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Chapitre 2 – Facteurs psychosociaux et troubles cognitifs

2.1 Stress et troubles cognitifs .1 Définition

2.1.4 Mécanisme potentiel : l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS)

2.1.4.3 Axe HHS et maladie d’Alzheimer

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Figure 4. Schéma de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Tiré de Rothman M. et Mattson MP (201).

2.1.4.2 Régulation de l’axe HHS durant le vieillissement (202)

L’étude de l’axe HHS et des GC a été principalement réalisée chez les rats. Chez ces derniers, le vieillissement s’accompagne, d’une part, d’une hypersécrétion de GC liée à une incapacité à terminer le processus de stress au niveau de l’hippocampe et d’autre part, d’une diminution des récepteurs aux GC, notamment des MR au niveau des neurones de l’hippocampe et plus particulièrement dans la région CA3. La région CA3 contient une importante concentration de récepteurs à GC, MR et RG. Cette diminution semble liée à la mort des neurones de l’hippocampe. L’hypersécrétion de GC causerait une altération de l’hippocampe rendant la régulation de l’axe HHS moins efficace, altérant par conséquent la réponse au stress. Cette théorie est connue sous le nom d’hypothèse de la cascade glucocorticoïde.

2.1.4.3 Axe HHS et maladie d’Alzheimer

Le stress serait-il la cause ou la conséquence de la MA ? La question n’est pas encore élucidée certainement parce que le stress peut jouer les deux rôles. La MA est d’origine multifactorielle et le stress n’est bien entendu pas le seul facteur impliqué dans son développement.

Une récente publication propose une revue de la littérature, issue principalement de la recherche animale, faisant le lien entre le stress chronique et la MA avec un focus particulier sur l’hippocampe, siège de la mémoire, altéré lors de la MA (201) (figure 5).

Il s’avère que le stress chronique et la MA partagent un certain nombre d’effets sur le cerveau et leurs effets respectifs pourraient être cumulatifs. Le stress chronique augmenterait le déclin des fonctions cognitives et ce, même chez les sujets atteints de la MA. Par ailleurs, le stress chronique favoriserait l’amyloïdogenèse en agissant directement sur la transformation de l’APP ce qui engendrerait une accumulation de la protéine A!, une des caractéristiques principales de la MA. Le stress semble exacerber les caractéristiques cognitives et biochimiques de la MA. Les études expérimentales tendent à montrer que le cerveau des sujets atteints de la MA est particulièrement vulnérable aux effets d’un stress chronique qui passe par la dérégulation de l’axe HHS. Cependant, les voies par lesquelles le stress promeut la pathogenèse de la MA sont inconnues.

Des niveaux élevés de GC, associés à un stress chronique et à l’activation de l’axe du stress, ont été associés à l’altération de la mémoire ; or, les niveaux de cortisol endogènes sont élevés chez les sujets MA. Ceci a conduit à émettre l’hypothèse que la MA engendrerait une dérégulation de l’axe HHS entraînant ainsi une augmentation de la sécrétion de cortisol, qui a été associée aux troubles mnésiques. Comme évoqué plus haut, l’hippocampe régule directement l’axe du stress. L’hypothèse est donc que dans la MA, une augmentation des plaques A! dans l’hippocampe engendrerait la désinhibition de l’axe HHS conduisant à l’augmentation des niveaux basaux de glucocorticoïdes, qui, à leur tour, peuvent promouvoir la production accélérée d’A! et une diminution de sa dégradation dans la MA. Les effets du stress chronique s’ajouteraient donc aux effets de la MA et précipiteraient alors les sujets vers la démence.

Les GC exercent leur effet au travers de deux types de récepteurs : les MR et les RG. Quand le taux de GC augmente, comme dans le cas d’un stress chronique, les récepteurs RG sont activés. Il est donc suggéré que l’effet négatif des GC passerait préférentiellement par les RG que par les MR. L’activation relative des récepteurs pourrait expliquer comment les GC régulent la potentialisation à long terme (PLT), impliquée dans les fonctions de mémoire et d’apprentissage. Dans la MA, il est possible que l’augmentation des niveaux de GC circulants soit liée à la perte des neurones exprimant les RG. L’augmentation de l’expression des RG dans l’hippocampe après un stress chez des modèles animaux transgéniques de la MA pourrait indiquer une réponse aberrante de mort ou de dégénération des neurones de la région CA1 et pourrait expliquer la modification des réactions au stress dans la MA.

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Un autre mécanisme pourrait impliquer la plasticité hippocampique. La MA et le stress chronique altèrent la plasticité au niveau de l’hippocampe en diminuant et remodelant les dendrites et en altérant la neurogenèse et la PLT et par conséquent l’apprentissage et la mémoire.

Un réagencement des dendrites sous forme d’épines dendritiques réduites ou rétractées survient dans la région CA3 de l’hippocampe après un stress chronique. La réduction des dendrites semble être liée à une diminution du nombre de synapses dans l’hippocampe. Un phénomène similaire est également observé dans la MA. Plusieurs études ont montré que les dépôts d’A! conduisaient à l’altération des épines dendritiques et à une diminution du nombre de synapses dans la MA. Cependant, il est possible que l’A! n’agisse pas directement sur la morphologie des dendrites mais par le biais de l’augmentation des GC observée dans la MA. L’inhibition de la neurogenèse engendre des troubles de la mémoire spatiale et contextuelle, suggérant un rôle direct de la neurogenèse dans le maintien des fonctions mnésiques normales. Or, le stress chronique engendre une diminution de la neurogenèse dans l’hippocampe et la vulnérabilité au stress serait plus importante chez les sujets âgés. Par ailleurs, il est envisagé que le stress favorise l’apoptose des neurones nouvellement créés dans l’hippocampe. Puisque une diminution du volume de l’hippocampe a été observée suite à un stress négatif, mais aussi suite à une dépression et à la MA, il semble que ces pathologies s’accompagnent à la fois d’une diminution de la neurogenèse et d’une augmentation de la mort neuronale. La MA s’accompagne d’une perte neuronale dans la région CA1 de l’hippocampe, mais son influence sur la neurogenèse est encore débattue. Cependant, il est probable que le stress exacerbe les effets de la MA sur la neurogenèse.

