• Aucun résultat trouvé

L’INTÉGRATION SENSORIELLE AUPRÈS DE PATIENTS

65avant de s’intéresser, dans un second temps, aux activités créatrices,

manuelles ou pratiques. Les conversations sociales se sont plutôt éta-blies à la fin des séances, une grande partie des patients évitent tota-lement un tel contact intense, en particulier au cours des premières semaines de thérapie.

L’importance des difficultés sensorielles et motrices chez les patients schizophrènes se réduit pour presque la moitié au cours des quatre pre-mières semaines de thérapie. Une observation détaillée montre ici que seul un patient n’avait pas changé au cours des quatre semaines de thé-rapie ; tous les autres présentaient une diminution des difficultés senso-rielles et motrices.

D’autre part, on a examiné si les modifications sensorielles et motrices sont en relation avec l’utilisation des activités de l’IS. On a constaté une corrélation significative entre les améliorations sensorielles et motrices et l’utilisation des activités d’IS au cours de la première semaine de thé-rapie (r = .442 ; p<.05). Un examen détaillé montre que cette corrélation se maintient en ce qui concerne l’utilisation des activités permettant une stimulation tactile et proprioceptive (r = .407; p<.05). Par contre, aucune relation n’a été constatée entre les améliorations et l’utilisation du maté-riel de détente vestibulaire et de diminution de l’agressivité.

Globalement, les résultats confirment les bénéfices des traitements en IS pour les patients psychotiques. Les activités d’IS sont intensément uti-lisées par les patients schizophrènes, des préférences individuelles appa-raissent déjà au cours de la seconde semaine envers les activités qui sont considérées comme utiles par les différents individus. Visiblement, les patients apprennent de façon relativement rapide comment pouvoir uti-liser le matériel d’IS de manière à pouvoir se consacrer de façon renfor-cée à d’autres activités ou à l’environnement social. Les patients utili-sent en partie de façon tout à fait consciente les activités d’IS pour améliorer leur concentration et leur persévérance : ils insèrent toujours de courtes pauses dans leurs activités, au cours desquelles ils « refont le plein» en utilisant brièvement différentes activités d’IS avant de reprendre leurs activités.

Comme escompté, la durée des activités créatrices, manuelles et pra-tiques s’accroît nettement au cours de la thérapie, ce qui atteste que les patients schizophrènes peuvent participer de façon accrue au traitement.

66

Ce résultat est particulièrement intéressant si l’on considère qu’il s’agit de patients schizophrènes psychotiques aigus qui étaient en partie encore atteints de façon importante de confusion mentale, d’hallucinations, de troubles du moi et d’une désorganisation cognitive considérable.

Ces patients auraient certainement été surmenés par une prise en charge caractérisée uniquement par des activités en ergothérapie classique.

Les activités d’IS créent même ici la possibilité que ces patients puis-sent participer à une telle thérapie de groupe ouvert. L’augmentation de la durée des conversations sociales peut également être considé-rable : les contacts sociaux sont très difficiles pour les patients psy-chotiques aigus en raison de leurs troubles d’assimilation des infor-mations et de leur vécu psychotique. C’est pourquoi ils se retirent encore de façon importante au début du traitement. Dans la présente étude, environ le tiers des patients n’ont absolument pas participé à des conver-sations sociales au cours de la première semaine de traitement, alors que la proportion s’est inversée à un sixième des patients lors de la der-nière semaine d’étude. L’expérience a montré que les patients schizo-phrènes les plus fortement atteints ne souhaitent pas participer à la phase initiale. Après l’utilisation des activités d’IS, non seulement ils participent plus activement à cette première phase, mais ils sont éga-lement en mesure de mieux rendre compte de leurs expériences dans la phase finale.

En synthèse, les données recueillies attestent que l’amélioration des indicateurs sensoriels et moteurs de patients schizophrènes pendant les quatre premières semaines de traitement est en partie due à l’utilisation des activités d’IS.

DESCRIPTION D’UN TRAITEMENT

Madame P., 23 ans, est issue d’une famille modeste. Elle a suivi l’école primaire et le col-lège. Elle a redoublé deux classes et quitté l’école sans diplôme. Elle dit ne « pas avoir de goût pour l’école ». Elle passe de longues nuits à traîner dans les discos. Elle commence alors un apprentissage de coiffeuse qu’elle interrompt lors de sa troisième année de forma-tion. Entre-temps, elle travaille comme serveuse. Elle finit par travailler à l’aéroport dans le domaine de la sécurité à l’enregistrement des passagers. Actuellement, Madame P. en est à sa troisième hospitalisation dans notre établissement. Pendant plusieurs semaines elle ne dort que quatre heures par nuit. Finalement, son chef l’interpelle et lui dit qu’elle n’est plus en mesure d’assurer le service d’équipe de douze heures, sur quoi elle fait une crise de nerfs.

Au début du traitement, Madame P. apparaît tendue et labile sur le plan émotionnel. Elle est très instable et ne peut pratiquement pas rester tranquille. Elle est très exigeante vis-à-vis du

67 personnel. Elle exprime des idées bizarres, par exemple qu’elle serait chanteuse, danseuse ou

« showmaster » à Hollywood, qu’elle est la fille de Whitney Houston et de Bobby Brown, qu’elle vit à Beverley Hills et que son mari A. Kelly viendra prochainement la chercher.

