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2.5 Bruit de fond du laboratoire souterrain de Modane

2.5.4 Blindage passif du cryostat EDELWEISS II

A la surface de la Terre le nombre de muons cosmiques est de 1.3 cm−2.min−1. Ces particules sont `a 75% constitu´ees de muons cosmiques qui peuvent tra-verser de grandes ´epaisseurs de mati`ere sans ˆetre absorb´ees et en d´eposant continument leur ´energie le long de leur trajectoire. Elles peuvent causer une impulsion dans les d´etecteurs mais sont surtout susceptibles d’induire par collision in´elastique des neutrons `a proximit´e des d´etecteurs.

Le Laboratoire Souterrain de Modane est situ´e sous le Mont Fr´ejus qui constitue un bouclier naturel contre les muons cosmiques ´equivalant `a une hauteur d’eau de 4800 m. Le taux de muons est donc r´eduit `a 4.2 jour−1.m−2. Cette r´eduction d’un facteur 2 millions n’est pourtant pas suffisante, c’est pourquoi l’installation de Modane est ´equip´ee d’un veto-muon pour identi-fier les ´ev`enements neutron induits par des muons (discut´e plus loin). Une mesure du bruit de fond de neutron au laboratoire souterrain de Modane a donn´e un flux de 1.6.10−6 neutron.m−2.sec−1 (entre 2 et 6 MeV qui sont donc les neutrons qui sont susceptibles de donner des reculs nucl´eaires dans le d´etecteur entre 30 et 100 keV) [66].

Ce fond r´esiduel (qui ne peut pas ˆetre ´elimin´e par le veto-muon) est susceptible de cr´eer 1 evt.kg−1.jour−1 dans les d´etecteurs avec une ´energie de recul au dessus de 30 keV. Il est donc indispensable de blinder les d´etecteurs avec un bouclier de paraffine qui permet de diminuer le flux de neutrons susceptibles de causer un recul nucl´eaire d´etectable par nos d´etecteurs (cf figure 2.17).

La paraffine (tout comme le poly´ethyl`ene) ´etant une substance `a forte teneur en hydrog`ene, elle permet de ralentir efficacement les neutrons. Lors de l’exp´erience EDELWEISS I un ´ev`enement `a bas rendement d’ionisation a eu lieu en co¨ıncidence dans 2 d´etecteurs ce qui est clairement la signature d’un ´ev`enement neutron. Ceci a r´ev´el´e que l’´epaisseur de paraffine ´etait trop faible (30 cm ce qui correspond `a une diminution d’un facteur 100 du bruit de fond neutron). Le blindage a donc ´et´e remplac´ee par 50 cm de poly´ethyl`ene dans l’exp´erience EDELWEISS II, ce qui permet de r´eduire le fond de neutrons provenant de l’ext´erieur d’un facteur mille. L’installation du point de vue de ce bruit de fond est donc valable pour une sensibilit´e inf´erieure `a 10−8 pb (<0.001 evt.kg−1.jour−1). Mais il est n´ecessaire de compl´eter l’installation avec un veto-muon afin de diminuer la contribution des neutrons induits par

les muons `a l’int´erieur du blindage de poly´ethyl`ene. Il reste cependant une inconnue li´ee `a la puret´e du plomb `a distance rapproch´ee des d´etecteurs dont on ne connaˆıt pas exactement la concentration en uranium et thorium.

Pour r´eduire le bruit de fond caus´e par les photons γ, `a l’int´erieur du blindage de paraffine est install´e un blindage de plomb de 20 cm d’´epaisseur qui arrˆete efficacement les γ `a cause de son Z ´elev´e. Il est cependant lui-mˆeme ´emetteur de rayons X `a cause d’impuret´es (U,Th). Plus `a l’int´erieur une couche de plomb arch´eologique de 3 cm est d´epos´ee pour limiter les photons ´emis par le plomb 210. Le spectre en ´energie d’ionisation est pr´esent´e figure 2.16 pour les exp´eriences EDELWEISS I et II. On voit une r´eduction du bruit de fond γ lors du passage de l’exp´erience EDELWEISS I `a l’exp´erience EDELWEISS II d’un facteur environ 4. Le bruit de fond dˆu aux photons γ et X en dessous de 200 keV est de l’ordre de 100 evts.kg−1.jour−1 (dans le volume fiduciel).

Fig.2.16 – Spectre d’ionisation du bruit de fond pour les exp´eriences EDEL-WEISS I et II. On note que le bruit de fond de l’exp´erience EDELEDEL-WEISS II est inf´erieur au bruit de fond de l’exp´erience EDELWEISS I d’un facteur environ 4.

