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B-2 Le racisme et l'immigration aux Etats-Unis

Le racisme découle souvent du refus de la différence et cette différence est d’origine biologique. L’aliénation s’effectue à cause d’une peur de cette différence. C’est d’ailleurs cette crainte qui conduit un raciste à perçevoir l’autre comme un monstre, un monstre à la fois grotesque et sublime. Le racisme aux Etats-Unis a toujours été une partie intégrante de l’histoire nationale puisque face à l’engouement envers le rêve américain, de nombreuses mesures politiques et sociologiques ont été prises par le gouvernement.

A cause du rejet et de l’horreur engendré par le monstre lovecraftien qui incarne l’immigré arrivé aux Etats-Unis, l’auteur a souvent été jugé comme étant raciste. Il n’hésite d’ailleurs pas à assimiler la voix du monstre invoqué par Ward dans « The Case of Charles Dexter Ward » à une catégorie ethnique qui fait partie de l’une des minorités des Etats- Unis. « These voices, before 1766, were mere mumblings and negro whisperings and frenzied screams, coupled with curious chants or invocations » (CCDW, 131). D’autre part, le culte de Cthulhu est même comparé aux croyances de ces minorités qui peuplent le pays. En effet, dans « The Call of Cthulhu », durant l’enquête menée par l’inspecteur Legrasse concernant le culte, le profil des partisans est pour le moins surprenant.

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Examined at headquarters after a trip of intense strain and weariness, the prisoners all proved to be men of a very low, mixed-blooded, and mentally aberrant type. Most were seamen, and a sprinkling of negroes and mulattoes, largely West Indians or Brava Portuguese from the Cape Verde Islands, gave a colouring of voodooism to the heterogeneous cult. But before many questions were asked, it became manifest that something far deeper and older than negro fetichism was involved. Degraded and ignorant as they were, the creatures held with surprising consistency to the central idea of their loathsome faith (CC, 139).

Non seulement leurs origines sont explicitement nommées, mais en plus ils sont presentés comme des personnages dont les facultés mentales sont méprisées à travers l’expression « mentally aberrant type ». Le fait de lier le culte impie de Cthulhu aux diverses croyances de ces ethnies démontre la vision pervertie par la peur de Lovecraft qui voit dans cette présence d’étrangers sur le territoire une menace équivalant presque à celle de Cthulhu. Pourtant

Toutefois, son intérêt envers Hitler était connu de tous et il déduit que les régimes fascistes européens de l’époque reflètent le seul moyen de ne pas sombrer dans ce qui a été prédit par Spengler concernant la dégénérescence des cultures causée par la démocratie. Il décrit d’ailleurs le système politique et social idéal qu’il imagine à travers la cité des exraterrestres dans « The Shadow Out of Time », où les extraterrestres portent d’ailleurs un nom bien explicite, à savoir « The Great Race ».

The Great Race seemed to form a single loosely knit nation or league, with major institutions in common, though there were four definite divisions. The political and economic system of each unit was a sort of fascistic socialism, with major resources rationally distributed, and power delegated to a small governing board elected by the votes of all able to pass certain educational and psychological tests. Family organisation was not overstressed, though ties among persons of common descent were recognised, and the young were generally reared by their parents (SOT, 399).

Au niveau financier, Lovecraft estime donc ici que le socialisme fasciste est en mesure de se débarasser des maux causés par le capitalisme. Et bien que le racisme puisse en choquer plus d’un de nos jours, il n’était en général pas perçu de manière négative à l’époque de Lovecraft. Il faut savoir que certains envisagaient les Anglo-Saxons comme supérieurs sans que cela puisse outrer quiconque durant les années vingt et trente. Ceci est d’autant plus vrai pour la région de la Nouvelle-Angleterre, racine du pays, où les « véritables » Américains détiennent le pouvoir.

Pour beaucoup, l’anxiété et l’épouvante présentes dans les écrits de Lovecraft se traduisent donc parfois à travers la xénophobie et le racisme. La figure du monstre peut en effet faire référence à la phobie connue de Lovecraft envers les Noirs. L’hybridité du

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monstre fait écho au métissage de l’Amérique qui, selon Lovecraft, est envahie par l’immigration. Le caractère extraterrestre des monstres lovecraftiens est peut-être un moyen d’illustrer l’autre en tant qu’individu envahisseur. Dès lors, son écriture devient « un acte de vengeance contres ces oppresseurs imaginaires » (2003, Schnabel, 89).

Le caractère hybride des habitants d’Innsmouth vu précédemment et oscillant entre l’homme et l’animal est sans doute synonyme de l’incompétence des Etats-Unis, selon Lovecraft, à faire intégrer les immigrants à la nation américaine, pourtant sensées promouvoir le rêve américain de la réussite. De plus, cette xénophobie est marquée par un paysage où s’engouffre impunément l’étranger. « His oddities certainly did not look Asiatic, Polynesian, Levantine, or negroid, yet I could see why the people found him alien. I myself would have thought of biological degeneration rather than alienage. » (SOI, 314). Cette fois, Lovecraft effectue une comparaison des minorités du pays et de ses propres monstres en se basant sur l’apparence. Il met à l’écart l’étranger à tous les niveaux. C’est en cela que Lovecraft sublime parfois ses paysages. En effet, il n’y intègre pas les étrangers. C’est le cas lorsqu’il relate le fait qu’Innsmouth rejette tout étranger. « Foreigners seldom settled there, and there was some discreetly veiled evidence that a number of Poles and Portuguese who had tried it had been scattered in a peculiarly drastic fashion. » (SOI, 310).

Toutefois l’affirmation selon laquelle Lovecraft est un raciste a beson d’être nuancée, surtout lorsque l’on sait qu’il a épousé une juive21

et choisi pour agent littéraire un juif. D’ailleurs, Long précise que « Tout en respectant la valeur des autres cultures, il désirait préserver la culture de la Nouvelle-Angleterre de l’attaque des traditions et façons de vivre étrangères. C’était un traditionnaliste, un adorateur du passé, et non pas un raciste fanatique. » (Long, 122). La vision de Lovecraft demeure ainsi trouble et cette divergence d’opinions sur son racisme révèle la multiplicité des interpréations possibles de son œuvre.