienter les opérateurs du marché par rapport auquel elle exerce la vigilance vers des choix conformes non seulement aux normes primaires et aux règlements d’exécution mais aussi aux critères d’efficience, d’efficacité, de rationalité économique de l’action administrative et au principe de la libre concurrence. Pour simplifier, on peut donc dire que les actes de l’Autorité représentent un quatrième niveau d’intervention dans la discipline en question, là où les deux premiers niveaux sont réservés à l’activité normative primaire et secondaire, et le troisième niveau est réservé aux choix interprétatifs que l’Autorité politique accomplit, par rapport au contenu des deux précédents niveaux, au moyen d’actes officiels (circulaires, directives et d’autres actes ayant une valeur générale).

À ce sujet, l’Autorité n’oublie pas d’apporter une aide qualifiée au Gouvernement, en proposant la modification des règlements édictés par l’administration aussi bien que celle des interventions de compétence administrative. En outre, d’autres rapports fonctionnels avec les administrations qui agissent dans le domaine en question ont contribué à renforcer ce rapprochement : en particulier, l’exercice d’une fonction consultative, à caractère facultatif, préalable à l’adoption des dispositions réglementaires qui sont dans la compétence des mêmes administrations, ainsi que l’institution de groupes de travail en commun destinés à la proposition de solutions opératoires aux problèmes qui surgissent.

Dans l’intention de poursuivre les mêmes objectifs qui ont été illustrés jusqu’ici, l’Autorité a engagé un rattachement stable au système des autorités locales, en faisant recours à la souscription de protocoles.

Il est juste de rappeler ici les modifications qui ont été apportées au titre V de la Constitution italienne : la nouvelle répartition des compétences législatives et

administratives impose à l’Autorité de faire un examen attentif de la réglementation édictée par chaque Région en matière de travaux publics, de sorte que les différences ne fassent pas obstacle à l’observance des deux principes fondamentaux de notre système juridique et du système juridique européen : le principe de la concurrence, qui risque d’être mis à mal par des dispositions normatives discriminantes, et l’obligation de ne créer aucun obstacle à la libre circulation dans le territoire de la République des entreprises qui appartiennent aux autres États communautaires et, évidemment, des entreprises italiennes.

L’Autorité doit, donc, garantir au moyen de ses propres fonctions une forme particulière de « protection de la concurrence » dans les marchés de travaux publics.

La matière de la protection de la concurrence, d’ailleurs, est dans la liste du nouvel article 117 de la Constitution, parmi les matières qui sont remises au pouvoir de législation exclusif de l’État, puisqu’elle tend à protéger des intérêts non divisibles sur le territoire et qu’elle présente, donc, des aspects d’autonomies qui touchent de façon transversale plusieurs matières.

Les principes constitutionnels et communautaires, dont l’Autorité doit garantir le respect, constituent, du reste, les limites principales au pouvoir de législation exclusif des régions dans la matière des marchés de travaux publics, aux termes de l’article 117, alinéa 1, de la Constitution. La vigilance de l’Autorité sur le respect de ces principes acquiert, donc, une importance nouvelle et fondamentale en fonction de telles limites.

Pour la protection du principe de la libre concurrence, sans doute l’un des principes fondamentaux de l’Union européenne, l’Autorité agit en accord et en collaboration avec la Commission européenne, en signalant les phénomènes nationaux d’altération par rapport au droit communautaire et en assurant l’accomplissement réel et uniforme des règles de l’Union européenne dans le système juridique italien.

Un autre aspect particulier de l’expérience italienne de l’Autorité indépendante de vigilance sur les marchés de travaux publics, qui peut ici intéresser, concerne les actions destinées à poursuivre le critère du meilleur choix économique ou de l’offre économiquement la plus avantageuse. De telles actions n’interviennent pas exclusivement au moment où les pouvoirs adjudicateurs choisissent au préalable commentcontrôlerlefficiencedeschoixetmodesoPératoiresdesmarchésdetravauxPuBlics ?

les procédures de passation, mais elles s’appliquent de même aux phases suivantes, afin de pouvoir vérifier les délais, les coûts et la qualité des ouvrages.

Dans la phase initiale de la procédure pour l’attribution des marchés publics de travaux, phase qui est disciplinée par des règles à caractère public, la fonction de vigilance s’adresse, donc, surtout aux pouvoirs adjudicateurs et produit, à l’égard du destinataire, des effets stimulants avec des possibles procédures de reconsidération administrative et d’auto protection.