La potentialisation à long terme (PLT), renforcement durable des synapses entre deux neurones activés simultanément, est considérée comme un probable candidat en tant que mécanisme neuronal sous-tendant la mémoire et l’apprentissage. Plusieurs études ont montré que la PLT de l’hippocampe était diminuée en cas de stress. Cet effet du stress passe probablement par la libération de GC. La relation entre les taux de corticostérones et la PLT suit une courbe en U inversée. De très faibles taux de corticostérones réduisent la PLT ; des taux intermédiaires sont requis pour une PLT normale et des niveaux très élevés altèrent la PLT. Il est à noter que la relation entre le stress chronique et la fonction cognitive suit la même courbe : un manque de stimulation a des effets négatifs sur la fonction cognitive ; de petites stimulations telles que l’exercice physique ont des effets positifs sur la mémoire ; a

contrario des stimulations très stressantes ont des effets négatifs sur la fonction cognitive. Une altération de la PLT a également été observée dans les modèles animaux de la MA qui commencerait précocement, avant même l’accumulation des plaques amyloïdes. L’altération de la PLT liée à l’A! dans la MA pourrait être exacerbée par le stress.

Les effets décrits précédemment pourraient être le résultat de dysfonctionnements des mécanismes de stress oxydatif, de stress métabolique ou des facteurs neurotrophiques.

Le stress chronique et la MA sont tous les deux associés au stress oxydatif. Dans la MA, l’accumulation d’A! et de neurofibrilles est associée à une augmentation du stress oxydatif. L’agrégation d’A! au niveau des synapses induit la formation de dérivés réactifs de l’oxygène engendrant une peroxydation des lipides membranaires ainsi que l’oxydation des protéines membranaires. Le stress a les mêmes conséquences. Cependant, chez les sujets atteints de la MA, l’effet du stress multiplierait par trois les effets du stress oxydatif. Il est possible que l’augmentation précoce d’A! dans la MA ainsi que l’élévation des taux de GC soient responsables du stress oxydatif dans le cerveau. L’addition d’un stress chronique augmente les taux de GC et exacerbe les dommages oxydatifs sur les neurones.

Chez les sujets MCI et MA, le métabolisme énergétique cellulaire est diminué dans les régions impliquées dans la cognition et notamment dans l’hippocampe et ses structures associées. Si la perte neuronale participe largement à la diminution de l’activité métabolique cellulaire, des études suggèrent que la capacité des neurones à générer efficacement de l’énergie est altérée dans les neurones bien avant la mort cellulaire et le début des symptômes cognitifs. Ce serait notamment le cas de la fonction mitochondriale. Le stress négatif peut mettre en danger les neurones en altérant le métabolisme énergétique dans les neurones même, mais aussi dans les cellules périphériques. Le taux de GC atteint pendant un stress chronique peut inhiber le transport du glucose dans les neurones, un processus qui peut contribuer au déficit énergétique, ce qui de fait augmente la vulnérabilité des neurones aux effets de l’âge et de la MA.

Les études montrent que le système nerveux normal répond à des niveaux modérés de stress en améliorant sa capacité à supporter des stress plus sévères, notamment grâce aux facteurs neurotrophiques. L’expression des facteurs neurotrophiques est supprimée dans des conditions de stress négatif chronique. Dans des modèles murins de la MA, le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF pour Brain-Derived Neurotrophic Factor) est diminué dans l’hippocampe, suggérant une diminution de la production et du transport des

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neurotrophines dans la MA. La diminution du BDNF dans la MA peut avoir de nombreux effets puisque cette neurotrophine est impliquée dans plusieurs processus gouvernant le réseau neuronal. De plus, le BDNF protège les neurones contre les dommages causés par les stress oxydatif, métabolique ou excito-toxique. Le stress négatif et le vieillissement diminuent l’expression des facteurs neurotrophiques. Des études suggèrent que vivre un stress négatif pendant l’enfance pourrait mettre en danger le cerveau pendant le vieillissement. Il est possible que les changements de l’expression basale de BDNF survenant dans l’hippocampe lors du vieillissement normal et de la MA rendent les cellules cérébrales vulnérables aux effets négatifs du stress chronique sur les voies de signalisation des neuro-protecteurs. Spécifiquement, le BNDF sert de médiateur dans la formation de la mémoire via la PLT. Les animaux sujets à un stress négatif chronique ont des niveaux de BDNF réduits dans les neurones de l’hippocampe, suggérant un effet négatif du stress chronique sur la capacité des neurones à se protéger contre les maladies et les blessures.

! Figure 5. Voies par lesquelles la MA et le stress chronique pourraient conduire aux déficits cognitifs

2.1.5 Conclusion

Même si toutes les études ne vont pas le sens d’une association entre les EVS et la démence, un faisceau d’arguments notamment biologiques permet néanmoins de penser qu’une relation est probable. À ce jour, la plupart des études ont été conduites dans les pays industrialisés. Peu se sont intéressées à cette question sur le continent africain. Notre travail de thèse va contribuer à pallier ce manque d’information.

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