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Bassin supérieur et delta intérieur du Niger

Le bassin supérieur du fleuve Niger est constitué de quatre branches-mères d’importance comparable : le Niger proprement dit ou Djoliba (Bassin Versant [B.V.] de 18600 km²), le Niandian (BV de 12700 km²), le Milo ( B.V. de 13 500 km²) et le Tinkisso (B.V de 19800 km²). Les trois premiers bassins sont les plus arrosés et reçoivent en tête de bassin parfois plus de 2000 mm/an ; ils sont aussi les plus pentus et présentent les débits spécifiques les plus abondants : 563 mm sur le Milo, 531 mm sur le Niandan et 442 mm sur le Niger à Kouroussa, alors que pour le Tinkisso à Ouaran (18760 km²), plus au nord, la lame écoulée tombe à 244 mm. (J.A.Rodier, 1964., Bamba et al.,1996a, Sangaré S., 2001)

Les valeurs citées sont calculées sur la période 1950-2000 et intègrent années humides et période sèche récente.

A Siguiri (station de Tiguibery), à quelques dizaines de kilomètres de la frontière du Mali, le bassin a une superficie de 67 600 km² et un module interannuel de 948 m3s-1, soit une lame écoulée de 438 mm. Sur la même période la pluie reçue par le bassin est de 1520 mm/an ; le déficit d’écoulement est de 1082 mm, valeur qui peut être assimilée à la seule évapotranspiration réelle .

Le tableau ci-après donne la répartition mensuelle des écoulements en débits. Le régime climatique tropical de transition, dit Guinéen ici, explique les débits bien soutenus observés de juin à janvier, avec plusieurs pointes de crue, le maximum de la crue centré sur septembre et une saison de basses eaux qui ne dure que quatre mois avec étiage en avril.

On a relevé des crues maximales jusqu’à 1500 m3s-1sur le Tinkisso à Ouaran, jusqu’à 1000 m3s-1sur le Milo à Kankan, jusqu’à 1500 m3s-1 (et même 1960 m3s-1en 1962) sur le Niandan à Baro ; les maximums de crues surviennent le plus souvent dans la seconde quinzaine de septembre et sont pratiquement en phase quand la crue annuelle arrive à Siguiri où le

Synthèse des connaissances hydrologiques et potentiel en ressources en eau du fleuve Niger Juin 2002

La station de Banankoro contrôle les entrées du Niger au Mali, le régime est à peu près le même que celui de Siguiri. Plus en aval, le Niger reçoit le Sankarani, dont les eaux proviennent pour l’essentiel de Guinée (les 2/3 du bassin sont guinéens) ; le bassin fait 35500 km² au confluent et le Sankarani est contrôlé à la station de Sélingué (34200 km²).

Tableau 3.1 : Débits moyens mensuels des trois branches majeures sud du fleuve Niger et à sa sortie de Guinée en m3s-1

Après reconstitution des débits naturels de Sélingué pour la période la plus récente (avec

barrage), on a un module moyen interannuel de 345 m3s-1, soit 318 mm de lame écoulée pour une hauteur de précipitations interannuelle de 1370 mm, soit un déficit d’écoulement 1052 mm. Avant la sécheresse des dernières décennies et la mise en service du barrage, les étiages variaient entre 10 et 25 m3s-1. Les maximums les plus forts ont atteint 2143 et 2054 m3s

-1respectivement en 1969 et 1979.

La première station hydrométrique du fleuve Niger a été installée à Koulikoro en 1907. La chronique des débits du Niger à cette station constitue avec celle du Sénégal à Bakel, l'information intégrée la plus complète que l'on ait sur les variations hydroclimatiques de l'Afrique de l'Ouest depuis le début du siècle.; à cette station, la superficie du bassin versant est de 120 000 km², dont seulement un cinquième au Mali. Le débit moyen interannuel calculé sur 83 ans est de 1420 m3 s-1 soit un module spécifique (ramené à l'unité de surface) de 11,8 l s-1 km-2. Avec une hauteur de précipitation interannuelle estimée à 1500 mm et une lame d'eau écoulée de 370 mm, le coefficient d'écoulement moyen atteint 25%; la reprise par évaporation serait de 1130 mm (Brunet - Moret et al, 1986, + 10 années). Les maximums de crue ont été observés en 1924 et 1925 avec 9409 et 9669 m3s-1, la dernière grande crue ayant été observée en 1967 avec 9344 m3s-1; la valeur médiane de l’étiage était pour 73 ans de mesures (avant le barrage de Sélingué ) de 25 m3s-1.