A la suite de l’intervention de l’Autorité dans les procédures de passations en particulier, une procédure du second degré est engagée qui aboutit à une mesure motivée de confirmation, de réformation, d’auto annulation ou de révocation de l’adjudication.

Le même pouvoir de vigilance s’exerce dans les phases relatives à l’exécution du marché et peut donner lieu à des interventions de l’Autorité non seulement pour établir les causes et les comportements qui entraînent des déséquilibres économiques et qui peuvent amener à la formulation de règles générales, mais aussi pour convenir des correctifs correspondants, dans certains cas d’espèce concrets, ou encore pour effectuer des inspections afin de constater un éventuel dommage domanial. En particulier, le pouvoir de vigilance sur l’observance de la discipline législative et réglementaire en la matière consiste en une constatation de conformité du comportement des sujets qui agissent dans le secteur en question aux dispositions de loi, tout en dirigeant l’activité correspondante vers des objectifs d’intérêt public. On sait, d’ailleurs, qu’il s’agit d’un acte de constatation chaque fois que l’on est en présence d’une déclaration d’expert destinée à supprimer une situation d’incertitude objective relative à un cas d’espèce juridique.

Il est, pourtant, clair que le pouvoir de vigilance de l’Autorité donne lieu à une multiplicité d’actes parmi lesquels figurent sans doute, outre les actes de régulation interprétative, les auditions dans les différents cas d’espèce, auditions qui ont donc une valeur d’actes de référence et qui sont destinés à rappeler aux sujets responsables l’interprétation correcte des dispositions de loi qui encadrent le marché en question. Il s’ensuit que les mesures adoptées par l’Autorité dans l’exercice du pouvoir de vigilance se présentent à l’extérieur non pas comme déclaration d’illégitimité des dispositions adoptées, mais plutôt comme invitation à reconsidérer l’opportunité de leur adoption.

Malgré toutes les significatives et importantes fonctions qui lui sont attribuées par la loi, l’Autorité ne possède pas un pouvoir d’ingérence sur chaque procédure de passation en particulier, elle ne peut intenter un contrôle juridictionnel à travers la contestation autonome des actes d’attribution des marchés retenus illégitimes, elle n’a pas non plus le pouvoir de régler une contestation par voie extrajudiciaire, en indiquant la règle qu’il faut suivre dans le cas d’espèce.

De plus, en corrélation fonctionnelle avec ses propres activités institutionnelles, l’Autorité a des pouvoirs d’instruction assez incisifs, qui peuvent être activés d’office ou sur la signalisation de quiconque avec un intérêt. De tels pouvoirs d’instruction sont soutenus par des pouvoirs de sanction qui répriment la violation d’un devoir serré d’information vers l’Autorité à la charge de tous les opérateurs du secteur.

Toutefois, ces pouvoirs d’instruction si intenses, qui sont d’ailleurs soutenus par des sanctions significatives du point de vue de leur efficience et efficacité, ne répondent point à des pouvoirs capables d’avoir une incidence sur les procédures de passation des travaux publics ou sur les phases d’exécution des contrats correspondants. En effet, le pouvoir de sanction de l’Autorité est destiné uniquement à sanctionner des comportements défaillants par rapport au devoir d’information évoqué ci-dessus.

Afin de dépasser ces limites et de fournir à l’Autorité pour la vigilance sur les travaux publics des instruments proportionnés et efficaces pour la poursuite de ses fonctions propres, l’intervention d’initiatives législatives qui puissent lui reconnaître des pouvoirs coercitifs à l’égard des opérateurs du secteur et qui puissent la rendre en mesure d’influencer directement le marché est souhaitable.

À ce propos, il est intéressant de souligner que la Commission européenne, lors de la Communication du 7 mai 2003, a appuyé l’intention de proposer aux États membres, dans le cadre de révision de la directive sur les procédures de contestation dans le domaine des marchés publics, l’attribution à une autorité de vigilance nationale du pouvoir de recourir de façon autonome aux voies juridictionnelles ; une telle autorité non seulement doit pouvoir être indépendante par rapport aux pouvoirs adjudicateurs, mais encore elle doit pouvoir sanctionner de façon efficace les phénomènes de non exécution graves.

D’un autre côté, conformément à la directive n.18/2004, il est enfin naturel que les fonctions de l’Autorité augmentent jusqu’à comprendre la vigilance et le contrôle sur les marchés publics de services et de fournitures.

Dans le document actes du colloque (Page 63-66)