Elle indique qu’elle entend des voix qui lui donnent des ordres, par exemple de se dépêcher.

De temps en temps on observe comment elle répond à ces voix, par exemple en se parlant à elle-même à haute voix. Lorsque des demandes lui sont adressées, Madame P. a un comporte-ment enfantin. Son humeur varie entre des plaintes et une attitude agressive. Par son habille-ment et son maquillage, Madame P. est très excentrique. Elle porte des vêtehabille-ments extrava-gants, très sexy, et des chaussures à hauts talons dans lesquelles elle ne peut pratiquement pas marcher. D’autre part, malgré des températures estivales, elle porte plusieurs vêtements les uns sur les autres. Elle ne les change que rarement et elle les mouille chaque nuit.

DÉROULEMENT DU TRAITEMENT

Madame P. a été suivie en thérapie pendant trois mois. À partir du 12ejour, elle participa à la thérapie de groupe en ergothérapie cinq fois par semaine pendant deux heures.

Les observations de comportement pendant la première semaine de traitement sont résu-mées comme suit : sa démarche est incertaine, elle traîne légèrement les pieds, elle s’en-couble et trébuche fréquemment, son attitude corporelle est relâchée, le haut du corps est courbé. Madame P. agit de façon instable et nerveuse. Ses mouvements sont brutaux, sacca-dés et trop amples. Il lui est difficile de maintenir l’équilibre et une tension musculaire appropriée. En conséquence, elle doit s’appuyer souvent, même en étant immobile. Si momentanément des réactions d’appui lui manquent, elle se laisse tomber sans coordination, comme si elle cherchait à s’asseoir. On peut observer que Madame P. se balance, palpe son corps ou caresse des objets comme par hasard. Les contacts sociaux lui sont très difficiles.

Malgré des températures estivales, elle se présente aux séances de thérapie, avec des gants ; elle évite les activités qui pourraient lui salir les doigts. Néanmoins, si elle les entreprend, elle n’utilise que le bout des doigts et se lave fréquemment les mains. Elle évite les contacts corporels et les matériaux mous. Simultanément, Madame P. présente une faible sensibilité à la douleur. Les activités motrices grossières et précises présentent pour elle des difficultés.

Madame P. agit de façon malhabile et empotée, se cognant fréquemment aux bords et aux angles. La concentration et la persévérance sont initialement très réduites. Madame P. peut au maximum se consacrer 5 minutes à une activité. Les contacts avec d’autres patients sont rendus difficiles, étant donné qu’elle est fréquemment distraite et a des difficultés à se démarquer des stimulations extérieures. Elle a des pensées discontinues et exprime des idées délirantes. Elle est très rapidement épuisée lors de ses activités, elle s’effondre au moindre insuccès et est alors verbalement agressive. Seules des activités de la vie quotidienne telles que le nettoyage et le lavage paraissent un peu la stabiliser.

Au cours de la première semaine de thérapie, Madame P. s’est fréquemment immergée dans le bain de petites balles, dans lequel elle est entrée profondément pour s’y coucher et trouver un peu de tranquillité. Elle a utilisé le bain de petites balles pendant 5 minutes à chaque séance. Elle était ensuite plus apte à se consacrer à de nouvelles activités.

À partir de la seconde semaine de traitement en ergothérapie, les bercements dans le hamac et la chaise à bascule ont été la principale activité. Madame P. a aussi utilisé des coussins lourds avec lesquels elle se couvre le bassin. Elle se laisse passivement bercer par le théra-peute et d’autres patients, ultérieurement elle utilise une corde pour contrôler elle-même l’intensité de la stimulation. Dans les séances, Madame P. passe alors fréquemment d’activi-tés de détente vestibulaire à des jeux sportifs tels que le ping-pong et les fléchettes.

Son contact avec les autres patients s’améliore, elle devient plus attentive et réagit mieux à la présence des autres membres du groupe.

68

Au cours des semaines suivantes, elle utilise fréquemment la chaise à bascule. Elle apprend à stimuler les balancements par déplacement du corps. Elle se procure des informations senso-rielles tactiles en plaçant un ventilateur à proximité de la chaise à bascule et en laissant l’air frais souffler sur son visage. Progressivement, Madame P. se confronte à d’autres matériels créatifs. Elle coud avec l’aide de la thérapeute un coussin de haricots qu’elle emporte la semaine suivante dans un sac de jute. Elle travaille l’argile et décore deux foulards de soie.

Elle accomplit des activités cognitives telles que la lecture de revues ou la tenue d’un journal personnel. Elle réalise sous sa propre responsabilité des activités de la vie quotidienne en suivant une meilleure planification. Sa présence à l’atelier augmente de trente à quarante minutes. Elle peut même participer de façon adaptée à des conversations.

Elle continue à beaucoup apprécier les activités d’IS. Elle envisage, après son séjour à l’hô-pital, d’acquérir un hamac et de continuer à l’utiliser chez elle pour se détendre.