Une dernière station importante, Ke Macina, permet de calculer les entrées du Niger dans son delta intérieur. Le bassin fait 141 000 km² ; les modules ont perdu de 250 à 50 m3s-1suivant les années ; depuis Koulikoro, il n’y a plus d’apports significatifs mais déjà des conditions d’intense évaporation sur les surfaces mouillées et surtout les prélèvements pour irrigations, Station Janv Fev Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept Oct Nov Déc Année Niger à

Kouroussa

52.6 25.4 13.5 8.76 12.3 57.4 180 414 682 595 299 112 232 Niandan à

Baro

49.1 26.3 17.0 14.6 30.5 108 257 464 679 544 282 103 215 Milo à

Kankan

35.2 20.0 14.4 16.0 29.2 81.6 229 439 599 412 179 70 177 Niger à

Siguiri

200 103 58.6 44.0 67.1 231 804 2054 3304 2708 1244 454 948

en moyenne pour l’ensemble, 135 m3s-1 soit environ 10% de l’apport initial. Le module est de 1207 m3s-1sur la période 1952-1990.

Le bassin supérieur est complété par le tributaire le plus important de la zone : le Bani, qui ne rejoindra cependant le fleuve que dans le delta intérieur. Avant de rejoindre ces vastes zones d’inondations, il est contrôlé à la station de Douna (bassin de 101 600 km²). Sur la période 1953-1990, le module est de 419 m3s-1 soit une valeur spécifique de 4,12 l s-1 km², 3 fois moins que sur le Niger. La lame d’eau écoulée est de 130 mm, soit 10.8 % de coefficient d’écoulement. Le bassin est nettement moins arrosé (1200 mm) et les conditions d’écoulement moins favorables que sur le Niger supérieur. Le module du Bani ne représente ainsi que 11 à 41% des modules à Koulikoro suivant le type d'années considérées.

Le régime des crues

Le Niger supérieur et le Bani font l'objet d'une grande crue annuelle, caractéristique pour le Niger supérieur du régime tropical de transition alors que le Bani suit un régime tropical pur (Rodier, 1964). L'hydrogramme correspondant résulte de l'évolution progressive, au cours de la saison des pluies, du débit de base sur lequel se greffent des pointes de crues d'une durée variable. Compte tenu de la taille des bassins versants (120 000 km2 à Koulikoro pour le Niger et 102 000 km2 pour le Bani à Douna), les crues exceptionnelles ne correspondent pas obligatoirement avec les fortes averses dont la répartition spatiale est généralement limitée.

Les débits maximums annuels sont en assez bonne relation avec le volume annuel écoulé.

Pour les grands fleuves, le maximum annuel caractérise bien le régime des crues et des hautes eaux (représentant l'essentiel de l'écoulement annuel) qui correspond aux mois d'abondance pluviométrique (Olivry et al., 1998). Une étude statistique des modules et maximums de crue est donnée dans le tableau suivant.

Tableau 3.2 : Analyse fréquentielle de quelques paramètres hydrologiques observés sur le bassin du Niger (modules et maximums) (d'après Olivry et al., 1995a)

Années Humides Médian

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La conjugaison du caractère épisodique des pluies ("mousson africaine"), des faibles pentes, de la direction sud-nord des cours principaux, des sols peu perméables, de plaines d'inondations qui absorbent les excédents de crues, explique la médiocrité des puissances de crue du Niger supérieur et du Bani (médiocrité caractéristique des cours d'eau d'Afrique sèche (Rodier, 1964). Ces deux cours d'eau drainant des régions différentes (relief, précipitations...), leurs crues ne sont pas de la même puissance, ni synchrones. Le régime du Haut Niger est fortement dominé par les précipitations des hauts bassins guinéens, alors que les précipitations moins abondantes sur le bassin du Bani expliquent des apports moindres.

Outre les différences absolues entre le Niger et le Bani, on verra plus loin un regroupement des valeurs actuelles dans une gamme très déficitaire ; ce thème sera développé par la suite.

Variabilité saisonnière des débits et répartition mensuelle des écoulements

Pour les deux cours d'eau, c'est le régime des précipitations qui commande la grande variabilité saisonnière des débits et induit des variations importantes de débit entre l'étiage et la crue. Pour le Niger, pendant six mois (janvier à juin), les débits des basses-eaux représentent moins de 8% du débit annuel. La remontée des débits s’annonce en mai, mais ne devient vraiment significative qu’au mois de juillet. Les coefficients mensuels de débits sont respectivement de 17, 30 et 25 % en août, septembre et octobre. Le maximum de crue a lieu généralement dans la deuxième quinzaine de septembre, soit un léger décalage par rapport au maximum des pluies en août. Plus de 80 % du volume s'écoule pendant 4 mois, entre août et novembre. La décrue, rapide et assez régulière, est caractérisée par deux phases.