Remarque : Lorsque le plomb est extrait des mines il est contamin´e par les ´el´ements radioactifs naturels tels que l’uranium et le thorium qui en se d´esint´egrant vont donner entre autre du plomb 210 dont la p´eriode est de 22 ans. On peut s´eparer le plomb de l’uranium et du thorium par des

´ecr´emages successifs, par contre le plomb 210 restera. L’avantage du plomb dit ’arch´eologique’ est d’avoir ´et´e extrait des mines il y a plusieurs si`ecles et donc s´epar´e des ´el´ements radioactifs qui alimentent le plomb en plomb 210. Pendant ce temps le plomb 210 a eu le temps de d´ecroˆıtre. Le plomb arch´eologique utilis´e dans l’exp´erience a ´et´e trouv´e sur une ´epave antique proche de Ploumanach.

A l’int´erieur du blindage de plomb, on trouve les diff´erents ´ecrans de cuivre qui constituent le cryostat.

Tout le blindage est plac´e sur des rails et peut se scinder en deux pour que l’on puisse acc´eder au cryostat. Le cryostat est constitu´e de mat´eriaux `a faible radioactivit´e (du cuivre pour l’essentiel) et finalement les d´etecteurs sont plac´es dans une enceinte de cuivre individuelle. Une dalle de plomb arch´eologique est plac´ee sous les d´etecteurs pour limiter la contamination ra-dioactive provenant des dispositifs situ´es au dessous des d´etecteurs (´electronique, soudures...). L’ensemble du dispositif est sch´ematis´e sur la figure 2.17.

Comme on l’a dit pr´ec´edemment, le radon est un gaz rare qui est `a l’ori-gine de la contamination de l’environnement proche des d´etecteurs par le

210Pb. L’installation EDELWEISS II est plac´ee dans une salle blanche sous flux d’air ”d´eradonis´e”. La contamination du flux de radon est suivie en per-manence par un d´etecteur. Le taux typique de d´esint´egration radon hors de la salle blanche est de 10 Bq.m−3. Pour l’air d´eradonis´e qui circule autour du cryostat, il est plutˆot de 0.01 Bq.m−3. Pour la mˆeme raison, de grandes pr´ecautions ont ´et´e prises lors de la fabrication des d´etecteurs qui ont eux-mˆemes ´et´e attaqu´es chimiquement avant d´epˆot des ´electrodes et conserv´es pendant le transport sous atmosph`ere d’azote. Les capots de cuivre les plus proches du d´etecteur ont subi le mˆeme traitement.

On a vu pr´ec´edemment que le taux d’´electrons de basse ´energie ´etait de 5 evt.kg−1.jour−1 pour l’exp´erience EDELWEISS I (le taux d’´ev`enements α est ´egalement de 5 evt.kg−1.jour−1).

L’exp´erience EDELWEISS II a ´et´e am´elior´ee par rapport `a EDELWEISS I du point de vue de la radiopuret´e (cf figure 2.18). Chaque mat´eriau plac´e `a proximit´e des d´etecteurs est contrˆol´e grˆace `a un d´etecteur germanium d´edi´e `a cet usage (au laboratoire souterrain de Modane). Le bruit de fond α et β de basse ´energie a ´et´e diminu´e `a 2 evt.kg−1.jour−1. Mais ceci ne permet pas d’am´eliorer la sensibilit´e de l’exp´erience de plus d’un facteur 3. Pour fixer les ordres de grandeur, atteindre le domaine des 10−8 pb de section efficace WIMP-proton (le but de l’exp´erience EDELWEISS II) n´ecessite de cumuler une statistique de l’ordre de 1000 kg.jour sans ´ev`enement de bruit de fond dans la bande de recul nucl´eaire. Au cours d’une telle exposition, un bo-lom`etre recevra donc environ 2000 ´ev`enements β. Un bobo-lom`etre sans rejet des ´ev`enements de surface dans ces conditions donnera lieu `a 2000*0.02=40

Fig. 2.17 – Vue sch´ematique du dispositif EDELWEISS II. On distingue le blindage de paraffine en gris, le blindage de plomb en orange `a l’int´erieur du blindage de paraffine et le cryostat en gris clair. Le syst`eme de veto-muon est en marron. L’´etage sup´erieur de cette installation est plac´e dans une salle blanche. L’´etage inf´erieur est d´edi´e `a la cryog´enie et `a une partie de l’´electronique.

Fig. 2.18 – Comparaison du rendement d’ionisation en fonction de l’´energie de recul pour des exp´eriences de fond dans l’exp´erience EDELWEISS I et EDELWEISS II (avec une exposition de 23 kg.jour pour EDELWEISS I et de 105 kg.jour pour EDELWEISS II). On remarque une nette diminution du taux d’´ev`enements β `a bas rendement d’ionisation qui est due au soin apport´e `a la radiopuret´e de l’environnement proche des d´etecteurs dans l’exp´erience EDELWEISS II.

´ev`enements dans la bande de recul nucl´eaire (au dessus de 30 keV en ´energie de recul). Ceci implique la n´ecessit´e de travailler avec des d´etecteurs `a loca-lisation d’´ev`enements de surface.