La première correspond à l'épuisement des eaux de surface (ruissellement) ; la deuxième phase, qui se distingue par une diminution rapide des débits dès fin novembre, correspond à la vidange des nappes souterraines qui assurent alors exclusivement l'écoulement de surface : c'est la phase de tarissement.

L’alimentation en décrue et lors des basses eaux est principalement due au cumul des vidanges de petites nappes de versant assez semblables et caractéristiques de la géomorphologie générale de l’Afrique intertropicale ; leur recharge ne dépend que des apports par infiltration des lames d’eau précipitées (Olivry et al., 1998). Une étude complète réalisée sur 9 bassins représentatifs au Mali (Joignerez & Guiguen, 1992) a montré que certains bassins avaient une part importante de leur écoulement qui provenait d'écoulements de base retardés incluant vidange de mares et restitution de nappes (notamment au sud Mali et nord Côte d’Ivoire).

La cuvette lacustre

Vaste zone d'épandage des apports du Niger, la cuvette lacustre constituée par un delta intérieur inondable et un système complexe de lacs en rive droite et rive gauche couvre une superficie de plus de 50.000 km² ( dont 20 à 30 000 km² de plaines d’inondation) suivant un rectangle orienté SW.NE de 450 km de longueur sur 125 km de largeur

Le fonctionnement hydrologique de la cuvette lacustre du fleuve Niger est largement dépendant :

- des conditions d'écoulement exogènes, l'essentiel des ressources en eau provenant des régions beaucoup plus arrosées de l'amont et donc des régimes hydroclimatiques des bassins

- des conditions morphologiques et climatologiques propres au delta intérieur, régissant les écoulements (défluences, inondations) et le bilan hydrologique (évaporation, infiltration).

Le tableau rappelle pour trois années-type (humide, moyenne et sèche) les débits moyens annuels aux principales stations de Koulikoro, Douna et du Delta. L'année 1954 correspond à une année humide de fréquence cinquantennale ; 1968 est très voisine de la moyenne et 1985 a une fréquence cinquantennale sèche. L'examen des modules montre que les écoulements contrôlés à l'entrée du Diaka et après le confluent Mopti-Bani ont déjà perdu environ 18%, 14% et 6% des apports initiaux, suivant que l'on a une crue forte, moyenne ou faible. Les pertes sont d'autant plus importantes que les zones d'inondations augmentent, mais aussi que les défluents secondaires transfèrent des volumes plus importants. Par rapport aux entrées, les modules de Diré ont perdu environ 47%, 37% et 32%, de la crue forte à la crue faible.

Tableau 3.3: Exemples de variation des modules, de Koulikoro à Tossaye, pour trois années hydrologiquement contrastées (m3.s-1).

Station Année humide (1954)

Année moyenne (1968)

Année sèche (1985)

Koulikoro 2075 1445 915

Ke Macina 1951 1306 765

Bani Douna 926 456 150

Bani Sofara 646 382 130

Diaka Kara 642 409 255

Niger Mopti 1702 1098 604

Diré 1522 1118 619

Tossaye 1457 1033 574

Ce sont bien évidemment ces pertes et leur ampleur qui font la caractéristique hydrologique principale de la cuvette lacustre (avec l'amortissement de la crue annuelle) et, de celle-ci, la plus grand zone d’évaporation en Afrique de l'Ouest. La chronique de ces pertes annuelles exprimées en km3 a été comparée dans la figure 3.2 à celle des entrées dans la cuvette lacustre.

L'étude des pertes annuelles montre que l'on passe de 29 km3 entre les entrées et Diré pour la période humide, à 7 km3 pour la période sèche soit un rapport de 4,14 (valeurs extrêmes : 40 et 6 km3).

Pendant la période sèche (1970-1995), les apports fluviaux ont chuté de 46 % pour une baisse des précipitations de 19 % seulement.. En période humide, les sorties représentent 54 % des entrées alors qu’elles constituent 65 % des sorties en période sèche.

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y = 0.5294x - 189.33 R = 0.99 et N=23 0

200 400 600 800 1000 1200 1400

0 1000 2000 3000

Module Ké-Macina + Douna (m3.s-1) Perte delta (m3 .s-1 )

Cette étude (1991 à 1997)

Figure 3.2 : Relation entre les entrées et les pertes dans le delta intérieur du Niger (de 1955 à 1997) (Picouet, 1999)

Autrement dit, les pertes dans le delta intérieur sont moins fortes en valeur absolue mais aussi en valeur relative en année sèche. Cela est dû à ce que ces pertes ne sont que des pertes par évaporation d’autant plus élevées que les surfaces d’inondation sont grandes. Les précipitations utiles, -c’est à dire participant au bilan du delta en tombant sur les surfaces en eau, les autres étant reprises par évaporation-, ne font que compenser les pertes par infiltration qui alimentent la nappe du continental terminal de l’Azaouad qui plonge vers le N-W.

L'ensemble de ces pertes et leur ampleur constituent les caractéristiques hydrologiques principales du delta intérieur du Niger et font de celui-ci, une formidable machine évaporatoire en Afrique de l'Ouest. (Pardé, 1933).

Entre Diré et Tossaye, le Niger perd encore, en année moyenne, 2,7 milliards de m3 par évaporation.

Que sont les pertes par évaporation des plans d’eau créés par l’homme par rapport à celles d’un système naturel comme l’hydrosystème delta intérieur ?

Les figures qui suivent montrent à l’échelle mensuelle l’importance de ces pertes en km3 et en débits par comparaison aux hydrogrammes. On retiendra qu’en année moyenne c’est 30 km3 qui partent en évapotranspiration sur 60 qui sont arrivés de l’amont et que les surfaces d’inondation maximale varient de 5000 km² à plus de 30 000 km², des années les plus sèches aux plus humides. Ces superficies sont actuellement précisées par l’imagerie satellitaire à travers les travaux d’A. Mariko (2000) sur NOAHH-AVHR. (voir en annexe le traitement d’une image)

1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 0

20 40 60 80 100 en km3

PERTES ENTREES

Figure 3.3: Evolution des volumes des apports annuels du bassin supérieur en milliards de m3 (km3) mesurés sur Ké-Macina et Douna et pertes correspondantes à l'aval du Delta Central(Diré).

-4000 -2000 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000

Mai Juin Juil Aout Sept Octo Nove Dece Janv Fev Mars Avril Mois de l'année hydrologique

Perte en eau (106 m3 )

Années Humides (1962-1966) Années Sèches(1982-1986)

Figure 3.4: Moyennes interannuelles des pertes de volume en m3 dans le delta intérieur du Niger au pas de temps mensuel pour des années représentatives des périodes sèche et humide (d'après Olivry, 1995). A partir de décembre les valeurs négatives indiquent la restitution dans le réseau d’une partie des eaux stockées dans les plaines d’inondation.

Synthèse des connaissances hydrologiques et potentiel en ressources en eau du fleuve Niger Juin 2002

mai juin juil août sept oct nov c janv févr mars avr mai

Entrées

mai juin juil août sept oct nov c janv vr mars avr mai

Entrées

Figure 3.5: Comparaison des hydrogrammes d'entrée (Ké-Macina+Douna) et de sortie (Diré) du delta intérieur du Niger pour deux années contrastées (1994/95 et 1992/93)

La deuxième caractéristique de la cuvette lacustre est le lent cheminement des

écoulements avec un amortissement considérable de la crue annuelle ; celle-ci connaît donc une étalement dans l’espace et un étalement dans le temps. . Plus la crue est forte, plus elle s’étale dans l’espace des plaines d’inondation et plus elle s’étale dans le temps avec un maximum amoindri à l’aval qui apparaît plus tard dans la saison. (voir figures d’années représentatives, ci-après)

Ainsi, pendant toute la période de fort déficit hydrologique, le maximum survenait à Niamey à la mi-décembre, alors qu’en année humide le maximum n’est observé que fin janvier, début février. Les écoulements sont plus rapides lorsqu’ils restent pour l’essentiel canalisés dans le lit mineur du fleuve.

mai juin juil août sept oct nov déc janv févr mars avr

Débits journalires (m3 .s-1 )

Figure 3.6 : Amortissement des hydrogrammes de l'amont vers l'aval pour l'année hydrologique 1992-93

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000

mai juin juil août sept oct nov déc janv févr mars avr

Débits journalires (m3 .s-1 )

Ké-MAcina Douna Nantaka Akka Diré 1994-1995

Figure 3.7 : Amortissement des hydrogrammes de l'amont vers l'aval pour l'année hydrologique 1994-95